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  Date : 20100203

Dossier : A-465-08

Référence : 2010 CAF 37

 

CORAM :  LE JUGE NADON

  LE JUGE EVANS

  LE JUGE STRATAS

 

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

J. HUDON ENTERPRISES LTD.

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 18 janvier 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario) le 3 février 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :  LE JUGE STRATAS

Y ONT SOUSCRIT :  LE JUGE NADON

  LE JUGE EVANS

 


Date : 20100203

Dossier : A-465-08

Référence : 2010 CAF 37

 

CORAM :  LE JUGE NADON

  LE JUGE EVANS

  LE JUGE STRATAS

 

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

et

J. HUDON ENTERPRISES LTD.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE STRATAS

 

A.   Introduction

 

  • [1] Les hippodromes remettent des sommes d’argent aux conducteurs et aux entraîneurs de chevaux standardbred lorsque leur cheval se classe avec succès. La question qui se pose est celle de savoir si dans un tel cas la taxe sur les produits et services (TPS) est exigible sous l’autorité de la Loi sur la taxe d’accise, L.R. 1985, ch. E-15.

 

  • [2] Dans le jugement faisant l’objet du présent appel (2008 CCI 348), la Cour de l’impôt a statué que la TPS n’était pas exigible. Elle s’est appuyée sur le paragraphe 188(2) de la Loi , qui prévoit que les « prix » gagnés dans le cadre d’une « compétition » par un « compétiteur » font l’objet d’une exemption. Il s’agit de déterminer comment cette disposition doit être interprétée et appliquée.

 

 

B.  Les faits

 

  • [3] Les chevaux standardbred coursent en vue de gagner une portion de la cagnotte — la bourse — offerte par l’hippodrome. Les chevaux qui terminent parmi les premiers se classent avec succès et gagnent une partie de la bourse. L ’hippodrome la distribue ensuite suivant les règles et les modalités de toute entente applicable. En l’espèce, certaines ententes, ayant d’importantes incidences sur l’issue de l’appel, et qui feront l’objet d’un examen approfondi ci‑dessous, exigent que l’hippodrome distribue la bourse comme suit : 90 % au propriétaire, 5 % au conducteur et 5 % à l’entraîneur.

 

  • [4] L’intimée conduit et entraîne des chevaux standardbred qui participent à des courses dans divers hippodromes en Ontario. De 1999 à 2001, certains des chevaux conduits et/ou entraînés par l’intimée ont gagné des sommes provenant de diverses bourses. L’hippodrome a versé 5 % desdites sommes à l’intimée conformément aux ententes applicables.

 

  • [5] Ces versements de 5 % constituent‑ils des « prix » gagnés par un « compétiteur » lors d’une « compétition »? Dans l’affirmative, l’exemption prévue au paragraphe 188(2) s’applique et aucune TPS n’est exigible. À l’inverse, les versements de 5 % constituent‑ils des sommes versées à titre d’honoraires par l’hippodrome au nom des propriétaires ayant retenu les services de conducteurs et d’entraîneurs? Dans l’affirmative, l’exemption du paragraphe 188(2) ne s’applique pas et la TPS est exigible. L’appelante soutient que la TPS est exigible, et elle a établi un avis de cotisation en ce sens sous le régime de la Partie  IX de la Loi. L ’intimée l’a contesté. La Cour de l’impôt a accueilli l’appel de l’intimée et conclut que l’exemption prévue au paragraphe 188(2) s’appliquait. L’appelante interjette maintenant appel devant notre Cour.

 

 

C.  Les dispositions législatives

 

  • [6] La Loi sur la taxe d’accise, L.R. 1985, ch. E‑15, au paragraphe 165(1), énonce la règle générale suivante : ceux qui reçoivent un bien ou un service dans le cadre d’une activité commerciale (une « fourniture taxable » au sens de la Loi ) doivent payer une taxe sur les produits et services (« TPS »).


