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Date : 20100415

Dossier : A‑36‑09

Référence : 2010 CAF 98

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

RICHARD G. SCHROTER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 22 mars 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 avril 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                   LA JUGE SHARLOW

                                                                                                 LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

 


Date : 20100415

Dossier : A‑36‑09

Référence : 2010 CAF 98

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

ENTRE :

RICHARD G. SCHROTER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE DAWSON

[1]               Il s’agit d’un appel formé à l’encontre d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt selon la procédure informelle (2008 CCI 681). La question qui est soulevée est celle de savoir si la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en concluant qu’un permis de stationnement, accordé sans frais à l’appelant par son employeur, constituait un avantage imposable, ou plutôt si la juge a commis une erreur en quantifiant cet avantage.

 

Faits pertinents

[2]               L’appelant est employé par Telus au bureau de celle‑ci situé au centre‑ville d’Edmonton. Son employeur lui a d’abord offert gratuitement un permis de stationnement lorsqu’il a été promu au poste de directeur de la fiscalité. Avant de recevoir le permis, l’appelant avait l’habitude de se rendre au travail en autobus. Après qu’on lui eut accordé, il a pris l’habitude de s’y rendre dans son propre véhicule, réduisant ainsi son temps de déplacement d’une heure par jour.

 

[3]               Au cours de la vérification ayant donné lieu à la cotisation de l’appelant, Telus a déclaré à l’Agence du revenu du Canada que [traduction] « [h]abituellement, le stationnement était fourni aux employés des échelles salariales no 5 et plus, de même qu’à un nombre restreint d’employés d’échelles salariales inférieures à l’échelle no 5 qui, pour des raisons particulières, en avaient besoin ». Le poste de directeur de la fiscalité relève de l’échelle salariale no 5.

 

Disposition législative

[4]               La disposition législative pertinente se trouve à l’alinéa 61(1)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5suppl.). L’alinéa est rédigé comme suit :

6. (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu d’un contribuable tiré, pour une année d’imposition, d’une charge ou d’un emploi, ceux des éléments suivants qui sont applicables :

 

a) la valeur de la pension, du logement et autres avantages quelconques qu’il a reçus ou dont il a joui au cours de l’année au titre, dans l’occupation ou en vertu d’une charge ou d’un emploi […]

6. (1) There shall be included in computing the income of a taxpayer for a taxation year as income from an office or employment such of the following amounts as are applicable

 

(a) the value of board, lodging and other benefits of any kind whatever received or enjoyed by the taxpayer in the year in respect of, in the course of, or by virtue of an office or employment […]

 

 

La décision du juge de la Cour de l’impôt

[5]               La juge a constaté que plusieurs employés de Telus avaient reçu des cotisations pour des permis de stationnement et avaient déposé des avis d’opposition. Une cause type, Adler c. La Reine, 2007 CCI 272, 2007 DTC 783, avait antérieurement abouti à une décision n’ayant pas donné lieu à appel.

 

[6]               Dans Adler, la Cour de l’impôt a examiné la jurisprudence de la Cour suprême du Canada et de la Cour portant sur l’alinéa 6(1)a) de la Loi, particulièrement en matière de places de stationnement payées par l’employeur. Elle a ensuite conclu que l’alinéa 6(1)a) nécessitait la prise en compte un certain nombre de facteurs dont le plus important, pour l’affaire dont elle était saisie, était de savoir qui était le principal bénéficiaire de l’entente sur les places de stationnement gratuites. Il fallait pour cela apprécier la totalité de la preuve afin de déterminer, eu égard à la situation de chaque contribuable, si « le bénéfice qu’offrait […] le droit au stationnement résultant du permis gratuit fourni par Telus était accessoire à l’avantage qu’en tirait l’employeur ».

