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Date : 20091215

Dossier : A-545-08

Référence : 2009 CAF 372

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

LES ENTREPRISES UNE AFFAIRE D’ANGLAIS INC.

intimée

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 15 décembre 2009.

Jugement rendu à l’audience à Québec (Québec), le 15 décembre 2009.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR:                                              LE JUGE LÉTOURNEAU

 


 

Date : 20091215

Dossier : A-545-08

Référence : 2009 CAF 372

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF BLAIS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

appelant

et

LES ENTREPRISES UNE AFFAIRE D’ANGLAIS INC.

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Québec (Québec), le 15 décembre 2009)

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               Nous sommes à nouveau saisis de l’épineuse et difficile question de l’assurabilité de l’emploi. Le juge Favreau (juge) de la Cour canadienne de l’impôt a-t-il eu raison de conclure que le travailleur (M. John Robert Cheetham) n’exerçait pas un emploi assurable auprès de l’intimée pour la période du 30 juin 2004 au 30 juin 2005?

 

[2]               Suite à cette conclusion, le juge a accueilli l’appel de l’intimée. Il a conséquemment annulé la décision du ministre du Revenu national (ministre) qui avait vu, dans la relation existante entre le travailleur et l’intimée, une relation employeur/employé, régie par un contrat de travail. Le juge a plutôt conclu qu’il s’agissait d’un contrat d’entreprise ou de service tel que défini à l’article 2098 du Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64 (Code civil).

 

[3]               Pour une meilleure compréhension des présents motifs, nous reproduisons en juxtaposition les articles 2085, 2086, 2098 et 2099 du Code civil qui définissent les deux sortes de contrat en en précisant les principales caractéristiques :

 

2085. Le contrat de travail est celui par lequel une personne, le salarié, s'oblige, pour un temps limité et moyennant rémunération, à effectuer un travail sous la direction ou le contrôle d'une autre personne, l'employeur.

2085. A contract of employment is a contract by which a person, the employee, undertakes for a limited period to do work for remuneration, according to the instructions and under the direction or control of another person, the employer.

 

2086. Le contrat de travail est à durée déterminée ou indéterminée.

2086. A contract of employment is for a fixed term or an indeterminate term.

 

 

2098. Le contrat d'entreprise ou de service est celui par lequel une personne, selon le cas l'entrepreneur ou le prestataire de services, s'engage envers une autre personne, le client, à réaliser un ouvrage matériel ou intellectuel ou à fournir un service moyennant un prix que le client s'oblige à lui payer.

 

2098. A contract of enterprise or for services is a contract by which a person, the contractor or the provider of services, as the case may be, undertakes to carry out physical or intellectual work for another person, the client or to provide a service, for a price which the client binds himself to pay.

2099. L'entrepreneur ou le prestataire de services a le libre choix des moyens d'exécution du contrat et il n'existe entre lui et le client aucun lien de subordination quant à son exécution.

2099. The contractor or the provider of services is free to choose the means of performing the contract and no relationship of subordination exists between the contractor or the provider of services and the client in respect of such performance.

 

[4]               Nous sommes satisfaits que le juge s’est bien dirigé en droit sur les principes juridiques qui gouvernent ces deux sortes de contrat et les distinguent. Il les a par la suite appliqués aux faits de l’espèce. C’est dans le cours de cette application que, selon l’appelant, le juge aurait commis des erreurs de droit ainsi que des erreurs manifestes et dominantes.

 

[5]               Le juge a recherché dans la preuve testimoniale et documentaire l’existence d’un lien de subordination entre le travailleur et l’intimée. En conformité avec la jurisprudence en la matière, il a, à cette fin, soupesé un certain nombre d’indices, dont l’intention des parties au contrat.

 

[6]               L’appelant soumet que le juge a commis une erreur de droit en jugeant que les indices de la propriété des instruments de travail, les chances de profits et de pertes et l’intégration du travailleur dans l’entreprise ne s’avéraient pas des indices d’une grande utilité en l’espèce.

