Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20100329

Dossier : A-519-08

Référence : 2010 CAF 88

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

MAURICE PHILIPPS

appelant

et

BIBLIOTHÉCAIRE ET ARCHIVISTE DU CANADA

intimé

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 22 mars 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 mars 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                            LE JUGE EN CHEF BLAIS

                                                                                                                           LA JUGE TRUDEL

 

 


Date : 20100329

Dossier : A-519-08

Référence : 2010 CAF 88

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

MAURICE PHILIPPS

appelant

et

BIBLIOTHÉCAIRE ET ARCHIVISTE DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NADON

[1]               En 1978, l’avocat montréalais Louis M. Bloomfield, décédé le 19 juillet 1984, a cédé à Bibliothèque et Archives Canada (« BAC ») une collection importante de documents (le « fonds Bloomfield ») avec condition que les documents ne seraient pas accessibles au public pour une période de 20 ans suivant son décès.

 

[2]               Le 10 août 2004, l’appelant demandait à BAC de lui rendre accessible le fonds Bloomfield. Par ailleurs, le 31 août 2004, Mme Bloomfield, la veuve de M. Bloomfield, demandait à BAC de restreindre l’accès au fonds Bloomfield pour une période de dix ans après son propre décès, en raison de préoccupations pour sa vie privée et pour la réputation de son époux.

 

[3]               Le 20 avril 2005, BAC décidait de prolonger la période de non-accès au fonds Bloomfield, soit à 25 ans après le décès de Mme Bloomfield.

 

[4]               Le 8 août 2005, l’appelant déposait une demande de contrôle judiciaire, une demande qu’accueillait le juge Simon Noël de la Cour fédérale qui, par décision datée le 14 novembre 2006 (2006 CF 1378; [2007] 4 RCF 11), se disait d’avis que BAC, en prolongeant la période de non-accès, avait erré en raison de l’importance démesurée qu’il avait donnée aux volontés de Madame Bloomfield.

 

[5]               Par conséquent, le juge Noël concluait que la décision de BAC était déraisonnable et il lui retournait le dossier pour qu’il reconsidère la demande de l’appelant en tenant compte de ses motifs, de la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, L.C. 2004, ch. 11, et des Lignes directrices et procédures relativement à l’établissement et la gestion des conditions d’accès aux fonds conservés à la division des manuscrits.

 

[6]               Le 8 juin, 2007, BAC rendait une nouvelle décision selon laquelle le fonds Bloomfield deviendrait accessible au public à compter de juillet 2009, à l’exception de certains documents qui, de l’avis de BAC, étaient couverts par le secret professionnel de l’avocat et qui, par conséquent, ne deviendraient accessibles au public que durant le cours d’une période pouvant aller jusqu’à 50 ans.

 

[7]               La décision de BAC se retrouve dans une lettre datée le 8 juin 2007 adressée à l’appelant. La lettre se lit comme suit :

Bibliothèque et Archives Canada (BAC) s’est engagé à prendre une décision sur la situation du fonds Louis M. Bloomfield avant le 8 juin 2007. Pour arriver à la décision mentionnée ci-après, un examen interne de la collection a été entrepris selon les lignes directrices proposées par le juge Simon Noël dans sa décision judiciaire du 14 novembre 2006.

 

Dans sa décision, le juge Noël indique qu’une fermeture du fonds jusqu’en 2014 est une mesure raisonnable en l’occurrence. D’après son examen des documents du fonds, les fonctionnaires du BAC ont décidé que le fonds demeurera fermé pour une période de cinq ans à compter de 2004, ouvrant ainsi la collection aux chercheurs la première semaine de juillet 2009. Lorsque cette période sera écoulée et que le fonds sera ouver, BAC se réservera le droit, d’après les articles 7 et 8 de la Loi sur Bibliothèque et Archives Canada, de limiter l’accès au matériel qui est protégé en vertu d’un secret professionnel pour une période pouvant aller jusqu’à 50 ans depuis la dernière date au dossier.

 

[non souligné dans l’original]

 

 

[8]               Le 26 juin 2008, l’appelant déposait une demande de contrôle judiciaire visant à faire annuler la décision de BAC aux fins de rendre le fonds Bloomfield accessible au public de façon immédiate. Tel qu’il apparaît clairement de sa demande de contrôle judiciaire, l’appelant reprochait à BAC de ne pas avoir tenu compte des motifs du juge Noël et de ne pas avoir motivé sa décision.

 

[9]               Le 16 septembre 2008, le juge de Montigny de la Cour fédérale rejetait la demande de contrôle de l’appelant (décision 2008 CF 1028). Selon le juge de Montigny, la décision de BAC était « raisonnable et conforme à la Loi sur la Bibliothèque et les Archives du Canada, aux lignes directrices adoptées sous son autorité, et aux motifs rédigés par le juge Simon Noël dans sa décision portant sur la première demande de contrôle judiciaire dans cette affaire » (para. 41 des motifs du juge).

 

[10]           En outre, à la lumière de la décision de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (MCI), [1999] 2 R.C.S. 817, le juge de Montigny concluait que BAC avait rencontré son obligation de motiver sa décision.

 

[11]           Le 14 octobre 2008, l’appelant déposait un avis d’appel devant notre Cour.

 

[12]           L’intimé a porté à notre attention le fait que depuis le 1er juillet 2009, 75% des documents du fonds Bloomfield étaient maintenant accessibles au public. Il en découle donc, selon l’intimé, que l’appel est sans objet. À mon avis, il ne peut faire de doute que l’appel est sans objet à l’égard de ces documents.

 

[13]           Quant aux documents visés par le secret professionnel de l’avocat, documents qui ne seront accessibles au public que durant le cours d’une période « pouvant aller jusqu’à 50 ans depuis la dernière date au dossier », l’intimé soumet, inter alia, que l’appelant n’a pas soulevé la question de savoir si, de fait, ces documents étaient visés par le secret professionnel de l’avocat, ni devant le juge Noël, ni devant le juge de Montigny. Ma lecture de la demande de contrôle judiciaire devant nous dans cet appel confirme bel et bien que cette question n’a pas été soulevée par l’appelant en première instance. En outre, cette question n’est pas soulevée dans l’avis d’appel déposé par l’appelant.

 

[14]           L’intimé soumet que puisque l’appelant n’a pas soulevé la question du privilège de l’avocat en première instance, il n’a pas été en mesure de déposer une preuve appropriée concernant cette question. À mon avis, considérant que l’appelant n’a pas soulevé la question du privilège de l’avocat, il ne peut demander à cette Cour d’en traiter et de disposer de l’appel sur cette base. En outre, je suis satisfait que de permettre à l’appelant de procéder sur cette question causerait un préjudice sérieux à l’intimé qui a été privé de son droit de déposer une preuve sur cette question.

 

[15]           Par conséquent, je rejetterais l’appel, mais sans dépens, puisque le Procureur général du Canada a renoncé à ses dépens devant cette Cour, ainsi qu’à ceux auxquels il aurait droit en raison du jugement du juge de Montigny.

 

 

« M. Nadon »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais j.c. »

 

« Je suis d’accord.

            Johanne Trudel j.c.a. »

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-519-08

 

 

INTITULÉ :                                                                           MAURICE PHILLIPS c. BIBLIOTHÉCAIRE ET ARCHIVISTE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 22 mars 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                Le juge Nadon

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             Le juge en chef Blais

                                                                                                La juge Trudel

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 29 mars 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Maurice Phillips

L’APPELANT SE REPRÉSENTANT LUI-MÊME

 

Me Nathalie Benoît

Me Benoît Letarte

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

s/o

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.