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Cour d'appel fédérale

    CANADA

Federal Court of Appeal

                                                                                                                                 Date : 20090811

Dossier : A-610-08

Référence : 2009 CAF 241

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE BLAIS

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU Canada

appelant

et

ROLAND ANGLEHART SR., ROLAND ANGLEHART JR., BERNARD ARSENEAULT,

HÉLIODORE AUCOIN, ALBERT BENOÎT, ROBERT BOUCHER, ELIDE BULGER,

GÉRARD CASSIVI, JEAN-GILLES CHIASSON, LUDGER CHIASSON, MARTIN M. CHIASSON, RÉMI CHIASSON, CIE 2973-0819 QUÉBEC INC., CIE 2973-1288 QUÉBEC INC., CIE 3087-5199 QUÉBEC INC., ROBERT COLLIN, ROMÉO G. CORMIER, MARC COUTURE, LES CRUSTACÉES DE GASPÉ LTÉE, LINO DESBOIS, RANDY DEVEAU, CAROL DUGUAY, CHARLES-AIMÉ DUGUAY, DENIS DUGUAY, DONALD DUGUAY, MARIUS DUGUAY, EDGAR FERRON, ARMAND FISET, LIVAIN FOULEM, CLAUDE GIONEST, JOCELYN GIONET, SIMON J. GIONET, AURÈLE GODIN, VALOIS GOUPIL, AURÉLIEN HACHÉ, DONALD R. HACHÉ, GAËTAN HACHÉ, GUY HACHÉ, JACQUES E. HACHÉ, JASON-SYLVAIN HACHÉ, JEAN-PIERRE HACHÉ, JACQUES A. HACHÉ, RENÉ HACHÉ, RHÉAL HACHÉ, ROBERT F. HACHÉ, ALBAN HAUTCOEUR, FERNAND HAUTCOEUR, JEAN-CLAUDE HAUTCOEUR, GREGG HINKLEY, JEAN-PIERRE HUARD, RÉJEAN LEBLANC,CHRISTIAN LELIÈVRE, ELPHÈGE LELIÈVRE, JEAN-ELIE LELIÈVRE, JULES LELIÈVRE, DASSISE MALLET, DELPHIS MALLET, FRANCIS MALLET, JEAN-MARC MARCOUX, ANDRÉ MAZEROLLE, EDDY MAZEROLLE, GILLES A. NOËL, LÉVIS NOËL, MARTIN NOËL, NICOLAS NOËL, ONÉSIME NOËL, RAYMOND NOËL, FRANCIS PARISÉ, DOMITIEN PAULIN, SYLVAIN PAULIN, PÊCHERIES DENISE QUINN SYVRAIS INC., PÊCHERIES FRANÇOIS INC., PÊCHERIES JEAN-YAN II INC., PÊCHERIES JIMMY L. LTÉE, PÊCHERIES J.V.L. LTÉE, PÊCHERIES RAY-L INC., LES PÊCHERIES SERGE-LUC INC., ROGER PINEL, CLAUDE POIRIER, PRODUITS BELLE BAIE LTÉE, ADRIEN ROUSSEL, JEAN-CAMILLE ROUSSEL, MATHIAS ROUSSEL, STEVEN ROUSSY, MARIO SAVOIE, SUCCESSION JEAN-PIERRE ROBICHAUD, SUCCESSION DE LUCIEN CHIASSON, SUCCESSION DE SYLVA HACHÉ, JEAN-MARC SWEENEY, MICHEL TURBIDE, RÉAL TURBIDE, DONAT VIENNEAU, FERNAND VIENNEAU, LIVAIN VIENNEAU, RHÉAL VIENNEAU

 

intimés

 

 

 

 

 

Audience tenue à Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard), le 10 juin 2009

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 août 2009.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                     LE JUGE BLAIS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

LE JUGE PELLETIER

 

 


Date : 20090811

Dossier : A-610-08

Référence : 2009 CAF 241

 

