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  Date : 20090629

Dossier: A-473-08

Référence : 2009 CAF 218

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

appelants

et

DOMTAR INC. et DOMTAR INDUSTRIES INC.

intimées

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 17 juin 2009.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 juin 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE NOËL

                                                                                                                                  LE JUGE RYER

 

 


Date : 20090629

Dossier : A-473-08

Référence : 2009 CAF 218

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

et PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

appelants

et

DOMTAR INC. et DOMTAR INDUSTRIES INC.

 

intimées

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE SHARLOW

[1]          La Couronne interjette appel de l’ordonnance de la Cour fédérale rejetant sa requête en radiation de la déclaration de Domtar Inc. et Domtar Industries Inc. (collectivement appelées Domtar) dans le dossier de la Cour fédérale T-216-07. Par cette déclaration, Domtar demande que soit rendu un jugement déclarant que l’article 18 de la Loi de 2006 sur les droits d’exportation de produits de bois d’œuvre, L.C. 2006, ch. 13 (la Loi), est inconstitutionnel ainsi qu’une ordonnance obligeant la Couronne à lui rembourser la somme d’environ 37 millions de dollars canadiens versée au titre de cette disposition. La principale question en litige en l’espèce est de savoir si la juge de la Cour fédérale a commis une erreur de droit en concluant qu’il n’est pas évident et manifeste que l’objet de la déclaration de Domtar relève de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt et que, de toute façon, il n’est pas évident et manifeste que la contestation constitutionnelle de Domtar doit être rejetée. Les motifs de l’ordonnance portée en appel sont publiés sous l’intitulé Domtar Inc. c. Canada, 2008 CF 1057.

 

Faits allégués dans la déclaration et dispositions législatives pertinentes

[2]          Domtar exploite une entreprise au Canada dans le secteur des pâtes et papier, du bois d’œuvre et d’autres produits du bois. Les activités de l’entreprise comportent l’exportation de produits de bois d’œuvre du Canada vers les États-Unis.

 

[3]          En avril 2001, des entreprises américaines du secteur du bois d’œuvre ont déposé des pétitions auprès du département américain du Commerce et de la International Trade Commission des États-Unis visant à obtenir l’imposition de droits antidumping et compensateurs sur les produits de bois d’œuvre provenant du Canada. Ces pétitions ont été couronnées de succès et ont donné lieu à la prise de décrets douaniers imposant de tels droits. À partir de 2002, et jusqu’au 12 octobre 2006, les États-Unis ont, au titre de ces décrets, perçu des droits s’élevant à environ 5,4 milliards de dollars américains, dont environ 160 millions de dollars américains ont été versés par Domtar.

 

[4]          Les entreprises canadiennes du secteur du bois d’œuvre ont contesté les décrets en question devant les tribunaux américains et devant des groupes spéciaux binationaux constitués en vertu de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA). Le gouvernement du Canada a également contesté ces décrets dans des instances engagées dans le cadre de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et de l’ALENA.

 

[5]          Les tribunaux américains, l’OMC et les groupes spéciaux de l’ALENA chargés d’examiner le différend ont statué que les décrets en question étaient contraires aux lois américaines et aux obligations découlant pour les États-Unis des traités internationaux. Le gouvernement américain ne s’est pas conformé à ces décisions dont plusieurs étaient exécutoires en vertu du droit interne américain.

 

[6]          En avril 2006, les gouvernements canadien et américain ont conclu un accord de principe visant à régler le différend sur le bois d’œuvre. L’Accord sur le bois d’œuvre résineux (ABR) est entré en vigueur le 12 octobre 2006 et a mis fin à tous les différends commerciaux alors pendants sur le bois d’œuvre. Par la suite, le Canada a été empêché de réclamer l’application des décisions favorables obtenues antérieurement, y compris celles qui auraient été exécutoires en vertu du droit interne américain.

 

[7]          En application de l’ABR, les États-Unis ont convenu d’annuler les décrets douaniers, de rembourser les 5,4 milliards de dollars américains perçus entre 2002 et le 12 octobre 2006, de s’abstenir d’enquêter sur les droits antidumping ou compensateurs ou de prendre toute autre mesure d’allègement tarifaire désignée concernant le bois d’œuvre, et de rejeter toute pétition déposée à ce sujet par ce secteur d’activité.

