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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20100505

Dossier : A-268-09

Référence : 2010 CAF 117

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

GILBERT L'ÉCUYER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 3 mai 2010.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 5 mai 2010.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE NADON

                                                                                                                       LE JUGE PELLETIER

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20100505

Dossier : A-268-09

Référence : 2010 CAF 117

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

GILBERT L'ÉCUYER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

[1]               L’appelant, qui n’est pas représenté par procureur, porte en appel une décision du juge Shore de la Cour fédérale (juge). Par cette décision rendue le 28 mai 2009, le juge a rejeté la demande de contrôle judiciaire intentée par l’appelant à l’encontre d’une décision de la Commission des plaintes du public contre la Gendarmerie Royale du Canada (Commission)(GRC).

 

[2]               Appliquant la norme de contrôle de la « raisonnabilité », le juge a conclu que la décision du Président de la Commission était raisonnable.

 

[3]               Essentiellement, l’appelant nous demande de réviser les conclusions et les inférences de fait prises et tirées par la Commission et de substituer notre appréciation des faits à celle de la Commission.

 

[4]               La jurisprudence qui nous guide et nous lie est claire sur cet aspect de la norme de contrôle applicable à la révision de questions de fait ou d’inférences de fait : que ce soit en appel ou dans le cadre d’un contrôle judiciaire, le juge siégeant en révision doit faire « preuve de retenue à l’égard des questions et des inférences de fait en raison de «l’avantage capital» dont jouit le juge des faits » : voir Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9, au paragraphe 53; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 37; Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, aux paragraphes 10 à 25.

 

[5]               Au paragraphe 25 de l’arrêt Housen, les juges Iacobucci et Major écrivent :

[25]  Bien que le juge de première instance soit toujours dans une position privilégiée pour apprécier la crédibilité des témoins, ce n'est pas là le seul domaine où il bénéficie d'un avantage sur les juges des cours d'appel. Parmi les avantages dont jouit le juge de première instance sur le plan des inférences factuelles, mentionnons son expertise relative en matière d'appréciation et d'évaluation de la preuve, de même que la connaissance unique qu'il possède de la preuve souvent abondante produite par les parties. Cette familiarité avec toute la trame factuelle lui est d'une grande utilité lorsque vient le moment de tirer des conclusions de fait. En outre, les considérations relatives au coût, au nombre et à la durée des appels sont tout aussi pertinentes pour ce qui est des inférences de fait que pour ce qui est des conclusions de fait, et justifient l'application aux unes comme aux autres d'une norme empreinte de retenue.

 

[6]               À l’audience, l’appelant a réitéré sa complainte que la GRC et la Commission n’ont pas enquêté adéquatement sur le harcèlement policier dont il s’est dit victime dans les pays qu’il a visités alors qu’il était en vacances, particulièrement en Bulgarie, en Italie, en Espagne, en France et en Suisse. Selon lui, ce harcèlement prenait sa source au Canada : voir le dossier d’appel, vol. 1, à la page 95.

 

[7]               Au soutien de sa plainte faite à la Commission, il écrit ce qui suit aux paragraphes 8 et 9 que l’on retrouve à la page 97 du volume 1 du dossier d’appel :

8.     J’ai des raisons de croire qu’il y a eu corruption de dossier, peut-être constitué d’abord à l’encontre d’un homonyme, pour en utiliser le contenu contre moi et y greffer peut-être d’autres éléments factices de façon à me compromettre dans des histoires qui auraient été autrement invraisemblables.

       À cet égard, il convient de considérer qu’entre 1993 et 1996, j’avais fait l’objet de harcèlement dans mon travail et de hauts fonctionnaires québécois avaient cherché à m’associer à des inconduites auxquelles je n’avais rien à voir.

       Il est très vraisemblable qu’ils aient réussi par des jeux politiques à inscrire de fausses accusations dans un dossier sur moi et, par un jeu d’influence auprès des corps policiers, à travers la GRC, à le faire suivre jusqu’à Interpol; ceci pourrait être à l’origine de tous les problèmes que j’ai connus en Europe en 2006.

 

9.     Du reste, il est possible que des agents de la GRC et/ou du SCRS, ou des personnes associées d’une façon ou d’une autre à l’un de ces organismes, aient aussi poursuivi des objectifs de règlement de compte après que j’aie divulgué des informations sur des inconduites douteuses à l’intérieur de la GRC et dans des institutions politiques.

