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Cour d’appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20100521

Dossier : A‑147‑09

Référence : 2010 CAF 125

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

HUSKY OIL LIMITED

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 13 janvier 2010

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 21 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                              LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER

 


Cour d’appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

Date : 20100521

Dossier : A‑147‑09

Référence : 2010 CAF 125

 

CORAM:       LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

ENTRE :

HUSKY OIL LIMITED

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               Il s’agit d’un appel d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt (2009 CCI 118) rejetant un appel relatif à une nouvelle cotisation établie pour l’année d’imposition 1998 sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). La principale question dans le présent appel est de savoir si le paragraphe 87(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou subsidiairement le paragraphe 69(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, s’applique de façon à ce que Mohawk Canada Limited (« Mohawk »), la société remplacée par l’appelante, soit réputée avoir réalisé un gain en capital imposable de quelque 4 millions de dollars en 1998. Les paragraphes 87(4) et 69(4) sont reproduits en annexe des présents motifs.

Cadre législatif

[2]               La Loi de l’impôt sur le revenu contient diverses dispositions autorisant un contribuable à reporter la constatation d’un gain en capital à la disposition de biens en immobilisation si la disposition se produit dans certaines circonstances, habituellement dans le cadre de la réorganisation ou restructuration d’une société. Ce genre de disposition est appelé « roulement ». Lorsqu’un bien est échangé contre un autre dans le cadre d’une opération à laquelle un roulement s’applique, le contribuable, aux fins de l’impôt sur le revenu, est censé avoir vendu le bien original contre un produit de disposition égal à son coût aux fins de l’impôt (ou, en termes d’impôt sur le revenu, son « prix de base rajusté ») et avoir acquis le nouveau bien au même prix (le coût aux fins de l’impôt fait donc l’objet d’un « roulement » vers le nouveau bien). Le gain en capital ainsi reporté est constaté au moment où le nouveau bien est vendu ou lorsqu’il en est disposé autrement dans le cadre d’une opération imposable.

 

[3]               Le paragraphe 87(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu contient une disposition de roulement s’appliquant à la fusion de plusieurs sociétés canadiennes imposables. Le paragraphe prévoit, sous réserve d’un certain nombre de conditions, un roulement pour l’actionnaire d’une société remplacée qui échange des actions de la société remplacée contre des actions de la société issue de la fusion.

 

[4]               La règle générale, énoncée à l’alinéa 87(4)a), est que lorsque plusieurs sociétés fusionnent, l’actionnaire d’une société remplacée qui ne reçoit lors de la fusion que de nouvelles actions de la société issue de la fusion est réputé avoir disposé des actions de la société remplacée (les « anciennes actions ») à un produit de disposition égal à leur prix de base rajusté et avoir acquis les actions de la société issue de la fusion (les « nouvelles actions ») au même prix.

[5]               Cependant, à cause de l’exception énoncée après l’alinéa 87(4)b) (l’« exception du paragraphe 87(4) »), aucun roulement n’est possible pour l’actionnaire d’une société remplacée si les conditions suivantes sont réunies : (1) la juste valeur marchande des anciennes actions immédiatement avant la fusion dépasse la juste valeur marchande des nouvelles actions immédiatement après la fusion et (2) il est raisonnable de considérer la totalité ou une partie quelconque de l’excédent (appelée au paragraphe 87(4) la « partie donnée ») comme un avantage que l’actionnaire « désirait voir conféré » à une personne à laquelle il est lié. Dans ce genre de situation, l’actionnaire est généralement censé avoir réalisé un gain en capital à la disposition des anciennes actions. Le montant du gain en capital est établi selon une formule qui donne habituellement lieu à un gain en capital dont le montant est égal au montant de la « partie donnée ».

 

[6]               Un exemple illustrera le fonctionnement de l’exception du paragraphe 87(4). Supposons deux personnes, un père et son fils; ce sont des personnes « liées » l’une à l’autre au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le père détient la totalité des actions de la société P, dont le prix de base rajusté est de 1 $ et la juste valeur marchande, de 100 $. Le fils détient toutes les actions de la société F, dont le prix de base rajusté est de 60 $ et la juste valeur marchande, de 100 $. Les deux sociétés fusionnent pour créer la société A, dont les actions ont une valeur de 200 $. La fusion est visée par le paragraphe 87(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[7]               Lors de la fusion, 20 actions de la société A sont émises au profit du père, à une juste valeur marchande de 20 $, et 180 autres le sont au profit du fils, à une juste valeur marchande de 180 $. La fusion a comme résultat de transférer une tranche de 80 $ de la juste valeur marchande des avoirs du père vers ceux du fils.

[8]               L’exception du paragraphe 87(4) ne peut viser le fils parce que la juste valeur marchande avant la fusion de ses actions de la société F ne peut excéder la juste valeur marchande de ses actions de la société A après la fusion. En vertu de l’alinéa 87(4)a), le fils est réputé avoir disposé de ses actions de la société F à leur prix de base rajusté de 60 $, de sorte qu’il ne réalise aucun gain en capital et ne subit aucune perte en capital au moment de la fusion. En vertu de l’alinéa 87(4)b), il est réputé avoir acquis les actions de la société A au même prix de base rajusté, 60 $, de sorte que s’il vendait ses actions de la société A à leur juste valeur marchande de 180 $, il réaliserait un gain en capital de 120 $ à la vente. Ce montant correspond au gain de 40 $ réalisé sur ses actions de la société F au moment de la fusion et au transfert de 80 $ en juste valeur marchande du père vers le fils.

 

[9]               Si la totalité du transfert de 80 $ en juste valeur marchande est un avantage que le père désirait voir conféré à son fils, alors l’exception du paragraphe 87(4) s’applique au père. La « partie donnée » est le montant de ce transfert de valeur, soit 80 $. Selon la formule de l’alinéa 87(4)c), le père est censé avoir réalisé un gain en capital de 80 $ lors de la fusion (soit la différence entre le produit réputé de disposition de 81 $ et le prix de base rajusté de 1 $ de l’action de la société P). Selon l’alinéa 87(4)e), le prix de base rajusté des actions de la société A détenues par le père est de 1 $ (c’est‑à‑dire le même que le prix de base rajusté de ses actions de la société P). S’il devait vendre ses actions de la société A à leur juste valeur marchande de 20 $, il réaliserait un gain en capital de 19 $ au moment de la vente.

 

[10]           L’exception du paragraphe 87(4) a un aspect punitif de double imposition. Comme le montre l’exemple précédent, s’il n’y avait pas eu fusion, et que les actions de la société P et de la société F avaient été vendues chacune à 100 $, le père aurait réalisé un gain en capital de 99 $ et le fils, un gain en capital de 40 $, pour un total de 139 $. Par ailleurs, si le père et le fils avaient vendu leurs actions de la société A après la fusion à 20 $ et 180 $ respectivement, le père aurait réalisé un gain en capital de 19 $ et le fils, un gain en capital de 120 $, encore une fois pour un total de 139 $. Cependant, à cause de l’exception du paragraphe 87(4), le père aurait aussi été imposé sur un gain en capital réputé de 80 $ au moment de la fusion. La « partie donnée » est en fait imposée deux fois, premièrement au moment de la fusion comme revenu du père puis à sa vente ultérieure par le fils.