CORAM :      LE JUGE NADON

                        LE JUGE BLAIS

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU Canada

appelant

et

ROLAND ANGLEHART SR., ROLAND ANGLEHART JR., BERNARD ARSENEAULT,

HÉLIODORE AUCOIN, ALBERT BENOÎT, ROBERT BOUCHER, ELIDE BULGER,

GÉRARD CASSIVI, JEAN-GILLES CHIASSON, LUDGER CHIASSON, MARTIN M. CHIASSON, RÉMI CHIASSON, CIE 2973-0819 QUÉBEC INC., CIE 2973-1288 QUÉBEC INC., CIE 3087-5199 QUÉBEC INC., ROBERT COLLIN, ROMÉO G. CORMIER, MARC COUTURE, LES CRUSTACÉES DE GASPÉ LTÉE, LINO DESBOIS, RANDY DEVEAU, CAROL DUGUAY, CHARLES-AIMÉ DUGUAY, DENIS DUGUAY, DONALD DUGUAY, MARIUS DUGUAY, EDGAR FERRON, ARMAND FISET, LIVAIN FOULEM, CLAUDE GIONEST, JOCELYN GIONET, SIMON J. GIONET, AURÈLE GODIN, VALOIS GOUPIL, AURÉLIEN HACHÉ, DONALD R. HACHÉ, GAËTAN HACHÉ, GUY HACHÉ, JACQUES E. HACHÉ, JASON-SYLVAIN HACHÉ, JEAN-PIERRE HACHÉ, JACQUES A. HACHÉ, RENÉ HACHÉ, RHÉAL HACHÉ, ROBERT F. HACHÉ, ALBAN HAUTCOEUR, FERNAND HAUTCOEUR, JEAN-CLAUDE HAUTCOEUR, GREGG HINKLEY, JEAN-PIERRE HUARD, RÉJEAN LEBLANC,CHRISTIAN LELIÈVRE, ELPHÈGE LELIÈVRE, JEAN-ELIE LELIÈVRE, JULES LELIÈVRE, DASSISE MALLET, DELPHIS MALLET, FRANCIS MALLET, JEAN-MARC MARCOUX, ANDRÉ MAZEROLLE, EDDY MAZEROLLE, GILLES A. NOËL, LÉVIS NOËL, MARTIN NOËL, NICOLAS NOËL, ONÉSIME NOËL, RAYMOND NOËL, FRANCIS PARISÉ, DOMITIEN PAULIN, SYLVAIN PAULIN, PÊCHERIES DENISE QUINN SYVRAIS INC., PÊCHERIES FRANÇOIS INC., PÊCHERIES JEAN-YAN II INC., PÊCHERIES JIMMY L. LTÉE, PÊCHERIES J.V.L. LTÉE, PÊCHERIES RAY-L INC., LES PÊCHERIES SERGE-LUC INC., ROGER PINEL, CLAUDE POIRIER, PRODUITS BELLE BAIE LTÉE, ADRIEN ROUSSEL, JEAN-CAMILLE ROUSSEL, MATHIAS ROUSSEL, STEVEN ROUSSY, MARIO SAVOIE, SUCCESSION JEAN-PIERRE ROBICHAUD, SUCCESSION DE LUCIEN CHIASSON, SUCCESSION DE SYLVA HACHÉ, JEAN-MARC SWEENEY, MICHEL TURBIDE, RÉAL TURBIDE, DONAT VIENNEAU, FERNAND VIENNEAU, LIVAIN VIENNEAU, RHÉAL VIENNEAU

 

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE BLAIS

 

[1]               Il s’agit d’un appel d’une décision du juge Frenette (juge) de la Cour fédérale datée du 28 novembre 2008.

 

[2]               Se basant sur la décision du juge Martineau dans l’affaire Arsenault et al. c. Sa Majesté la Reine, 2008 CF 299, (également en appel devant notre Cour), le juge a rejeté une demande du Procureur général du Canada visant à obtenir le rejet d’une déclaration amendée et d’une action en dommages-intérêts ou alternativement l’émission d’une ordonnance de suspension des procédures jusqu'à la décision au fond sur une demande de contrôle judiciaire que pourraient déposer les intimés.

 

[3]               La requête en radiation soumise par l’appelant se fonde sur la règle 221(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (Règles).

221. À tout moment, la Cour peut, sur requête, ordonner la radiation de tout ou partie d’un acte de procédure, avec ou sans autorisation de le modifier, au motif, selon le cas :

 

a) qu’il ne révèle aucune cause d’action ou de défense valable;

b) qu’il n’est pas pertinent ou qu’il est redondant;

c) qu’il est scandaleux, frivole ou vexatoire;

d) qu’il risque de nuire à l’instruction équitable de l’action ou de la retarder;

e) qu’il diverge d’un acte de procédure antérieur;

f) qu’il constitue autrement un abus de procédure.

Elle peut aussi ordonner que l’action soit rejetée ou qu’un jugement soit enregistré en conséquence.

 

221. (1) On motion, the Court may, at any time, order that a pleading, or anything contained therein, be struck out, with or without leave to amend, on the ground that it

 

(a) discloses no reasonable cause of action or defence, as the case may be,

(b) is immaterial or redundant,

(c) is scandalous, frivolous or vexatious,

(d) may prejudice or delay the fair trial of the action,

(e) constitutes a departure from a previous pleading, or

(f) is otherwise an abuse of the process of the Court,

and may order the action be dismissed or judgment entered accordingly.

 

 

 

[4]               Pour que sa requête soit accueillie, l’appelant se devait de démontrer qu’il était « manifeste et évident » que l’action des demandeurs n’avait aucune chance de succès, en se basant sur la jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada dans Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959.

 

[5]               Le juge a examiné les procédures et a conclu qu’il n’était pas « clair, évident et certain » que les allégations de la déclaration permettaient de conclure au rejet de l’action.