[8]          Pour sa part, le Canada a convenu, entre autres, de verser un milliard de dollars américains aux entreprises américaines du secteur du bois d’œuvre, ce qui représentait environ 18 % des droits remboursables. L’ABR prévoyait que le montant d’un milliard de dollars américains à rembourser serait assumé par les exportateurs canadiens de bois d’œuvre, initialement à titre volontaire et ultérieurement à titre d’obligation légale imposée.

 

[9]          L’ABR a été mis en vigueur en droit canadien par la Loi de 2006 sur les droits d’exportation de produits de bois d’œuvre, laquelle a reçu la sanction royale le 14 décembre 2006. Le ministre du Revenu est responsable de l’administration de cette loi.

 

[10]      Les dispositions de la Loi qui sont pertinentes en l’espèce sont entrées en vigueur le 12 octobre 2006. Le paragraphe introductif de la version finale du projet de loi énonce ce qui suit (je souligne) :

 

Loi imposant des droits sur l’exportation aux États-Unis de certains produits de bois d’œuvre et des droits sur les remboursements de certains dépôts douaniers faits aux États-Unis, autorisant certains paiements et modifiant la Loi sur les licences d’exportation et d’importation et d’autres lois en conséquence.

 

 

[11]      L’article 18 de la Loi est la disposition qui, selon les termes du paragraphe introductif reproduit ci-dessus, exige « des droits sur les remboursements de certains dépôts douaniers faits aux États-Unis ». Ces droits constituaient le mécanisme par lequel le Canada devait recouvrer auprès des producteurs de bois d’œuvre locaux les fonds nécessaires pour s’acquitter de son obligation de verser un milliard de dollars américains aux entreprises américaines du secteur du bois d’œuvre.

 

[12]      L’article 18 impose des droits sur les remboursements de dépôts douaniers que les États‑Unis ont versés aux exportateurs canadiens de bois d’œuvre en application de l’ABR. Le montant des droits payable par chaque exportateur est d’environ 18 % du remboursement payable à l’exportateur en question.

 

[13]      Un exportateur de bois d’œuvre pouvait choisir de céder son remboursement à Exportation et Développement Canada, société de la Couronne fédérale, auquel cas son obligation de payer les droits sur le remboursement devait être remise par décret pris sous le régime de la Loi sur la gestion des finances publiques, L.R.C. 1985, ch. F-11. Exportation et Développement Canada devait garder environ 18 % du remboursement et restituer le solde à l’exportateur. Domtar ne s’est pas prévalue de cette option.  

 

[14]      La Loi renferme également des dispositions relatives à l’exécution et au contrôle d’application de l’article 18 ainsi qu’au règlement des différends qui en découlent. La plupart de ces dispositions ont la même forme et la même teneur que les dispositions analogues d’autres lois fiscales fédérales. 

 

[15]      L’article 26 de la Loi impose à toute personne à l’égard de laquelle le droit prévu à l’article 18 devient exigible, l’obligation de présenter une déclaration en la forme et au plus tard à une date déterminées, d’indiquer dans la déclaration le total des droits qu’elle est tenue de verser, et de verser la somme égale à ces droits. Le 31 janvier 2007, Domtar a présenté une déclaration en application de l’article 26 et a versé la somme correspondant à son obligation aux termes de l’article 18, qui s’élevait à environ 37 millions de dollars canadiens.

 

[16]      La Loi prévoit une procédure pour réclamer le remboursement de toute somme versée au titre de la Loi. Aux fins de la présente affaire, les dispositions les plus importantes se rapportant à une demande de remboursement sont les articles 39 et 41, qui prévoient ce qui suit :

a)             L’article 39 prévoit qu’il est interdit de recouvrer de l’argent qui a été versé à Sa Majesté du chef du Canada « au titre d’une somme exigible en vertu de la présente loi ou qu’elle a pris en compte à ce titre », à moins qu’il ne soit expressément permis de le faire en vertu de la Loi ou de la Loi sur la gestion des finances publiques.

b)             Le paragraphe 41(1) prévoit que le ministre rembourse à toute personne la somme qu’elle a payée « au titre des droits, pénalités, intérêts ou autres obligations en vertu de la présente loi, ou qui a été prise en compte à ce titre, alors qu’elle n’était pas exigible, qu’elle ait été payée par erreur ou autrement ».

c)             Le paragraphe 41(3) interdit d’effectuer le remboursement à moins que la personne ne présente, « dans les deux ans suivant le paiement, une demande en la forme, selon les modalités et accompagnée des renseignements déterminés par le ministre ».

