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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20100412

Dossier : A-1-10

Référence : 2010 CAF 92

 

Présent :         LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

 

appelante

et

CAPITAL GÉNÉRALE ÉLECTRIQUE DU CANADA INC.

intimée

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 12 avril 2010.

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                                     LE JUGE STRATAS

 


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

Date : 20100412

Dossier : A-1-10

Référence : 2010 CAF 92

 

En présence de :        LE JUGE STRATAS

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

 

appelante

et

GENERAL ELECTRIC CAPITAL CANADA INC.

intimée

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

LE JUGE STRATAS

[1]               L’appelante sollicite une ordonnance l’autorisant à produire un mémoire des faits et du droit qui dépasse la limite de trente pages énoncée au paragraphe 70(4) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106.

 

[2]               L’appelante souhaite produire un mémoire qui contient cinquante-cinq pages. L’intimée consent à la dispense demandée. Bien que cette requête ait été présentée du consentement des parties, notre Cour doit tout de même décider si elle exercera son pouvoir discrétionnaire en décidant d’accorder la dispense.

 

[3]               L’appelante soutient que le présent appel [TRADUCTION] « soulève des questions importantes et complexes ». Elle invoque aussi la durée du procès et le grand nombre de témoins en première instance. Elle affirme que son mémoire, qui compte près du double du nombre maximal de pages normalement autorisé, [TRADUCTION] « aidera la Cour » et [TRADUCTION] « permettra une audience plus brève que ce qui serait normalement nécessaire ».

 

[4]               Dans le présent appel, l’appelante soulève trois motifs d’appel : des erreurs de droit, des erreurs susceptibles de révision dans les conclusions de fait du juge de première instance et des manquements à l’équité procédurale. L’appelante affirme que les erreurs alléguées comportent [TRADUCTION] « de nombreux éléments, exigeant tous une explication, des exemples et un résumé du droit dans le domaine pertinent ». En outre, l’appelante soutient que les manquements allégués à l’équité procédurale doivent être illustrés au moyen de longs extraits des transcriptions du procès.

 

[5]               Dans mon examen de la requête de l’appelante, j’ai pris en compte plusieurs facteurs, que voici :

 

a)         Le paragraphe 70(1) énonce les exigences relatives aux mémoires des faits et du droit. Le mot « concis » y est mentionné trois fois. Ces répétitions portent à croire que les autorisations à dépasser la limite normale de trente pages devraient être accordées avec parcimonie. Il doit y avoir des « circonstances particulières », en plus de preuves précises que la dispense est nécessaire : Pfizer Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CF 937, 53 C.P.R. (4th) 187, aux paragraphes 16 et 17, le protonotaire Lafrenière. 

 

b)         Comme la dispense ne doit être accordée que parcimonieusement, l’affidavit produit au soutien de la demande devrait permettre d’établir les éléments requis, et non comporter de simples affirmations. Or, l’affidavit de l’appelante comporte surtout de simples affirmations, et n’établit que peu d’éléments. Par exemple, l’auteur de l’affidavit se borne à affirmer que l’appel soulève des questions « complexes », sans donner aucun exemple de leur complexité. Il ne fait que dénoncer l’existence d’erreurs procédurales et d’erreurs dans l’appréciation des faits justifiant annulation, en faisant des déclarations très générales plutôt qu’en illustrant ces erreurs des exemples précis. Il en va de même pour l’avis d’appel et les observations écrites produites dans le cadre de la présente requête : ils ne comportent aucune illustration ni aucun exemple d’erreurs précises qui auraient pu donner à la Cour une idée de la complexité de l’appel. Les documents dont la Cour dispose ne constituent essentiellement que l’avis de l’appelante selon lequel un mémoire beaucoup plus long est nécessaire et invitent la Cour à approuver cet avis. Or, le rôle de la Cour dans le cadre du paragraphe 70(4) ne consiste pas à approuver : elle doit porter un jugement éclairé sur la question de savoir si elle devrait accorder une dispense exceptionnelle en raison de circonstances particulières dont l’existence a été démontrée dans l’appel.

 

c)         Certes, il y a lieu d’accorder beaucoup de poids aux opinions des procureurs de la partie requérante et de la partie intimée, particulièrement lorsque, comme c’est le cas ici, les avocats en appel sont qualifiés et expérimentés. Néanmoins, des renseignements détaillés suffisants doivent être présentés à la Cour pour qu’elle puisse apprécier convenablement et de manière indépendante la complexité des questions que soulève l’appel, la nécessité de passer outre à la limite du nombre de pages et la mesure dans laquelle la dispense devrait être accordée.