 

[6]               Je reproduis ici les causes d’action énumérées par le juge dans son jugement au paragraphe 2:

A.    la violation de différentes ententes contractuelles conclues entre le ministre des Pêches et des Océans (le ministre) au sujet de la pêche au crabe dans l'Est canadien;

 

B.    la violation d'une obligation de diligence dans la façon de réduire la portion du quota total admissible des captures (le TAC) attribuée aux demandeurs à compter de 2003;

 

C.    la commission d'une faute ou d'un délit dans l'exercice d'une charge publique;

 

D.    l'exercice d'un pouvoir de gestion du ministre d'une manière abusive, capricieuse ou de mauvaise foi;

 

E.    l'expropriation sans compensation de certains droits des demandeurs en réduisant leur portion du TAC;

 

F.    la présence de représentations fausses par le ministre;

 

G.    l'existence d'un enrichissement sans cause par le ministre en utilisant partie du TAC revenant aux demandeurs par l'attribution à d'autres groupes de pêcheurs ou pour financer ses propres activités;

 

H.       le bris d'une obligation fiduciaire.

 

 

 

[7]               L’appelant soutient que la Cour fédérale n’a pas compétence pour entendre cette cause sous l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, c. F-7 (Loi) parce qu’il aurait fallu au préalable procéder par voie de contrôle judiciaire sous l’article 18 de la Loi pour faire invalider la décision ministérielle (Canada c. Grenier, 2005 CAF 348, (Grenier) et Canada c. Tremblay, 2004 CAF 172).

 

[8]               L’appelant plaide également que les décisions visées par la demande n’ont pas fait l’objet d’un tel contrôle judiciaire et que la Cour n’a pas compétence pour entendre l’action.

 

[9]               Les intimés contestent cet argument précisant que certaines des décisions ministérielles ont déjà fait l’objet de contrôle judiciaire et furent déclarées illégales (voir Larocque c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2006 CAF 237 et Association des crabiers acadiens c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1242).

 

[10]           Les intimés affirment qu’ils n’attaquent pas la légalité des décisions ministérielles mais plutôt leur légitimité et la commission d’actes fautifs concomitants dans l’exercice de pouvoirs ministériels, ce qui tombe sous la compétence de la Cour en vertu de l’article 17 de la Loi.

 

[11]           L’appelant prétend que malgré les allégations de bris de contrats, expropriation sans compensation, négligence dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire, déclarations inexactes, enrichissement sans cause, manquement à une obligation fiduciaire, l’objet véritable du recours des intimés est la validité des décisions administratives discrétionnaires du Ministre des Pêches et des Océans (ministre), particulièrement que les décisions fixant les allocations de contingents de crabe sont au cœur de la réclamation des intimés.

 

[12]           Notre Cour a déjà reconnu qu’une décision présumément légale pouvait s’avérer être une source de responsabilité dans le cadre d’une action en dommage (voir l’affaire Canada c. Manuge, 2009 CAF 29 au paragraphe 58) :

[58]      Il est possible que l’exécution d’une décision ou la mise en œuvre d’une politique gouvernementale parfaitement légale puisse se faire d’une manière fautive ou abusive et, ainsi, engager la responsabilité de l’administration fédérale. En d’autres termes, malgré qu’une décision ou qu’une politique soit conforme à la loi, l’exécution ou la mise en œuvre de l’une ou de l’autre peut être négligente ou fautive. En pareil cas, une poursuite en responsabilité par action en justice, fondée non pas sur la légalité de la décision ou de la politique, mais sur l’exécution ou la mise en œuvre fautive de celles-ci, est appropriée.

 

 

[13]           Les intimés précisent en toutes lettres aux paragraphes 61 et suivants de leur mémoire que « leur recours ne repose pas sur l’illégalité de décisions du ministre. » L’appelant gardera sûrement cette prétention en mémoire, pour la rappeler, si besoin est, au juge du procès. Il en va de même quant à l’application des principes établis dans Grenier; le juge du procès sera plus en mesure d’examiner cette question.

 

[14]           L’appelant ne nous a pas convaincu que l’action des intimés est dénuée de toute chance de succès.

 

[15]           L’appelant n’a pas réussi à nous convaincre que notre intervention soit justifiée dans ce dossier.

 

[16]           L’appel sera rejeté avec dépens.

 

« Pierre Blais »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord. »

            « M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord. »

            « J.D. Denis Pelletier, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-610-08

 

Appel d’un jugement de l’honorable juge Frenette de la Cour fédérale, 28 novembre 2008, 2008 CF 1323

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada c. Roland Anglehart Sr. et al.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Charlottetown (Île-du-Prince-Édouard)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   10 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE BLAIS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE NADON

                                                                                                LE JUGE PELLETIER

                                                                                               

DATE DES MOTIFS :                                                          11 août 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ginette Mazerolle

POUR L’APPELANT

 

Bernard Jolin

Patrick Ferland

POUR LES INTIMÉS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’APPELANT

 

Heenan Blaikie

Montréal (Québec)

POUR LES INTIMÉS

 

 

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