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Cour d’appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

 

 

Date : 20091104

Dossier : A-78-08

Référence : 2009 CAF 320

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

PETER BOLDY

appelant

et

LA BANQUE ROYALE DU CANADA

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 14 octobre 2009.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 novembre 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

                                                                                                                             LE JUGE SEXTON

 

 


Cour d’appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

 

 

 Date : 20091104

Dossier : A-78-08

Référence : 2009 CAF 320

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

PETER BOLDY

appelant

et

LA BANQUE ROYALE DU CANADA

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               L’appelant, M. Boldy, a porté plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne, faisant valoir que son employeur, la Banque Royale du Canada, en refusant de prendre les mesures d’adaptation qu’appelait son handicap, l’avait traité de manière discriminatoire. Par lettre en date du 9 février 2007, M. Boldy a été avisé du rejet de sa plainte par la Commission, celle-ci estimant, au vu des conclusions de l’enquêteur, qu’il n’y avait aucun lien rationnel entre les mesures d’adaptation demandées par M. Boldy et son handicap. M. Boldy a sollicité de la Cour fédérale le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Commission. Cette demande a été rejetée par le juge suppléant Strayer, dans le jugement Boldy c. Banque Royale du Canada, 2008 CF 99. M. Boldy se pourvoit aujourd’hui devant la Cour. Il appartient à la Cour de dire si, dans cette affaire, le juge de la Cour fédérale a eu recours à la norme de contrôle judiciaire qui convient et s’il l’a correctement appliquée (Telfer c. Canada (Agence du revenu), 2009 CAF 23, aux paragraphes 18 et 19.).

 

[2]               M. Boldy est entré à la Banque Royale en 1986. En 2002, il exerçait les fonctions d’analyste des systèmes techniques. Cette même année, en février environ, il s’est plaint, auprès des services d’enquête de la Banque Royale, de certaines irrégularités financières ainsi que d’une surconfiguration des ordinateurs centraux de la banque. M. Boldy estime avoir voulu, par ses dénonciations, dévoiler certaines pratiques répréhensibles de l’entreprise.

 

[3]               Par lettre en date du 16 octobre 2002, la Banque Royale a fait savoir à M. Boldy qu’après enquête ses plaintes apparaissaient comme non fondées. Or, M. Boldy conteste qu’il y ait eu véritablement enquête. Le dossier porté devant la Cour ne permet pas de dire si les plaintes formulées par M. Boldy en 2002 étaient fondées et si c’est avec raison qu’il aurait, par la suite, affirmé que la Banque Royale n’avait pas vraiment enquêté sur ses dires.

 

[4]               Toujours en 2002, la Banque Royale a dit s’inquiéter de la santé et du bien-être de M. Boldy, lui fixant un rendez-vous avec le Dr Murphy, médecin-psychiatre. Selon le

Dr Murphy, M. Boldy était atteint d’une maladie mentale l’empêchant de demeurer en fonction. Sur la foi de ce rapport, M. Boldy est parti en congé de maladie. En octobre 2002, il a commencé à percevoir une prestation d’invalidité de courte durée et, à compter de février 2003, il a touché des prestations d’invalidité de longue durée et ce, pendant presque trois ans. Selon M. Boldy, les inquiétudes que son état de santé semble avoir inspirées à la Banque Royale ne constituaient en fait qu’une forme de représailles inspirée par les plaintes qu’il avait formulées. Il affirme avoir été contraint de solliciter une prestation d’invalidité.

 

[5]               En octobre 2004, les services du contentieux de la Banque Royale ont reçu de l’avocat dont M. Boldy avait à l’époque retenu les services, une lettre indiquant que selon les médecins de M. Boldy, celui-ci était à même de reprendre le travail à certaines conditions, dont la tenue d’une enquête publique indépendante concernant les faits ou pratiques que M. Boldy avait dénoncés. D’après M. Boldy, en demandant la tenue d’une enquête indépendante, il sollicitait la prise de mesures d’adaptation justifiées par son handicap. Voici en quels termes, dans une lettre en date du 17 octobre 2006, l’avocat chargé, à l’époque, des intérêts de M. Boldy, explique à l’enquêteur chargé par la Commission d’enquêter sur la plainte de M. Boldy (cahier d’appel, page 81), les mesures d’adaptation sollicitées :

[Traduction]

Une forme d’examen et d’analyse quasi indépendants des circonstances de cette affaire afin d’aboutir à une analyse objective de la situation et à la formulation de recommandations concernant les faits que M. Boldy a portés à l’attention de la [Banque Royale].

 

 

[6]               À l’appui de ses arguments, M. Boldy a fait transmettre à la Banque Royale une copie du rapport du Dr Robert Rehaluk dans lequel était exposée, de manière assez détaillée, l’idée d’un examen indépendant des préoccupations dont M. Boldy avait fait état. Certains passages de ce rapport avaient été supprimés afin que le diagnostic porté par le Dr Rehaluk sur l’état de santé de M. Boldy ne soit pas divulgué à la Banque Royale. La suppression de certains passages semble également avoir été motivée par l’inquiétude éprouvée par M. Boldy concernant la stigmatisation dont font parfois l’objet les personnes atteintes d’une incapacité mentale. M. Boldy avait transmis une copie intégrale du rapport du Dr Rehaluk à Manulife, chargée d’administrer le programme d’invalidité de longue durée de la Banque Royale, n’autorisant cependant pas Manulife à communiquer cette copie à la Banque Royale sans obtenir au préalable l’assurance que le diagnostic ne serait divulgué qu’à des médecins.

