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Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20100811

Dossier : A‑253‑10

Référence : 2010 CAF 209

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

a

En présence du JUGE EVANS

 

ENTRE :

ALPHA TRADING MONACO SAM

appelante

et

LE NAVIRE « SARAH DESGAGNES » et

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE

« SARAH DESGAGNES » et TRANSPORT DESGAGNÉS INC. et PETRO‑NAV INC.

intimées

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties motifs du jugement

 

Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario), le 11 août 2010

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR : LE JUGE EVANS

 


Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20100811

Dossier : A‑253‑10

Référence : 2010 CAF 209

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence du JUGE EVANS

 

ENTRE :

ALPHA TRADING MONACO SAM

appelante

et

LE NAVIRE « SARAH DESGAGNES » et

LES PROPRIÉTAIRES ET TOUTES LES AUTRES PERSONNES AYANT UN DROIT SUR LE NAVIRE

« SARAH DESGAGNES » et TRANSPORT DESGAGNÉS INC. et PETRO‑NAV INC.

intimées

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE EVANS

[1]               Je suis saisi d’une requête écrite déposée par l’appelante en application de l’article 369 des Règles des Cours fédérales en vue d’obtenir un sursis de l’exécution d’un jugement de la Cour fédérale en attendant la décision de la Cour d’un appel de ce jugement.

 

[2]               Dans le jugement faisant l’objet de l’appel, le juge Harrington (juge) a ordonné à l’appelante de procéder à la mainlevée du navire de l’intimée, « Sarah Degagnés », de son état de saisie conservatoire en Belgique où il est détenu pour garantir une créance de l’appelante dans une procédure en Italie contre l’affréteur par sous-traitance du navire, une société italienne (MFN), pour des factures impayées pour des services de mise en soute fournis au navire « Sarah Dagagnés » à divers endroits à la demande de MFN.

 

[3]               MFN a ensuite fait faillite. La loi en Belgique semble autoriser la saisie d’un navire pour garantir une créance pour des fournitures commandées par un affréteur à temps dans des circonstances où le droit canadien n’existe pas.

 

[4]               Le juge a accordé l’ordonnance à l’instance des intimées, du navire, de ses propriétaires et de son affréteur à long terme, qui a demandé une injonction interlocutoire interdisant les poursuites en vue d’obtenir la mainlevée du navire. Il a conclu que l’action de l’appelante était abusive et vexatoire parce que le navire avait obtenu antérieurement la mainlevée d’une saisie au Canada sous réserve que ses propriétaires s’engagent à déposer une garantie d’exécution; que l’appelante avait modifié unilatéralement sa déclaration dans son action canadienne de manière à la limiter à une des onze factures pour des services de mise en soute invoqués antérieurement; et que l’appelante avait saisi ensuite le navire de nouveau en Belgique au titre de garantie de sa demande portant sur les dix autres factures.

 

[5]               Vu l’urgence de cette affaire, mes motifs seront brefs. Je suis d’avis qu’un sursis est approprié en fonction des faits de l’espèce; afin de réduire au minimum le préjudice causé aux intimées, l’appel du jugement de la Cour fédérale procédera par instruction accélérée.

 

[6]               Afin d’obtenir le sursis, l’appelante doit répondre au critère à trois volets formulés dan RJR‑MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 : qu’il existe une question sérieuse à juger, que le refus du sursis est susceptible de causer un préjudice irréparable à l’appelante et que, la prépondérance des inconvénients penche en faveur d’une ordonnance en sursis en attendant l’issue de l’appel.

 

[7]               L’existence d’une question sérieuse constitue une condition relativement facile à remplir. La question centrale en appel consiste à savoir si le juge a commis une erreur lorsqu’il a conclu que la saisie par l’appelante du navire « Sarah Desgagnés » en Belgique était aussi abusive et vexatoire de manière à justifier l’ordonnance de sa mainlevée.