 

[11]           Sa Majesté invoque aussi subsidiairement le paragraphe 69(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu. Le paragraphe 69(4) s’applique généralement dans des cas où une société vend un bien à un actionnaire à un prix inférieur à sa juste valeur marchande ou au profit de l’actionnaire. L’opération a comme conséquence que le profit ou le gain en capital de la société au moment de la vente (et l’obligation fiscale qui en résulte pour la société) est inférieur à ce qu’il aurait été dans le cas d’une vente à la juste valeur marchande. Le paragraphe 69(4) empêche la société de profiter de cette réduction de ses obligations fiscales en faisant en sorte que le produit de la disposition pour la société est réputé équivaloir à la juste valeur marchande du bien.

 

Les faits

[12]           Les opérations qui ont donné lieu au présent appel sont décrites de façon exhaustive dans les motifs du juge. En voici un résumé.

 

Les faits avant les opérations ayant donné lieu au présent appel

[13]           Avant les opérations qui ont donné lieu au présent appel, il y avait trois groupes de sociétés : le « groupe Balaclava », le « groupe Husky » et le « groupe Mohawk ». Tous les membres visés de ces groupes de sociétés sont des sociétés canadiennes imposables.

 

[14]           Le groupe Balaclava comprenait trois sociétés : la société mère Balaclava Enterprises Ltd. (« Balaclava »), une filiale à cent pour cent de Balaclava appelée BEL Entreprises Inc. (« BAI ») et une filiale à cent pour cent appelée 3470750 Canada Inc. (« 347 »). Aucun membre du groupe Balaclava n’a été « lié » à un membre de l’un ou l’autre des deux autres groupes de sociétés (au sens où le terme « lié » est défini aux fins de l’impôt sur le revenu).

 

[15]           Balaclava était actionnaire minoritaire de Mohawk, détenant des actions ordinaires et des débentures convertibles représentant en tout 23 % des actions de Mohawk. En mai 1998, en vue des opérations qui ont donné lieu au présent appel, Balaclava a transféré ses actions et débentures convertibles de Mohawk à BAI. Balaclava et BAI ont fait un choix conjoint en vertu du paragraphe 85(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu afin que Balaclava puisse reporter la constatation du gain en capital qui, autrement, aurait eu lieu au moment de ladite disposition.

 

[16]           Le groupe Husky était dirigé par une société appelée Husky Oil Limited, que je désignerai comme étant « l’ancienne Husky ». L’appelante, dont le nom est aussi Husky Oil Limited, a été créée par la fusion en 1999 de l’ancienne Husky et de Mohawk. Cette fusion ne soulève aucune question en matière d’impôt sur le revenu qui soit pertinente pour le présent appel.

 

[17]           L’ancienne Husky avait un certain nombre de filiales mais, à ce stade‑ci, il suffit de n’en mentionner qu’une, soit HB Acquisition Inc. (« HB Acquisition »), créée en 1998 comme véhicule pour la prise de contrôle de Mohawk par l’ancienne Husky et BAI. À l’origine, l’ancienne Husky détenait 10 actions ordinaires de HB Acquisition et BAI, une action ordinaire.

 

[18]           Le groupe Mohawk était dirigé par Mohawk, qui s’occupait de vente au détail de carburant pour automobiles. Le groupe Mohawk comptait de nombreux autres membres mais, aux fins du présent appel, il suffit de mentionner la filiale à cent pour cent de Mohawk, appelée Mohawk Lubricants Ltd. (« Lubricants »). Lubricants se livrait à la régénération et à la distribution d’huile recyclée.

 

[19]           À l’origine, Mohawk détenait une action ordinaire de Lubricants, à un prix de base rajusté de 2 552 441 $. Le groupe Mohawk a effectué au début juillet 1998 deux opérations en vue de celles qui ont débouché sur le présent appel. Premièrement, Mohawk a transféré à Lubricants des actions de Pound‑maker Agventures Ltd., une redevance de la société Jade et des stocks de Jade en contrepartie de 2 538 740 actions privilégiées de Lubricants. Après le transfert, les biens de Lubricants (désignés collectivement comme les « actifs résiduels ») se composaient des actifs transférés et des activités de régénération d’huile. Deuxièmement, Lubricants a versé une série de dividendes en actions à Mohawk, d’une valeur totale de 4,8 millions de dollars, en émettant 4,8 millions d’actions privilégiées au profit de Mohawk. Par suite de ces deux opérations, Mohawk possédait 7 338 740 actions privilégiées de Lubricants à un prix de base rajusté de 1 $ l’action. Donc, immédiatement avant les opérations qui ont donné lieu au présent appel, Mohawk détenait la totalité des actions de Lubricants, à un prix de base rajusté total de 9 891 181 $.

[20]           M. Hugh Sutherland détenait, directement ou indirectement, 42 % des actions de Mohawk. Comme il a été mentionné précédemment, BAI possédait des actions et débentures convertibles de Mohawk qui équivalaient en tout à 23 % des actions de Mohawk. Le reste des actions de Mohawk, soit 35 % de ces dernières, appartenait à de nombreux membres du public investisseur, y compris des employés de Mohawk.

 

Événements ayant mené aux opérations

[21]           En 1997 et au début de 1998, Mohawk recherchait activement des offres en vue d’une prise de contrôle afin d’augmenter la valeur de ses actions. À l’époque, Mohawk avait un accès limité aux capitaux et le volume des échanges sur ces actions était faible. À la fin d’avril 1998, l’ancienne Husky avait exprimé l’intention d’acquérir les actions de Mohawk en contrepartie de la somme de 103 millions de dollars. Cependant, l’ancienne Husky ne souhaitait pas acquérir les actifs résiduels. Balaclava était prête à le faire au moyen de l’achat des actions de Lubricants et voulait aussi que BAI vende ses actions de Mohawk à l’ancienne Husky, sans que BAI enregistre un gain en capital immédiat sur la vente. Après une certaine période de négociation et de planification, une méthode permettant aux trois groupes de sociétés d’atteindre leurs objectifs a été élaborée.

 

Les opérations prévues

[22]           Dans une entente concernant l’offre conjointe (l’« entente concernant l’offre conjointe ») datée du 1er juin 1998, il était convenu que HB Acquisitions (contrôlée par l’ancienne Husky, avec BAI comme actionnaire minoritaire) ferait une offre publique d’achat concernant l’ensemble des actions de Mohawk (sauf celles que détenaient les membres du groupe Balaclava) au prix de 7,25 $ l’action. Selon une condition de l’offre, les propriétaires de 90 % des actions de Mohawk devaient accepter de les vendre. M. Sutherland s’engageait à accepter l’offre en relation avec sa participation de 42 % dans Mohawk et les administrateurs de Mohawk acceptaient de recommander aux autres actionnaires d’accepter l’offre.