 

Taux de la taxe sur les produits et services

 

165. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, l’acquéreur d’une fourniture taxable effectuée au Canada est tenu de payer à Sa Majesté du chef du Canada une taxe calculée au taux de 5 % sur la valeur de la contrepartie de la fourniture.

Imposition of goods and services tax

 

 

165. (1) Subject to this Part, every recipient of a taxable supply made in Canada shall pay to Her Majesty in right of Canada tax in respect of the supply calculated at the rate of 5% on the value of the consideration for the supply.

 

  • [7] Le terme « fourniture taxable », employé au paragraphe 165(1), est défini au paragraphe 123(1) :

 

Définitions

 

123. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à l’article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

[…]

 

 

« fourniture »
supply

 

« fourniture » Sous réserve des articles 133 et 134, livraison de biens ou prestation de services, notamment par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation.

 

[…]

 

« fourniture taxable »
taxable supply

 

« fourniture taxable » Fourniture effectuée dans le cadre d’une activité commerciale.

Definitions

 

123. (1) In section 121, this Part and Schedules V to X,

 

[…]

 

 

“supply”
« fourniture »

 

“supply” means, subject to sections 133 and 134, the provision of property or a service in any manner, including sale, transfer, barter, exchange, licence, rental, lease, gift or disposition;

 

[…]

 

“taxable supply”
« fourniture taxable »

 

“taxable supply” means a supply that is made in the course of a commercial activity;

 

 

  • [8] Le paragraphe 188(2) crée une exemption de payer la TPS , qui serait autrement payable en vertu du paragraphe 165(1). Il prévoit que lorsqu’un « compétiteur » gagne un « prix » dans le cadre d’une « compétition », ni le prix ni la participation du compétiteur à la compétition ne sont considérés comme des « fournitures taxables ». En l’absence de « fourniture taxable », aucune TPS n’est exigible sous le régime du paragraphe 165(1) de la Loi.

 

Compétition

 

188. (2) Les règles suivantes s’appliquent dans le cas où une personne remet, dans le cadre d’une activité qui comporte l’organisation, la promotion, l’animation ou la présentation d’une compétition, un prix à un compétiteur:

 

a) pour l’application de la présente partie, la remise du prix est réputée ne pas être une fourniture;

 

 

b) pour l’application de la présente partie, le prix est réputé ne pas être la contrepartie d’une fourniture par le compétiteur au profit de la personne;

 

c) la taxe payable par la personne relativement à un bien qui constitue le prix n’est pas incluse dans le calcul de son crédit de taxe sur les intrants pour une période de déclaration.

Prizes in competitive events

 

188. (2) Where, in the course of an activity that involves the organization, promotion hosting or other staging of a competitive event, a person gives a prize to a competitor in the event,

 

 

 

(a) the giving of the prize shall be deemed, for the purposes of this Part, not to be a supply;

 

 

(b) the prize shall be deemed, for the purposes of this Part, not to be consideration for a supply by the competitor to the person; and

 

(c) tax payable by the person in respect of any property given as the prize shall not be included in determining any input tax credit of the person for any reporting period.

 

 

D.  La position des parties

 

  • [9] Tant devant la Cour de l’impôt que devant notre Cour, les parties ont convenu que l’exemption prévue au paragraphe 188(2) s’applique lorsque trois conditions sont remplies :

 

  • (1) les sommes reçues constituent un « prix »;

  • (2) le bénéficiaire du prix participe à l’événement en tant que « compétiteur »;

  • (3) le prix est remis dans le cadre d’une activité qui comporte l’organisation, la promotion, l’animation ou la présentation d’une « compétition ».

 

 

 

  • [10] Les deux parties conviennent que la troisième condition est remplie : les courses de chevaux sont des « compétitions ». Toutefois, devant le juge de première instance ainsi que devant notre Cour, elles étaient en désaccord sur la question de savoir si les deux premières exigences sont respectées en l’espèce.

