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Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20100412

Dossier : A-5-09

Référence : 2010 CAF 96

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

GAÉTAN CLOUTIER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 12 avril 2010.

Jugement rendu à l’audience à Montréal (Québec), le 12 avril 2010.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Cour d’appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20100412

Dossier : A-5-09

Référence : 2010 CAF 96

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE PELLETIER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

GAÉTAN CLOUTIER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Montréal (Québec), le 12 avril 2010)

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               La Cour canadienne de l’impôt était saisie d’une demande de prorogation du délai pour interjeter appel devant elle. Alors que le délai d’appel expirait le 21 février 2008, ce n’est que le 10 juillet 2008, soit quelque quatre mois et demi plus tard, que l’appelant a déposé sa demande de prorogation.

 

[2]               Le paragraphe 167(5) de la Loi de l’impôt sur le revenu exige que les conditions suivantes soient satisfaites pour qu’il puisse être fait droit à une demande de prorogation du délai d’appel :

167(5) Acceptation de la demande. Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

 

a) la demande a été présentée dans l’année suivant l’expiration du délai imparti en vertu de l’article 169 pour interjeter appel;

 

b) le contribuable démontre ce qui suit :

     (i) dans le délai par ailleurs imparti pour interjeter appel, il n’a pu ni agir ni charger quelqu’un d’agir en son nom, ou il avait véritablement l’intention d’interjeter appel,

 

 

 

     (ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

 

     (iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

 

     (iv) l’appel est raisonnablement fondé.

 

167(5) When order to be made. No order shall be made under this section unless

 

 

(a) the application is made within one year after the expiration of the time limited by section 169 for appealing; and

 

(b) the taxpayer demonstrates that

     (i) within the time otherwise limited by section 169 for appealing the taxpayer

        (A) was unable to act or to instruct another to act in the taxpayer’s name, or

        (B) had a bona fide intention to appeal,

 

     (ii) given the reasons set out in the application and the circumstances of the case, it would be just and equitable to grant the application,

 

     (iii) the application was made as soon as circumstances permitted, and

 

     (iv) there are reasonable grounds for the appeal.

 

 

[3]               Le juge Tardif de la Cour canadienne de l’impôt n’a pas cru les explications justificatives du retard à procéder fournies par le représentant de l’appelant, soit son comptable. Il a en outre conclu qu’il y avait, quant à la façon de faire du représentant de l’appelant et l’inaction de ce dernier, soit une complicité entre ces deux personnes, soit un aveuglement volontaire manifeste de l’appelant.

 

[4]               L’appelant allègue que le comportement du juge a donné lieu à une crainte raisonnable de partialité. Se référant à la décision de la Cour suprême du Canada dans l’affaire Blanchette c. C.I.S. Ltd., [1973] R.C.S. 833, aux pages 842 et 843, il soutient que la décision finale ne peut être valide lorsqu’elle repose sur des conclusions fondées sur la crédibilité, conclusions formulées dans de pareilles conditions.

 

[5]               Outre le fait que le juge aurait spéculé quant à la complicité entre l’appelant et son comptable, le procureur de l’appelant lui reproche d’avoir mis un terme au contre-interrogatoire du comptable par l’intimée. Il y voit là un autre indice d’une crainte de partialité.

 

[6]               Avec respect, nous ne pouvons partager cette dernière conclusion de l’appelant. Le juge est intervenu pour mettre un terme à un élément du contre-interrogatoire qu’il ne jugeait pas pertinent en l’espèce : voir le dossier d’appel, à la page 34. De fait, le procureur de l’intimée désirait établir que, contrairement à ce qu’il percevait être une allégation de l’appelant, l’Agence du revenu n’avait pas été négligente dans ses tractations et démarches avec l’appelant. À notre avis, le juge n’a pas eu tort de conclure que cet aspect du contre-interrogatoire n’était pas pertinent.

 

[7]               Enfin, le procureur de l’appelant nous réfère à cet énoncé du juge, fait après que les parties eurent déclaré leur preuve close de part et d’autre, énoncé que l’on retrouve à la page 43 du dossier d’appel :

 

PREUVE DE L’APPELANT CLOSE

PREUVE CLOSE DE PART ET D’AUTRE

 

            MONSIEUR LE JUGE : Écoutez, je suis prêt à rendre ma décision. Je vais vous écouter avant.

            Me MARTIN FOURNIER : Vous allez m’écouter?

            MONSIEUR LE JUGE : Oui.

            Me MARTIN FORTIER : Parfait.

            REPRÉSENTATIONS PAR Me M. FORTIER :

[…]

 

[8]               Dans l’exercice de ses fonctions, un juge bénéficie d’une présomption d’impartialité qui, si on veut la réfuter, requiert une crainte de partialité fondée sur des motifs sérieux : Bande indienne Wewaykum c. Canada, [2003] 2 R.C.S. 259, aux paragraphes 59 et 76.

 

[9]               En l’espèce, ce seul énoncé ne suffit pas à renverser cette présomption. Au contraire, dès le début de son jugement oral rendu à l’audience, le juge a exprimé la réticence et l’angoisse qu’il éprouvait à priver un contribuable d’un droit fondamental pour une erreur qui n’est pas la sienne.

 

[10]           Mais le fait est que le mandataire engage la responsabilité de son mandant. En l’espèce, le mandataire de l’appelant n’a pas exécuté le mandat qui lui était confié, ainsi que l’a conclu le juge.

 

[11]           Il va de soi qu’en l’absence d’erreurs manifestes et dominantes, il ne nous est pas permis de substituer à celle du juge notre appréciation de la crédibilité de témoins que nous n’avons pas entendus. Or, on ne nous a pas démontré la présence de telles erreurs.

 

[12]           Il y avait suffisamment de preuve au dossier pour permettre au juge de conclure, comme il l’a fait, que l’appelant n’a pas fait preuve de diligence raisonnable pour remédier aux défauts de son représentant et que la demande de prorogation du délai n’a pas été présentée, comme elle aurait dû l’être, dès que les circonstances le permettaient.

 

[13]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                       A-5-09

 

 

INTITULÉ :                                                      GAÉTAN CLOUTIER c. SA MAJESTÉ LA

                                                                           REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              Le 12 avril 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT                              LE JUGE LÉTOURNEAU

DE LA COUR :                                                 LE JUGE PELLETIER

                                                                           LA JUGE TRUDEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :                   LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Benoit Aubertin

POUR L’APPELANT

 

Annick Provencher

Simon-Olivier de Launière

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

De Chantal, D'Amour, Fortier

Longueuil (Québec)

 

POUR L’APPELANT

 

Myles Kirvan

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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