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Date : 20100115

Dossier : A-406-08

Référence : 2010 CAF 14

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

1398874 ONTARIO INC. AU NOM DU RÉGIME DE RETRAITE
DES PRÉSIDENTS DE 1398874 ONTARIO INC.

appelante

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 13 janvier 2010.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 15 janvier 2010.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                 LA JUGE TRUDEL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                                  LE JUGE NOËL

 


Date : 20100115

Dossier : A-406-08

Référence : 2010 CAF 14

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

1398874 ONTARIO INC. AU NOM DU RÉGIME DE RETRAITE
DES PRÉSIDENTS DE 1398874 ONTARIO INC.

appelante

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE TRUDEL

[1]               Encore une fois, on demande à la Cour d’annuler un avis d’intention de retirer l’agrément d’un régime de retraite individuel (le RRI ou le régime) constitué en vertu du paragraphe 147.1(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) (voir 1346687 Ontario Inc. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2007 CAF 262, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 32270 (28 septembre 2007); Jordan Financial Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2007 CAF 263, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 32271 (28 septembre 2007); Loba Ltd c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2004 CAF 342, autorisation de pourvoi à la C.S.C. refusée, 30664 (10 décembre 2004) (Loba). L’avis avait été envoyé par la Direction des régimes enregistrés de l’Agence du revenu du Canada (DRE ou ARC), au nom du ministre du Revenu national (le ministre).

 

[2]               M. Richard Adderson (le participant) a travaillé longtemps comme policier pour la ville de Toronto et avait donc droit à une pension du Régime de retraite des employés municipaux de l’Ontario (l’OMERS). Au moment de sa retraite, M. Adderson entendait transférer la valeur de rachat de sa pension dans un RRI.

 

[3]               Pour ce faire, il a d’abord constitué en personne morale 1398874 Ontario Inc. (Ontario Inc.), dont il était le président et l’unique employé. Puis, Ontario Inc. a adopté une résolution instituant un RRI (le régime de retraite des présidents de 1398874 Ontario Inc.), dont M. Adderson était l’unique participant.

 

[4]               Après l’examen initial des documents concernant le RRI, le régime a été agréé et a pris effet le 1er février 2000. Par la suite, la DRE a accepté une modification du RRI visant à créditer à M. Adderson ses prestations pour services passés. Ainsi, le 30 avril 2001, 622 657,02 $ ont été transférés de l’OMERS au RRI.

 

[5]               Entre l’examen initial, qui a mené à l’agrément du régime (lettre du 11 juillet 2000, dossier d’appel, volume 1, page 240), et l’envoi de l’avis d’intention de retrait de l’agrément du 15 avril 2008 (lettre du 15 avril 2008, dossier d’appel, volume 1, page 27), de nombreuses communications ont eu lieu entre l’ARC et M. Adderson, à titre de président de l’appelante, ou l’actuaire d’ActuBen Consulting Inc., qui a joué un rôle important dans la création et l’agrément du RRI. Par ces communications, et les mises en garde que la DRE lançait à l’occasion, l’ARC visait essentiellement à s’assurer que le RRI satisfaisait bien aux exigences de la Loi et du Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945 (le Règlement). La question la plus pressante était celle de savoir si le principal objet du RRI consistait « à prévoir le versement périodique de montants à des particuliers, après leur retraite et jusqu’à leur décès, pour les services qu’ils ont accomplis à titre d’employés », comme le prescrit l’alinéa 8502a) du Règlement.

 

[6]               L’appelante, tout comme M. Adderson, avait déclaré que la société avait été créée pour fournir des services de conception Web et que son président serait chargé d’obtenir des contrats, de superviser le travail pratique et de faire une partie des tâches, de sorte qu’une véritable relation employeur‑employé serait établie. En outre, il a été avancé que le participant recevrait une rémunération semblable à celle que lui versait son ancien employeur (voir la lettre de M. Adderson du 13 juin 2000, dossier d’appel, volume 1, page 242).

 

[7]               Après une vérification et un examen détaillé du régime, l’ARC a conclu que le RRI avait été enregistré [traduction] « à seule fin de transférer les prestations globales du régime de retraite de l’ancien employeur du participant et de permettre en plus au participant d’avoir accès aux fonds excédentaires » (résumé de la vérification, dossier d’appel, volume 2, page 391). C’est par la suite que l’avis de retrait de l’agrément a été contesté et que le présent appel a été interjeté.

 

[8]               L’appelante soutient que le ministre a mal interprété l’expression « principal objet », ce qui a mené à l’application incorrecte du Règlement. Selon l’appelante, le terme « objet » comporte un élément de planification et un élément subjectif, tous deux définis clairement dans les déclarations de M. Adderson, mais dont l’ARC n’a pas tenu compte (exposé des faits et du droit de l’appelante, paragraphes 48 et 54-56). L’appelante soutient également que le ministre a mal interprété le Règlement lorsqu’il a examiné les versements périodiques de fonds excédentaires faits à M. Adderson (ibidem, au paragraphe 63).

 

[9]               Je ne suis pas d’accord. Que le RRI remplisse ou non la condition essentielle du « principal objet » est une question de fait (Loba, précité, paragraphe 2). Les conclusions de fait, à l’origine de l’avis, doivent par conséquent être examinées selon la norme de la décision raisonnable (Dunsmuir c. New Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190).

 

[10]           Le dossier dont disposait le ministre exposait la situation d’une manière qui s’éloignait considérablement de la version de l’appelante et de M. Adderson. On y voit que l’appelante a été constituée en personne morale le 28 janvier 2000, et que la création du régime par résolution du conseil d’administration a suivi peu après. Ni l’appelante ni M. Adderson n’ont cotisé au régime. En 2001, le régime a eu pour seules activités de recevoir le transfert de l’OMERS et de faire, le lendemain, un versement de fonds excédentaires de 70 000 $ au participant.