 

[7]               Le juge n’a pas ignoré ces indices. Il les a considérés et il a fourni les raisons pour lesquelles il ne leur voyait que peu d’utilité : voir le paragraphe 16 des motifs de sa décision. Il appartenait au juge de déterminer le poids qu’il y avait lieu d’accorder à ces indices. Il est aussi bien établi que le poids à octroyer à chacun de ces indices ou facteurs dans l’analyse de la nature juridique de la relation entre les parties dépend des circonstances de chaque dossier. Dans l’affaire 671122 Ontario Ltd. c. Sagaz Industries Canada Inc., 2001 CSC 59, [2001] 2 R.C.S. 983, au paragraphe 48, le juge Major écrit :

48     Ces facteurs, il est bon de le répéter, ne sont pas exhaustifs et il n’y a pas de manière préétablie de les appliquer.  Leur importance relative respective dépend des circonstances et des faits particuliers de l’affaire. [Voir aussi Combined Insurance Co. of America c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), 2007 CAF 60, au paragraphe 35.]

 

 

[8]               En somme, le juge a conclu que les facteurs, qui font l’objet d’un reproche par l’appelant, étaient moins utiles à l’analyse de la relation entre les parties que ceux qu’il avait précédemment identifiés et dont il avait discuté. Tout au mieux peut-on dans ce cas parler d’une erreur mixte de fait et de droit qui, si elle existe, n’est pas à notre avis manifeste et dominante.

 

[9]               En fait, l’appelant nous demande de refaire l’analyse et la pondération de certains des facteurs dont il est habituellement tenu compte dans la détermination de la nature juridique de la relation de travail entre les parties. Mais c’était le rôle du juge que de « rechercher et déterminer la nature juridique de la relation globale que les parties entretenaient entre elles dans un monde du travail en pleine évolution » … et « [c’]est ce qu’il a fait » : voir Grimard c. Canada, 2009 CAF 47, 2009 D.T.C. 5056 (C.A.F.), au paragraphe 67, citant Le Livreur Plus Inc. c. Le ministre du Revenu national et Laganière, 2004 CAF 68, au paragraphe 17, Wolf c. Canada, [2002] 4 C.F. 396 (C.A.F.) et Procureur général du Canada c. Les Productions Bibi et Zoé Inc., 2004 CAF 54, [2004] A.C.F. no 238 (QL).

 

[10]           Ceci dit, nous ne pouvons que réitérer les propos suivants de notre Cour dans l’affaire Grimard précitée, toujours au paragraphe 67 :

Il est possible qu’un examen microscopique de l’exercice auquel le juge s’est livré puisse, à l’égard de certains indices d’encadrement qu’il a examinés, justifier un apport de nuances ou de précisions. Mais [nous ne pouvons] conclure que l’ensemble de cet exercice est entaché d’erreurs manifestes et dominantes, pour paraphraser la norme de la Cour suprême, qui requièrent et justifient notre intervention.

 

 

[11]           Pour ces motifs, l’appel sera rejeté avec dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

(APPEL D’UNE DÉCISION DU JUGE RÉAL FAVREAU, DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT, DU 25 SEPTEMBRE 2008, NO DU DOSSIER 2007-622(EI).)

 

DOSSIER :                                                 A-545-08

 

 

INTITULÉ :                                                MINISTRE DU REVENU NATIONAL c. LES

                                                                     ENTREPRISES UNE AFFAIRE D’ANGLAIS

                                                                     INC.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                         Québec (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                        Le 15 décembre 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT                       LE JUGE EN CHEF BLAIS

DE LA COUR :                                          LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                     LA JUGE TRUDEL

 

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :            LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Benoît Mandeville

POUR L’APPELANT

 

Me Sarto Veilleux

Me Marie-Ève Malenfant

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’APPELANT

 

Langlois Kronström Desjardins, s.e.n.c.r.l.

Lévis (Québec)

 

POUR L’INTIMÉE

 

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