 

[23]           Aux termes de l’entente concernant l’offre conjointe, l’ancienne Husky convenait, si le nombre requis d’actions de Mohawk était déposé en réponse à l’offre, qu’elle‑même ou une de ses filiales souscrirait 103 millions d’actions d’HB Acquisition pour un montant total de 103 millions de dollars, et que HB Acquisition acquerrait et paierait l’ensemble des actions déposées. La somme de 103 millions de dollars serait supérieure au coût estimatif d’acquisition de la totalité des actions de Mohawk à 7,25 $ l’action, ce qui laissait un solde important permettant de rembourser la dette de Mohawk.

 

[24]           Dans le cadre de l’entente concernant l’offre conjointe, BAI acceptait que toutes ses débentures convertibles de Mohawk soient converties en actions de Mohawk et que toutes ses actions de Mohawk (dont le nombre, après la conversion, s’établirait à 2 854 267) soient transférées à HB Acquisition à 7,25 $ l’action (20 693 436 $), en contrepartie d’un paiement en numéraire de 5 193 436 $, d’un billet de 5 934 598 $ (le « billet de BAI ») et d’un montant de 9 565 402 $ par l’émission de 9 565 402 actions ordinaires de HB Acquisition. Un choix conjoint devait être fait en vertu du paragraphe 85(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu afin de reporter tout gain en capital à la disposition par BAI de ses actions de Mohawk au profit de HB Acquisition.

 

[25]           L’entente concernant l’offre conjointe prévoyait aussi la conclusion d’une convention d’option de vente si l’offre était acceptée par le nombre requis d’actionnaires de Mohawk. Aux termes de la convention d’option de vente, BAI devait obtenir une option d’achat des actions de Lubricants auprès de Mohawk en contrepartie d’une somme de 15,5 millions de dollars payable en 25 ans sans intérêt (sous réserve d’un rajustement du fonds de roulement dont il n’est pas nécessaire de tenir compte aux fins du présent appel). À ce moment, Lubricants devait détenir les actifs résiduels.

 

[26]           L’obligation de BAI de payer le prix d’achat convenu devait être attestée par deux billets payables le 21 juin 2023, sans intérêt, un au montant de 9 565 402 $, et l’autre de 5 934 598 $ (le même montant nominal que le billet de BAI). Mohawk prévoyait qu’un gain en capital surviendrait par suite de la vente des actions de Lubricants à BAI, mais croyait qu’elle disposait d’une marge de manœuvre suffisante sur le plan fiscal pour éviter une obligation fiscale immédiate.

 

[27]           L’entente concernant l’offre conjointe prévoyait de plus que, si la vente des actions de Lubricants à BAI était finalisée au 30 septembre 1998, le billet de BAI et le billet de 5 934 598 $ remis par BAI à Mohawk comme élément de la contrepartie payable en échange des actions de Lubricants, par une série d’opérations définies à l’avance, s’annuleraient l’un l’autre, laissant à BAI l’obligation de payer à Mohawk 9 565 402 $ en 2023, sans intérêt.

 

[28]           Balaclava convenait aussi dans l’entente concernant l’offre conjointe qu’aucune demande de paiement du billet de BAI ne serait effectuée à moins que la vente des actions de Lubricants ne soit pas finalisée au 30 septembre 1998.

 

[29]           Après la conclusion de l’entente concernant l’offre conjointe et l’envoi du prospectus aux actionnaires, mais avant toute autre opération, il a été constaté que les activités de détail de Mohawk étaient plus rentables que prévu. Par conséquent, Mohawk assumerait une obligation fiscale de quelque 1,5 million de dollars sur son gain en capital résultant de la vente des actions de Lubricants à BAI. Afin de gérer cette obligation fiscale imprévue, il a été convenu que la convention d’option de vente serait modifiée de façon à ce que Mohawk n’ait pas à vendre les actions de Lubricants à BAI. Au lieu de cela, Lubricants fusionnerait avec 347, une filiale de BAI ayant des actifs nominaux, pour créer une nouvelle société (« Lubes Amalco ») dont la structure du capital faisait en sorte que Mohawk recevrait 15,5 millions de dollars en 2023 par suite du rachat des actions de la société issue de la fusion. Cette fusion (la « fusion ») a donné lieu au présent appel.

 

[30]           Aux termes de la convention d’option de vente modifiée, il était aussi convenu que la clause sur l’engagement de ne pas exiger de paiement figurant dans l’entente concernant l’offre conjointe serait modifiée pour tenir compte du nouveau plan, de sorte qu’aucune demande de paiement du billet de BAI ne serait effectuée avant le 1er juin 2023 à moins que la fusion n’ait pas été réalisée au 30 septembre 1998. Donc, dans la mesure où la fusion était réalisée avant cette date, HB Acquisition ne pouvait être tenue de payer le billet de BAI avant 2023.

 

[31]           Les opérations prévues ont, pour l’essentiel, été effectuées conformément au plan révisé. Ces opérations sont décrites ci‑après.

 

 

Les opérations effectuées

[32]           Le 6 juillet 1998, 98,2 % des actions de Mohawk en circulation ont été validement déposées conformément à l’offre publique d’achat. Une filiale à cent pour cent indirecte (Husky Mohawk Holdings Ltd.) a souscrit 103 millions d’actions ordinaires de HB Acquisition en contrepartie de 103 millions de dollars, dont quelque 74 millions de dollars ont été utilisés pour acquérir les actions de Mohawk qui étaient offertes.

 

[33]           À ce moment, HB Acquisition a obtenu le contrôle direct de Mohawk et l’ancienne Husky a obtenu le contrôle indirect de Mohawk, de sorte que chaque membre du groupe Husky était lié à chaque membre du groupe Mohawk. Cependant, aucun membre du groupe Balaclava n’était lié à un membre du groupe Husky ou du groupe Mohawk.

 

[34]           Le 7 juillet 1998, BAI a vendu à HB Acquisition toutes ses actions de Mohawk, comme convenu précédemment. À ce moment‑là, HB Acquisition est devenue l’unique actionnaire de Mohawk. À la même date était passée la convention d’option de vente modifiée qui exigeait des parties qu’elles procèdent à la fusion et donnait effet à l’entente qui empêchait BAI d’exiger le paiement du billet de BAI à moins que la fusion n’ait pas été réalisée au 30 septembre 1998.

 

[35]           Le 9 juillet 1998, Mohawk et BAI ont signé la convention de fusion. Le 1er août 1998, Lubricants et 347 ont fusionné pour donner naissance à Lubes Amalco, qui est devenue propriétaire des actifs résiduels. Le fait que la fusion est visée par le paragraphe 87(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu n’est pas contesté.

