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Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20100329

Dossier : A-286-09

Référence : 2010 CAF 89

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

CHC GLOBAL OPERATIONS (2008) INC.

demanderesse

et

GLOBAL HELICOPTER PILOTS ASSOCIATION

défenderesse

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 9 mars 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 mars 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                        LA JUGE DAWSON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                  LA JUGE SHARLOW

                                                                                                                    LA JUGE TRUDEL

 


Cour d'appel fédérale

 

Federal Court of Appeal

Date : 20100329

Dossier : A-286-09

Référence : 2010 CAF 89

 

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LA JUGE DAWSON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

CHC GLOBAL OPERATIONS (2008) INC.

demanderesse

ET

GLOBAL HELICOPTER PILOTS ASSOCIATION

défenderesse

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DAWSON

[1]               La demanderesse est une entreprise canadienne dont le siège social est situé à Richmond (Colombie-Britannique). Elle est une des plus grandes sociétés de services de transport par hélicoptère au monde ainsi qu’une des plus étendues géographiquement. Elle fournit des services d’hélicoptères nolisés à l’industrie pétrolière au Canada et partout dans le monde.

 

[2]               En 2006, la défenderesse a présenté une demande à la Commission canadienne des relations industrielles (Commission) en vue d’être accréditée à titre d’agent négociateur pour un groupe de pilotes d’hélicoptère embauchés par la demanderesse. Le 30 juin 2009, la Commission a ordonné l’accréditation de la défenderesse comme agent de négociation pour le groupe de pilotes. L’unité de négociation était composée de :

[TRADUCTION] tous les pilotes employés par CHC Global Operations (2008) Inc., à l’exclusion des gestionnaires à temps plein, des pilotes exerçant principalement la fonction de responsable de base au sol et des ressortissants étrangers employés comme pilote par les sociétés affiliées de CHC.

 

Les questions en litige

[3]               La demande de contrôle judiciaire en l’espèce vise cette décision. La demanderesse soulève deux questions :

a.       Quelle est la norme de contrôle applicable à la décision de la Commission?

b.      La Commission a-t-elle commis une erreur en statuant qu’elle avait compétence pour inclure dans l’unité de négociation les pilotes qui étaient visés par cette demande d’accréditation?

 

L’historique des procédures

[4]               La demanderesse a soulevé une objection préliminaire à l’encontre de la demande d’accréditation alléguant que la Commission n’avait pas compétence pour accréditer l’unité de négociation demandée. La demanderesse a affirmé que seuls les pilotes qui étaient employés dans le cadre de son entreprise d’Halifax (Nouvelle-Écosse) étaient des personnes employées dans le cadre d’une entreprise fédérale au sens de l’article 2 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (Code). Tous les autres employés n’étaient pas, selon la demanderesse, employés dans le cadre d’une entreprise fédérale. Par conséquent, en vertu de l’article 4 du Code, la Commission n’avait pas compétence pour inclure les autres employés dans l’unité de négociation proposée. Les définitions d’une entreprise fédérale énoncées aux articles 2 et 4 du Code sont reproduites en annexe aux présents motifs.

 

[5]               La Commission a tenu une audience au sujet de l’exception déclinatoire de compétence de la demanderesse. Aux fins de cette audience, il a été tenu pour acquis que la demanderesse était l’employeur de tous les pilotes d’hélicoptère qui cherchaient à être inclus dans l’unité de négociation.

 

[6]               En 2007, la Commission a rendu sa décision au sujet de l’objection (décision préliminaire). La Commission a conclu qu’elle possédait la compétence initiale pour instruire une demande d’accréditation d’une unité qui incluait différentes catégories de pilotes affectés à diverses entreprises autres que celle d’Halifax (Nouvelle-Écosse). La Commission a conclu qu’une décision finale dépendait de la question de savoir qui était le véritable employeur de certains des pilotes visés.

 

[7]               Après que la demanderesse eut sollicité en vain le réexamen de cette décision, une autre audience a été convoquée, aux termes de laquelle la Commission a rendu sa décision du 30 juin 2009 (décision finale). La demande de contrôle judiciaire en l’espèce vise cette décision.

 

 

 

Les décisions de la Commission

[8]               La Commission a statué que la décision finale devait être lue de concert avec sa décision préliminaire. Elle a ordonné, tel que convenu par les parties, de ne pas modifier ni réviser les conclusions de fait formulées dans la décision préliminaire.

