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Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20100708

Dossier : A‑221‑09

Référence : 2010 CAF 181

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

JOHN P. FARRELL

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

Demande jugée sur dossier, sans comparution des parties

 

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 8 juillet 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                               LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LA JUGE SHARLOW

                                                                                                    LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 


Cour d’appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20100708

Dossier : A‑221‑09

Référence : 2010 CAF 181

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

                        LE JUGE STRATAS

                       

 

ENTRE :

JOHN P. FARRELL

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE STRATAS

 

[1]               Il s’agit du contrôle judiciaire d’une décision de la Commission d’appel des pensions, datée du 1er décembre 2008. La Commission a rejeté la demande de prestations d’invalidité présentée par le demandeur en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑9 (le Régime).

 

[2]               Aux termes du Régime, seul le requérant dont l’invalidité est « grave » et « prolongée » à une date particulière, soit le dernier jour de la « période minimale d’admissibilité », a droit aux prestations d’invalidité.  Le législateur a choisi de définir le terme « grave » de façon étroite, ne suivant pas ainsi la définition plus large des dictionnaires.

 

[3]               Selon les définitions des dictionnaires, le demandeur a sans nul doute connu des souffrances et des problèmes de santé graves. La Commission et la Cour ont toutefois l’obligation de tenir compte des termes définis dans le Régime par le législateur, et non des définitions des dictionnaires. Au sous‑alinéa 42(2)a)(i) du Régime, le législateur a prévu qu’une invalidité est grave seulement si « elle rend [le requérant] régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » à la fin de la « période minimale d’admissibilité ».

 

[4]               La Commission a jugé que l’invalidité du demandeur n’était pas couverte par les termes choisis par le législateur. Dans la présente demande, la Cour est obligée de faire preuve de retenue : elle est restreinte à l’examen de la question de savoir si la décision de la Commission est raisonnable, en ce sens qu’elle appartient aux issues possibles et acceptables – eu égard au libellé du sous‑alinéa 42(2)a)(ii) – pouvant se justifier au regard des faits et du droit.

 

[5]               Je conclus que la décision de la Commission est raisonnable et je rejetterais la demande.

 

A.        Les faits

 

(1)        L’accident et la blessure

 

[6]               En 1994, le demandeur a obtenu un emploi d’opérateur de concasseur à la mine Eskay Creek. Lors de sa première journée de travail à la mine, il a glissé sur un plancher de ciment mouillé et est tombé à la renverse en mettant sa main droite derrière lui, dans une tentative d’amortir sa chute. Il est tombé de façon maladroite, touchant le sol avec son avant‑bras droit en position verticale et son poignet, son pouce et son index en extension. C’est ainsi qu’il s’est malencontreusement déchiré le ligament latéral interne du pouce droit, qui a été violemment tendu à outrance.

 

(2)        Résumé de l’historique des procédures

 

[7]               Le demandeur a présenté une demande de prestations d’invalidité en vertu du Régime pour cette blessure en janvier 1996 et en octobre 1999. Les deux fois, sa demande a été rejetée et, les deux fois, il a interjeté appel de la décision devant un tribunal de révision et ses appels ont été rejetés. Il a demandé le réexamen du deuxième de ces deux appels. Une série de procédures s’en est alors suivie, dont deux contrôles judiciaires par la Cour fédérale. Ces procédures ont abouti à la décision de la Commission datée du 1er décembre 2008, qui fait l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire devant la Cour. La Commission a procédé à une nouvelle audition complète de la demande de prestations d’invalidité du demandeur en fonction de l’ensemble de la preuve dont elle disposait, et a rejeté sa demande. Je traiterai plus à fond de la décision de la Commission aux paragraphes 11 à 20.

 

(3)        La période minimale d’admissibilité

 

[8]               Aux termes du paragraphe 42(2) du Régime, le requérant doit démontrer qu’il a une « invalidité » qui est « grave », en d’autres termes qu’il est « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » à la fin de la « période minimale d’admissibilité ».