 

[36]           Les changements suivants en matière de détention d’actions sont survenus au moment de la fusion :

 

Avant la fusion

Après la fusion

Appartenant à BAI

Toutes les actions de 347

 

1

Appartenant à BAI

action ordinaire de Lubes Amalco

Appartenant à Mohawk

Toutes les actions de Lubricants

 

7 338 740

 

8 161 260

 

1

Appartenant à Mohawk

actions privilégiées de catégorie A de Lubes Amalco

actions privilégiées de catégorie B de Lubes Amalco

action privilégiée de catégorie C de Lubes Amalco

 

 

 

 

[37]           La participation de Mohawk dans Lubes Amalco prenait la forme d’actions privilégiées de catégorie A, B et C de Lubes Amalco rachetables au gré de Mohawk au prix de 15,5 millions de dollars payable au moyen d’un billet ne portant pas intérêt venant à échéance le 1er juin 2023. Donc, sur le plan économique, Mohawk recevait au moment de la fusion la même contrepartie qu’elle aurait reçue si BAI avait acheté les actions de Lubricants au montant de 15,5 millions de dollars payable en 2023 sans intérêt.

 

[38]           BAI a fait l’acquisition de la majorité des actions de Lubes Amalco comportant droit de vote et, par conséquent, a obtenu le contrôle des actifs résiduels, sous réserve d’assumer le montant du rachat des actions privilégiées de catégorie A, B et C au prix total de 15,5 millions de dollars payable en 2023. Sur le plan économique, toute augmentation de la valeur des actifs résiduels profiterait à BAI, à moins que Lubes Amalco omette de satisfaire à ses obligations en matière de rachat, auquel cas les actions privilégiées de catégorie A, B et C deviendraient des actions avec droit de vote donnant droit à des dividendes à un taux convenu. À la liquidation de Lubes Amalco, les détenteurs d’actions privilégiées de catégorie A, B et C auraient un droit prioritaire au montant du rachat, et ce montant aurait priorité sur les sommes payables aux détenteurs des actions ordinaires.

 

Les opérations ultérieures

[39]           En septembre 1998, BAI a échangé ses 9 565 403 actions de HB Acquisition contre un nombre égal d’actions d’une filiale de l’ancienne Husky appelée Husky Mohawk Long Term Ltd. (« HMLT »). HMLT a ensuite remis 9 565 403 actions de HB Acquisition à l’ancienne Husky en échange d’un nombre égal d’actions privilégiées de l’ancienne Husky. Cette dernière est donc devenue le seul actionnaire de HB Acquisition alors que BAI détenait 9 565 403 actions privilégiées de HMLT, rachetables au gré de BAI à 1 $ l’action.

 

[40]           En novembre 1998, Lubes Amalco a racheté les 7 338 740 actions privilégiées de catégorie A appartenant à Mohawk à 1 $ l’action en payant le prix de rachat au moyen de l’émission d’un billet ne portant pas intérêt d’une valeur de 7 338 740 $ (le « billet de Mohawk ») payable le 1er juin 2023.

 

[41]           Mohawk a ensuite assumé l’obligation de HB Acquisition de payer le billet de BAI, en contrepartie d’un billet à vue du même montant payable par HB Acquisition. BAI a cédé le billet de BAI à Lubes Amalco en contrepartie d’un billet ne portant pas intérêt au même montant et venant à échéance en 2023. L’obligation de Lubes Amalco aux termes du billet de Mohawk, à hauteur de 5 934 598 $, était compensée par l’obligation de Mohawk (en tant que débitrice de l’obligation aux termes du billet de BAI du fait de la prise en charge mentionnée précédemment dans le présent paragraphe) envers Lubes Amalco. Lubes Amalco était donc tenue de payer 1 404 142 $ à Mohawk en 2023, sans intérêt.

 

[42]           Après ces opérations postérieures à la fusion, le placement de Mohawk dans Lubes Amalco se composait des actions privilégiées de catégorie B et C rachetables en 2023 en contrepartie de 8 161 261 $ et Mohawk avait le droit de recevoir 1 404 142 $ en 2023, sans intérêt. Lubes Amalco demeurait propriétaire des actifs résiduels, sous réserve de l’obligation de paiement de 15,5 millions de dollars en 2023 (la dette de 1 404 142 $ payable à Mohawk en 2023, le montant de rachat de 8 161 261 $ payable à Mohawk en 2023 et le montant de 5 934 598 $ payable à BAI en 2023 en contrepartie du billet de BAI).

 

[43]           Comme nous l’avons vu, l’ancienne Husky et Mohawk ont fusionné en 1999, ce qui a donné naissance à l’appelante (que j’appellerai la « nouvelle Husky »).

 

La nouvelle cotisation et l’appel

[44]           Le ministre a établi une nouvelle cotisation en 2004 relativement à la nouvelle Husky pour incorporer au revenu de Mohawk en 1998 un gain en capital imposable de 4 205 615 $ tiré de la disposition des actions de Lubricants contre un produit de disposition réputé de 15,5 millions de dollars. Le ministre a ratifié la nouvelle cotisation au moment où la nouvelle Husky a présenté un avis d’opposition.

 

[45]           Devant la Cour de l’impôt, le ministre a soutenu que l’exception du paragraphe 87(4) s’appliquait à Mohawk au moment de la fusion pour les motifs suivants : (1) la juste valeur marchande des actions de Lubricants immédiatement avant la fusion s’établissait à 15,5 millions de dollars; (2) aucune des actions privilégiées de catégorie A, B et C de Lubes Amalco émises au moment de la fusion ne possédait une juste valeur marchande au moment de l’émission de ces dernières; (3) la différence de 15,5 millions de dollars en juste valeur marchande représentait un avantage que Mohawk désirait voir conféré à HB Acquisition; (4) Mohawk était liée à HB Acquisition au moment de la fusion. Le ministre a soutenu subsidiairement que le paragraphe 69(4) s’appliquait parce que les actions de Lubricants avaient été acquises moyennant une contrepartie inférieure à la juste valeur marchande au profit de la société mère d’alors de Mohawk, HB Acquisition.

 

[46]           La nouvelle Husky a interjeté appel devant la Cour de l’impôt, sans succès, et s’adresse maintenant à notre Cour.

 

Analyse

Établissement de la juste valeur marchande

[47]           La nouvelle cotisation faisant l’objet du présent appel s’appuie sur deux évaluations. La première est la juste valeur marchande des actions de Lubricants avant la fusion et l’autre, la juste valeur marchande des actions privilégiées de catégorie A, B et C de Lubes Amalco après la fusion. Le ministre a évalué leur juste valeur marchande à respectivement 15,5 millions de dollars et un montant nul. Le juge a conclu au paragraphe 53 de ses motifs qu’en l’absence d’arguments réfutant ces deux hypothèses, ces dernières doivent être considérées comme des faits.