 

  • [11] L’appelante soutient que les sommes reçues par l’intimée ne sont pas des « prix ». Selon elle, ce sont les propriétaires des chevaux qui se classent avec succès qui se méritent les seuls « prix » accordés dans le cadre de la course, soit les sommes provenant des bourses. L’appelante convient que les hippodromes font des versements de 5 % aux conducteurs et aux entraîneurs et que ces sommes sont prélevées sur la bourse. Toutefois , l’appelante relève des éléments de preuve non contredits montrant qu’il s’agit en fait d’un mode de paiement pratique et efficace : les sommes versées visent à indemniser les conducteurs et les entraîneurs pour les services qu’ils fournissent aux propriétaires. En réalité, dit l’appelante, les conducteurs et les entraîneurs reçoivent des honoraires pour les services qu’ils fournissent aux propriétaires et non des « prix ».

 

  • [12] L’intimée n’est pas d’accord. Elle fait valoir que les versements de 5 % qu’elle a reçus sont réellement des « prix », gagnés pour récompenser ses compétences de conducteur et d’entraîneur dans des compétitions de courses de chevaux. Elle met l’accent sur le caractère compétitif des courses de chevaux, la compétition que se mènent les conducteurs et les entraîneurs, et l’influence considérable, voire décisive, que les bons conducteurs et entraîneurs ont sur la performance des chevaux lors d’une course. Elle insiste également sur le fait que le versements de 5% provient de ce que l’appelante admet elle‑même être une cagnotte — la bourse — et qu’ils sont remis aux conducteurs et aux entraîneurs seulement lorsque leurs chevaux se classent avec succès. L’intimée est donc d’avis que l’exemption, prévue au paragraphe 188(2) en ce qui concerne les « prix », s’applique.

 

 

E.  Le jugement de la Cour de l’impôt

 

[13]  Le juge de la Cour de l’impôt a accepté la position de l’intimée et il a conclu que l’exemption prévue au paragraphe 188(2) s’appliquait en l’espèce. Il a donc statué que l’intimée n’était pas tenue de payer la TPS.  

 

  • [14] Pour arriver à cette conclusion, le juge de la Cour de l’impôt a insisté (au par. 87) sur le caractère hautement compétitif des courses de chevaux.Il a également conclu (au par. 90) « que le conducteur tout autant que l’entraîneur font partie intégrante du processus et influent grandement sur l’issue de la course et le succès du cheval et, par voie de conséquence, sur le montant d’argent susceptible d’être gagné par les parties ». Selon lui (au par. 87), lors des courses, qui sont des « compétitions » au sens du paragraphe 188(2), l’intimée était, en tant que conducteur et/ou entraîneur, un « compétiteur ».

 

  • [15] Parmi ses conclusions clés, le juge de la Cour de l’impôt (aux par. 98 et 99) a conclu que les sommes, provenant des bourses, gagnées par un cheval, appartenaient conjointement au propriétaire, au conducteur et à l’entraîneur. À cet égard, il s’est fondé sur les « dépositions faites par chacun des témoins » (au par. 97), sans toutefois les identifier ni faire référence à leurs témoignages.

 

F.  Analyse

 

  • [16] Devant notre Cour, l’appelante a contesté la conclusion du juge de la Cour de l’impôt selon laquelle les sommes provenant des bourses appartenaient conjointement au propriétaire, au conducteur et à l’entraîneur. L’appelante soutient qu’aucun témoignage n’appuie cette inférence et que, de fait, le seul témoignage pertinent mène à la conclusion que les sommes provenant des bourses appartenaient uniquement au propriétaire du cheval. J’ai examiné avec soin la preuve au dossier et je souscris à la thèse de l’appelante. Une conclusion qui ne s’appuie sur aucun élément de preuve est entachée d’une erreur manifeste et dominante, et elle doit être annulée : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, 2002 CSC 33, au par. 1. Quoi qu’il en soit, la question de savoir à qui appartient les sommes provenant des bourses est ultimement une question de droit, qui ne peut être tranchée uniquement sur la foi de croyances subjectives des témoins ou des opinions ou hypothèses qu’ils émettent.