 

[8]               À l’appui de sa thèse selon laquelle la conclusion est erronée, l’appelante soutient, entre autres, qu’elle avait droit de tirer avantage d’un recours juridique dont elle pouvait se prévaloir en vertu de la loi belge afin d’obtenir une garantie pour la créance qu’elle poursuivait à bon droit contre MFN devant un tribunal italien; que le juge a commis une erreur lorsqu’il a conclu que l’appelante avait acquiescé à la compétence de la Cour fédérale en signifiant une déclaration in rem contre le navire « Sarah Desgagnés » et la saisissant en lien avec les onze services de mise en soute lorsqu’elle avait déjà intenté une procédure contre MFN et le navire en Italie; et le juge aurait dû avoir effectué analyse forum non conveniens avant de parvenir à sa conclusion.

 

[9]               Je ne sais évidemment pas si un ou plusieurs des arguments de l’appelante prévaudront lorsque l’appel contre l’injonction interlocutoire interdisant les poursuites sera instruit. Toutefois, en fonction des observations de l’appelante et de la réponse très brève de l’appelante à cet aspect du critère établi dans RJR‑MacDonald, je conclus qu’il existe une question sérieuse à juger dans l’appel et que le premier volet du critère est donc rempli.

 

[10]           L’appelante invoque principalement deux considérations pour établir qu’elle est susceptible de subir un préjudice irréparable si le sursis n’est pas accordé. En premier lieu, si la mainlevée est accordée au navire « Sarah Desgagnés », il quittera la Belgique et n’y retournerait pas. En l’absence du dépôt d’une garantie d’exécution auprès d’un tribunal belge par les intimées, l’appelante perdrait donc sa garantie si sa demande est accueillie en Italie contre MFN. En outre, puisque MFN a fait faillite, tout jugement rendu contre elle obtenu par l’appelante ne serait donc pas satisfait. En deuxième lieu, si le navire obtient maintenant une mainlevée, l’appel de l’appelante contre l’ordonnance du juge sera rendu inopérant. Elle aurait effectivement été dépourvue de son droit d’appel.

 

[11]           Je suis d’avis que cela suffit pour établir que l’appelante est susceptible de subir un préjudice irréparable si le navire « Sarah Desgagnés » obtient une mainlevée avant l’issue de l’appel. Le fait que les intimées ont déposé une garantie d’exécution auprès de la Cour fédérale concernant leur responsabilité possible est sans importance.

 

[12]           En ce qui concerne la prépondérance des inconvénients, l’appelante soutient qu’elle subirait un préjudice plus important que celle que subiraient les intimées si un sursis était accordé. En effet, l’appelante soutient que tout préjudice financier et causé à la réputation que pourraient subir les intimées en raison de la saisie continue de leur navire peut être indemnisé au moyen de dommages‑intérêts s’ils obtenaient gain de cause sur le fond de la réclamation de l’appelante contre elles.

 

[13]           Les intimées soulèvent plusieurs points en réponse. En premier lieu, elles soutiennent que l’appelante avait déjà manqué à l’ordonnance du juge de procéder « sans délai » à la mainlevée du navire. Je ne suis pas d’accord. Un jugement de la Cour fédérale ne devrait pas être interprété ni considéré comme refusant à une partie la possibilité concrète d’exercer son droit d’appel devant la Cour. En deuxième lieu, les intimées craignent que l’appelante utilise l’appel comme mécanisme pour entraîner un retard. Cette préoccupation peut être réglée en ordonnant que l’audience de l’appel soit accélérée. En troisième lieu, les intimées soutiennent qu’il est inapproprié d’une façon quelconque pour l’appelante de chercher à tirer avantage de ce qu’elles décrivent comme une [traduction] « anomalie » en droit belge. Toutefois, il convient mieux d’enquêter sur cette question dans l’appel de l’ordonnance du juge.

 

[14]           Les intimées soutiennent subsidiairement que si un sursis est octroyé, il devrait être sous réserve d’un dépôt de 2,5 millions de dollars par l’appelante auprès de la Cour au titre de contre‑sûreté pour les dommages subis par les intimées en raison de leur omission de procéder à la mainlevée du navire « Sarah Desgagnés » de son état de saisie conservatoire en Belgique. Je suis d’accord avec l’appelante pour dire qu’une telle condition n’est pas fondée en l’espèce.

 

[15]           Pour ces motifs, j’octroierais le sursis demandé par l’appelante et j’ordonnerai que l’appel soit entendu promptement.

 

 

 

« John M. Evans »

j.c.a.

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