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Date : 20090616

Dossier : A-636-08

Référence : 2009 CAF 207

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE EVANS

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DAVID TOMPSON

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique) le 16 juin 2009

Jugement prononcé à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique) le 16 juin 2009

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                      LE JUGE EVANS

 


Date : 20090616

Dossier : A-636-08

Référence : 2009 CAF 207

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE EVANS

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DAVID TOMPSON

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(prononcés à l’audience à Vancouver (Colombie-Britannique) le 16 juin 2009)

LE JUGE EVANS

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire présentée par le procureur général du Canada en vue de faire annuler une décision du juge-arbitre Teitelbaum (CUB 71295). Le juge-arbitre a accueilli l’appel interjeté par M. David Tompson de la décision par laquelle un conseil arbitral avait rejeté son appel de la décision de la Commission d’assurance-emploi selon laquelle il était exclu du bénéfice des prestations d’assurance-emploi parce qu’il avait perdu son emploi en raison de son inconduite : voir Loi sur l'assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23, paragraphe 30(1) (la Loi).

 

[2]               Le procureur général affirme que le juge-arbitre a commis une erreur de droit parce qu’il a apprécié à nouveau la preuve et a substitué ses propres conclusions de fait à celles tirées par le conseil arbitral. Un juge-arbitre ne peut infirmer la décision d’un conseil arbitral pour cause d’erreur de fait que si ce dernier a fondé sa décision ou son ordonnance sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments portés à sa connaissance (alinéa 115(2)c) de la Loi). Le procureur général affirme que le conseil arbitral disposait d’éléments de preuve tendant à démontrer que M. Tompson était parti en vacances alors qu’il savait que son employeur n’avait pas approuvé sa demande de congé. Le procureur général fait valoir que cet élément de preuve permettait raisonnablement au conseil arbitral de conclure que M. Tompson avait perdu son emploi pour cause d’inconduite et qu’il était par conséquent exclu du bénéfice des prestations.

 

[3]               Le juge-arbitre a estimé qu’il n’y avait pas d’éléments de preuve qui appuyaient la conclusion de fait du conseil arbitral suivant laquelle M. Tompson était parti en vacances alors qu’il savait que sa demande de congé n’avait pas été approuvée. L’appréciation de la preuve que le juge-arbitre a faite l’a amené à penser qu’il y avait eu, entre M. Tompson et son employeur, un problème de communication qui avait amené M. Tompson à supposer que sa demande avait été approuvée parce qu’il n’avait pas été avisé qu’elle avait été refusée.

 

[4]               Les éléments de preuve versés au dossier sont loin d’être clairs. Il est toutefois acquis aux débats que M. Tompson a présenté une demande de congé et que, peu de temps après, avant que son employeur ait examiné sa demande, il a retiré cette demande. Le directeur des opérations de l’employeur a expliqué que M. Tompson lui avait parlé par téléphone cellulaire pour l’informer qu’il retirait sa demande de congé. M. Tompson, en revanche, soutient qu’il a parlé au répartiteur, à qui il a demandé de faire savoir à l’employeur qu’il avait retiré sa demande de congé.

 

[5]               M. Tompson affirme qu’il a appelé le répartiteur plus tard le même jour pour dire à son employeur qu’il avait encore une fois changé d’idée et qu’il voulait soumettre de nouveau sa demande de congé. Le directeur des opérations affirme qu’il n’a pas reçu ce message et le répartiteur n’en a pas accusé réception. Il est toutefois acquis aux débats que l’employeur n’a pas approuvé la demande de congé de M. Tompson. 

 

[6]               Le conseil arbitral avait en mains les notes qu’une agente de la Commission avait prises à la suite de la conversation téléphonique qu’elle avait eue avec M. Tompson lors de l’examen de sa demande de prestations d’assurance-emploi. On y lit ce qui suit :

[TRADUCTION]

 

J’ai demandé au prestataire si sa demande de congé avait été signée et approuvée.

Il a répondu par la négative. Je lui ai demandé pourquoi il n’avait pas communiqué avec l’employeur pour savoir pourquoi.

Il a répondu que sa demande n’avait pas été refusée et que tout le monde savait qu’il partait.

 

L’agente a également noté l’allégation de M. Tompson suivant laquelle l’employeur cherchait simplement un prétexte pour le renvoyer parce qu’il avait déposé un grief l’année précédente.

 

[7]               Dans ses motifs, le conseil arbitral a expliqué que M. Tompson avait confirmé qu’il était parti en vacances en sachant que sa demande n’avait pas été approuvée. Il semble que le conseil arbitral faisait allusion au témoignage donné de vive voix par M. Tompson.

 

[8]               Le conseil arbitral n’a pas rejeté le témoignage non contredit de M. Tompson suivant lequel il avait demandé que sa demande de congé soit soumise de nouveau à l’employeur et qu’étant sans nouvelles de sa demande, il avait tenu pour acquis que sa demande de congé avait effectivement été approuvée et ce, même s’il n’avait pas reçu l’avis officiel prévu par la politique de la compagnie. M. Tompson a déclaré à l’agente de la Commission que son hypothèse reposait sur le fait qu’il avait accumulé en fait un grand nombre de jours de congé et que c’était lui qui comptait le plus d’ancienneté. Vu ces éléments de preuve, il était déraisonnable de la part du conseil arbitral de conclure que M. Tompson était parti en vacances « en sachant que celles-ci n'[avaient] pas été approuvées ».

 

[9]               Vu l’ensemble de la preuve dont il disposait, le conseil arbitral pouvait tout au plus conclure que M. Tompson était parti en vacances alors qu’il savait qu’il n’avait pas reçu l’approbation officielle de sa demande de congé et qu’il n’avait pas essayé d’obtenir la confirmation que sa demande de congé avait effectivement été approuvée. Les notes prises par l’agente de la Commission à la suite de la conversation qu’elle a eue avec M. Tompson ne sont pas incompatibles avec cette façon de voir.

 

[10]           Il existe une différence fondamentale entre le fait de partir en vacances sans avoir reçu d’approbation écrite tout en tenant pour acquis que la demande a été approuvée et la conclusion du conseil arbitral suivant laquelle l’intéressé est parti en sachant que sa demande n’avait pas été approuvée. Bien que cette conduite pourrait justifier l’employeur d’imposer une sanction disciplinaire, il ne s’agit de toute évidence pas, eu égard aux circonstances de l’espèce, d’un manquement grave au devoir au point de constituer une « inconduite » au sens du Règlement, entraînant ainsi l’exclusion de l’employé du bénéfice des prestations d’assurance-emploi.  

 

[11]           En conséquence, nous ne sommes pas persuadés que le juge-arbitre a commis une erreur qui justifierait notre intervention, en annulant la décision du conseil arbitral au motif que celle-ci reposait sur une conclusion de fait déraisonnable, en l’occurrence que M. Tompson était parti en vacances « en sachant que celles-ci n'[avaient] pas été approuvées ».

 

[12]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire du procureur général sera rejetée. 

 

« John M. Evans »

j.c.a.

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-636-08

 

(CONTRÔLE JUDICIAIRE D’UNE ORDONNANCE RENDUE PAR LE JUGE-ARBITRE MAX M. TEITELBAUM LE 7 NOVEMBRE 2008)

 

INTITULÉ :                                                                           Procureur général du Canada

                                                                                                c. David Tompson

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Vancouver (Colombie-Britannique)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   16 juin 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       (LES JUGES DÉCARY, LINDEN, et EVANS)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                               LE JUGE EVANS

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Lindsay Morphy

POUR LE DEMANDEUR

 

David Tompson

pour son propre compte

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

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