 

[17]      Aucune disposition de la Loi n’oblige le ministre à établir toute cotisation payable en vertu de la Loi, ni d’envoyer un avis de cotisation en réponse à la déclaration présentée en vertu de l’article 26. Toutefois, les paragraphes 51(1) et 52(1) de la Loi obligent le ministre à établir une cotisation visant le montant du remboursement pour lequel une demande a été présentée en vertu du paragraphe 41(3) de la Loi, et d’envoyer au demandeur un avis de cotisation.

 

[18]      L’avis de cotisation donne à la personne qui a présenté une demande de remboursement le droit de présenter un avis d’opposition pour contester la cotisation établie par le ministre visant le remboursement qui lui est dû (article 54 de la Loi) et, si la personne n’est pas satisfaite du résultat de l’opposition, le droit d’interjeter appel à la Cour canadienne de l’impôt (article 56 de la Loi). Les procédures d’opposition et d’appel s’apparentent aux procédures prévues dans la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.), pour les cotisations d’impôt sur le revenu.

 

[19]      Domtar n’a jamais, en application du paragraphe 41(3) de la Loi, présenté de demande de remboursement de la somme versée au titre de l’article 18, et le délai pour ce faire a expiré le 31 janvier 2009.

 

[20]      Le 31 janvier 2007, Domtar a déposé la déclaration qui fait l’objet du présent appel. Par cette déclaration, Domtar demande que soit rendu un jugement déclarant que l’article 18 de la Loi est inconstitutionnel ainsi qu’une ordonnance obligeant la Couronne à rembourser la somme versée en vertu de cette disposition, avec intérêts et dépens.

 

La requête de la Couronne

[21]      La Couronne a demandé la radiation de la déclaration en application du paragraphe 221(1) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106. Il n’est pas contesté que l’arrêt de principe en la matière est Hunt c. Carey Canada Inc., [1990] 2 R.C.S. 959, et que, suivant cet arrêt, une requête en radiation de déclaration ne peut être accueillie que s’il est évident et manifeste que la déclaration ne saurait aboutir.

 

[22]      La requête de la Couronne se fondait sur deux arguments subsidiaires. Le premier portait qu’il est évident et manifeste que la Cour fédérale n’a pas compétence sur la demande de Domtar parce qu’il s’agit essentiellement d’une demande de remboursement d’une somme versée au titre de la Loi et que l’objet de cette demande relève de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt. Le deuxième argument porte qu’il est évident et manifeste que la contestation constitutionnelle de Domtar ne peut être accueillie parce que l’édiction de l’article 18 de la Loi constitue un exercice valide du pouvoir du Parlement de réglementer le commerce international, la fiscalité fédérale ou les deux.

 

[23]      La requête a été entendue par la juge Heneghan, laquelle a rejeté les deux arguments principaux de la Couronne. Dans le présent appel, la Couronne reconnaît que la juge Heneghan a correctement cité le principe dégagé dans l’arrêt Hunt c. Carey, mais affirme qu’elle a commis une erreur de droit lorsqu’elle l’a appliqué. 

La norme de contrôle

[24]      Il n’y a pas de litige quant à la norme de contrôle applicable. La décision sur une requête en radiation est discrétionnaire, mais elle peut être infirmée en appel si, par exemple, elle repose sur une erreur de droit ou de principe (Apotex Inc. c. Canada (Gouverneur en Conseil), 2007 CAF 374, Mayne Pharma (Canada) Inc. c. Aventis Pharma Inc., 2005 CAF 50).