 

[9]               Dans la décision préliminaire, la Commission a résumé comme suit l’objection de la demanderesse à l’égard de la compétence : « Les pilotes de Global Operations, qui sont visés par la demande d’accréditation, sont-ils employés dans le cadre d’une entreprise fédérale? »

 

[10]           La Commission a estimé que la première étape consistait à déterminer si l’employeur était une entreprise fédérale. Elle a conclu :

72.        […]  C’est Global Operations, l’entreprise canadienne dont le siège social est situé à Richmond (Colombie-Britannique), qui constitue l’entreprise fédérale qui exploite une entreprise de transport par hélicoptère par vol nolisé offrant des services à des sociétés pétrolières et gazières faisant affaire au Canada et aux quatre coins du globe. C’est en effet Global Operations qui recrute, embauche et forme les pilotes et qui établit et entretient l’infrastructure nécessaire pour mener à bien ses activités à partir de ses diverses bases aux quatre coins du globe. Global Operations est l’entreprise fédérale de transport aérien qui est visée par l’article 4 du Code.

 

[11]           La prochaine étape pour la Commission consistait à examiner la relation qui existait entre les divers employés et l’entreprise fédérale. Il n’y avait aucune contestation au sujet des employés qui travaillaient à la base de la demanderesse à Halifax. Quant au point litigieux concernant les pilotes qui n’effectuaient pas de vols au Canada, la question selon la Commission consistait à déterminer s’ils étaient employés dans le cadre d’une entreprise fédérale. La Commission a affirmé ce qui suit :

[…] l’objectif ici est d’examiner Global Operations, l’entreprise fédérale canadienne – ou plus exactement la mesure dans laquelle Global Operations a étendu son entreprise et ses activités à l’extérieur du territoire en établissant ses bases internationales et en s’affiliant à des entités locales – afin de déterminer si les pilotes qui sont affectés à ces activités extraterritoriales peuvent être considérés comme employés dans le cadre de cette entreprise fédérale.

 

[12]           Avant d’examiner les éléments de preuve pertinents, la Commission a examiné sa jurisprudence antérieure ainsi que celle de notre Cour. La Commission a fait une synthèse de la jurisprudence en ces termes :

83.        À partir de ces décisions, nous pouvons dresser la liste des faits et critères suivants qui sont considérés comme pertinents et déterminants, mais qui doivent tout de même être appréciés et examinés en fonction de chaque cas quand il s’agit de déterminer si la compétence législative fédérale et les dispositions du Code s’étendent aux activités extraterritoriales d’une entreprise fédérale et aux personnes employées dans le cadre de cette entreprise :

 

1.         Existe-t-il une entreprise fédérale exerçant une activité commerciale au Canada?

2.         Les personnes qui sont affectées aux activités extraterritoriales sont-elles employées dans le cadre de cette entreprise fédérale?

3.         Les employés sont-ils embauchés au Canada?

4.         Les employés sont-ils des citoyens canadiens ou résident-ils au Canada?

5.         Par qui et comment les employés sont-ils rémunérés?

6.         Où le travail en question est-il exécuté?

7.         À qui appartient le matériel utilisé aux fins des activités extraterritoriales?

8.         La législation, la réglementation ou les politiques canadiennes s’appliquent-elles ou peuvent-elles s’appliquer aux activités canadiennes outre-mer?

 

[13]           La Commission a affirmé qu’aucun de ces facteurs n’était déterminant à lui seul. Chaque cas doit être tranché en fonction des faits qui lui sont propres.

 

[14]           Ensuite, dans les huit paragraphes suivants de ses motifs, la Commission a résumé succinctement comme suit les éléments de preuve dont elle disposait :

87.        Global Operations est une entreprise canadienne dont le siège social est situé à Richmond (Colombie-Britannique). Les pilotes, peu importe leur pays d’origine, sont embauchés à Richmond (Colombie-Britannique). C’est le situs de leur contrat de travail. Tous les pilotes se rendent chez Global Operations à Richmond (Colombie-Britannique) pour leur séance d’orientation initiale. Global Operations leur donne une formation normalisée en utilisant ses propres instructeurs; cette formation est de surcroît planifiée et coordonnée par Global Operations, à son siège social de Richmond. Le pilote en chef Lepore a ses bureaux à Richmond (Colombie-Britannique). C’est lui qui établit les normes de compétence qui s’appliquent à tous les pilotes.