 

[7]               Dans la présente affaire, la juge de la Cour de l’impôt a conclu qu’il importait que l’approche adoptée par la Cour de l’impôt sur la question des places de stationnement payées par l’employeur soit cohérente. La décision Adler visait à fournir une orientation à l’égard des dossiers des autres employés de Telus. Estimant que la conclusion dans Adler constituait une conclusion raisonnable sur une question litigieuse difficile, la juge a décidé de faire sienne l’approche adoptée par la Cour de l’impôt dans Adler.

[8]               En ce qui concerne expressément l’appelant, la juge a relevé que les observations de celui‑ci se résumaient pour l’essentiel à l’argument selon lequel le permis lui avait été accordé afin qu’il puisse accomplir plus facilement les heures de travail supplémentaire que lui imposait son nouveau poste. L’appelant a témoigné que son directeur lui avait dit la même chose. D’après la juge, si le permis lui avait été accordé pour cette raison, l’on pouvait conclure à l’existence d’une fin commerciale de sorte que c’est principalement Telus qui tirait avantage du permis. Cependant, la juge de la Cour de l’impôt a conclu que la preuve présentée par l’appelant ne permettait pas d’étayer cette position. L’appelant n’avait pas appelé son directeur à témoigner. La juge de la Cour de l’impôt a conclu que, pour démontrer la fin poursuivie par Telus en accordant le permis, il aurait été « essentiel » que l’appelant appelle son directeur à témoigner.

 

[9]               La juge s’est ensuite penchée sur la question de savoir si, malgré l’intention de Telus, l’utilisation de sa voiture par l’appelant constituait une fin commerciale. L’appelant a fait valoir qu’en utilisant sa voiture plutôt que les transports publics, il gagnait approximativement une heure par jour en temps de déplacement. Il passait cette heure à travailler. La juge a accepté cet élément de preuve. Elle a toutefois conclu que « la décision [de l’appelant] de se rendre à son travail en automobile tenait essentiellement à un choix personnel ». Cela était compatible avec l’approche adoptée dans Adler.

 

[10]           La juge de la Cour de l’impôt a conclu que l’appelant se trouvait dans une situation analogue à celle de l’un des appelants dans Adler. Ce dernier avait fait valoir que le permis lui permettait de travailler plus longtemps et de s’acquitter des lourdes tâches associées à son poste, ce qui était à l’avantage de la société. Dans Adler, le juge a toutefois conclu que l’utilisation d’une place de stationnement, plutôt que d’être attribuable à une exigence expresse ou implicite de l’employeur, était inextricablement liée à un choix personnel. Si Telus bénéficiait d’un avantage accessoire, c’était le contribuable qui tirait l’avantage principal.

 

[11]           Suivant un raisonnement parallèle, la juge a conclu que le permis de stationnement constituait un avantage imposable pour l’appelant.

 

[12]           En ce qui concerne la valeur du permis, la juge de la Cour de l’impôt a considéré les arguments de l’appelant selon lesquels le coût devait être évalué par comparaison au coût du transport public et à d’autres possibilités comme une place de stationnement moins chère. L’appelant a également soutenu qu’il convenait de prendre en compte le coût d’utilisation de la voiture et que, tout compte fait, le permis ne procurait aucun avantage économique. Cette méthode de « l’économie des coûts » reposait sur la décision de la Cour dans McGoldrick c. La Reine, 2004 CAF 189, 2004 DTC 6407.

 

[13]           La juge de la Cour de l’impôt a formulé des réserves à l’égard de la méthode de l’économie des coûts, mais elle s’est sentie « obligée » de l’appliquer. Pour évaluer le montant épargné, la juge a conclu que le transport public ou une place de stationnement moins chère ne constituaient pas des éléments de comparaison appropriés. La juge a conclu que les responsabilités et obligations de l’appelant, après qu’il ait été promu en 1998, avaient augmenté et qu’il était souhaitable qu’il travaille plus longtemps. Dans cette perspective, la façon la plus efficace pour lui d’y arriver sans empiéter sur son temps personnel était d’utiliser sa voiture et de stationner dans la bâtisse de Telus. La juge n’était pas convaincue qu’une autre solution aurait pu être aussi satisfaisante pour l’appelant. Par conséquent, le montant épargné équivalait au prix exigé aux membres du public qui payaient leur place de stationnement dans le garage de Telus.