 

[9]               Dans les procédures administratives décrites ci‑dessous, il a été décidé que la « période minimale d’admissibilité » du demandeur s’était terminée le 31 décembre 1997. Cette décision n’a pas été présentée à la Cour comme une question litigieuse. En conséquence, afin de recevoir des prestations d’invalidité en vertu du Régime, le demandeur devait démontrer qu’au 31 décembre 1997, il avait une « invalidité » qui était « grave », c’est‑à‑dire qui le rendait « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Il s’agissait du point central de la plupart des procédures administratives décrites ci‑dessous, y compris la décision de la Commission qui fait l’objet de la présente demande.

 

(4)        Le dossier documentaire

 

[10]           Le grand nombre de procédures administratives relatives à la présente affaire a donné lieu à un dossier documentaire considérable sur la question de savoir si, au 31 décembre 1997, le demandeur avait une « invalidité » qui était « grave », c’est‑à‑dire une invalidité qui le rendait « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » :

 

a)         Le 10 janvier 1996, le demandeur a déposé sa première demande de prestations d’invalidité. Il a écrit qu’il ne pouvait plus travailler parce que le pouce de sa main droite est [traduction] « très douloureux [lorsqu’il] le bouge ». Il a nié avoir d’autres problèmes de santé. À l’époque, il prenait des pilules Tylenol #3, deux fois par jour. Sa demande de prestations d’invalidité a été rejetée.

 

b)         Le demandeur a interjeté appel de la décision devant un tribunal de révision. Dans son témoignage, il a affirmé qu’il ne pouvait pas reprendre son travail de concasseur de roche et qu’il ne pouvait pas utiliser ou entretenir d’équipement. Cependant, il a concédé qu’il y avait d’autres types de travaux qu’il pouvait faire, comme livrer des pizzas, accomplir des travaux de nettoyage légers, servir de gardien de sécurité de nuit. À ce moment‑là, soit le 7 août 1997, le demandeur prenait soin de lui, était en mesure de tondre son gazon et marchait trois ou quatre heures par jour pour rester en forme. Se fondant sur ce témoignage, le tribunal de révision a conclu qu’il avait la capacité d’accomplir certains types de travaux. Par conséquent, pour reprendre les termes employés par le législateur au sous‑alinéa 42(2)a)(i) du Régime, il n’était pas « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice ». Il n’avait pas une invalidité « grave » au sens de cette définition étroite.

 

c)         Le 29 janvier 1998, soit quatre semaines seulement avant la fin de sa « période minimale d’admissibilité », le demandeur a repris le travail à la mine. Il devait reprendre des quarts de travail de douze heures en alternant deux semaines de travail et deux semaines de congé. Dans une lettre datée du 28 juillet 1998, la mine a déclaré que le pelletage, le martelage et les tâches comportant des vibrations constituaient un problème, et on lui a donc demandé de ralentir le travail qu’il faisait. Il était capable de conduire un chariot élévateur à fourches, mais il ne pouvait espérer obtenir un avancement au‑delà d’un poste d’opérateur de surface. En 1998, le demandeur a eu des revenus d’emploi de 40 090 $. Tous ces éléments de preuve tendent à démontrer qu’il éprouvait de grands malaises, mais non qu’il était « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » au 31 décembre 1997.

 

d)         Au début de 1999, le demandeur continuait de travailler à la mine comme opérateur de chariot élévateur à fourches. Il lui arrivait aussi de conduire des collègues de travail à l’hôpital et d’aider à pelleter la neige. Il a toutefois cessé de travailler le 25 avril 1999 à cause de la douleur dans sa main, qui enflait. Cette cessation de travail s’est produite environ seize mois après la fin de la période minimale d’admissibilité prévue par le Régime.