 

88.        Il ressort de la preuve de l’employeur que moins de la moitié des pilotes possèdent la citoyenneté canadienne et que de ce nombre, moins de la moitié résident au Canada. Quelques-uns continuent de résider dans leur pays d’origine tandis que d’autres ont élu domicile dans le pays où ils travaillent. Certains pilotes ne viennent au Canada que pour leur séance d’orientation et de formation initiale et n’y reviennent plus par la suite.

 

89.        Global Operations gère le processus d’évaluation et de renouvellement des brevets de pilote. L’employeur a conçu un programme de conversion des brevets qui permet aux pilotes de faire convertir leur brevet principal en brevet canadien, ce qui simplifie la délivrance des brevets aux pilotes employés par Global Operations dans diverses parties du monde.

 

90.        Les pilotes accomplissent tous le même travail, au Canada et à l’étranger. Le manuel des employés rédigé par Global Operations et qui s’applique à tous les pilotes, tous lieux d’affectation confondus, définit les conditions d’emploi communes. Soucieuse de mettre en place des pratiques exemplaires, Global Opérations dit appliquer à tous les pilotes, peu importe leur lieu d’affectation, le cadre réglementaire canadien, lequel tient compte de certaines normes minimales établies par la législation canadienne. C’est donc à dire que les pilotes sont tous assujettis aux mêmes conditions.

 

91.        Global Operations coordonne l’obtention des visas et des permis de travail à partir de Richmond (Colombie-Britannique), ce qui n’empêche pas l’entité locale de prêter son concours à ce processus.

 

92.        Hormis ceux qui sont affectés à la base de Halifax, les pilotes accomplissent leur travail à l’étranger. La plupart pilotent des aéronefs qui sont immatriculés dans ces pays étrangers en vertu de permis d’exploitation aérienne délivrés par les autorités étrangères respectives. Ils relèvent du responsable de base, qui supervise leur travail sur place dans le pays étranger.

 

93.        Global Operations décide du lieu d’affectation de tous les pilotes. Le pilote qui refuse une affection peut être réputé ne plus être au service de l’employeur. C’est au siège social de Global Operations à Richmond que se prend la décision de licencier des pilotes inscrits sur sa feuille de paie ou d’imposer des sanctions disciplinaires.  L’employeur a également présenté avec succès une demande à DRHC (Développement des ressources humaines Canada) [devenu RHDSC] afin d’établir un régime de calcul de la rémunération moyenne des pilotes. Global Operations se fait rembourser les paiements qu’elle effectue pour le compte des pilotes.

 

94.        En dernier lieu, Global Operations apporte un soutien technique et administratif aux entités locales et aux pilotes en leur fournissant entre autres choses des manuels d’exploitation et d’entretien des aéronefs, dont non seulement les pilotes ont absolument besoin pour accomplir leur travail, mais aussi les compagnies aériennes affiliées à Global Operations, puisqu’il s’agit d’une condition essentielle pour obtenir un PEA – le permis exigé par tous les pays pour exploiter une compagnie aérienne commerciale.

 

[15]           La Commission a conclu que, si la demanderesse était le véritable employeur de tous les pilotes en question, comme on l’avait tenu pour acquis à l’audience, une bonne partie, voire la totalité des pilotes pouvaient être considérés comme ayant un lien suffisant avec l’employeur, une entreprise fédérale. L’audience a été ajournée, et il a été convenu qu’elle serait reprise plus tard pour examiner la question de savoir si la demanderesse, une entreprise fédérale, était le véritable employeur des pilotes en question.