 

Analyse

[25]      La Couronne soutient que le rejet de la requête en radiation est fondé sur plusieurs erreurs de droit. Je n’ai pas besoin de mentionner toutes les erreurs alléguées par la Couronne. À mon avis, il suffit aux fins du présent appel d’examiner l’argument de la Couronne selon lequel il est évident et manifeste que l’objet de la demande de Domtar relève de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[26]      Il est reconnu que la question de la compétence exige, dans un premier temps, que l’on détermine la nature essentielle de la demande. La Couronne a fait valoir devant la Cour fédérale ainsi que devant notre Cour que la demande de Domtar a essentiellement comme objet le recouvrement de l’argent versé en application de l’article 18 de la Loi. Domtar soutient que sa demande vise essentiellement à faire déclarer que l’article 18 de la Loi est inconstitutionnel, et que la demande de remboursement constitue une mesure de redressement accessoire.

 

[27]      La juge Heneghan a accepté l’argument de Domtar et a conclu que l’action ne constitue [TRADUCTION] « pas une demande de remboursement en soi » (paragraphe 96 de ses motifs). Comme elle ne fait aucune analyse, cette conclusion semble être fondée uniquement sur une interprétation littérale du libellé de la déclaration, qui demande un redressement sous la forme d’un jugement déclarant que l’article 18 est anticonstitutionnel ainsi qu’une ordonnance de restitution de l’argent versé. En toute déférence, la juge Heneghan a commis une erreur de droit lorsqu’elle a déterminé la nature essentielle de la demande en appliquant le mauvais critère.

 

[28]      L’approche qu’il convient d’adopter pour déterminer la nature essentielle de la demande a été établie dans l’arrêt de notre Cour, Canada c. Roitman, 2006 CAF 266. Cet arrêt appuie l’affirmation selon laquelle, pour déterminer si un tribunal a compétence pour connaître d’une demande, la question de la nature essentielle du litige doit se fonder sur une appréciation réaliste du résultat concret visé par le demandeur. C’est ce qu’explique le juge Décary, au nom de la Cour dans Roitman (au paragraphe 16) :

 

Une déclaration ne doit pas être prise au pied de la lettre. Le juge doit aller au-delà des termes employés, des faits allégués et de la réparation demandée, et il doit s’assurer que la déclaration ne constitue pas une tentative déguisée visant à obtenir devant la Cour fédérale un résultat qui ne peut par ailleurs pas être obtenu de cette cour.

 

[29]      Dans l’affaire Roitman, comme en l’espèce, les parties ne s’entendaient pas sur la question de savoir si une demande particulière relevait de la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt, de sorte que la Cour fédérale n’était pas compétente pour entendre la demande en question. Le demandeur avait intenté une action devant la Cour fédérale, qui se présentait essentiellement comme une demande de dommages-intérêts pour l’exercice fautif d’une charge publique. La demande reposait sur l’allégation selon laquelle le ministre du Revenu national avait établi un avis de cotisation en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu tout en sachant que la cotisation se fondait sur une interprétation erronée de la loi. La demande a été radiée parce qu’elle visait en fait à contester la légalité d’une cotisation d’impôt, question qui relevait exclusivement de la compétence de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[30]      En l’espèce, il ne s’agit pas de contester une cotisation (je reviendrai plus loin sur ce point), mais il ne fait aucun doute que l’objectif premier de Domtar est de se faire rembourser la somme qu’elle a versée au titre de l’article 18 de la Loi. Il n’y a aucune raison de croire que Domtar poursuivrait sa demande si elle n’entrevoyait aucune chance d’obtenir le remboursement demandé. C’est pourquoi j’accepte l’argument de la Couronne selon lequel Domtar demande essentiellement le remboursement de l’argent versé en vertu de la Loi. C’est la nature essentielle de sa demande, même si elle est fondée sur une contestation constitutionnelle.

 

[31]      Compte tenu de cette qualification de la nature essentielle de la demande, la question de la compétence de la Cour fédérale doit être tranchée comme suit :

 

a)             La déclaration de Domtar est présentée en vertu de l’article 17 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7. Aux termes du paragraphe 17(1) de la Loi sur les Cours fédérales, la Cour fédérale aurait compétence pour entendre la demande de Domtar à moins qu’elle ne soit privée de compétence en vertu d’une autre loi fédérale conférant à un autre tribunal une compétence exclusive à l’égard de la demande. Le paragraphe 17(1) dispose :

 

17. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, la Cour fédérale à compétence concurrente, en première instance, dans les cas de demande de réparation contre la Couronne.