 

e)         Le 8 octobre 1999, le demandeur a de nouveau demandé des prestations d’invalidité en vertu du Régime. Il a déclaré qu’en date du 25 mars 1999, soit quinze mois après la fin de la période minimale d’admissibilité prévue par le Régime, il ne pouvait plus travailler à cause de son problème médical. La demande du demandeur a été rejetée et il a de nouveau interjeté appel devant le tribunal de révision.

 

f)          Le tribunal de révision a rejeté l’appel le 19 mai 2000. Il a pris note de la décision antérieure selon laquelle le demandeur n’avait aucune invalidité au sens du Régime. Il a conclu qu’il n’y avait pas de nouveaux faits permettant de penser que le demandeur serait « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » à la fin de la période minimale d’admissibilité. Il est important de souligner que le tribunal de révision ne disait pas que le demandeur était en bonne santé et qu’il n’éprouvait pas de douleurs en 2000. Loin de là. Il a plutôt dit que le demandeur n’avait pas une invalidité grave au sens que le législateur a donné à cette expression au sous‑alinéa 42(2)a)(i) du Régime.

 

g)         Le demandeur a sollicité la permission d’interjeter appel devant la Commission. La Commission a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel, faisant observer que le demandeur travaillait après la fin de la période minimale d’admissibilité. Le demandeur a alors demandé la réouverture de son dossier, invoquant l’existence de nouveaux faits, ce qui a donné lieu à une série de procédures longues et complexes. Celles‑ci ont abouti à la décision du tribunal de révision du 16 février 2005.

 

h)         Le tribunal de révision a conclu qu’il y avait un nouveau fait : le demandeur avait souffert d’une dépression grave durant la période minimale d’admissibilité. Cependant, la preuve démontrait encore que le demandeur travaillait à la fin de cette période et peu après, gagnant un revenu. En fait, le demandeur a témoigné que, durant ce temps, on exigeait de lui qu’il conduise, pendant un quart de travail de huit heures, des travailleurs à l’hôpital, et qu’il faisait parfois deux allers‑retours d’affilée. De l’avis du tribunal de révision, le demandeur n’avait pas une invalidité grave au sens que le législateur a donné à cette expression au sous‑alinéa 42(2)a)(i).

 

i)                    La Commission a accordé au demandeur l’autorisation d’interjeter appel de cette décision et, après audition, a rejeté la demande. Cette décision a toutefois été annulée lors d’un contrôle judiciaire ultérieur. L’affaire a été renvoyée à la Commission pour réexamen. Dans une décision datée du 1er décembre 2008, la Commission a rejeté la demande du demandeur. Il s’agit de la décision dont le demandeur sollicite le contrôle judiciaire auprès de la Cour.

 

(5)        La décision de la Commission

 

[11]           La Commission a procédé au réexamen exhaustif de la demande concernant l’invalidité du demandeur sur le fondement de l’ensemble de la preuve dont elle disposait, résumée en grande partie ci‑dessus. Les motifs de la Commission à l’appui de sa décision comptent 76 pages et contiennent un examen exhaustif des antécédents du demandeur, de la blessure et de toute la preuve, en particulier de la preuve médicale, accumulée au cours des diverses audiences administratives, y compris au cours de l’audience tenue devant elle.

 

[12]           La Commission a conclu que le demandeur avait travaillé à la mine en 1998 et en 1999, et donc que, dans la période de deux ans après la période minimale d’admissibilité, il était encore capable de travailler. La Commission a également conclu qu’il n’y avait aucune preuve démontrant que le demandeur avait véritablement essayé de trouver un autre travail moins exigeant qu’il aurait été capable de faire.

 

[13]           La Commission a alors examiné le droit pertinent. Elle a commencé son analyse par une observation importante (au paragraphe 69) : « [l]es dispositions prévues pour d’autres régimes publics et privés de pensions d’invalidité ou d’autres paiements périodiques semblables peuvent être différentes de celles dont il est question ici ». C’est vrai : d’autres régimes privés ou publics accordent des prestations pour des problèmes de santé qui font en sorte qu’il est difficile de travailler ou d’occuper certains emplois, mais le Régime est très différent et plus restrictif.

