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Federal Court of Appeal

Cour d'appel fédérale

 

                                                                                                                                 Date : 20091130

Dossier : A-594-08

Référence : 2009 CAF 347

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

EDWARD JAMES KUNKEL

appelant

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 30 novembre 2009.

Jugement rendu à l’audience à Toronto (Ontario), le 30 novembre 2009.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                               LA JUGE LAYDEN-STEVENSON.

 


Federal Court of Appeal

Cour d'appel fédérale

 

 

Date : 20091130

Dossier : A-594-08

Référence : 2009 CAF 347

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

ENTRE :

EDWARD JAMES KUNKEL

appelant

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Toronto (Ontario), le 30 novembre 2009)

LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

[1]               Le présent appel porte sur une question certifiée qui ne se prête pas à une approche générique susceptible d’apporter une réponse d’application générale.

 

[2]               M. Kunkel, un citoyen des États-Unis, a reçu des permis de travail pour le Canada au début mai 2001. Il travaillait pour Turbo Promote Inc. et Instaclick Inc. En juin 2004, il a présenté une demande du statut de résident permanent au Canada. Dans sa demande, entre autres choses, il a affirmé qu’il n’avait jamais été déclaré coupable d’un acte criminel ou d’une infraction dans aucun pays. En fait, il a été déclaré coupable deux fois aux États-Unis pour conduite avec facultés affaiblies. Il a finalement révélé ces déclarations de culpabilité dans ses observations à l’appui de sa demande et il a présenté une demande de réhabilitation pour ces deux infractions le 22 février 2006.

 

[3]               En traitant la demande de visa de résident permanent de M. Kunkel, les agents d’immigration ont découvert que le numéro de téléphone inscrit pour Instaclick semblait appartenir à OrgasmCash.com. On a invité M. Kunkel à se présenter à une entrevue pour confirmer son emploi et d’autres aspects de sa demande. Il n’a pas été avisé avant l’entrevue de l’anomalie quant au numéro de téléphone de Instaclick.

 

[4]               Au cours de l’entrevue, l’agente des visas a fait part à M. Kunkel de ses réserves au sujet du numéro de téléphone et lui a donné l’occasion d’y répondre. L’affidavit de l’agente des visas, corroboré par les notes du STIDI, montre qu’au départ, M. Kunkel n’a pas répondu. Par la suite, il a déclaré que [traduction] « OrgasmCash.com est un des clients de Instaclick ». Plus tard encore, il a prétendu que sa lettre avait été transmise par son ancien consultant en immigration. De plus, M. Kunkel a donné des réponses contradictoires et des renseignements insuffisants au sujet de son travail pour Instaclick. L’agente des visas a conclu qu’il n’avait pas qualité de travailleur qualifié et qu’il ne répondait pas aux exigences de l’alinéa 75(2)a) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement). L’agente des visas a aussi conclu que M. Kunkel avait contrevenu au paragraphe 16(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) en ne répondant pas véridiquement aux questions. La demande de visa de résident permanent a été rejetée.

 

[5]               M. Kunkel a sollicité le contrôle judiciaire de la décision de l’agente des visas. Le juge de la Cour fédérale (le juge saisi de la demande) a relevé trois questions à trancher. La première question visait à déterminer si l’agente des visas avait l’obligation de révéler l’anomalie du numéro de téléphone avant l’entrevue? Le juge saisi de la demande a conclu qu’il s’agissait d’une question d’équité procédurale et que la norme de contrôle applicable était la décision correcte. La deuxième question visait à déterminer si l’agente des visas avait commis une erreur lorsqu’elle avait conclu que M. Kunkel n’avait pas démonté son expérience professionnelle comme consultant en gestion. La troisième question visait à déterminer si l’agente des visas avait commis une erreur lorsqu’elle avait omis de reconnaître que le demandeur avait révélé ses déclarations de culpabilité. Le juge saisi de la demande a conclu que les deuxième et troisième questions étaient des questions mixtes de fait et de droit et que la norme de contrôle applicable était la raisonnabilité.

 

[6]               En ce qui a trait à la question d’équité procédurale, le juge saisi de la demande a conclu que l’agente des visas avait donné à M. Kunkel l’occasion de répondre à l’anomalie du numéro de téléphone lorsqu’elle a posé la question pendant l’entrevue, compte tenu de la simplicité de la question. Quant à la question de l’expérience de travail de M. Kunkel, le juge saisi de la demande a conclu que la décision était raisonnable parce que, selon les notes du STIDI, M. Kunkel avait eu de la difficulté à répondre à des questions simples et qu’il avait été incapable d’expliquer la nature de son travail. Comme le règlement des deux premières questions était suffisant pour trancher l’affaire, le juge saisi de la demande n’a pas examiné la troisième question. La demande de contrôle judiciaire a été rejetée.

 

[7]               Le jugement rejetant la demande de contrôle judiciaire précise qu’aucune question à certifier n’a été proposée. M. Kunkel a ensuite demandé un réexamen du jugement au motif que deux questions avaient été proposées pour la certification et qu’elles n’avaient pas été examinées. Lors du réexamen, le juge saisi de la demande a noté : [traduction] « il est bien établi en droit que les décideurs doivent donner “ pleinement l’occasion ” aux demandeurs de répondre à une preuve extrinsèque ». La question suivante a été certifiée :

[traduction] Un demandeur a-t-il le droit d’être avisé avant l’entrevue de toute preuve extrinsèque que l’agent des visas pourrait examiner en lien avec une demande de visa?

