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Date : 20100513

Dossier : A-327-09

Référence : 2010 CAF 122

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

DANIEL KING

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 5 mai 2010

Jugement délivré à Ottawa (Ontario), le 13 mai 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                  LA JUGE SHARLOW

                                                                                                                        LA JUGE TRUDEL

 

 


Date : 20100513

Dossier : A-327-09

Référence : 2010 CAF 122

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

DANIEL KING

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]        Par ordonnance en date du 4 août 2009, la Cour fédérale a rejeté la requête de l’appelant visant à faire autoriser la demande de contrôle judiciaire sous‑jacente comme recours collectif, au motif que les actes de procédure ne révélaient pas de cause d’action valable. Les motifs de cette décision sont exposés dans King c. Canada, 2009 CF 796, [2009] A.C.F. no 953.

 

[2]        L’appel soulève la question de savoir si le juge a conclu à tort que les actes de procédure de l’appelant ne révélaient pas de cause d’action valable. Pour les motifs exposés ci‑dessous, je suis d’avis de rejeter l’appel.

 

Les faits et l’historique procédural

[3]        Les faits et l’historique procédural ne sont pas contestés, et sont décrits en détail dans les motifs de l’ordonnance portée en appel. Pour nos besoins, le bref résumé qui suit suffira.

 

1.                  Après avoir subi un accident de travail en mai 1996, l’appelant a demandé une pension d’invalidité en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C‑8 (le Régime).

2.                  Il a été débouté à tous les paliers, y compris le palier du tribunal de révision, jusqu’à ce que la Commission d’appel des pensions ordonne, au mois de novembre 2002, le versement d’une pension d’invalidité avec effet rétroactif au mois de février 1995.

3.                  L’appelant a reçu 109 869,49 $, soit le total des prestations mensuelles qu’il aurait touchées si les versements avaient été faits à compter de février 1995. Aucuns intérêts ne lui ont été versés.

4.                  L’appelant a demandé le versement d’intérêts, mais il a été informé que la politique du ministère était de ne pas en payer.

5.                  L’appelant a alors demandé des mesures correctives en vertu du paragraphe 66(4) du Régime. Cette disposition est ainsi conçue :

66 (4) Dans le cas où le ministre est convaincu qu’un avis erroné ou une erreur administrative survenus dans le cadre de l’application de la présente loi a eu pour résultat que soit refusé à cette personne, selon le cas :

 

a) en tout ou en partie, une prestation à laquelle elle aurait eu droit en vertu de la présente loi,

 

. . .

 

le ministre prend les mesures correctives qu’il estime indiquées pour placer la personne en question dans la situation où cette dernière se retrouverait sous l’autorité de la présente loi s’il n’y avait pas eu avis erroné ou erreur administrative.

 

66 (4) Where the Minister is satisfied that, as a result of erroneous advice or administrative error in the administration of this Act, any person has been denied

 

 

(a) a benefit, or portion thereof, to which that person would have been entitled under this Act,

 

[…]

 

the Minister shall take such remedial action as the Minister considers appropriate to place the person in the position that the person would be in under this Act had the erroneous advice not been given or the administrative error not been made.

 

6.       La demande de mesures correctives a été rejetée au mois de juillet 2009, au motif que la ministre de Ressources humaines et Développement des compétences Canada (la ministre) n’avait trouvé aucune preuve d’erreur administrative ou d’avis erroné.

7.       L’appelant a alors demandé à la Cour fédérale le contrôle judiciaire du refus de prendre des mesures correctives en application du paragraphe 66(4) du Régime.

8.             Un dossier du tribunal certifié conforme a été déposé dans cette affaire. Selon l’appelant, il appert de ce dossier que la ministre, tant au palier initial qu’à celui du réexamen, a pris en compte des renseignements médicaux émanant de la commission des accidents du travail sans permettre à l’appelant de les examiner et de présenter ses commentaires à leur sujet.

9.             Lors du contrôle judiciaire, la Cour a défini ainsi la question juridique préliminaire à trancher :

La décision de la Commission d’appel des pensions selon laquelle le demandeur a droit à une pension d’invalidité implique‑t‑­elle que la décision initiale de la ministre des Ressources humaines et du Développement social lui refusant une pension d’invalidité était fondée sur un « avis erroné » au sens du paragraphe 66(4) du Régime de pensions du Canada?

 

 

10.     La Cour fédérale a répondu par l’affirmative à cette question, mais notre Cour a infirmé cette décision dans King c. Canada (Ministre des Ressources humaines et du Développement des compétences), 2009 CAF 105, (2009), 392 N.R. 227. Au paragraphe 31 des motifs de cette décision, on peut lire :

          Je suis d’avis que les mots « avis erroné » au paragraphe 66(4) du RPC s’entendent d’avis que le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences donne à un membre du public, et non aux avis que ses fonctionnaires peuvent donner à l’occasion à la ministre lorsqu’ils décident si une pension devrait être accordée. Le RPC est un des régimes de prestations sociales les plus importants au pays. La loi et ses règlements sont complexes, et de nombreux requérants ne sont pas représentés par avocat. Ainsi, il arrive que des fonctionnaires du ministère communiquent des renseignements sommaires par téléphone ou en personne dans les bureaux locaux du ministère concernant le droit à des prestations, les délais pour présenter une demande, et ainsi de suite. Lorsqu’un fonctionnaire communique des renseignements inexacts à un membre du public, et qu’il s’ensuit le refus d’une prestation, la ministre peut décider de prendre une mesure corrective. C’est ce genre de situation dont il a été question dans toutes les décisions antérieures de la Cour et de la Cour fédérale concernant le paragraphe 66(4) (voir Pincombe c. Canada (Procureur général) (1995), 189 N.R. 197 (C.A.F.); Leskiw c. Canada (Procureur général), 233 F.T.R. 182, 2003 CFPI 582, conf. par 320 N.R. 175, 2004 CAF 177, autorisation de pourvoi refusée [2004] A.C.S.C. no 317; Cowton c. Canada (Développement des ressources humaines), 2004 CF 530; Graceffa c. Canada (Ministre du Développement social), 306 F.T.R. 193, 2006 CF 1513). [Je souligne.]