 

  • [17] Les autres conclusions factuelles du juge de la Cour de l’impôt sont bien étayées par la preuve. Plus particulièrement, il a conclu que les versements de 5% reçus par l’intimée étaient fonction du résultat obtenu dans des compétitions de chevaux et que les compétences et les efforts des conducteurs et des entraîneurs, comme l’intimée, pouvaient améliorer la performance des chevaux et permettre de gagner une part plus importante des bourses. Mais il faut pousser plus loin l’analyse fondée sur le paragraphe 188(2). Une conclusion en ce sens est en effet compatible avec l’une ou l’autre des caractérisations suivantes, qui sont toutefois contradictoires :

 

(1)  les versements de 5 % aux conducteurs et aux entraîneurs pourraient constituer des honoraires, qui dépendent du succès obtenu, et qui visent à rémunérer les conducteurs et les entraîneurs pour des services rendus aux propriétaires;

 

(2)  les versements de 5 % aux conducteurs et aux entraîneurs pourraient constituer des « prix » au sens du paragraphe 188(2), distribués par l’hippodrome pour récompenser les succès obtenus par les conducteurs et les entraîneurs ayant participé à une compétition.

 

À mon avis, ces caractérisations divergentes sont au cœur de l’appel. Elles font apparaître une question clé que la Cour de l’impôt n’a pas tranchée : qu’est-ce qui constitue un « prix » au sens du paragraphe 188(2) de la Loi ? 

 

  • [18] Il y a d’abord lieu de noter que la Loi est une loi fiscale. Dans Canada Trustco Mortgage Co. c. Canada, [2005] 2 R.C.S. 601, 2005 CSC 54, au par. 10, la Cour suprême du Canada s’est prononcée sur l’approche qu’il convient d’appliquer pour interpréter une loi fiscale :

L’interprétation d’une disposition législative doit être fondée sur une analyse textuelle, contextuelle et téléologique destinée à dégager un sens qui s’harmonise avec la Loi dans son ensemble.  Lorsque le libellé d’une disposition est précis et non équivoque, le sens ordinaire des mots joue un rôle primordial dans le processus d’interprétation.  Par contre, lorsque les mots utilisés peuvent avoir plus d’un sens raisonnable, leur sens ordinaire joue un rôle moins important. L’incidence relative du sens ordinaire, du contexte et de l’objet sur le processus d’interprétation peut varier, mais les tribunaux doivent, dans tous les cas, chercher à interpréter les dispositions d’une loi comme formant un tout harmonieux.

 

La Cour suprême a ensuite précisé (au par. 13) que la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), qu’elle était alors appelée à examiner, « demeure un instrument dominé par des dispositions explicites qui prescrivent des conséquences particulières et commandent une interprétation largement textuelle ». Ces propos s’appliquent à Loi sur la taxe d’accise, en cause en l’espèce.

 

  • [19] Le paragraphe 188(2) est passablement détaillé. Cette disposition concerne la remise et la réception de « prix » et non le paiement et la réception d’honoraires. Il faut, sur le fondement du sens ordinaire qui leur est attribué, distinguer ces deux termes. On entend par « prix », au sens du paragraphe 188(2), une récompense décernée à celui ou celle qui l’emporte dans une compétition ou qui s’y est distingué, alors que par honoraires on entend une rétribution, des émoluments, ou une indemnité qu’une personne gagne pour avoir fourni des services dans le cadre d’un contrat, de travail ou autre.