 

[48]           Concernant la juste valeur marchande des actions de Lubricants avant la fusion, le juge a reproduit, aux paragraphes 49 et 50 de ses motifs, une partie du témoignage de M. Robert Lindsay, vice‑président principal de Balaclava et administrateur de Mohawk, et un paragraphe de l’offre d’achat à l’appui de cette hypothèse. Il me semble que ces éléments de preuve, interprétés raisonnablement, établissent que le montant de « 15,5 millions de dollars » était fréquemment utilisé afin de désigner le prix d’achat réellement convenu pour les actifs résiduels qui, selon le plan original, s’élevait à 15,5 millions de dollars payables en 2023, sans intérêt.

 

[49]           Au moment où les conditions de cette vente ont été convenues, les parties à l’opération de vente projetée (c’est‑à‑dire le groupe Balaclava d’une part et le groupe Mohawk de l’autre) traitaient entre elles sans lien de dépendance. Cette situation justifie habituellement l’hypothèse selon laquelle la juste valeur marchande du bien vendu est égale à la juste valeur marchande de la contrepartie convenue, sauf si des éléments de preuve démontrent le contraire. Selon ma compréhension de la preuve, les parties avaient convenu en fait dès le départ que le prix des actions de Lubricants serait de 15,5 millions de dollars, payable en 2023, ce qui est une contrepartie dont la valeur est nécessairement inférieure à 15,5 millions de dollars. On peut en déduire que la juste valeur marchande des actions de Lubricants n’était pas 15,5 millions de dollars, mais un montant moindre, soit la valeur en 1998 d’une somme de 15,5 millions de dollars payable en 2023, sans intérêt.

 

[50]           Cependant, le juge a adopté une autre interprétation de la preuve, qui n’a pas été contestée. Par conséquent, je ne statuerai pas sur le présent appel en fonction de l’erreur de fait manifeste et dominante du juge qui a accepté comme un fait l’hypothèse du ministre selon laquelle la juste valeur marchande des actions de Lubricants avant la fusion s’élevait à 15,5 millions de dollars.

[51]           En ce qui concerne la juste valeur marchande des actions privilégiées de catégorie A, B et C de Lubes Amalco avant la fusion, le juge a admis d’office, à bon droit, le fait que la juste valeur marchande du droit de recevoir une somme d’argent à l’avenir sans intérêt est inférieure au montant d’argent lui‑même. Je conclus que la juste valeur marchande de ce droit était nulle parce que c’était la valeur que le ministre avait calculée et qu’il n’existait pas d’évaluation d’expert pour réfuter cette hypothèse.

 

[52]           Le dossier ne contient pas d’éléments de preuve sur la juste valeur marchande, en 1998, d’un certain montant payable en 2023. Cependant, le juge aurait pu admettre d’office le fait que la valeur actuelle d’un montant d’argent payable dans 25 ans, sans intérêt, tout en étant sans aucun doute inférieure au montant indiqué, est probablement supérieure à zéro. Le juge aurait aussi pu estimer que les actions privilégiées de catégorie A, B et C de Lubes Amalco s’accompagnaient de certains droits en cas de liquidation de Lubes Amalco, droits qui leur accordaient une certaine valeur. Ces facteurs auraient suffi à réfuter, de prime abord, l’hypothèse du ministre selon laquelle les actions privilégiées de catégorie A, B et C de Lubes Amalco n’avaient pas de juste valeur marchande au moment de leur émission. Il aurait alors incombé au ministre d’établir leur juste valeur marchande. En l’absence d’éléments de preuve sur ce point, le juge aurait pu conclure sur la base de ces faits que la nouvelle cotisation ne se justifiait pas par l’exception du paragraphe 87(4).

 

[53]           Cependant, il semble que cette approche n’ait pas été suggérée au juge dans les plaidoiries et elle n’a pas été soulevée dans le présent appel. Par conséquent, je ne statuerai pas sur l’appel en m’appuyant sur le fait que le ministre ne s’est pas acquitté du fardeau de prouver la juste valeur marchande des actions privilégiées de catégorie A, B et C après la fusion.

[54]           Essentiellement, Mohawk ne soutient pas que le ministre a utilisé des montants inexacts, mais plutôt qu’il s’est appuyé sur deux dispositions anti‑évitement particulières qui ne s’appliquent pas aux faits de l’espèce. J’aborde maintenant ces questions.

 

L’exception du paragraphe 87(4)

[55]           Comme il a été expliqué précédemment, lorsque Lubricants et 347 ont fusionné, les actifs résiduels comprenant les biens de Lubricants sont devenus la propriété de Lubes Amalco. Je présume que les actifs résiduels étaient les seuls biens appartenant à Lubes Amalco à l’époque étant donné qu’il n’a pas été fait état d’un apport de 347 à la fusion autre que son capital nominal. Si, comme le ministre l’a supposé, les actions de Lubricants valaient 15,5 millions de dollars avant la fusion, alors les actifs résiduels valaient aussi 15,5 millions de dollars à cette époque. Et si, comme le ministre l’a aussi supposé, les actions privilégiées de catégorie A, B et C de Lubes Amalco émises à Mohawk au moment de la fusion n’avaient pas de juste valeur marchande, le résultat de la fusion, sur le plan économique, revenait à passer à Lubes Amalco et, par conséquent, à BAI, la totalité de la juste valeur marchande de 15,5 millions de dollars des actifs résiduels. Or, c’est justement le genre de situation que vise l’exception du paragraphe 87(4).

 

[56]           Cependant, Sa Majesté ne soutient pas et ne peut pas soutenir que l’exception du paragraphe 87(4) s’appliquait du fait d’un avantage conféré par Mohawk à BAI. En effet, aucun avantage que Mohawk aurait conféré à BAI ne pourrait être visé par l’exception du paragraphe 87(4) parce que BAI n’était pas liée à Mohawk.