 

[7]               Pour la Banque Royale, le rapport du Dr Rehaluk ne démontrait aucunement que M. Boldy était à même de reprendre le travail. Selon les termes mêmes de ce rapport, M. Boldy n’était pas, en effet, à même de reprendre le travail et ne le serait d’ailleurs pas avant qu’ait lieu l’enquête exigée. La Banque Royale a refusé de demander une telle enquête, estimant en effet qu’une enquête avait déjà eu lieu et qu’il avait été conclu, à la suite de celle-ci, que les allégations formulées par M. Boldy n’étaient pas fondées.

 

[8]               Dans sa plainte à la Commission, M. Boldy invoque le refus de prendre en compte son incapacité ou incapacité apparente. Il appartient en effet à un employeur, dans certaines circonstances, de prendre des mesures d’adaptation raisonnables à l’intention d’employés atteints d’une incapacité mentale ou physique. L’enquêteur nommé par la Commission a notamment eu à se pencher sur la question de savoir si, et comment, les mesures sollicitées par M. Boldy pourraient atténuer l’incapacité dont M. Boldy est atteint et dont l’existence n’est pas contestée.

 

[9]               L’enquêteur a procédé à une enquête et, après examen des observations et arguments présentés tant par M. Boldy que par la Banque Royale., a rendu son rapport. Il a recommandé à la Commission de rejeter la plainte, concluant à l’absence de lien rationnel entre les mesures d’adaptation sollicitées par M. Boldy et son incapacité. La Commission a retenu cette recommandation et a rejeté la plainte.

 

[10]           M. Boldy a alors sollicité de la Cour fédérale le contrôle judiciaire de la décision de la Commission. Le juge suppléant Strayer a rejeté la demande de contrôle judiciaire, considérant que la décision de la Commission était à la fois fondée sur les principes juridiques applicables en l’occurrence et raisonnable compte tenu des faits.

 

[11]           M. Boldy fait en l’espèce valoir que c’est à tort que, dans les motifs de son jugement, le juge suppléant Strayer évoque le diagnostic établi par le Dr Murphy dans son rapport de 2002, étant donné qu’en 2004 un diagnostic différent a été posé par le Dr R. Rehaluk, le psychiatre de M. Boldy, ainsi que par le Dr Nexhipi, son psychologue clinicien.

 

[12]           Je ne suis pas convaincue que le juge suppléant Strayer ait commis en cela une erreur. Si, pour retenir l’hypothèse de M. Boldy, on considère que les rapports rédigés en 2004 par les DRehaluk et DNexhipi peuvent être interprétés comme formulant effectivement un nouveau diagnostic (ce qui n’est pas, d’après moi, évident), les motifs exposés par le juge suppléant Strayer montrent qu’il était parfaitement au courant de ces rapports. Il n’était aucunement tenu d’en reprendre de manière détaillée la teneur.

 

[13]           M. Boldy soutient par ailleurs que le juge suppléant Strayer n’aurait pas dû juger raisonnable la décision de la Commission dans la mesure où cette décision était fondée sur le rapport d’un enquêteur qui ne manifestait ou ne dénotait aucune compréhension du diagnostic posé en 2004. Il n’est, selon, M. Boldy, pas du tout raisonnable de conclure à l’absence de lien rationnel entre son incapacité en question et les mesures d’adaptation qu’il sollicite si l’on ne comprend pas en quoi consiste cette incapacité. Compte tenu des faits de cette affaire, je ne saurais retenir cet argument.

 

[14]           La mesure d’adaptation sollicitée était la tenue d’une enquête publique indépendante sur les agissements que M. Boldy affirme avoir dénoncés. Dans leurs rapports de 2004, les Drs Nexhipi et Rehaluk affirment qu’une telle enquête, si elle était menée d’une manière satisfaisante aux yeux de M. Boldy, et parvenait à des conclusions qui lui sont acceptables, aurait pour effet d’atténuer les sentiments de trahison et de méfiance qui étaient soit l’une des causes de l’incapacité de M. Boldy, soit l’une de ses manifestations. Les rapports en question contiennent une analyse sous-tendant cette opinion, mais je considère que cette analyse ne parvient pas à établir que l’enquête dont M. Boldy sollicite la tenue parviendrait effectivement à soulager son incapacité. J’estime que l’enquêteur, et par conséquent la Commission, pouvaient raisonnablement conclure à l’absence de lien rationnel entre l’incapacité de M. Boldy et la mesure d’adaptation qu’il sollicitait.

 

[15]           D’après M. Boldy, la décision de l’enquêteur, celle de la Commission et celle du juge suppléant Strayer relèvent d’un parti pris inconscient en faveur de la Banque Royale et à l’encontre de M. Boldy. Cette allégation ne repose sur aucun fait et elle doit, me semble-t-il, être rejetée.

 

[16]           Je conclus que rien en l’espèce ne justifie l’intervention de la Cour. J’estime qu’il y a lieu de rejeter cet appel avec dépens.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

     M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

     J. Edgar Sexton, j.c.a. »

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Édith Malo, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-78-08

 

APPEL INTERJETÉ DU JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE STRAYER, JUGE SUPPLÉANT DE LA COUR FÉDÉRALE, EN DATE DU 25 JANVIER 2008, DOSSIER No T-433-07

 

INTITULÉ :                                                   Peter Boldy c.

                                                                        Banque Royale du Canada

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 14 octobre 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NADON

                                                                        LE JUGE SEXTON

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 4 novembre 2009

 

COMPARUTIONS :

 

Peter Boldy

POUR L’APPELANT

EN SON NOM PERSONNEL

 

Richard J. Charney

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Peter Boldy

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

EN SON NOM PERSONNEL

Ogilvy Renault LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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