 

[14]           La Commission s’est alors penchée (au paragraphe 69) sur les règles énoncées par le législateur qui régissent l’admissibilité au bénéfice des prestations d’invalidité aux termes du Régime. Elle les a à juste titre qualifiées de « strictes et rigides ». Elle a ajouté que les critères d’admissibilité à une pension d’invalidité comptent parmi « les plus élevés et les plus stricts ».

 

[15]           Ensuite (également au paragraphe 69), la Commission a examiné l’alinéa 42(2)a) du Régime, rédigé comme suit :

42.  (2) Pour l’application de la présente loi:

 

a) une personne n’est considérée comme invalide que si elle est déclarée, de la manière prescrite, atteinte d’une invalidité physique ou mentale grave et prolongée, et pour l’application du présent alinéa :

 

(i) une invalidité n’est grave que si elle rend la personne à laquelle se rapporte la déclaration régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice,

 

(ii) une invalidité n’est prolongée que si elle est déclarée, de la manière prescrite, devoir vraisemblablement durer pendant une période longue, continue et indéfinie ou devoir entraîner vraisemblablement le décès;

42.  (2) For the purposes of this Act,

 

(a) a person shall be considered to be disabled only if he is determined in prescribed manner to have a severe and prolonged mental or physical disability, and for the purposes of this paragraph,

 

(i) a disability is severe only if by reason thereof the person in respect of whom the determination is made is incapable regularly of pursuing any substantially gainful occupation, and

 

(ii) a disability is prolonged only if it is determined in prescribed manner that the disability is likely to be long continued and of indefinite duration or is likely to result in death;

 

Après avoir examiné le libellé du texte législatif, la Commission a noté que l’appelant devait démontrer que son invalidité était « grave » (voir le sous‑alinéa 42(2)a)(ii)) et « prolongée » (voir le sous‑alinéa 42(2)a)(ii)). En particulier, elle a indiqué que le législateur avait défini une invalidité « grave » (au sous‑alinéa 42(2)a)(i)) comme celle qui rend une personne « régulièrement incapable de détenir une rémunération véritablement rémunératrice ».

 

[16]           La Commission a conclu que l’appelant avait versé des cotisations valides au Régime pendant la période minimale d’admissibilité. Par conséquent, la seule question importante pour la Commission était de déterminer si l’appelant était « régulièrement incapable de détenir une rémunération véritablement rémunératrice ».

 

[17]           Après avoir établi ce cadre législatif pour les besoins de son analyse, la Commission s’est penchée sur la jurisprudence de la Cour. Notre Cour a interprété à plusieurs occasions les mots choisis par le législateur à l’alinéa 42(2)a) du Régime.

 

[18]           La Commission s’est d’abord penchée (au paragraphe 71) sur la décision de principe de la Cour sur l’alinéa 42(2)a) du Régime : Villani c. Canada (Procureur général), 2001 CAF 248, [2002] 1 C.F. 130. La Cour a statué (au paragraphe 38) qu’aux termes de l’alinéa 42(2)a), il fallait examiner les occupations qu’il serait possible au requérant de détenir « pendant une période durable » en gardant à l’esprit « la situation particulière du requérant, par exemple son âge, son niveau d’instruction, ses aptitudes linguistiques, ses antécédents de travail et son expérience de la vie ». Cependant, le libellé de l’alinéa 42(2)a) est clair : il ne confère pas à « quiconque éprouve des problèmes de santé et des difficultés à se trouver et à conserver un emploi » le droit de recevoir une pension d’invalidité (au paragraphe 50). Au contraire, aux termes du Régime, n’est admissible au bénéfice des prestations d’invalidité que la personne qui, au vu de la « preuve médicale » et de la « preuve des efforts déployés pour se trouver un emploi et de l’existence des possibilités d’emploi », démontre qu’elle a une « invalidité grave et prolongée » qui la rend « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » (au paragraphe 50).