 

  • [20] Des honoraires calculés en fonction du rendement, du résultat, ou de la profitabilité — par exemple la rémunération au résultat, les commissions, les honoraires conditionnels et les primes — ne sont pas pour autant des « prix ». Ils demeurent des honoraires pour services rendus. Seule la méthode suivant laquelle ils sont calculés est différente. Toute autre interprétation aurait pour effet d’étendre l’exemption aux honoraires calculés en fonction du rendement, du résultat ou de la profitabilité. Il faudrait un texte législatif beaucoup plus précis pour qu’il en soit ainsi.

 

  • [21] Pour déterminer si certains paiements sont des « prix » au sens du paragraphe 188(2), il faut déterminer la véritable nature des paiements en question et de la « fourniture » dans le contexte du paragraphe 123(1) (c.‑à‑d. la nature des biens ou services livrés ou fournis par vente, transfert, troc, échange, louage, licence, donation ou aliénation en contrepartie des paiements). Il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances, notamment le but poursuivi en effectuant le paiement, la véritable nature de la relation entre les parties, et toute entente ou disposition législative applicable.

 

  • [22] En l’espèce, il faut nécessairement conclure que les sommes d’argent reçues par l’intimée constituent une rémunération au résultat accordée en échange des services qu’elle a fournis en tant que conducteur et entraîneur aux propriétaires et non un « prix » au sens du paragraphe 188(2).Deux éléments sont déterminants en l’espèce : le régime réglementaire et les ententes en vertu desquelles les conducteurs et les entraîneurs ont reçu les versements de 5 %.

 

 

Le régime réglementaire

 

  • [23] En Ontario, la province où l’intimée conduisait et entraînait les chevaux, les courses de chevaux standardbred sont fortement réglementées. En l’espèce, l’organisme de réglementation est la Commission des courses de l’Ontario. Sur le fondement des pouvoirs que lui confère la Loi de 2000 sur la Commission des courses de chevaux, L.O. 2000, ch. 20, art. 11, la Commission des courses de l’Ontario a établi des règles administratives exhaustives, appelées Rules of Standardbred Racing (les règles). Elles règlementent avec force détails la conduite et les rapports entre hippodromes, conducteurs, entraîneurs et propriétaires, notamment en ce qui concerne l’attribution des bourses.

 

  • [24] L’article 18.11 des règles nous éclaire considérablement sur la nature des versements faits à l’intimée en l’espèce :

[traduction] 18.11 Lorsqu’une entente est conclue entre une association reconnue de participants à des courses attelées et une association de courses de chevaux, les honoraires des conducteurs et/ou des entraîneurs peuvent être déduits des bourses payables aux propriétaires et peuvent être versés aux conducteurs et/ou aux entraîneurs dans un délai de 30 jours. Une copie de l’entente doit être déposée auprès de la Commission.

 

L’article 18.11 des règles est significatif parce qu’il indique que les bourses sont « payables aux propriétaires ». Ce sont les propriétaires, et seulement eux, qui y ont droit. La règle confirme que les [traduction] « honoraires des conducteurs et/ou des entraîneurs » [je souligne] sont déduits des bourses. Les conducteurs et les entraîneurs n’ont donc pas le droit de toucher les bourses; ils ont plutôt le droit de recevoir des « honoraires », et il est permis de les prélever sur les bourses.

 

  • [25] Il ressort de la preuve non contredite, soumise à l’attention de la Cour de l’impôt, qu’avant l’adoption de l’article 18.11 des règles, les conducteurs et les entraîneurs recevaient des honoraires représentant 5 % des bourses reçues par le propriétaire. Comme les conducteurs et les entraîneurs avaient de la difficulté à se faire payer par les propriétaires, certains hippodromes ont commencé à effectuer des retenues. L’article 18.11 des règles ne fait que confirmer la légitimité de cette pratique. On ne saurait conclure qu’il y est question de la remise d’un prix aux conducteurs ou aux entraîneurs parce qu’ils se sont distingués lors d’une compétition.