 

11.     L’appelant a fait valoir trois causes d’action dans sa requête visant à faire autoriser sa demande de contrôle judiciaire comme recours collectif :

(i)                  la cause d’action examinée dans le cadre de la question juridique principale;

(ii)                l’erreur que la ministre aurait commise dans l’interprétation de la définition d’« invalidité » énoncée dans le Régime;

(iii)               un manquement allégué à l’équité procédurale; la ministre n’aurait pas fourni à l’appelant tous les renseignements médicaux et autres reçus de la commission des accidents du travail qui faisaient partie de son dossier tant au palier initial qu’à celui du réexamen.

 

[4]        L’appelant soutient que les deux dernières causes sont [traduction] « des pratiques répréhensibles constituant toutes deux des avis erronés et des erreurs administratives » au sens du paragraphe 66(4) du Régime, et qu’elles forment de ce fait une cause d’action raisonnable.

 

Norme de contrôle

[5]        Les parties conviennent que les erreurs alléguées portent sur des questions de droit pour lesquelles la norme de contrôle applicable est celle de la raisonnabilité. Je suis de cet avis.

Application de la norme de contrôle

[6]        Pour les motifs qui suivent, j’estime que le juge n’a pas commis d’erreur en concluant que les actes de procédure ne révélaient pas de cause d’action valable.

 

[7]        Suivant la règle 334.16(1)a) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, celui qui demande qu’une instance soit autorisée comme recours collectif doit démontrer que les actes de procédure révèlent une cause d’action valable. Pour déterminer si tel était le cas, la Cour fédérale a eu recours au critère utilisé en matière de radiation de demande de contrôle judiciaire, à savoir : la cause d’action invoquée est‑elle manifestement irrégulière au point de n’avoir aucune chance d’être accueillie?

 

[8]        Lors de l’examen des causes d’action invoquées, le juge de la Cour fédérale a indiqué que les parties avaient convenu que l’allégation suivant laquelle la décision de la ministre de refuser la pension d’invalidité reposait sur un avis erroné ne constituait pas une cause d’action valable, puisque la décision de notre Cour sur la question de droit préliminaire était déterminante quant à cette cause d’action. La validité de cette conclusion n’a pas été contestée dans le présent appel.

 

[9]        La deuxième cause d’action invoquée prend la forme de l’allégation que la définition d’invalidité est entachée d’une erreur de droit. Lors des plaidoiries devant notre Cour, l’avocat de l’appelant a concédé qu’une telle erreur de droit de la ministre ne constituerait ni un « avis erroné » ni une « erreur administrative » au sens du paragraphe 66(4) du Régime. Cela règle le cas de la deuxième cause d’action.

[10]      La troisième cause d’action est la violation alléguée de l’équité procédurale découlant de l’omission de la ministre de fournir à l’appelant les renseignements médicaux obtenus de la commission des accidents du travail. L’appelant prétend qu’il s’agit d’une erreur administrative. Toutefois, l’existence d’une telle obligation de communication à un stade de l’examen qui paraît être administratif n’est pas établie. Sans me prononcer sur ce point, je présumerai toutefois, pour les besoins du présent appel, qu’une telle obligation existait.

 

[11]      Pour que le paragraphe 66(4) du Régime s’applique, l’erreur administrative alléguée doit entraîner le refus de la prestation à laquelle l’appelant avait droit. Il faut donc que l’allégation faite dans les actes de procédure, selon laquelle la ministre a tiré une conclusion erronée au sujet du droit de l’appelant à une mesure corrective par suite d’une erreur administrative, repose sur un fondement factuel. Les actes de procédure ne font toutefois pas état que l’omission de la ministre de communiquer des documents a entraîné une conclusion erronée. L’appelant ne cite aucun document ou renseignement des pièces de la commission des accidents du travail non communiquées qui aurait joué un rôle dans la décision de la ministre à l’égard de la demande fondée sur le paragraphe 66(4) du Régime. Cette absence de lien causal dans les actes de procédure est fatale pour la troisième cause d’action invoquée.

 

 

 

Conclusion

[12]      Pour ces motifs, je rejetterais l’appel. L’intimé n’a pas demandé d’adjudication de dépens. Par conséquent, aucuns dépens ne sont adjugés.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

« Je suis d’accord.

K. Sharlow j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Johanne Trudel j.c.a. »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                       A-327-09

 

APPEL DÉPOSÉ LE 26 AOÛT 2009 À L’ENCONTRE DE LA DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE EN DATE DU 4 AOÛT 2009 DANS LE DOSSIER T‑1361‑07, ET REQUÊTE (DOC. 20)

 

 

INTITULÉ :                                                      DANIEL KING c.

                                                                           PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              Le 5 mai 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                           LA JUGE DAWSON

 

 

Y ONT SOUSCRIT :                                        LA JUGE SHARLOW

                                                                           LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                     Le 13 mai 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Frank J. Provenzano

Peter Sengbusch

POUR L’APPELANT

 

 

Barney Brucker

Travis Henderson

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Frank J. Provenzano

Sault Ste. Marie (Ontario)

 

Peter Sengbusch

London (Ontario)

 

 

POUR L’APPELANT

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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