 

[19]           Les décisions ultérieures de la Cour, citées par la Commission, ont confirmé et étoffé ces exigences strictes. Dans Ministre du développement des ressources humaines c. Scott, 2003 CAF 34, 300 NR 136, la Cour a insisté sur le fait que les requérants qui peuvent détenir « une occupation véritablement rémunératrice » ne sont pas admissibles (au paragraphe 7). Dans Inclima c. Procureur général du Canada, 2003 CAF 117, 121 A.C.W.S. (3d) 363, la Cour (au paragraphe 3) a réitéré que, lorsqu’il existe « des preuves de capacité de travail », le requérant doit démontrer que « les efforts pour trouver un emploi et le conserver ont été infructueux » en raison de problèmes de santé graves. La Cour a cité ces deux décisions à l’appui de ces propositions.

 

[20]           Enfin, la Commission a appliqué les termes employés par le législateur à l’alinéa 42(2)a) ainsi que les jugements précités de la Cour au dossier documentaire volumineux qui lui avait été présenté. Elle est parvenue aux conclusions suivantes :

 

a)         Au cours des années 1998 et 1999, l’appelant travaillait effectivement et « réalisait un important pourcentage des tâches associées à son poste » (au paragraphe 88). La Commission a reconnu à bon droit que certains des éléments de preuve qui lui avaient été présentés donnaient à penser le contraire. Cependant, elle a examiné toute la preuve, l’a soupesée et a tiré sa conclusion.

 

b)         L’appelant avait « la capacité physique nécessaire pour faire un type de travail qui tiendrait compte de ses limites sur les plans de l’état physique et de l’instruction » et il ne satisfaisait donc pas à l’exigence, énoncée à l’alinéa 42(2)a), d’être « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » (au paragraphe 88).

 

c)         Au cours des années 1998 et 1999, alors qu’il travaillait à la mine, l’appelant avait des problèmes physiques et psychologiques, mais ils ne l’empêchaient pas d’effectuer certains travaux, comme des travaux de nettoyage légers, des livraisons légères ou de sécurité de nuit (au paragraphe 99).

 

d)         Il n’y avait « pratiquement aucun élément de preuve » établissant que l’appelant avait véritablement tenté de trouver « un autre travail, moins exigeant physiquement, qu’il était capable de faire » (au paragraphe 100).

 

e)         En conséquence, l’appelant « n’était pas atteint d’une invalidité, selon la définition énoncée à l’alinéa 42(2)a) du Régime » à la fin de la période minimale d’admissibilité et « pendant un certain temps par la suite ».

 

[21]           Comme nous l’avons mentionné plus haut, le demandeur a présenté à la Cour une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Commission.

 

(6)        Procédures devant notre Cour

 

[22]           Le demandeur a demandé à la Cour d’examiner sa demande de contrôle judiciaire en ne se fondant que sur les observations écrites. La Cour a compétence pour examiner sur dossier une demande de contrôle judiciaire.

 

[23]           Tous les membres de la présente formation de la Cour ont examiné et étudié attentivement les observations écrites des parties, les sources juridiques citées par les parties, toutes les procédures administratives des tribunaux d’instance inférieure, la preuve abondante qui a été présentée à la Commission lorsqu’elle a rendu sa décision et la décision de la Commission.

 

B.        Analyse

 

[24]           Comme cela est mentionné au commencement des présents motifs du jugement (aux paragraphes 3 et 4), les pouvoirs de la Cour ont des limites précises. Ils sont restreints de trois manières très importantes.