 

[16]           Dans sa décision finale, la Commission a affirmé que la question principale à trancher maintenant était celle de savoir si la demanderesse, « qui [avait] déjà été considérée comme une entreprise fédérale, [était] le véritable employeur des pilotes visés par la demande d’accréditation ». Après avoir examiné la jurisprudence applicable à la question du véritable employeur, la Commission a réitéré plusieurs des conclusions de fait qu’elle avait formulées dans sa décision préliminaire. La Commission a ensuite conclu : 

103.      Global Operations est la plus grande société de services de transport par hélicoptère au monde. Son expérience et son expertise en matière de prestation de services de transport par hélicoptère par vol nolisé sont reconnues. Elle exploite sa propre base à Halifax; elle exerce ses activités en vertu de son propre PEA au Brunei, en Azerbaïdjan, en Géorgie et au Vietnam. La relation d’affaires entre Global Operations et ces entités locales varie. Certaines d’entre elles sont la propriété exclusive de Global Operations tandis que d’autres en sont la propriété partielle, sauf Euro-Asia, au Kazakhstan, qui est indépendante. Toutefois, Global Operations a conclu avec Euro-Asia un accord en vertu duquel ses pilotes travaillent conformément au [manuel d’exploitation canadien] lorsqu’ils exécutent le contrat signé avec la société pétrolière.

 

[17]           Après avoir examiné en détail les éléments de preuve pertinents au regard du contrôle des activités quotidiennes des pilotes, la Commission a conclu :

121.      Malgré la structure organisationnelle et les différents niveaux de relation entre

Global Operations et les entités locales en question, la preuve montre de façon concluante que Global Operations contrôle l’accès des pilotes concernés à l’emploi, établit leurs conditions de travail, contrôle l’exécution du travail et est perçue comme le véritable employeur des pilotes visés par la présente demande. Global Operations embauche les pilotes et les affecte aux diverses bases situées aux quatre coins du globe. Elle fixe les conditions d’emploi et les normes auxquelles il faut satisfaire pour affecter un pilote à une base. Global Operations décide en dernier ressort de la sélection des pilotes ainsi que de la question de savoir s’il y a lieu de congédier un pilote ou de lui imposer une mesure disciplinaire. Les pilotes sont assujettis aux mêmes conditions d’emploi lorsqu’ils sont affectés à une base ou à une autre, et Global Operations reconnaît leurs années de service. Les pilotes qui ne sont pas affectés à une base en particulier demeurent des employés de Global Operations et continuent à recevoir un salaire de celle-ci.

 

122.      Compte tenu de tous les facteurs exposés dans Nolisair, précitée, la très grande majorité des éléments de preuve montrent que Global Operations exerce un contrôle fondamental sur les conditions de travail des pilotes faisant l’objet de la présente demande. Une conclusion en ce sens n’est pas seulement conforme aux faits; elle est aussi propice à des relations de travail harmonieuses et s’accorde avec l’objectif du Code de promouvoir l’accès à la négociation collective.

 

Les erreurs alléguées

[18]           Comme je l’ai indiqué précédemment, la demanderesse allègue que la Commission a outrepassé sa compétence. Elle soutient, à juste titre, que l’article 4 du Code limite l’application de la partie 1 du Code aux personnes employées dans le cadre d’une entreprise fédérale. La demanderesse soutient en outre, à juste titre encore une fois, que la question de savoir si une entreprise est une entreprise fédérale dépend de la nature de ses activités. La structure organisationnelle de l’employeur n’est pas déterminante. Sera pertinente la nature des activités que l’entreprise exerce réellement. Partant, la demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en affirmant, au paragraphe 72 de la décision préliminaire, « qu’il [fallait] commencer par déterminer si l’employeur en cause [était] une entreprise fédérale ».

 

[19]           La demanderesse soutient également que le Parlement du Canada n’a aucune compétence législative ni réglementaire sur les aéronefs qui effectuent des vols internes dans un pays étranger ni sur les activités des entités étrangères qui travaillent en partenariat avec la demanderesse.

 

 

La norme de contrôle

[20]           La demanderesse soutient que la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, et ce, parce que, selon la demanderesse, la réponse de la Commission à la question de savoir si les employés en question satisfaisaient à l’exigence relative à la compétence prévue à l’article 4 du Code devait être légitime.

 

[21]           L’intimé soutient que la norme de contrôle à appliquer est celle de la décision raisonnable.

 

[22]           Il est bien établi en droit que la norme de contrôle applicable dans les affaires d’interprétation constitutionnelle est celle de la décision correcte. Cependant, la décision de la Commission était fondée sur ses conclusions de fait au sujet de la nature des activités de la demanderesse et de la relation entre ces activités et les pilotes. Lorsque, comme c’est le cas en l’espèce, l’analyse constitutionnelle peut être dissociée des conclusions de fait qui la sous-tendent, la Cour devrait faire preuve de retenue judiciaire à l’égard des conclusions factuelles de la Commission. Voir : Consolidated Fastfrate Inc. c. Western Canada Council of Teamsters, [2009] 3 R.C.S. 407.