 

[8]               Enfin, toujours dans ce contexte, il soutient que la Commission lui a imposé un fardeau de preuve démesuré en exigeant qu’il produise des preuves convaincantes et concrètes au soutien de sa plainte. Il ajoute que, suite à sa demande, la GRC avait l’obligation de l’assister dans ses démarches auprès de corps policiers étrangers, notamment Interpol, pour déterminer s’il fait l’objet d’une enquête policière de leur part.

 

[9]               La Commission a considéré les allégations de harcèlement faites par l’appelant et conclu qu’il n’y avait pas de preuves convaincantes et concrètes au soutien des allégations. Dans son rapport final (voir le dossier d’appel, vol. 1, à la page 37), le Président de la Commission écrit :

À mon avis, les arguments avancés par M. L’Écuyer pour appuyer son hypothèse sont illogiques. Il mentionne une panoplie d’événements courants qui ont eu lieu lors de son voyage à l’étranger et qui, selon moi, ne sont aucunement liés l’un à l’autre. Il croyait qu’un dossier existait au sein des services policiers autant canadiens qu’étrangers mais, en réalité il n’en existe aucun. M. L’Écuyer a entrepris les démarches nécessaires pour déterminer si un tel dossier existait en soumettant des demandes d’accès à l’information auprès de diverses agences policières, lesquelles lui ont confirmé qu’aucun dossier n’existe. Et c’est grâce aux recommandations du caporal Beaulieu que M. L’Écuyer a appris qu’aucun dossier n’existait. Par ailleurs, je crois que la GRC avait assez d’information pour déterminer que la plainte n’était pas étayée de preuves convaincantes et concrètes. En effectuant ma propre analyse des éléments de preuve soumis par M. L’Écuyer, j’en suis venu à la même conclusion que la GRC. Notons que les agences impliquées dans les demandes d’accès à l’information ont toutes indiqué catégoriquement qu’aucun dossier n’existait au sujet de M. L’Écuyer. En conclusion, il n’existe aucune preuve qui démontre que la police au Canada a monté un dossier contre M. L’Ecuyer ou que des renseignements sur M. L’Écuyer auraient été transmis à Interpol ou à des services de police étrangers.

(je souligne)

 

[10]           Il ne m’est pas nécessaire de statuer sur l’obligation, s’il en est une, d’un corps de police canadien de prêter assistance à un citoyen dans les démarches qu’il désire entreprendre auprès de forces policières d’autres pays, et je me garde bien de le faire. Mais ceci dit, avec respect, je ne crois pas qu’un citoyen puisse mobiliser les services de police canadiens pour leur imposer de faire des recherches auprès de corps policiers étrangers sur la base de simples impressions, sans aucune preuve quelconque qui, objectivement, donne à tout le moins un air de vraisemblance ou de réalité aux allégations de harcèlement policier dont il se dit victime de leur part.

 

[11]           Après révision des questions en litige, de la décision du juge, de celle de la Commission, ainsi que des mémoires des parties, je suis satisfait que le juge n’a pas commis d’erreur justifiant notre intervention tant au niveau de la détermination de la norme de contrôle applicable que de son application à la révision de la décision de la Commission.

 

[12]           L’appelant a demandé d’être exempté du paiement des frais au motif qu’il avait soulevé des questions nouvelles, d’intérêt et d’importance généraux. Vu les conclusions sans équivoque auxquelles la Commission et le juge en sont venus, je ne crois pas qu’il y a lieu de déroger à la règle générale applicable en la matière, soit que les frais suivent le sort de l’appel.

 

[13]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

M. Nadon, j.c.a.. »

 

 

« Je suis d’accord.

J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-268-09

 

(APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DU 28 MAI 2009, N° DU DOSSIER T-719-08).

 

 

INTITULÉ :                                                                           GILBERT L’ECUYER  c.

                                                                                                SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 3 mai 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE NADON

                                                                                                LE JUGE PELLETIER

                                                                                               

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 5 mai 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gilbert L'Ecuyer

POUR L’APPELANT

 

Jacques Savary

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

 

Myles J. Kirvan

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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