 

[57]           Sa Majesté s’appuie plutôt sur l’argument, accepté par le juge, selon lequel la fusion a profité à l’ancienne Husky (et, par conséquent, à HB Acquisition) parce que la fusion a permis la réalisation de toute une série d’opérations au moyen desquelles l’ancienne Husky atteignait certains objectifs. Le juge explique cette conclusion aux paragraphes 58 et 59 de ses motifs :

 

58     Pourquoi Mohawk Canada a‑t‑elle convenu d’accepter les actions privilégiées qu’elle détenait dans Lubes Amalco en échange des actions de Mohawk Lubricants auxquelles elle a renoncé? On peut répondre brièvement à cette question en disant que Mohawk Canada n’avait pas son mot à dire dans l’affaire. La preuve montre que Husky voulait l’entreprise de détail. Elle n’était pas disposée à acheter les actifs résiduels. Balaclava voulait liquider sa position dans Mohawk Canada et elle était prête à accepter les actifs résiduels à la place d’un paiement additionnel en numéraire de 15,5 millions de dollars, à condition que les actifs résiduels puissent être acquis sur la base avant impôt. Mohawk Canada se voyait obligée de donner effet à la fusion et d’échanger les actions qu’elle détenait dans Mohawk Lubricants contre les actions privilégiées de Lubes Amalco parce que la fusion était le moyen par lequel les actifs résiduels pouvaient être transférés à Balaclava, censément sur une base libre d’impôt. La fusion était une condition sine qua non qui ouvrait la voie à l’acquisition de Mohawk Canada par HMLT et par Husky. Ces deux entités se sont engagées envers Balaclava à faire en sorte que Mohawk Lubricants fusionne avec 347 et Mohawk Canada a donné effet à cette promesse au profit de HB Acquisition et de Husky. À mon avis, l’exception prévue au paragraphe 87(4) est conçue pour exclure ce résultat même : elle dispose que l’actionnaire de la société remplacée doit agir dans son propre intérêt plutôt qu’au profit d’une personne liée, comme un actionnaire majoritaire.

 

59     Il importe également de noter que HB Acquisition et Husky tiraient profit de la fusion d’une autre manière. Aux termes de la convention modifiée d’option de vente, HB Acquisition aurait pu être contrainte à acquérir les titres qu’elle avait émis en faveur de BAI pour un montant de 15,5 millions de dollars si les actifs résiduels n’étaient pas transférés à Balaclava par la voie de la fusion, au plus tard le 29 septembre 1998. L’obligation de HB Acquisition de payer ce montant était assortie d’une garantie donnée par Husky. Ces deux obligations éventuelles s’éteignaient au moment où la fusion avait lieu. Après la fusion, BAI était obligée d’échanger les actions ordinaires qu’elle détenait dans HB Acquisition contre des actions privilégiées de HMLT, dont les conditions étaient semblables à celles des titres que Husky détenait dans Lubes Amalco. Je déduis du fait que BAI a échangé les actions qu’elle possédait dans HB Acquisition contre des actions privilégiées de HMLT qui ne lui donnaient aucun rendement annuel que BAI estimait bien qu’elle avait reçu la valeur de 15,5 millions de dollars attribuable aux actifs résiduels grâce à la fusion.

[58]           Je n’accepte pas l’opinion du juge selon laquelle l’exception du paragraphe 87(4) est conçue pour obliger l’actionnaire d’une société remplacée à « … agir dans son propre intérêt plutôt qu’au profit d’une personne liée, comme un actionnaire majoritaire ». À mon avis, l’objectif de l’exception du paragraphe 87(4) est plus précis. En effet, elle vise à dissuader un contribuable d’utiliser l’artifice de la fusion de sociétés pour faire passer une partie ou la totalité de la valeur d’une société remplacée à la société issue de la fusion si, mais seulement si, une personne liée au contribuable possède un intérêt direct ou indirect dans la société issue de la fusion qui sera bonifié par ce transfert de valeur. Cependant, avant d’approfondir cette question d’interprétation, je vais commenter les conclusions de fait tirées par le juge dans les deux paragraphes reproduits ci‑dessus.

 

[59]           À mon avis, le dossier ne confirme pas l’impression du juge selon laquelle l’objectif de l’ancienne Husky n’aurait pu être atteint en l’absence de la fusion. En effet, la fusion n’a été proposée qu’après la mise à la poste de l’offre d’achat. À ce moment‑là, toutes les parties étaient liées par l’entente concernant l’offre conjointe, dont faisait partie la convention d’option de vente, dans sa version originale, par laquelle BAI s’engageait à acheter les actions de Lubricants en contrepartie d’une somme de 15,5 millions de dollars payable en 2023, sans intérêt.

 

[60]           Les parties ont accepté la fusion, non pour faciliter la mise en œuvre de toute la série d’opérations, mais uniquement pour reporter l’impôt sur le gain en capital réalisé à la disposition des actions de Lubricants, évitant ainsi à Mohawk (et, indirectement, à HB Acquisition) une obligation fiscale immédiate de 1,5 million de dollars. Même selon le point de vue sur les faits adopté par Sa Majesté, il serait illogique de conclure que HB Acquisition accepterait de céder des actifs d’une valeur de 15,5 millions de dollars pour réaliser une économie d’impôt de 1,5 million de dollars; de toute façon, ce n’est pas la position adoptée par Sa Majesté.

 

[61]           Quoi qu’il en soit, même si la fusion avait été un élément essentiel de la réalisation d’un arrangement contractuel entre Mohawk, l’ancienne Husky et Baraclava qui, pour une raison ou pour une autre, aurait été particulièrement avantageux pour l’ancienne Husky, l’exception du paragraphe 87(4) ne s’appliquerait pas pour autant. Je tire cette conclusion à cause de mon interprétation des termes pertinents du paragraphe 87(4).

 

[62]           Le paragraphe 87(4) est reproduit intégralement dans l’annexe des présents motifs, mais je présente ici les passages de ce paragraphe qui expliquent les cas où l’exception du paragraphe 87(4) s’applique (non souligné dans l’original) :

87. (4) . . .  lorsque la juste valeur marchande des anciennes actions immédiatement avant la fusion est supérieure à la juste valeur marchande des nouvelles actions immédiatement après la fusion et qu’il est raisonnable de considérer une partie quelconque de cet excédent (appelée la « partie donnée » au présent paragraphe) comme un avantage que l’actionnaire désirait voir conféré à une personne à laquelle il est lié . . .

 

 

87 (4) . . .  where the fair market value of the old shares immediately before the amalgamation exceeds the fair market value of the new shares immediately after the amalgamation and it is reasonable to regard any portion of the excess (in this subsection referred to as the “gift portion”) as a benefit that the shareholder desired to have conferred on a person related to the shareholder . . .

[63]           Selon ma compréhension de cet extrait, l’avantage visé par l’exception du paragraphe 87(4) doit représenter la totalité ou une partie de l’augmentation de valeur correspondant à la « partie donnée ». Donc, l’avantage visé par cette disposition ne peut être l’économie d’impôt résultant de la fusion elle‑même.

 

[64]           La présumée augmentation de valeur correspondant à la « partie donnée » en l’espèce avantage Lubes Amalco et, par conséquent, BAI, du fait que cette dernière est propriétaire de la seule action ordinaire de Lubes Amalco. Si BAI avait été liée à Mohawk, l’exception du paragraphe 87(4) se serait appliquée jusqu’à concurrence du plein montant de la « partie donnée », soit 15,5 millions de dollars. Si BAI avait eu deux actionnaires ayant une participation égale et que l’un d’eux avait été lié à Mohawk, l’exception du paragraphe 87(4) se serait appliquée à 50 % du montant de 15,5 millions de dollars. Si BAI avait eu un actionnaire lié à Mohawk qui avait détenu une participation de 5 %, l’exception du paragraphe 87(4) se serait appliquée à 5 % du montant de 15,5 millions de dollars. Si une personne liée à Mohawk avait eu un intérêt direct ou indirect dans Lubes Amalco, BAI ou Balaclava, et que la valeur de cet intérêt avait été accrue par suite d’une augmentation présumée de la valeur transférée de Mohawk à Lubes Amalco, l’exception du paragraphe 87(4) se serait appliquée à la portion de 15,5 millions de dollars correspondant à cette valeur accrue.