 

Les erreurs reprochées

[14]           L’appelant prétend que la juge de la Cour de l’impôt s’est trompée quant aux points suivants :

i.                     La juge a mal interprété et mal appliqué le critère juridique permettant de déterminer s’il y avait eu un avantage fiscal. Plus précisément, la juge ne s’est pas demandée si l’appelant avait bénéficié d’un avantage économique et s’il s’était enrichi économiquement en recevant un permis de stationnement.

ii.                   La juge a erronément appliqué le critère juridique pertinent en ne considérant pas la preuve sur la question de savoir si Telus était le bénéficiaire principal de l’entente de stationnement. La juge s’est plutôt appuyée sur des conclusions de fait tirées dans la décision Adler.

iii.                  Subsidiairement, la juge a commis une erreur lorsqu’elle a déterminé que Telus n’était pas le bénéficiaire principal de l’entente de stationnement.

iv.                 La juge a commis une erreur dans son estimation de la valeur de l’avantage en ne déterminant pas correctement les frais épargnés par l’appelant.

 

Examen des erreurs reprochées

[15]           L’alinéa 6(1)a) est formulé en termes très généraux. Il vise à faire entrer dans le calcul du revenu d’emploi divers avantages sociaux et accessoires, qu’ils aient ou non été reçus en argent. Des cinq exceptions qui sont énumérées à cet alinéa, aucune n’est pertinente pour le présent appel.

 

[16]           Dans La Reine c. Savage [1983] 2 R.C.S. 428, la Cour suprême du Canada a statué que le sens des mots « avantages de quelque nature que ce soit » à l’alinéa 6(1)a) était « nettement […] très large » et que les mots « quant à » avaient la portée la plus large possible. Elle a conclu que l’alinéa visait une acquisition matérielle qui conférait un avantage économique, dans la mesure où l’avantage économique ne tombait pas sous le coup d’une exception et où l’acquisition était liée à l’emploi.

 

[17]           Dans M.R.N. c. Phillips, [1994] 2 R.C.F. 680 (C.A.), à la page 693, la Cour a défini l’objet de la disposition dans les termes suivants :

Un avantage économique reçu par un employé de son employeur sera réputé un avantage au sens de l’alinéa 6(1)a), sauf si l’employé peut établir que le paiement n’était pas un avantage en vertu d’un emploi, mais un paiement sur une base personnelle. Ainsi formulé, le critère peut facilement englober les dons, les prêts et autres ententes contractuelles.

 

[18]           Une fois qu’il a été établi que quelque chose a été reçu par un employé à titre d’employé, deux autres questions sont soulevées. Premièrement, la chose reçue est‑elle un remboursement non imposable d’une dépense engagée en conséquence d’un emploi? Deuxièmement, la chose reçue confère‑t‑elle un avantage économique au contribuable?

 

[19]           En ce qui concerne la première question, la Cour a confirmé dans Phillips le bien‑fondé de la décision Ransom c. Minister of National Revenue, [1968] 1 R.C. de l’É. 293. Dans cet arrêt, il a été établi que, lorsqu’un employeur rembourse un employé de la perte qu’il subit en vendant sa maison à la suite d’une mutation, le montant en cause n’est pas imposable s’il représente la perte réelle. Au paragraphe 57, la Cour a précisé que cette règle « n’est pas applicable dans un dossier portant sur une dépense par opposition à une perte en capital ».

 

[20]           En ce qui concerne la deuxième question, la Cour a confirmé dans Phillips que, pour constituer un avantage imposable, le paiement doit conférer un avantage économique à l’employé. La Cour a toutefois précisé que l’avantage économique « ne peut être évalué en fonction de critères subjectifs et d’autre part, que l’imposition des avantages ne peut être établie en fonction de la perception de chaque contribuable ».