 

L’application de la norme de contrôle

[23]           S’agissant de l’erreur reprochée, je conviens que la Commission aurait pu choisir plus soigneusement ses mots au paragraphe 72 de la décision préliminaire. Malgré les termes employés, la Commission avait correctement formulé, au paragraphe 68 de sa décision, la question comme étant celle de savoir si les pilotes en cause étaient « employés dans le cadre d’une entreprise fédérale ». Puisque la Commission avait précédemment bien énoncé la question, je suis convaincue que les termes moins précis employés au paragraphe 72 ne constituaient pas une directive erronée en droit de la part de la Commission.

 

[24]           De plus, il importe de ne pas analyser trop en détail les mots employés par la Commission. Le paragraphe 72 dans son intégralité est ainsi rédigé :

72.        Le Conseil convient qu’il faut commencer par déterminer si l’employeur en cause est une entreprise fédérale. De l’avis du Conseil, la première chose à faire est d’examiner l’entreprise de Global Operations en tant que telle. Il est évident à la lecture du résumé de la preuve présenté ci-dessus que Global Operations, en tant qu’entreprise, n’est pas circonscrite à sa seule base de la Nouvelle‑Écosse. C’est Global Operations, l’entreprise canadienne dont le siège social est situé à Richmond (Colombie-Britannique), qui constitue l’entreprise fédérale qui exploite une entreprise de transport par hélicoptère par vol nolisé offrant des services à des sociétés pétrolières et gazières faisant affaire au Canada et aux quatre coins du globe. C’est en effet Global Operations qui recrute, embauche et forme les pilotes et qui établit et entretient l’infrastructure nécessaire pour mener à bien ses activités à partir de ses diverses bases aux quatre coins du globe. Global Operations est l’entreprise fédérale de transport aérien qui est visée par l’article 4 du Code.

 

[25]           En faisant une lecture équitable, je suis d’avis que la Commission a bel et bien examiné la nature des activités de la demanderesse. Le résumé de la preuve énoncé au paragraphe 72 commençait par un paragraphe introductif énonçant que les paragraphes qui suivaient « [décrivaient] brièvement les activités de l’employeur à son siège social ainsi que dans une partie de ses bases à l’étranger, notamment en ce qui concerne les pilotes d’hélicoptère ». La preuve résumée se rapportait aux ressources et aux activités de la demanderesse, à son rôle dans l’établissement de normes de vol et la délivrance de brevets aux pilotes, sa relation avec des services d’aviation partenaires et sa participation à la formation et à l’affectation des pilotes. Tous ces éléments de preuve étaient pertinents au regard des activités de la demanderesse et de la relation entre ces activités et les pilotes.

[26]           Compte tenu de sa formulation initiale juste du critère pertinent et de la teneur de son analyse, je conclus que la Commission n’a pas commis l’erreur que lui reproche la demanderesse.

 

[27]           La conclusion selon laquelle la Commission a convenablement examiné la nature des activités de la demanderesse est étayée par les commentaires que la Commission a formulés lorsqu’elle a rejeté la demande de réexamen de la décision préliminaire présentée par la demanderesse. La demande de réexamen était fondée sur l’affirmation selon laquelle la Commission avait commis une erreur auparavant en examinant la nature de l’employeur et non la nature de ses activités. La Commission a rejeté cet argument pour les motifs suivants :

19.        En toute déférence, le banc de révision ne partage pas le point de vue de l’employeur sur l’interprétation de la décision du banc initial.

 

20.        Tout d’abord, le banc initial a tiré la conclusion de fait que les activités extraterritoriales de l’employeur ne relèvent pas entièrement de la compétence des pays étrangers, contrairement à ce que prétend l’employeur. Comme la preuve l’a démontré, c’est au Canada que les pilotes sont recrutés, embauchés, formés, font l’objet de mesures disciplinaires et sont congédiés et que les activités de l’employeur sont généralement administrées.