 

  • [26] Comme l’article 18.11, l’article 18.08 des règles fait lui aussi mention d’« honoraires ». Il prévoit le remboursement des [traduction] « honoraires des conducteurs et/ou entraîneurs » [je souligne] si un cheval est disqualifié ou déclaré inadmissible :

[traduction] 18.08 Si, pour une raison quelconque, un cheval est disqualifié ou déclaré inadmissible, les bourses ou les trophées reçus par les propriétaires ainsi que les honoraires des conducteurs et/ou des entraîneurs (versés conformément à l’article 18.11 des règles) doivent, dans les 15 jours de la notification, être remis à l’association en vue d’être redistribués.

 

 

Au paragraphe 15 de son mémoire des faits et du droit, l’intimée fait valoir que cette règle exige que les conducteurs et les entraîneurs remettent les bourses reçues advenant disqualification. L’intimée soutient en outre qu’il n’y aurait pas lieu de remettre les bourses reçues si les sommes que reçoivent les conducteurs et les entraîneurs sont effectivement des honoraires. Je ne suis pas d’accord. Premièrement, la règle énonce clairement que les conducteurs et les entraîneurs doivent remettre leurs « honoraires » et non des sommes distribuées sous forme de bourses. Deuxièmement, étant donné que les honoraires s’élèvent à 5 % des bourses, il est logique de penser que, dans les cas où le cheval n’aurait pas dû gagner la bourse en raison de sa disqualification, les honoraires dus pour les services des conducteurs et des entraîneurs, établis en fonction du rendement du cheval, devraient être réduits à zéro. 

 

  • [27] Les articles 18.08 et 18.11 figurent au chapitre 18 intitulé [traduction] « Classement et distribution des bourses ». Ces règles reposent sur la prémisse que les bourses sont gagnées par les chevaux qui se sont classés avec succès. L’article 18.11 est la seule disposition des règles qui envisage la distribution subséquente des bourses gagnées par des chevaux aux conducteurs ou aux entraîneurs. Une telle distribution est possible seulement pour payer les « honoraires » des conducteurs et des entraîneurs et seulement si elle est prévue dans une entente conclue entre une association reconnue de participants à des courses attelées et une association de courses de chevaux. Mis à part l’article 18.11 des règles, qui n’envisage que la retenue de sommes provenant de bourses pour couvrir des honoraires, aucune règle ne prévoit l’attribution de sommes provenant de bourses aux conducteurs et aux entraîneurs.

 

Les ententes en vertu desquelles les conducteurs et les entraîneurs ont reçu les versements de 5 %

 

  • [28] Des ententes du type de celle visée à l’article 18.11 des Règles font partie du dossier de preuve. Ces ententes permettent à l’intimée de recevoir des versements représentant 5 % des bourses reçues lorsque les chevaux qu’elle est chargée de conduire ou d’entraîner se classent avec succès.

 

  • [29] Une des ententes est conclue entre l’Ontario Harness Horse Association et Hiawatha Horse Park Inc. L’article IX prévoit la remise, aux conducteurs et aux entraîneurs, de versements équivalents à 5 % des bourses [traduction] « gagnés par les chevaux ». Le titre de la clause indique clairement que les versements de 5 % sont des « honoraires [versés aux] conducteurs » [je souligne] :

[traduction]

 

ARTICLE IX – CHÈQUES DE BOURSES ET HONORAIRES DES CONDUCTEURS

 

  1. La société doit mettre les chèques de bourse à la disposition des propriétaires de chevaux à une journée précise de chaque semaine. Les chèques n’ayant pas été récupérés dans les 30 jours suivant la conclusion de la course sont postés aux propriétaires.

 

  1. Comme le lui permet l’article 18.11 des règles de la Commission des courses de l’Ontario, la société retient pour le compte de tous les conducteurs participant à des courses à Hiawatha Horse Park cinq (5) pour cent de l’ensemble des bourses gagnées par les chevaux conduits par chacun des conducteurs. Cette retenue ainsi que les dépenses y afférentes sont supportées par la société. Toutes les sommes payables en vertu du présent article sont versées une fois par mois.