 

d)         De nombreux appels devant notre Cour soulèvent des [TRADUCTION] « questions importantes et complexes ». En soi, cela ne justifie pas nécessairement un assouplissement de la limite du nombre de pages. Des mémoires contenant bien en-deçà du maximum de trente pages sont presque toujours produits dans les appels qui soulèvent des questions importantes et complexes. Les auteurs de ces mémoires composent avec la complexité en sélectionnant et en synthétisant soigneusement et stratégiquement les détails de l’appel, en ramenant tout à son essence même.

 

e)         Les meilleurs auteurs sur le sujet des observations écrites soulignent l’importance de la concision, issue de la sélection, de la capacité de dégager l’essentiel et de l’effort de synthèse : voir, par exemple, le juge John I. Laskin, « Forget the Windup and Make the Pitch : Some Suggestions for Writing More Persuasive Factums », (1999) 18 Adv. Soc. J. no 2, aux pages 3 à 12, et le juge Marvin A. Catzman, « The Wrong Stuff : How to Lose Appeals in the Court of Appeal », (2000) 19 Adv. Soc. J. no 1, aux pages 1 à 5.

 

f)          L’obligation d’équité procédurale constitue un principe fondamental qui oriente l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Cour en vertu du paragraphe 70(4) : la partie doit être autorisée à exposer efficacement son point de vue. J’admets que les observations sur les erreurs dans l’appréciation des faits justifiant annulation et les erreurs procédurales nécessitent souvent davantage d’explications et un exposé plus détaillés. En outre, compte tenu des motifs du juge de première instance, j’admets que les faits de la présente espèce semblent passablement plus subtils et complexes que ceux de bon nombre d’autres affaires, et qu’un mémoire plus long serait utile pour la Cour. Par conséquent, un assouplissement de la limite de trente pages est justifié dans le présent appel. Cependant, je ne suis pas convaincu pour le moment que l’équité exige de donner l’appelante l’autorisation de produire un mémoire contenant près du double du nombre maximal de pages normalement autorisé.

 

g)         L’appelante a souligné la nécessité de citer de longs extraits des transcriptions. Or, il n’est pas toujours nécessaire de citer de longs extraits des transcriptions pour donner des observations détaillées. Les juges qui seront désignés pour instruire le présent appel feront beaucoup de travail préparatoire avant la tenue de l’audience et, dans certains cas, un simple renvoi à la transcription pourra suffire. Je tiens également à faire remarquer que l’appelante n’a pas démontré que le droit applicable aux erreurs procédurales et aux erreurs dans l’appréciation des faits ou aux erreurs entachant les conclusions de fait ‑ les domaines du droit pertinents au regard de deux des trois principaux motifs d’appel ‑ présentait une complexité particulière.

 

h)         Dans le cadre de la présente requête, l’appelante n’a pas produit un projet de mémoire. Lorsqu’une partie rédige un mémoire contenant plus que le maximum autorisé de trente pages et qu’elle croit, en toute objectivité, qu’elle ne peut en réduire davantage le contenu, elle devrait joindre son projet de mémoire à l’affidavit qu’elle produit au soutien de sa requête : voir Pfizer Canada Inc., précité, au paragraphe 19. La Cour peut examiner le projet afin de décider si elle devrait accorder ou non une dispense au regard du paragraphe 70(4), et non afin d’évaluer le bien-fondé de l’appel. Un telle démarche permet à la Cour de porter un jugement éclairé et réaliste. Je souligne que cette démarche constitue une pratique normalisée dans certains autres tribunaux d’appel : voir, par exemple, Cour d’appel de l’Ontario, Directives de pratique concernant les appels en matière civile devant la Cour d'appel, le 7 octobre 2003, paragraphe 10.3(3).

 

[6]               Compte tenu de ce qui précède et des éléments de preuve dont la Cour dispose, je conclus qu’un assouplissement de la limite de trente pages est justifié, mais non de l’ordre de ce que l’appelante demande. J’autoriserai l’appelante à produire un mémoire contenant au plus quarante pages, abstraction faite des annexes conformément à l’article 70. L’appelante pourra signifier et produire son mémoire dans les vingt jours de la date de l’ordonnance.

 

[7]               Si l’appelante estime qu’il lui absolument impossible d’exposer efficacement son point de vue en respectant cette limite, j’autoriserai l’appelante à présenter une nouvelle demande à la Cour avant l’expiration de ce délai de vingt jours, mais seulement si elle fournit des éléments de preuve établissant qu’un mémoire plus long est absolument nécessaire pour lui permettre d’exposer objectivement et efficacement son point de vue. Ni l’une ni l’autre des parties n’a réclamé ses dépens relativement à la présente requête, et aucuns ne seront accordés.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-1-10

 

INTITULÉ :                                                                            Sa Majesté la Reine c. Capital Générale Électrique du Canada Inc.

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      LE JUGE STRATAS

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 12 avril 2010

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Naomi Goldstein

 

POUR L’APPELANTE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Osler, Hoskin & Harcourt S.E.N.C.R.L./s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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