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Cour d'appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20100519

Dossier : A-334-09

Référence : 2010 CAF 126

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

CHRISTIAN BOMONGO

PATRICK KENABANTU

TARIK LAASSEL

demandeurs

et

SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS,

DE L'ÉNERGIE ET DU PAPIER

et

BELL CANADA

défendeurs

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 17 mai 2010.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 19 mai 2010.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                               LA COUR

 


Cour d'appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

 

Date : 20100519

Dossier : A-334-09

Référence : 2010 CAF 126

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

CHRISTIAN BOMONGO

PATRICK KENABANTU

TARIK LAASSEL

demandeurs

et

SYNDICAT CANADIEN DES COMMUNICATIONS,

DE L'ÉNERGIE ET DU PAPIER

et

BELL CANADA

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA COUR

 

Question préliminaire : demande de reconsidération de la Directive du 13 mai 2010

 

[1]               Au début de l’audience, les demandeurs ont prié la Cour de réviser et de réformer la Directive du 13 mai 2010 refusant le dépôt de la requête qu’ils voulaient présenter le matin de l’audition. La requête fut refusée pour dépôt, entre autres, parce que tardive, non pertinente et sollicitant des conclusions qui ne sont pas de notre ressort.

 

[2]               Quoi qu’il en soit, les demandeurs voulaient établir que l’arbitre de leurs griefs n’avait pas encore statué sur l’admissibilité des preuves qu’il avait reçues, ce dont a convenu le procureur du Syndicat canadien des communications, de l’énergie et du papier (Syndicat).

 

[3]               En conséquence, la question de la révision de la Directive ainsi que celle du dépôt de la requête sont devenues sans objet.

 

Les questions en litige

 

[4]               Nous sommes saisis d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision du Conseil canadien des relations industrielles (Conseil) rendue, avec motifs écrits à l’appui, le 30 juillet 2009.

 

[5]               Au terme de cette décision, le Conseil rejetait les allégations des demandeurs selon lesquelles leur Syndicat manquait à son devoir de représentation juste et équitable auquel il est tenu en vertu du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (Code).

 

[6]               Le Conseil a-t-il erré dans ses conclusions, outrepassé ses compétences et manqué aux règles de justice naturelle comme le prétendent les demandeurs? Avant d’aborder ces questions, un bref résumé des faits et de la procédure s’impose.

 

Les faits et la procédure

 

[7]               Suite au congédiement des demandeurs en 2004 par leur employeur, le Syndicat a logé en leur nom des griefs pour contester cette décision de l’employeur.

 

[8]               Alors que les audiences débutaient devant l’arbitre chargé d’entendre les griefs, les demandeurs ont porté une plainte en vertu de l’article 37 du Code. Par sa teneur, cette plainte reprochait au Syndicat et à sa procureure de manquer au devoir de représentation juste et équitable qui lui échoit. Plus exactement, les demandeurs se plaignaient d’une attitude complaisante du Syndicat et de leur procureure, d’une défense gravement négligente et délibérément arbitraire, fausse ou trompeuse : voir le dossier des demandeurs à la page 26.

 

[9]               L’insatisfaction des demandeurs, comme on peut le voir de la plainte, prend sa source dans l’administration et la gestion préliminaires de la preuve faites par la procureure du Syndicat au début de l’audition de leurs griefs devant l’arbitre. Ils se sont sentis trahis parce que la procureure, selon leurs allégations, ne se serait pas opposée au dépôt d’une preuve de l’employeur alors qu’il était convenu avec eux de l’approche contraire.

 

[10]           Le dépôt de la plainte a entraîné une suspension de l’audience devant l’arbitre jusqu’à ce que le Conseil en décide. Il va de soi que la suspension perdure par suite des procédures devant nous.

 

La décision du Conseil

 

[11]           Dans sa décision, le Conseil explique les limites du rôle qu’il est appelé à jouer lors d’un litige fondé sur l’article 37. Son rôle, dit-il, n’est pas de réviser les décisions du Syndicat ou de déterminer si les décisions prises sont de bonnes décisions.

 

[12]           De même, dans le cadre étroit de l’article 37, le Conseil reconnaît qu’il ne siège pas en appel des décisions interlocutoires prises par l’arbitre. Il décrit son rôle comme consistant à examiner non pas la compétence du syndicat et de ses représentants ou procureurs, mais leur comportement pour déterminer s’ils agissent d’une manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi.

 

[13]           Après analyse des prétentions des demandeurs et du Syndicat, le Conseil, aux pages 8 et 9 de sa décision, conclut ainsi quant au bien-fondé de la plainte :

 

            Dans le cas qui nous occupe, la documentation présentée n’a pas convaincu le Conseil que le syndicat a agi d’une manière arbitraire, discriminatoire ou de mauvaise foi. En fait, la preuve au dossier montre que le syndicat a représenté et continue de représenter les plaignants devant l’arbitre de griefs par l’entremise de la procureure inscrite au dossier, d’ailleurs, plusieurs autres journées d’audience doivent être tenues pour examiner les griefs de congédiement des plaignants.