 

[21]           Dans Canada (Procureur général) c. Hoefele, [1996] 1 C.F. 322 (C.A.) à la page 332, la Cour a réaffirmé l’exigence selon laquelle, pour être imposable à titre d’avantage économique, la chose reçue doit conférer à l’employé un avantage économique. L’extrait suivant des motifs de la majorité, et tout particulièrement la réserve exposée à la fin de l’extrait, est pertinent pour le présent appel :

La Cour doit donc trancher la question de savoir si, dans chacune des présentes affaires, le contribuable a été rétabli dans la situation où il se trouvait auparavant ou s’il a réalisé un gain [...]Si, dans le cadre de l’opération globale, la situation financière de l’employé n’est pas améliorée, c’est‑à‑dire s’il s’agit d’une opération où les différents éléments s’annulent lorsqu’on les considère dans leur ensemble, la rentrée n’est pas un avantage et, par conséquent, elle n’est pas imposable en vertu de l’alinéa 6(1)a). Peu importe que la dépense soit engagée relativement à des frais occasionnés par l’accomplissement du travail, un déplacement lié à l’emploi ou l’emménagement dans un nouveau lieu de travail, tant que l’employeur ne paie pas les dépenses quotidiennes ordinaires de l’employé. [Non souligné dans l’original.]

 

[22]           L’arrêt Hoefele doit être interprété avec prudence compte tenu de la forte dissidence du juge Robertson. Cependant, les juges majoritaires et les juges minoritaires n’étaient en désaccord qu’à l’égard de l’application du droit aux faits présentés à la Cour. Ils n’étaient pas en désaccord sur les principes juridiques applicables.

 

[23]           Un autre facteur pertinent pour l’analyse de l’avantage économique a été formulé par la Cour dans des affaires comme celles de Lowe c. Canada, [1996] 2 C.T.C. 33 (C.A.F). Si un employé reçoit un avantage économique, mais que le bénéficiaire principal de la chose reçue est l’employeur, il n’en résulte aucun avantage au sens de l’alinéa 6(1)a). Dans Lowe, il s’agissait de savoir si un voyage payé à la Nouvelle‑Orléans constituait un avantage au sens de l’alinéa 6(1)a). Au paragraphe 15, la Cour a écrit :

[...] À la lumière de la jurisprudence existante, il me semble d’une part, qu’aucune portion des dépenses de voyage de l’appelant ne devrait être considérée comme un avantage personnel sauf si une telle portion représente une acquisition importante ou une valeur économique pour lui, et d’autre part que ladite portion ne devrait pas être considérée comme un avantage imposable au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi si elle n’était qu’accessoire à ce qui constituait avant tout un voyage d’affaires.

 

[24]           Ayant examiné les principes juridiques applicables, je me pencherai maintenant sur les erreurs qui auraient été commises.

 

i.          La juge de la Cour de l’impôt a‑t‑elle mal interprété et mal appliqué le critère juridique pertinent du fait qu’elle n’a pas considéré la question de savoir si l’appelant avait reçu un avantage économique ou s’il s’était économiquement enrichi en recevant le permis de stationnement?

 

[25]           L’interprétation erronée ou l’application erronée du critère juridique pertinent est une erreur de droit qui est susceptible de révision selon la norme de la décision correcte.

[26]           L’appelant fait valoir que la juge de la Cour de l’impôt n’a pas considéré la question de savoir s’il avait reçu un avantage économique ou s’il s’était économiquement enrichi en recevant le permis de stationnement. Il fait en outre valoir que la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en ne considérant pas les deux arguments suivants.