 

[65]           Cependant, étant donné le fait non contesté qu’aucune personne liée à Mohawk ne tire un avantage de cette façon du supposé transfert de valeur de 15,5 millions de dollars au profit de BAI, l’exception du paragraphe 87(4) ne peut s’appliquer.

 

[66]           Je conclus que l’application de l’exception du paragraphe 87(4) en l’espèce est fondée sur une interprétation que l’on ne peut raisonnablement faire du libellé de l’exception du paragraphe 87(4) et qu’elle n’est pas conforme à son objet tel qu’énoncé par son libellé. Il s’ensuit que la nouvelle cotisation faisant l’objet de l’appel ne peut se justifier du fait de l’exception du paragraphe 87(4) et que le produit de disposition de Mohawk des actions de Lubricants n’est pas visé par la disposition déterminative de l’alinéa 87(4)c). Étant donné qu’il est admis que la fusion tombait sous le coup du paragraphe 87(4), le produit de disposition pour Mohawk des actions de Lubricants est visé par la disposition déterminative de l’alinéa 87(4)a). Par conséquent, le produit de disposition pour Mohawk était égal au prix rajusté des actions de Lubricants, soit 9 891 181 $. Donc, Mohawk n’était pas tenue de faire état d’un gain en capital sur la disposition desdites actions.

 

Argument subsidiaire du ministre, paragraphe 69(4)

[67]           La nouvelle Husky soutient que, étant donné que Mohawk a disposé des actions de Lubricants dans le cadre d’une fusion visée par le paragraphe 87(4), le paragraphe 69(4) ne peut s’appliquer. J’en conviens.

 

[68]           Le paragraphe 69(4), lorsqu’il s’applique, refuse à une société l’économie d’impôt résultant de l’attribution de biens lui appartenant. Ce résultat est obtenu en présumant que la société a reçu un produit de disposition égal à la juste valeur marchande du bien. Si le paragraphe 69(4) s’était appliqué en l’espèce, le produit de disposition réputé des actions de Lubricants aurait eu une valeur de 15,5 millions de dollars.

 

[69]           Dans une fusion à laquelle le paragraphe 87(4) s’applique, les actionnaires de chacune des sociétés remplacées disposent de leurs actions en contrepartie d’actions de la société issue de la fusion. En vertu de l’alinéa 87(4)a), le produit de disposition des actions de la société remplacée est égal à leur prix de base rajusté sauf si l’exception du paragraphe 87(4) s’applique, auquel cas, en vertu de l’alinéa 87(4)c), le produit de disposition est réputé égal au moindre des montants suivants, correspondant soit à la juste valeur marchande des actions, soit au total du prix de base rajusté des actions et de la « partie donnée ». En l’espèce, pour les motifs exposés précédemment, l’exception du paragraphe 87(4) ne s’applique pas. Donc, en vertu de l’alinéa 87(4)a), le produit de disposition pour Mohawk des actions de Lubricants est égal à leur prix de base rajusté, soit 9 891 181 $.

 

[70]           Une disposition déterminative crée une fiction légale. Elle reconnaît implicitement qu’une chose n’est pas ce qu’elle est censée être, mais décrète qu’à des fins particulières elle sera considérée comme cette chose (R. c. Verrette, [1978] 2 R.C.S. 838, aux pages 845 et 846).

 

[71]           Si le paragraphe 69(4) pouvait être appliqué à la disposition d’actions auxquelles l’alinéa 87(4)a) s’applique aussi, il en résulterait dans bien des cas (et sûrement en l’espèce) deux dispositions déterminatives créant deux fictions légales différentes. Cette situation serait impossible. En effet, il faut interpréter une des dispositions de façon à ce qu’elle annule l’autre.

 

[72]           À mon avis, les dispositions particulières du paragraphe 87(4) doivent l’emporter sur la règle plus générale du paragraphe 69(4). En d’autres mots, lorsqu’une société fusionne avec une autre dans le cadre d’une fusion visée par le paragraphe 87(4), le produit réputé de la disposition des actions de chaque société remplacée doit être établi en vertu de l’alinéa 87(4)a), à moins que l’exception du paragraphe 87(4) s’applique, auquel cas le produit de disposition réputé doit être établi en vertu de l’alinéa 87(4)c). Dans un cas comme dans l’autre, le paragraphe 69(4) ne peut s’appliquer.

 

Autres commentaires

[73]           La position de Sa Majesté en l’espèce s’appuie sur le postulat implicite selon lequel il ne convient pas qu’un contribuable tente de reporter la constatation d’un gain en capital sur la disposition de biens au moyen d’une entente quelconque visant à repousser pendant 25 ans le droit de recevoir une contrepartie en numéraire. Ce postulat est peut‑être valide. Cependant, les dispositions anti‑évitement de la Loi de l’impôt sur le revenu invoquées en l’espèce ont uniquement pour objet d’empêcher un contribuable de disposer de biens contre un montant inférieur à leur juste valeur marchande ou bien à l’avantage d’une partie liée ou dans le cadre d’une opération avec lien de dépendance. De plus, on pourrait soutenir qu’il est injuste et illogique sur le plan fiscal d’obliger un contribuable à admettre l’existence d’un gain en capital plus important que celui qu’il a vraiment réalisé dans le cadre d’une opération sans lien de dépendance.

 

[74]           Il n’est pas nécessaire d’évaluer la validité du postulat apparent de Sa Majesté en l’espèce. Je souligne toutefois que cette question aurait pu être soulevée et tranchée judiciairement si le ministre avait effectué la nouvelle cotisation en s’appuyant sur la règle générale anti‑évitement de l’article 245 de la Loi de l’impôt sur le revenu plutôt que sur les règles anti‑évitement particulières qu’il a invoquées.

 

Conclusion

[75]           Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens devant notre Cour et devant la Cour de l’impôt. J’annulerais le jugement de la Cour de l’impôt et, rendant l’ordonnance que le juge aurait dû rendre, j’accueillerais l’appel de l’appelante en matière d’impôt sur le revenu pour 1998 et je renverrais l’affaire au ministre pour qu’il établisse une nouvelle cotisation conformément aux présents motifs.

 

 

    « K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord

            Pierre Blais, J.C. »

 

« Je suis d’accord

            J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


ANNEXE

            Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.)