 

[11]           À compter de janvier 2002, le participant recevait chaque mois un versement de fonds excédentaires et une pension qui totalisaient 2 941 $. Au 31 décembre 2002, le participant avait reçu au total 105 300 $ en fonds excédentaires. Entre‑temps, M. Adderson avait travaillé pour Ontario Inc. trois mois seulement en 2001 et touché 15 000 $, mais il a été incapable de fournir des documents montrant qu’il s’agissait d’un salaire (voir le résumé de la vérification, dossier d’appel, volume 2, page 384). En fait, ce revenu a d’abord été déclaré comme revenu d’entreprise (ibidem, page 382). Puis, M. Adderson a pris congé le reste de l’année. En 2002, un relevé T-4 indique un revenu de 7 068 $ reçu d’Ontario Inc., qui a été déclaré après le début de la vérification (ibidem, à la page 382). D’autres revenus déclarés pendant la période pertinente provenaient d’autres sources non liées à l’appelante.

 

[12]           Un élément de preuve fourni par Ontario Inc., sous forme d’affidavit souscrit par M. Adderson en qualité d’administrateur et d’agent de la société, ne peut raisonnablement étayer les déclarations que l’appelante a faites à la DRE. Il est utile de reproduire les paragraphes 11 à 14 de cet affidavit :

[traduction]

11.               La société a d’abord été constituée pour offrir des services de conception Web, de production d’étiquettes, de graphisme et de distribution aux petites entreprises. Un nombre considérable d’heures de travail intensif ont été faites pour le premier client de la société, une petite entreprise qui vendait des cafés, des thés et des savons de spécialité ainsi que des accessoires vestimentaires de marque. La marge de profit était très faible la plupart temps, l’intention étant de faire connaître la société en vue d’attirer de futurs clients. À la fin du contrat, l’entreprise cliente a pris les produits finis mais a refusé de payer ce qu’elle devait ainsi que les frais convenus. La société n’a pu récupérer ses coûts et a perdu son temps.

 

12.               La société a tenté de poursuivre ses activités dans le même domaine, mais compte tenu du ralentissement économique observé à l’époque, et sans réussite préalable sur laquelle asseoir sa réputation, elle n’a pas réussi à décrocher de nouveaux contrats d’importance.

 

13.               La société a tenté d’étendre son champ d’activité et a proposé notamment des services de consultation et de détective privé, mais elle n’a pas réussi à obtenir des contrats intéressants. L’intérêt du premier actionnaire faiblissait. La société lui a payé ses trois premiers mois de salaire à même son capital, puis s’est retrouvée à court de fonds, avec peu de rentrées d’argent en perspective.

 

14.               Le stress a aggravé mes problèmes de dos à un point tel que je ne pouvais plus travailler debout ni assis. J’avais déjà subi sans succès deux opérations au dos, j’avais de plus en plus besoin d’analgésiques, et les chances de tirer un revenu de la société en 2002 étaient bien minces. J’ai donc décidé de prendre ma retraite et de commencer à toucher ma pension.

 

(Lettre du 6 mai 2008, dossier d’appel, volume 1, page 11, paragraphe 14.)

 

[13]           Le plan d’affaires d’Ontario Inc., à supposer qu’on puisse le désigner ainsi, est dénué de sérieux. La « petite entreprise » pour laquelle du travail aurait été fait n’est pas nommée, aucun élément ne montre qu’Ontario Inc. a cherché à obtenir d’autres contrats de quiconque, et rien ne corrobore l’invalidité totale du participant.

 

[14]           J’estime que l’appel n’est pas fondé et conclus que toute l’affaire n’était, comme l’a déclaré l’intimé, que du camouflage pour créer l’illusion que le véritable objet n’avait rien à voir avec le fait de mettre à l’abri la valeur de rachat de la pension de l’OMERS (exposé des faits et du droit de l’intimé, au paragraphe 53).

 

[15]           Il incombait à l’appelante de fournir des éléments de preuve crédibles et vérifiables, ce qu’elle n’a pas fait, selon le ministre. Il n’était pas déraisonnable, compte tenu de toutes les autres circonstances entourant et caractérisant le transfert des fonds, que le ministre accorde peu de poids, ou n’accorde aucun poids, au témoignage intéressé de l’appelante.

 

[16]           Par conséquent, je ne vois aucune erreur de droit dans la décision du ministre d’envoyer à l’appelante un avis d’intention de retirer l’agrément de son régime de retraite, ni aucune autre erreur qui justifierait l’intervention de la Cour.

 

[17]           D’après l’ensemble du dossier, il était raisonnable de la part du ministre de conclure que la condition énoncée à l’alinéa 8502a) du Règlement n’avait pas été remplie à la date du retrait envisagé.

 

[18]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Gilles Létourneau, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Marc Noël, j.c.a. »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Johanne Brassard, trad. a.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                A-406-08

 

INTITULÉ :                                                               1398874 Ontario Inc. au nom du régime de retraite des présidents de 1398874 Ontario Inc. c. Ministre du Revenu national

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 13 janvier 2010

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 LES JUGES LÉTOURNEAU
ET NOËL

 

DATE :                                                                       Le 15 janvier 2010

 

 

COMPARUTIONS :

 

Eric Fournie

POUR L’APPELANTE

 

Pascal Tétrault

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Fournie Mickleborough LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

 

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