 

[27]           Premièrement, l’appelant soutient que, avant de recevoir le permis de stationnement, il utilisait les transports publics pour se rendre au travail. Après avoir reçu le permis, il se déplaçait quotidiennement en voiture. En comparant le coût d’utilisation des transports publics à celui de l’utilisation de la voiture, on constate que les frais de déplacement de l’appelant ont augmenté après qu’il ait reçu le permis. Par conséquent, l’appelant ne s’est pas enrichi économiquement et n’a retiré aucun avantage économique. L’arrêt Hoefele est invoqué au soutien de cet argument.

 

[28]           Deuxièmement, l’appelant soutient qu’il n’a retiré aucun avantage économique par rapport aux autres employés de Telus de niveau semblable qui ne travaillaient pas au centre‑ville d’Edmonton ou qui travaillaient là où il n’y avait aucuns frais de stationnement.

 

[29]           Pour les motifs suivants, j’estime que l’appelant n’a pas démontré que la juge avait commis une erreur en ne considérant pas l’existence d’un avantage ou d’un enrichissement économique.

 

[30]           Premièrement, la juge a adopté l’approche suivie dans Adler. Au paragraphe 75 de cette décision, la Cour a conclu ce qui suit :

En l’espèce, la fourniture aux appelants d’un permis de stationnement gratuit par Telus avait de toute évidence pour effet d’éviter à ceux‑ci d’avoir à engager eux‑mêmes des frais en vue d’avoir droit au stationnement. En ce sens, et sans plus, un avantage était conféré aux appelants, la juste valeur marchande de l’avantage variant de 1 500 $ à 2 800 $ par année, selon l’emplacement du parc et selon qu’une place leur était expressément attribuée ou non.

 

[31]           La conclusion qu’un avantage économique a été conféré était une conclusion de droit qui découlait de la preuve selon laquelle Telus accordait sans frais des permis de stationnement à certains employés tandis que d’autres employés devaient payer pour garer leur voiture. Il a été admis dans la présente affaire que l’appelant recevait gratuitement son permis de stationnement tandis que d’autres devaient payer pour l’obtenir. La juge de la Cour de l’impôt pouvait appliquer la conclusion de droit tirée dans Adler selon laquelle, sans plus, l’octroi d’un permis de stationnement dans ces circonstances conférait un avantage économique.

[32]           En deuxième lieu, la juge de la Cour de l’impôt a bel et bien traité de l’octroi d’un avantage économique lorsqu’elle s’est penchée sur la valeur de l’avantage. Elle a rejeté l’argument de l’appelant selon lequel les coûts qu’il devait supporter éliminaient l’avantage économique que lui conférait par ailleurs le permis de stationnement.

 

[33]           Troisièmement, le recours par l’appelant à l’arrêt Hoefele n’est pas pertinent pour deux raisons.

 

[34]           D’une part, comme la Cour l’a affirmé dans Phillips, l’existence d’un avantage économique ne peut s’apprécier qu’en fonction de critères subjectifs. L’argument de l’appelant mène logiquement à la conclusion que des facteurs tels que le prix et la consommation d’essence du véhicule de chaque contribuable influent sur la détermination de l’existence d’un avantage économique. Il est contraire à l’intention du législateur que les employés bénéficient d’un traitement fiscal égal pour ce qui est du revenu d’emploi.

 

[35]           D’autre part, comme nous l’avons vu, dans l’arrêt Hoefele la majorité a précisé que le concept d’amélioration de la situation financière, ou d’opération où les différents éléments s’annulent lorsqu’on les considère dans leur ensemble, ne s’appliquait pas lorsque l’employeur paie les dépenses ordinaires quotidiennes de l’employé. Les frais de stationnement comme ceux dont il est question en l’espèce sont un exemple de dépenses ordinaires quotidiennes.

 

[36]           Enfin, il est inapproprié de comparer la situation de l’appelant avec celle des employés de Telus qui travaillent là où il y a des places de stationnement gratuites pour tous. Pour que le traitement fiscal de leurs revenus d’emploi soit égal, il y aurait lieu de comparer l’appelant et les employés de Telus qui travaillent au bureau du centre‑ville, mais qui ne bénéficient pas d’une place de stationnement gratuite.