 

 

Paragraphe 87(4)

 

 

87. (4) En cas de fusion de plusieurs sociétés après le 6 mai 1974, chaque actionnaire (à l’exclusion d’une société remplacée) qui était propriétaire, immédiatement avant la fusion, d’actions du capital‑actions de l’une des sociétés remplacées (appelées les « anciennes actions » au présent paragraphe), constituant pour lui des immobilisations, et qui n’a reçu, en contrepartie de la disposition de ces actions lors de la fusion, que des actions du capital‑actions de la nouvelle société (appelées les « nouvelles actions » au présent paragraphe), est réputé :

a) avoir disposé des anciennes actions pour un produit égal au total des prix de base rajustés, pour lui, de ces actions immédiatement avant la fusion;

b) avoir acquis les nouvelles actions d’une catégorie donnée du capital‑actions de la nouvelle société à un coût égal à la fraction du produit visé à l’alinéa a) représentée par le rapport entre :

(i) d’une part, la juste valeur marchande, immédiatement après la fusion, de toutes les nouvelles actions de cette catégorie donnée qu’il a acquises à cette occasion,


(ii) d’autre part, la juste valeur marchande, immédiatement après la fusion, de toutes les nouvelles actions qu’il a acquises à cette occasion;

toutefois, lorsque la juste valeur marchande des anciennes actions immédiatement avant la fusion est supérieure à la juste valeur marchande des nouvelles actions immédiatement après la fusion et qu’il est raisonnable de considérer une partie quelconque de cet excédent (appelée la « partie donnée » au présent paragraphe) comme un avantage que l’actionnaire désirait voir conféré à une personne à laquelle il est lié, les règles suivantes s’appliquent :

c) l’actionnaire est réputé avoir disposé des anciennes actions pour un produit de disposition égal au moindre des montants suivants :

(i) le total des prix de base rajustés supportés par lui, immédiatement avant la fusion, des anciennes actions et de la partie donnée,

(ii) la juste valeur marchande des anciennes actions immédiatement avant la fusion;

d) la perte en capital subie par l’actionnaire lors de la disposition des anciennes actions est réputée nulle;

e) le coût supporté par l’actionnaire de nouvelles actions d’une catégorie quelconque du capital‑actions de la nouvelle société acquises par lui lors de la fusion est réputé être la fraction du moindre des montants suivants :

(i) le total des prix de base rajustés supportés par lui, immédiatement avant la fusion, des anciennes actions,

(ii) le total de la juste valeur marchande, immédiatement après la fusion, de toutes les nouvelles actions ainsi acquises par lui et du montant qui, sans l’alinéa d), aurait constitué la perte en capital subie par l’actionnaire lors de la disposition des anciennes actions,

représentée par le rapport entre :

(iii) d’une part, la juste valeur marchande, immédiatement après la fusion, de toutes les nouvelles actions de cette catégorie ainsi acquises par lui,

(iv) d’autre part, la juste valeur marchande, immédiatement après la fusion, de toutes les nouvelles actions ainsi acquises par lui;

en outre, lorsque les anciennes actions étaient des biens canadiens imposables de l’actionnaire, les nouvelles actions sont réputées faire partie de ses biens canadiens imposables.

87. (4) Where there has been an amalgamation of two or more corporations after May 6, 1974, each shareholder (except any predecessor corporation) who, immediately before the amalgamation, owned shares of the capital stock of a predecessor corporation (in this subsection referred to as the “old shares”) that were capital property to the shareholder and who received no consideration for the disposition of those shares on the amalgamation, other than shares of the capital stock of the new corporation (in this subsection referred to as the “new shares”), shall be deemed

(a) to have disposed of the old shares for proceeds equal to the total of the adjusted cost bases to the shareholder of those shares immediately before the amalgamation, and

(b) to have acquired the new shares of any particular class of the capital stock of the new corporation at a cost to the shareholder equal to that proportion of the proceeds described in paragraph 87(4)(a) that

(i) the fair market value, immediately after the amalgamation, of all new shares of that particular class so acquired by the shareholder,

is of

(ii) the fair market value, immediately after the amalgamation, of all new shares so acquired by the shareholder,

except that, where the fair market value of the old shares immediately before the amalgamation exceeds the fair market value of the new shares immediately after the amalgamation and it is reasonable to regard any portion of the excess (in this subsection referred to as the “gift portion”) as a benefit that the shareholder desired to have conferred on a person related to the shareholder, the following rules apply:

(c) the shareholder shall be deemed to have disposed of the old shares for proceeds of disposition equal to the lesser of

(i) the total of the adjusted cost bases to the shareholder, immediately before the amalgamation, of the old shares and the gift portion, and

(ii) the fair market value of the old shares immediately before the amalgamation,

(d) the shareholder’s capital loss from the disposition of the old shares shall be deemed to be nil, and

(e) the cost to the shareholder of any new shares of any class of the capital stock of the new corporation acquired by the shareholder on the amalgamation shall be deemed to be that proportion of the lesser of

(i) the total of the adjusted cost bases to the shareholder, immediately before the amalgamation, of the old shares, and

(ii) the total of the fair market value, immediately after the amalgamation, of all new shares so acquired by the shareholder and the amount that, but for paragraph 87(4)(d), would have been the shareholder’s capital loss from the disposition of the old shares

that

(iii) the fair market value, immediately after the amalgamation, of the new shares of that class so acquired by the shareholder

is of

(iv) the fair market value, immediately after the amalgamation, of all new shares so acquired by the shareholder,

and where the old shares were taxable Canadian property of the shareholder, the new shares shall be deemed to be taxable Canadian property of the shareholder.

 

 

Paragraphe 69(4)

 

69. (4) Lorsque le bien d’une société est attribué de quelque manière que ce soit à un actionnaire de la société, ou à son profit, à titre gratuit ou pour une contrepartie inférieure à sa juste valeur marchande, et que la vente du bien à sa juste valeur marchande aurait augmenté le revenu de la société, ou réduit sa perte, la société est réputée avoir disposé du bien au moment de son attribution et en avoir reçu un produit de disposition égal à sa juste valeur marchande à ce moment.

69. (4) Where at any time property of a corporation has been appropriated in any manner whatever to or for the benefit of a shareholder of the corporation for no consideration or for consideration that is less than the property’s fair market value and a sale of the property at its fair market value would have increased the corporation’s income or reduced a loss of the corporation, the corporation shall be deemed to have disposed of the property, and to have received proceeds of disposition therefor equal to its fair market value, at that time.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑147‑09

 

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR L’HONORABLE JUGE HOGAN LE 24 FÉVRIER 2009, DANS LE DOSSIER NO 2006‑421(IT)G

 

INTITULÉ :                                                   Husky Oil Limited c. Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 13 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                              LA JUGE SHARLOW

 

ONT SOUSCRIT :                                        LE JUGE BLAIS

                                                                        LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 21 mai 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Edwin G. Kroft

POUR L’APPELANTE

 

Wendy Burnham

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault LLP

Vancouver (Colombie‑Britannique)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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