 

            Le Conseil n’est pas en mesure de se prononcer sur la conduite ou la stratégie adoptée par la procureure inscrite au dossier, et encore moins d’évaluer l’admissibilité de la preuve produite devant l’arbitre de griefs. Selon le Conseil, une plainte de manquement au devoir de représentation juste n’est pas « le véhicule approprié pour se plaindre » de la conduite d’un procureur. D’ailleurs, selon la preuve au dossier, la procureure a tenu les plaignants informés de ce qui se passait et les a consultés sur les questions factuelles en litige.

 

            Le Conseil comprend que les plaignants vivent des moments difficiles en raison de leur congédiement en 2004, mais il n’en demeure pas moins que le syndicat continue de les représenter; sans porter de jugement sur la qualité de la représentation par le syndicat lors des séances d’arbitrage, le Conseil ne peut conclure que ce dernier a agi jusqu’ici d’une manière arbitraire, empreinte de mauvaise foi ou de discrimination à l’endroit des plaignants.

 

 

Analyse de la décision du Conseil et des prétentions des parties

 

[14]           Les demandeurs ne sont pas représentés par procureur. Leur méconnaissance de notre système juridique se reflète tant dans les prétentions soumises que dans les conclusions recherchées devant le Conseil et notre Cour. C’est sans doute l’une des raisons pour lesquelles le Conseil a pris grand soin de réitérer les paramètres de sa compétence sous l’article 37 du Code.

 

[15]           Devant nous, les demandeurs reprochent au Conseil de ne pas avoir tenu compte de faits et gestes qui, de fait, débordent le cadre de son mandat lors de l’analyse d’une plainte sous l’article 37. Par exemple, tel que déjà mentionné, ils remettent à nouveau en cause la conduite de la procureure du Syndicat en lui reprochant de ne pas s’être opposée à l’admissibilité d’une preuve devant l’arbitre alors que l’article 60 du Code confère à l’arbitre le pouvoir d’accepter toute preuve qu’à son appréciation il juge indiqué, qu’elle soit admissible ou non en justice. De toute façon, l’audition n’en était qu’à ses débuts et les preuves furent déposées sous réserve de leur admissibilité et de toute autre objection. Les demandeurs ont mal compris et interprété le déroulement des procédures dans leur phase initiale devant l’arbitre. On comprendra facilement que le Conseil ne peut s’immiscer à la légère dans la qualité de la représentation devant l’arbitre et dans la question de la compétence ou de la stratégie de la procureure du Syndicat.

 

[16]           Les demandeurs allèguent une conspiration du procureur de l’employeur et de la procureure du Syndicat contre eux pour ultimement les débouter de leurs griefs. Comme il en est ressorti des plaidoiries devant nous, il y a une nette confusion chez les demandeurs entre des allégations, des représentations, des inférences et de la preuve. Il y a aussi confusion dans leurs représentations orales entre le mérite ou démérite de leur congédiement et le devoir de représentation de leur Syndicat. Les efforts des membres de la formation pour recentrer l’audition sur la véritable question en litige sont demeurés vains. En définitive, on ne nous a pas identifié au dossier de preuves établissant un manque de transparence du Syndicat dans le but de leur nuire.

 

[17]           Les demandeurs voient un manquement aux règles de justice naturelle du fait que le Conseil n’a pas tenu d’audience. Or, l’article 16.1 du Code lui permet en toute légalité de procéder comme il l’a fait après avoir estimé que les pièces produites et les observations écrites des parties s’avéraient suffisantes pour lui permettre de rendre une décision sans audience. Il n’y a donc pas de mérite à cet argument.

 

[18]           Reproche est également fait au Conseil d’avoir consacré plus de temps à expliquer les limites de son rôle en vertu de l’article 37 qu’à analyser les prétentions des demandeurs. Mais le Conseil, il faut le dire, n’avait guère le choix. Tel que déjà mentionné, les allégations des demandeurs outrepassaient la compétence que confère l’article 37 au Conseil. Ce dernier les a écartées en expliquant les limites de son mandat. Rien de ce qui apparaît à ce titre dans les motifs de la décision du Conseil ne justifie notre intervention.

 

[19]           En somme, après une lecture attentive de la décision du Conseil en regard des prétentions respectives des parties, nous n’y voyons aucune erreur de droit ou de fait matérielle qui justifierait notre intervention.

 

Conclusion

 

[20]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 

« M. Nadon »

j.c.a.

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-334-09

 

INTITULÉ :                                                   CHRISTIAN BOMONGO et al. c. SYNDICAT

                                                                        CANADIEN DES COMMUNICATIONS, DE

                                                                        L’ÉNERGIE ET DU PAPIER et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 17 mai 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                        LE JUGE NADON

                                                                        LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 19 mai 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Christian Bomongo

Patrick Kenabantu

Tarik Laassel

 

SE REPRÉSENTANT

EUX-MÊMES

 

Claude Tardif

 

Mireille Bergeron

POUR LE DÉFENDEUR (SCCEP)

 

POUR LE DÉFENDEUR (Bell)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Rivest Schmidt

Montréal (Québec)

 

Mireille Bergeron

Verdun (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR (SCCEP)

 

 

POUR LE DÉFENDEUR (Bell)

 

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