 

ii.          La juge de la Cour de l’impôt a‑t‑elle omis d’examiner la preuve sur la question de savoir si Telus était le bénéficiaire principal de l’entente sur le stationnement? 

 

[37]           L’appelant fait valoir que la juge de la Cour de l’impôt n’a pas tenu compte des éléments de preuve qui lui ont été soumis, parce qu’elle se sentait obligée de suivre la décision rendue dans Adler selon laquelle Telus n’était pas le bénéficiaire principal de la place de stationnement fournie par l’employeur.

 

[38]           De nouveau, l’appelant n’a pas réussi à démontrer que la juge de la Cour de l’impôt a de ce fait commis une erreur. Il ressort d’une lecture objective des paragraphes 23 à 29 inclusivement des motifs de la juge que celle‑ci a tenu compte des éléments de preuve pertinents afin de déterminer si la preuve « devrait suffire à distinguer la situation de [M. Schroter] de celle des 14 contribuables de l’affaire Adler à l’égard desquels on a conclu qu’ils avaient reçu un avantage imposable ». Elle a conclu qu’elle ne le permettait pas, surtout parce que l’appelant n’a pas appelé son directeur à témoigner.

 

iii.         La juge a‑t‑elle commis une erreur en concluant que Telus n’était pas le bénéficiaire principal de l’entente sur le stationnement?

 

[39]           L’appelant soutient qu’il a présenté une preuve non contredite établissant la valeur des heures de travail supplémentaires qu’il a accomplies et que cette valeur excédait de beaucoup celle du permis de stationnement. Par conséquent, fait‑il valoir, Telus a tiré à chaque année un avantage substantiel des heures supplémentaires de travail effectuées par l’appelant après que ce dernier eut reçu le permis de stationnement. Selon les observations de l’appelant, dans une opération où l’une des parties tire un avantage substantiel et l’autre bénéficie d’une place de stationnement valant environ 2 000 $, la seule conclusion raisonnable est que le bénéficiaire principal est la partie qui reçoit le plus grand avantage.

 

[40]           La conclusion selon laquelle Telus n’était pas le bénéficiaire principal de l’entente sur le stationnement ne peut être infirmée que si l’appelant établit que la juge du procès a commis une erreur manifeste et dominante.

[41]           Comme je l’ai indiqué précédemment, la juge de la Cour de l’impôt a conclu que la preuve ne permettait pas de démontrer que Telus avait accordé la place de stationnement principalement à des fins commerciales, ce qui veut dire, selon moi, en vue d’obtenir un avantage économique pour elle‑même. Cette conclusion ne présente aucune erreur manifeste et dominante. Au cours de la vérification, Telus a précisé que, de façon générale, le stationnement gratuit était offert aux employés faisant partie de la même échelle salariale que l’appelant, ainsi qu’à d’autres personnes qui, pour des raisons particulières, en avaient besoin. Quoique l’appelant ait donné son témoignage sur l’intention et les pratiques de son employeur, il n’était pas un observateur désintéressé. Il était loisible à la juge de la Cour de l’impôt de conclure, comme elle l’a fait, qu’il aurait été nécessaire que l’appelant appelle son directeur à témoigner pour le compte de Telus.

 

[42]           Il découle de la conclusion que l’appelant n’a pas établi que Telus était le bénéficiaire principal de l’utilisation du permis de stationnement qu’il n’était pas nécessaire de se pencher sur l’applicabilité d’affaires telles que Lowe, où le bénéficiaire principal de l’avantage était l’employeur et où l’avantage tiré par l’employé n’était qu’accessoire.

 

iv.         La juge a‑t‑elle commis une erreur en déterminant la valeur de l’avantage?