 

  • [30] L’une des autres ententes a été conclue entre l’Ontario Harness Horse Association et Flamboro Downs Holdings Limited. L’article 2.10 indique clairement que les sommes de 5 % versées aux conducteurs et aux entraîneurs sont des « honoraires » et il énonce que les bourses sont [traduction] « payables aux propriétaires » et non aux conducteurs et aux entraîneurs :

[traduction] 2.10  La société convient de déduire des bourses payables aux propriétaires cinq (5) pour cent au titre des honoraires des conducteurs et cinq (5) pour cent au titre des honoraires des entraîneurs, et de distribuer les sommes déduites d’une manière satisfaisante pour les deux parties.

 

 

  • [31] Enfin, il existe une entente entre Woolwich Agricultural Society et l’Ontario Harness Horse Association. L’article 6.7 de cette entente indique également que les versements de 5 % faits aux conducteurs et aux entraîneurs sont des « honoraires » et il énonce que les bourses sont « payables aux propriétaires » et non aux conducteurs et aux entraîneurs :

[traduction] 6.7  L’ASSOCIATION convient de déduire des bourses payables aux propriétaires des honoraires de cinq (5 %) pour les conducteurs et les entraîneurs et de verser les sommes déduites de la manière prévue à l’article 6.5.

 

  • [32] Les clauses des ententes susmentionnées font écho aux articles 18.08 et 18.11 des Règles et distinguent clairement les bourses, gagnées par les chevaux et versées aux propriétaires, des « honoraires », versés aux conducteurs et aux entraîneurs. Aucune des ententes ne prévoit le versement direct de bourses aux conducteurs et aux entraîneurs à titre de récompense leur étant décernée parce qu’ils l’ont emporté dans une compétition ou qu’ils s’y sont distingués.

 

 

Aucun autre élément de preuve fiable

 

  • [33] Aucun autre élément de preuve fiable ne permet de conclure que les sommes reçues par les conducteurs et les entraîneurs étaient des « prix » au sens du paragraphe 188(2), tels que définis plus haut. De même, aucun autre élément de preuve fiable ne permet de réfuter la conclusion selon laquelle les sommes reçues par les conducteurs et les entraîneurs étaient des honoraires, tels que définis plus haut.

 

 

G.  Conclusion

 

  • [34] L’intimée n’a reçu aucun « prix » au sens du paragraphe 188(2) de la Loi. Par conséquent, l’exemption prévue au paragraphe 188(2) ne s’applique pas et la TPS est exigible.

 

  • [35] Comme il a déjà été mentionné, les parties ont aussi soumis des observations sur la question de savoir si l’intimée, à titre de conducteur et d’entraîneur, était un « compétiteur » au sens du paragraphe 188(2) de la Loi. Il n’est pas nécessaire d’y répondre pour résoudre l’appel, de sorte que l’examen de cette question doit être reporté.

 

  • [36] Je suis donc d’avis d’accueillir l’appel de la décision de la Cour canadienne de l’impôt, d’annuler ce jugement et de rétablir la cotisation établie en vertu de la Partie  IX de la Loi , avec dépens en faveur de l’appelante devant notre Cour et devant la juridiction inférieure.

 

 

« David Stratas »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord

  Marc Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

  John M. Evans, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

NOMS DES AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :   A-465-08

 

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LE JUGE T.E. MARGESON EN DATE DU 12 AOÛT 2008, NO 2004-3932(GST)G

 

INTITULÉ :  SA MAJESTÉ LA REINE c.

  J. HUDON ENTERPRISES LTD.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :   TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  LE 18 JANVIER 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :   LE JUGE STRATAS

 

Y ONT SOUSCRIT :  LE JUGE NADON

  LE JUGE EVANS

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Ezri

Jennifer Neill

 

POUR L’APPELANTE

 

David Williams

Susan Fincher-Stoll

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’APPELANTE

 

Harrison Pensa LLP

London (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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