 

[25]           Premièrement, sauf en cas de contestation constitutionnelle (et il n’y en a pas en l’espèce), la Cour doit appliquer les lois rédigées par le législateur telles qu’elles sont libellées. Au sous‑alinéa 42(2)a)(i) du Régime, le législateur a prévu qu’une invalidité n’était grave que si « elle rend [le requérant] régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » à la fin de la « période minimale d’admissibilité ». La Cour, pas plus que tous les tribunaux administratifs et la Commission d’instances inférieures, ne peut pas en l’espèce modifier ce libellé. Tous doivent appliquer la disposition telle qu’elle est rédigée.

 

[26]           Deuxièmement, la Cour est liée par ses décisions antérieures et celles‑ci ne peuvent être modifiées, à moins qu’elles ne soient « manifestement erronée[s] » : Miller c. Canada (Procureur général), 2002 CAF 370, 220 D.L.R. (4th) 149. La Commission a énoncé et appliqué ces décisions. La Cour doit elle aussi les appliquer.

 

[27]           Troisièmement, et plus important encore, dans des affaires comme la présente, la Cour suprême du Canada, dont les décisions nous lient, a dit qu’il n’était pas loisible à la Cour d’agir comme la Commission et d’exercer tous les pouvoirs de celle‑ci, dont ses pouvoirs d’enquête. En effet, la Cour n’a que le pouvoir de contrôler la décision de la Commission à la lumière des conclusions de fait de celle‑ci – et non de rendre une nouvelle décision. La Cour suprême nous dit que, lorsque nous contrôlons une décision, nous devons nous poser la question suivante : la décision de la Commission appartient‑elle aux issues possibles acceptables qui peuvent se justifier au regard des faits et du droit? (Voir Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9 au paragraphe 47).

 

[28]           En termes simples, la Cour ne peut qu’appliquer la loi énoncée par le législateur (au paragraphe 42(2)a) du Régime), examiner tous les éléments de preuve qui ont été présentés à la Commission et se demander si la décision de la Commission appartenait aux conclusions possibles auxquelles elle pouvait parvenir.

 

[29]           Plus particulièrement, en l’espèce, la Cour doit examiner les conclusions de la Commission mentionnées aux paragraphes 11 à 20 des présents motifs et, en se fondant sur les dispositions de l’alinéa 42(2)a) du Régime, sur la jurisprudence de la Cour ainsi que sur la preuve présentée à la Commission, se demander si la Commission pouvait arriver aux conclusions de droit, aux conclusions de fait et aux autres conclusions auxquelles elle est parvenue.

 

[30]           Je conclus que la Commission est arrivée à des conclusions de droit qui étaient conformes avec la loi énoncée par le législateur et avec la jurisprudence de la Cour. Il lui était loisible de parvenir aux conclusions de fait auxquelles elle est arrivée sur le fondement des éléments de preuve qui lui ont été présentés. Compte tenu du droit et des faits dont elle était saisie, la Commission pouvait raisonnablement conclure que le demandeur n’était pas « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » aux termes de l’alinéa 42(2)a) du Régime à la fin de la période minimale d’admissibilité et pendant un certain temps par la suite.

 

[31]           Par conséquent, la Cour n’a aucun motif qui lui permettrait d’annuler la décision de la Commission, et je rejetterais donc la demande. Les dépens devraient suivre l’issue de la cause. Le défendeur sollicite des dépens de 500 $, qui est, compte tenu de l’importance du dossier en l’espèce, une somme symbolique.

 

C.        Dispositif proposé

 

[32]           En conséquence, je rejetterais la demande et j’adjugerais des dépens de 500 $ au défendeur.

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

 

 

« Je suis d’accord

K. Sharlow, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

Carolyn Layden‑Stevenson, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑221‑09

 

INTITULÉ :                                                   JOHN P. FARRELL c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

                                                                                                          

DEMANDE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE SHARLOW

                                                                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 8 juillet 2010

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

John P. Farrell

POUR SON PROPRE COMPTE

 

Allan Matte

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Myles J. Kirvan

Sous‑procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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