 

[43]           L’appelant soutient que si la juge de la Cour de l’impôt a suivi à juste titre la méthode de l’économie des coûts, dont il a été dit qu’elle avait été formulée par la Cour dans l’arrêt McGoldrick, elle a par contre commis une erreur en n’appliquant pas correctement la méthode. L’appelant fait valoir qu’il avait présenté au procès des éléments de preuve sur le coût de l’utilisation des transports publics pour se rendre au travail. Après avoir reçu le permis de stationnement, il n’a épargné que les frais mensuels du laissez‑passer. Ces frais étaient compensés par les frais d’utilisation de sa voiture, de sorte qu’il ne faisait aucune épargne.

 

[44]           L’intimée répond que la juge de la Cour de l’impôt a commis une erreur en appliquant la méthode du montant épargné, mais qu’il s’agissait d’une erreur sans importance parce que la juge a évalué l’avantage à sa juste valeur marchande. En d’autres termes, l’avantage a été évalué en fonction du prix payé par les membres du public pour une place de stationnement dans le garage de Telus.

 

[45]           Le passage de l’arrêt McGoldrick qui a donné lieu à cette question se trouve au paragraphe 9, dans lequel la Cour s’exprime comme suit :

En règle générale, toute acquisition matérielle liée à un emploi qui confère un avantage économique à un contribuable et ne constitue pas une exception tombe sous le coup de l’alinéa 6(1)a) (voir La Reine c. Savage, 83 DTC 5409, page 5414 (C.S.C.)). En l’espèce, l’avantage est l’argent épargné par le contribuable relativement à la préparation d’un repas ou à l’achat d’aliments aux machines distributrices du casino pendant ses heures de travail. [Non souligné dans l’original.]

 

[46]           Cependant, contrairement à la prétention de l’appelant, dans le passage souligné, la Cour concluait seulement que l’employé recevait un avantage au sens de l’alinéa 6(1)a) de la Loi. La Cour ne calculait pas la valeur de l’avantage. En conséquence, lorsqu’il est appliqué correctement, l’arrêt McGoldrick n’étaye pas l’approche de l’économie des coûts invoquée par l’appelant.

 

[47]           Le traitement égal des contribuables est facilité par l’évaluation à leur juste valeur marchande des avantages qu’ils reçoivent. Sur le plan administratif, l’Agence du revenu du Canada le reconnaît et fait savoir aux employeurs que s’il est impossible de déterminer la juste valeur marchande d’un permis de stationnement, aucun avantage ne doit être imputé à la rémunération d’un employé. Lorsqu’il est possible de déterminer cette juste valeur marchande, les employeurs doivent calculer la valeur de l’avantage en fonction de la juste valeur marchande du permis de stationnement, moins tout paiement que l’employé doit faire pour utiliser la place. Voir : Agence du revenu du Canada, Guide de l’employeur – Avantages imposables et allocations imposables 2009, T4130 (F) version 09.

 

[48]           Étant donné l’équité inhérente à cette méthode d’évaluation et l’absence de preuve objective démontrant qu’une évaluation selon la juste valeur marchande serait d’une quelconque façon inappropriée en l’espèce, la juge de la Cour de l’impôt n’a pas commis d’erreur en évaluant le permis de stationnement à sa juste valeur marchande.

 

Conclusion

[49]           Pour ces motifs, je suis d’avis de rejeter l’appel avec dépens en faveur de l’intimée.

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

K. Sharlow, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

Carolyn Layden‑Stevenson, j.c.a. »

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL. B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A‑36‑09

 

INTITULÉ :                                                   Richard G. Schroter c.

                                                                        Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Edmonton (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 22 mars 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LA JUGE SHARLOW

                                                                        LA JUGE LAYDEN‑STEVENSON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 15 avril 2010

 

COMPARUTIONS :

 

Curtis R. Stewart

POUR L’APPELANT

 

Bonnie Moon

Gregory Perlinski

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bennett Jones LLP

Calgary (Alberta)

 

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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