17. (1) Except as otherwise provided in this Act or any other Act of Parliament, the Federal Court has concurrent original jurisdiction in all cases in which relief is claimed against the Crown.

 

b)             Le paragraphe 12(1) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2, prive la Cour fédérale de compétence pour entendre des affaires sur des questions découlant de l’application de la Loi, dans la mesure où cette dernière prévoit un droit d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Cette disposition prévoit ce qui suit :

 

12. (1) La Cour a compétence exclusive pour entendre les renvois et les appels portés devant elle sur les questions découlant de l’application de […] la Loi de 2006 sur les droits d’exportation de produits de bois d’oeuvre, dans la mesure où ces lois prévoient un droit de renvoi ou d’appel devant elle.

12. (1) The Court has exclusive original jurisdiction to hear and determine references and appeals to the Court on matters arising under […] the Softwood Lumber Products Export Charge Act, 2006 when references or appeals to the Court are provided for in those Acts.

 

 

c)             La Loi prévoit une procédure (exposée ci-dessus) pour demander le remboursement de toute somme versée en vertu de la Loi ainsi qu’un droit d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt pour le règlement de tout différend concernant la question de savoir si une personne qui a payé une somme en vertu de la Loi a droit à un remboursement.

 

d)             Comme la demande de remboursement de Domtar peut faire l’objet d’un appel devant la Cour canadienne de l’impôt, elle relève de la compétence exclusive de cette Cour et ne peut être entendue par la Cour fédérale.

 

[32]      Domtar fait valoir qu’elle ne pouvait pas recourir au régime établi par la Loi concernant les remboursements, les oppositions et les appels, ou que ces recours auraient été futiles, et ce pour plusieurs raisons.

 

[33]      En premier lieu, Domtar soutient qu’elle n’aurait pas pu demander un remboursement parce que le paragraphe 41(1), la seule disposition qui pouvait autoriser une demande de remboursement, est trop restrictif. Comme mentionné précédemment, le paragraphe 41(1) prévoit que le ministre rembourse à toute personne la somme « qu’elle a payée au titre des droits, pénalités, intérêts ou autres obligations en vertu de la présente loi, ou qui a été prise en compte à ce titre, alors qu’elle n’était pas exigible, qu’elle ait été payée par erreur ou autrement ». Le ministre doit établir et envoyer un avis de cotisation, et si le ministre rejette la demande de remboursement, le demandeur peut déposer une opposition et, s’il n’est pas satisfait, interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[34]      Le libellé du paragraphe 41(1) est suffisamment large pour couvrir la somme approximative de 37 millions dollars canadiens payée le 31 janvier 2007 par Domtar à la Couronne. Le ministre a considéré ce paiement comme un droit payable au titre de l’article 18 de la Loi. Selon l’argument invoqué par Domtar dans sa déclaration, cette somme n’était pas juridiquement payable en vertu de l’article 18 (parce que l’article 18 est inconstitutionnel). Contrairement à l’argument de Domtar, l’expression « qu’elle ait été payée par erreur ou autrement » ne limite pas la portée du paragraphe 41(1), mais a pour effet d’assurer qu’elle s’applique à tout paiement faisant l’objet d’une demande de remboursement, quelle que soit la raison du paiement.

 

[35]      En deuxième lieu, Domtar soutient que l’entreprise n’aurait pas pu demander un remboursement parce que ce dernier n’avait pas été établi. Cet argument est également mal fondé. Domtar ne peut se soustraire à la compétence exclusive de la Cour canadienne de l’impôt en refusant de demander un remboursement selon les modalités prévues par le régime législatif. Comme il a été expliqué précédemment, la Loi prévoit une procédure complète et obligatoire permettant de demander le remboursement d’une somme payée au titre de la Loi. Selon cette procédure, le ministre doit établir une cotisation et envoyer un avis de cotisation en réponse à une demande de remboursement en vertu du paragraphe 41(1), ce qui donne ouverture au droit de présenter un avis d’objection et d’interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

[36]      En troisième lieu, Domtar soutient que faire appel à la procédure de remboursement établie par la Loi aurait été futile. À cet égard, Domtar souligne qu’une demande de remboursement est examinée d’abord par le ministre, lequel ne voulait ou ne pouvait pas entendre la contestation constitutionnelle. Cette déclaration est exacte, mais il s’agit d’une échappatoire. Le droit de Domtar à un remboursement ne relève pas de la discrétion du ministre, c’est une question mixte de droit et de fait sur laquelle le ministre n’a pas le pouvoir de décision définitive. Le régime législatif accorde à Domtar le droit d’interjeter appel devant la Cour canadienne de l’impôt contre la décision du ministre.