 

[…]

 

22.        En dernier lieu, le banc de révision estime que le banc initial a abordé la question de la compétence du Conseil de manière adéquate. L’article 4 du Code dispose que la partie I s’applique aux employés dans le cadre d’une « entreprise fédérale ». Avant de déterminer si la partie I s’applique dans l’affaire à l’étude, le banc initial devait établir à sa satisfaction que CHC Global Operations constituait une « entreprise fédérale » au sens où ce terme est défini à l’article 2 du Code. Pour en arriver à sa décision à cet égard, le banc initial a tenu compte de la nature globale des activités de CHC Global Operations. Après avoir examiné les faits attributifs de compétence pertinents, le banc initial a décidé de traiter l’employeur comme une entité unique aux fins de son analyse sur la question de la compétence du Conseil. Le banc de révision ne trouve rien à redire à cette façon de procéder, étant donné que les faits dont disposait le banc initial montraient qu’il existait un degré raisonnable d’intégration entre les activités de l’employeur à l’étranger et ses activités canadiennes.

 

23.        Pour les seules fins de la décision sur la question préliminaire de la compétence du Conseil, CHC Global Operations a reconnu qu’elle était l’employeur des employés de l’unité de négociation proposée, tout en se réservant le droit de soulever la question du « véritable employeur » si la demande se poursuit au-delà de la décision sur la question préliminaire. La preuve a démontré que l’employeur exploite une entreprise de transport aérien, ce qu’il admet par ailleurs. Le banc initial n’a donc pas commis d’erreur en concluant que le Conseil possède la compétence nécessaire pour instruire la demande d’accréditation étant donné que la nature de l’entreprise de l’employeur fait en sorte que ses activités relèvent de la compétence législative du Parlement aux fins des relations du travail. [Je souligne.]

 

[28]           La conclusion selon laquelle la Commission n’a pas commis d’erreur est étayée en outre par l’analyse de la Commission dans sa décision finale concernant la question de savoir qui exerçait le contrôle fondamental sur les pilotes (en particulier l’analyse de la Commission aux paragraphes 104 à 122 de ses motifs). La Commission a conclu que la demanderesse contrôlait l’accès des pilotes à l’emploi, leurs affectations, leurs exigences de formation, les conditions de leur emploi, leurs conditions de travail, leur rendement au travail, l’imposition de mesures disciplinaires aux pilotes et leur congédiement. L’exercice d’un tel contrôle quotidien précisait d’autant plus la nature des activités de la demanderesse. Les conclusions non contestées de la Commission sur ce point étayent son analyse fonctionnelle initiale et sa conclusion initiale selon laquelle l’entreprise de la demanderesse exploitée à partir de Richmond (Colombie-Britannique) constituait une entreprise fédérale qui exploitait une entreprise de transport par hélicoptère par vol nolisé offrant des services au secteur pétrolier au Canada et aux quatre coins du globe.

 

[29]           En ce qui concerne le fait que certains pilotes effectuent des vols internes dans des pays étrangers, l’application du Code n’est pas limitée aux employés qui accomplissent leur travail au Canada. Quiconque travaille à l’extérieur du territoire canadien peut être inclus dans une unité de négociation accréditée par la Commission, pour peu qu’il soit employé par une entreprise qui relève de la compétence législative du Parlement. Voir, par exemple, Seafarers' International Union of Canada c. Crosbie Offshore Services Ltd., [1982] 2 C.F. 855 (C.A.); demande d’autorisation d’interjeter appel refusée, [1982] C.S.C.R. no 294.  Cette conclusion signifie nécessairement que les employés qui travaillent à l’étranger peuvent bien être assujettis à l’autorité réglementaire d’un autre pays. Comme le soutient la défenderesse, cela n’a aucune incidence sur la relation des employés avec leur employeur, et cela ne limite pas non plus l’applicabilité du Code aux conditions d’emploi de ces employés.

 

[30]           En somme, la Commission a eu raison de reconnaître qu’en droit, elle était tenue de se livrer à une analyse fonctionnelle des activités de la demanderesse afin de déterminer si ses activités, y compris ses activités extraterritoriales, constituaient une entreprise fédérale. La Commission a ensuite fait des constatations de fait au sujet de la nature des activités de la demanderesse et de la relation entre les pilotes et ces activités. Les conclusions de fait de la Commission n’ont pas été contestées directement, et elles étaient raisonnables. La demanderesse n’a réussi à établir l’existence d’aucune erreur susceptible de révision.