 

[8]               Le critère relatif à la certification se trouve à l’alinéa 74d) de la LIPR et au paragraphe 18(1) des Règles des cours fédérales en matière d’immigration et de protection des réfugiés, DORS/93‑22, modifiées (les Règles). Dans l’arrêt Zazai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 89, 318 N.R. 365 (Zazai), le critère relatif à la certification a été établi comme suit : « [y] a-t-il une question grave de portée générale qui permettrait de régler un appel » (paragraphe 11).

 

[9]               Dans l’arrêt Boni c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CAF 68; 357 N.R. 326 (Boni), la Cour a conclu qu’une question certifiée doit se prêter à une approche générique et être susceptible d’apporter une réponse d’application générale. C’est‑à‑dire que la question doit transcender le contexte particulier dans laquelle elle se posait.

 

[10]           En l’espèce, la question n’était pas de portée générale. Cela ne signifie pas qu’il ne s’agissait pas d’une question importante ou grave. Plutôt, il s’agit d’une question d’espèce qui ne transcende pas l’intérêt immédiat des parties (Boni, paragraphe 10).

 

[11]           Bien que les preuves extrinsèques doivent être présentées aux demandeurs pour leur permettre d’y répondre pleinement, l’occasion de répondre variera en fonction du contexte factuel. Ce qui est équitable et raisonnable dans un cas pourrait ne pas l’être dans un autre cas. Il n’y a aucune exigence générale quant à la présentation des preuves extrinsèques aux demandeurs avant l’entrevue ni quant à la possibilité pour ces dernières de clarifier leur situation après l’entrevue. Il est possible qu’il soit suffisant de présenter la preuve à l’entrevue et de donner aux demandeurs l’occasion d’y répondre. Ce qui constitue un avis suffisant dépend des circonstances de chaque affaire.

 

[12]           « Sans la certification d’une “question grave de portée générale ”, l’appel ne peut pas être justifié » et par conséquent, la question grave de portée générale permet à la Cour d’examiner tous les aspects de la décision de première instance : Nagalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2008 CAF 153 (Nagalingam). Cependant, si une question a été certifiée à tort, l’appel n’est pas justifié. Dans l’arrêt Varela c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2009 CAF 145, 80 Imm. L.R. (3d) 1 (Varela), la Cour a conclu que certaines questions avaient été certifiées à tort, que la condition préalable à l’exercice du droit d’appel n’avait pas été remplie et que l’appel devait donc être rejeté. Au paragraphe 27, la Cour a expliqué les mécanismes de contrôle qui font partie intégrante du régime de la LIPR :

Deux dispositions de « contrôle » font partie intégrante de ce régime. La première prévoit l’obligation d’obtenir l’autorisation de la Cour [fédérale] avant de pouvoir introduire une demande de contrôle judiciaire. La seconde est l’absence de droit d’appel à moins qu’un juge de la Cour fédérale ne certifie que la demande de contrôle judiciaire soulève une question grave de portée générale.

 

[13]           De plus, lorsqu’une question a été certifiée à tort, la Cour ne devrait pas examiner les autres motifs de l’appel. Au paragraphe 43 de l’arrêt Varela, la Cour a déclaré :

[L]’obligation faite au juge de première instance de certifier qu’il existe une question grave de portée générale et d’énoncer cette question se veut un mécanisme de contrôle. Une certaine confusion a été créée au sujet du rôle de ce mécanisme de contrôle à la suite de l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, dans lequel la Cour suprême a expliqué qu’une fois qu’une question a été certifiée, le tribunal peut examiner toutes les questions soulevées par l’appel (paragraphe 12). Il est erroné de tenir le raisonnement que toutes les questions qui peuvent être soulevées en appel peuvent être certifiées parce que l’on peut examiner tous les points soulevés dans l’appel dès lors qu’une question a été certifiée. L’obligation imposée par la loi demeure celle qui est énoncée à l’alinéa 74d) : l’affaire doit soulever une question grave de portée générale, à défaut de quoi la condition préalable à l’existence d’un droit d’appel n’est pas remplie et l’appel doit être rejeté. Juger le contraire permettrait à la Cour d’appel de créer un droit d’appel là où la Loi n’en prévoit pas.

 

[14]           En l’espèce, la question a été certifiée à tort, parce qu’elle ne satisfaisait pas au critère établit dans l’arrêt Boni. Par conséquent, conformément à l’arrêt Varela, la condition préalable à l’exercice du droit d’appel n’a pas été remplie et l’appel doit être rejeté. L’intimé n’a pas réclamé de dépens et aucuns ne lui seront adjugés.

« Carolyn Layden-Stevenson »

j.c.a.

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                                                            A-594-08

 

(APPEL DE L’ORDONNANCE DE MADAME LA JUGE SIMPSON DE LA COUR FÉDÉRALE RENDUE LE 28 JUILLET 2008, DOSSIER NO IMM-964-07)

 

intitulÉ :                                                                          EDWARD JAMES KUNKEL c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 30 novembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                                                      (LE JUGE EN CHEF BLAIS, LES JUGES NOËL ET LAYDEN‑STEVENSON)

 

RENDUS À L’AUDIENCE PAR :                                       LA JUGE LAYDEN-STEVENSON

 

 

COMPARUTIONS :

 

Guidy Mamann

POUR L’APPELANT

 

Deborah Drukarsh

Margherita Braccio

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MAMANN, SANDALUK

Avocats

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANT

 

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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