 

[37]      Enfin, Domtar soutient que la compétence de la Cour canadienne de l’impôt se limite à trancher la question du bien fondé juridique et factuel de la cotisation contestée, ce qui n’inclut pas la constitutionnalité de la disposition en vertu de laquelle la cotisation est établie. Cet argument est également erroné en droit. 

 

[38]      Dans la plupart des cas où la Cour canadienne de l’impôt doit déterminer si le ministre a correctement établi la somme payable ou remboursable au titre d’une loi fiscale, celui-ci est appelé à résoudre un conflit concernant l’interprétation d’une ou plusieurs dispositions législatives, ou un différend concernant les faits, ou les deux. Or la légalité d’une cotisation peut être contestée pour des motifs d’ordre constitutionnel et, dans de tels cas, la Cour canadienne de l’impôt peut et doit établir si la contestation est bien fondée. Le juge Evans, au nom de notre Cour, a dit ce qui suit dans Canada (Procureur général) c. Campbell, 2005 CAF 420 (au paragraphe 23) :

 

[…] il est clair, à la lumière de l’arrêt Nouvelle-Écosse (Worker's Compensation Board) c. Martin, [2003] 2 R.C.S. 504, que, conformément au paragraphe 52(1) de la Charte, la Cour de l’impôt a compétence pour examiner la constitutionnalité d’une disposition de la LIR ou l’application de la disposition à des faits en particulier ou encore une mesure administrative qui aurait été prise en conformité avec la disposition, lorsque l’examen s’avère nécessaire afin de trancher un appel qui relève de sa compétence.

À cet égard, je ne vois guère de différence entre une contestation constitutionnelle fondée sur la Charte et une contestation constitutionnelle fondée sur le partage des compétences, comme en l’espèce. 

 

[39]      Domtar n’a pas prétendu que la déclaration du juge Evans dans l’arrêt Campbell est erronée en droit. En fait, Domtar a convenu qu’il n’y a aucune décision publiée où la Cour canadienne de l’impôt, appelée à se prononcer sur la validité d’une cotisation, a refusé d’examiner pour des motifs de compétence une contestation constitutionnelle de la disposition législative sur laquelle est fondée la cotisation en question. Ni la présente Cour ni la Cour suprême du Canada n’ont dit que la Cour canadienne de l’impôt pouvait refuser d’examiner une telle question lorsqu’elle est soulevée dans le cadre de l’appel d’une cotisation. 

 

[40]      À mon avis, il est évident et manifeste que la Cour canadienne de l’impôt a compétence exclusive sur la demande de Domtar. Cela suffit pour justifier que la Cour accueille le présent appel. Je ne me prononce pas sur le fond de la contestation constitutionnelle de Domtar.

 

Conclusion

[41]      J’accueillerais le présent appel avec dépens et j’annulerais l’ordonnance visée par l’appel. Rendant le jugement que la Cour fédérale aurait dû rendre, j’accueillerais la requête de la Couronne en radiation de la déclaration, avec dépens.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

Marc Noël, juge »

 

« Je suis d’accord.

C. Michael Ryer, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Semra Denise Omer

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-473-08

 

INTITULÉ :                                                                           Sa Majesté la Reine du chef du Canada et al c. Domtar Inc. et al

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 17 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE SHARLOW

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE NOËL

                                                                                                LE JUGE RYER

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 29 juin 2009

 

 

COMPARUTIONS :

 

John S. Tyhurst

David Jacyk

 

POUR LES APPELANTS

 

Gregory O. Somers

Alison G. FitzGerald

POUR LES INTIMÉES

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Procureur général du Canada

 

POUR LES APPELANTS

 

Ogilvy Renault LLP

Ottawa (Ontario)

POUR LES INTIMÉES

 

 

 

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