 

 

 

 

 

 

 

 

Conclusion

[31]           Pour ces motifs, je rejetterais la demande de contrôle judiciaire avec dépens payables par la demanderesse à la défenderesse.

 

 

 

« Eleanor R. Dawson »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord.

            K. Sharlow j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

            Johanne Trudel j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


ANNEXE

 

Voici le texte des articles 2 et 4 du Code canadien du travail :

 

2. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« entreprises fédérales » Les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d’activité qui relèvent de la compétence législative du Parlement, notamment  :

 

a) ceux qui se rapportent à la navigation et aux transports par eau, entre autres à ce qui touche l’exploitation de navires et le transport par navire partout au Canada;

 

b) les installations ou ouvrages, entre autres, chemins de fer, canaux ou liaisons télégraphiques, reliant une province à une ou plusieurs autres, ou débordant les limites d’une province, et les entreprises correspondantes;

c) les lignes de transport par bateaux à vapeur ou autres navires, reliant une province à une ou plusieurs autres, ou débordant les limites d’une province;

d) les passages par eaux entre deux provinces ou entre une province et un pays étranger;

 

e) les aéroports, aéronefs ou lignes de transport aérien;

f) les stations de radiodiffusion;

g) les banques et les banques étrangères autorisées, au sens de l’article 2 de la Loi sur les banques;

h) les ouvrages ou entreprises qui, bien qu’entièrement situés dans une province, sont, avant ou après leur réalisation, déclarés par le Parlement être à l’avantage général du Canada ou de plusieurs provinces;

i) les installations, ouvrages, entreprises ou secteurs d’activité ne ressortissant pas au pouvoir législatif exclusif des législatures provinciales;

j) les entreprises auxquelles les lois fédérales, au sens de l’article 2 de la Loi sur les océans, s’appliquent en vertu de l’article 20 de cette loi et des règlements d’application de l’alinéa 26(1)k) de la même loi.

 

[…]

 

4. La présente partie s’applique aux employés dans le cadre d’une entreprise fédérale et à leurs syndicats, ainsi qu’à leurs employeurs et aux organisations patronales regroupant ceux-ci.

2. In this Act,

 

“federal work, undertaking or business” means any work, undertaking or business that is within the legislative authority of Parliament, including, without restricting the generality of the foregoing,

(a) a work, undertaking or business operated or carried on for or in connection with navigation and shipping, whether inland or maritime, including the operation of ships and transportation by ship anywhere in Canada,

(b) a railway, canal, telegraph or other work or undertaking connecting any province with any other province, or extending beyond the limits of a province,

 

 

(c) a line of ships connecting a province with any other province, or extending beyond the limits of a province,

 

 

(d) a ferry between any province and any other province or between any province and any country other than Canada,

(e) aerodromes, aircraft or a line of air transportation,

(f) a radio broadcasting station,

(g) a bank or an authorized foreign bank within the meaning of section 2 of the Bank Act,

 

(h) a work or undertaking that, although wholly situated within a province, is before or after its execution declared by Parliament to be for the general advantage of Canada or for the advantage of two or more of the provinces,

(i) a work, undertaking or business outside the exclusive legislative authority of the legislatures of the provinces, and

 

(j) a work, undertaking or activity in respect of which federal laws within the meaning of section 2 of the Oceans Act apply pursuant to section 20 of that Act and any regulations made pursuant to paragraph 26(1)(k) of that Act;

 

[...]

 

4. This Part applies in respect of employees who are employed on or in connection with the operation of any federal work, undertaking or business, in respect of the employers of all such employees in their relations with those employees and in respect of trade unions and employers’ organizations composed of those employees or employers.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                       A-286-09

 

 

INTITULÉ :                                                      CHC GLOBAL OPERATIONS (2008) INC. c. GLOBAL HELICOPTER PILOTS ASSOCIATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                Vancouver (Colombie-Britannique)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                              le 9 mars 2010

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                           LA JUGE DAWSON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                        LA JUGE SHARLOW

                                                                           LA JUGE TRUDEL

 

 

DATE DES MOTIFS :                                     le 29 mars 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Fairweather

M. McCann

POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Douglas Wray

Denis Ellickson

Caley Wray

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

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Harris & Company LLP

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

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Toronto (Ontario)

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