Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20090427

Dossier : A-336-08

Référence : 2009 CAF 130

ENTRE :

APOTEX INC.

appelante

 

 

et

 

LUNDBECK CANADA INC.

intimée

 

et

 

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimé

et

 

H. LUNDBECK A/S

 

intimée/brevetée

 

 

TAXATION DES DÉPENS  - MOTIFS

Johanne Parent

Officier taxateur

[1]               Aux termes de l’ordonnance qu’elle a rendue le 15 septembre 2008, la Cour a accueilli avec dépens l’appel d’une décision de la Cour fédérale portant sur l’appel de la décision par laquelle le protonotaire Morneau avait rejeté la requête en radiation d’un affidavit présentée par l’intimée Lundbeck ainsi que de certains paragraphes et pièces jointes à trois autres affidavits renvoyant à l’affidavit en question. Dans ce même arrêt, la Cour d’appel a également rejeté avec dépens l’appel incident de l’intimée Lundbeck. Un échéancier pour la taxation sur dossier du mémoire de dépens de l’appelante a été établi le 2 décembre 2008. Je procéderai maintenant à la taxation du mémoire de dépens en tenant compte des observations écrites des parties. Le ministre de la Santé n’a pas pris position et n’a pas participé à la présente instance.

 

[2]               Compte tenu des particularités du dossier ainsi que des facteurs énumérés au paragraphe 400(3) des Règles des Cours fédérales, et plus particulièrement du fait que l’appelante a obtenu gain de cause sur la plupart des points soulevés dans le cadre de l’appel et de l’appel incident et de la complexité et de l’importance relatives des questions soulevées au sujet des éléments de preuve à présenter dans le cadre de la demande principale, je suis d’avis que la demande d’Apotex pour que les dépens soient taxés au milieu de la fourchette de la colonne III est justifiée.

 

[3]               L’article 17 (préparation, dépôt et signification de l’avis d’appel.),  l’article 18 (préparation du dossier d’appel) et l’article 25 (services rendus après le jugement) ne sont pas contestés et le montant réclamé est accordé.

 

[4]               Conformément au paragraphe 2(2) du tarif B, qui prévoit qu’« aux fins de la taxation, l’officier taxateur ne peut attribuer à un service un nombre d’unités comportant une fraction », cinq unités seront accordées au titre de l’article 19 (mémoire des faits et du droit), malgré les cinq unités et demie réclamées.

 

[5]               Pour la même raison, deux unités seront accordées pour 1,1 heure, malgré les 2,5 unités réclamées au titre de l’article 22 pour la présence du premier avocat à l’audience qui s’est tenue devant la Cour d’appel le 15 septembre 2008. Compte tenu de l’absence de directives de la Cour autorisant la taxation d’honoraires pour le second avocat, la réclamation relative au second avocat est rejetée (voir Nature’s Path Foods Inc. c. Country Fresh Enterprises, 2007 CF 116).

 

[6]               Le montant réclamé en vertu de l’alinéa a) de l’article 27 pour la préparation du mémoire des dépens est accordé intégralement, mais au titre de l’article 26.

 

[7]               Les débours engagés par l’appelante sont justifiés dans l’affidavit de David Lederman et les observations écrites que l’appelante a déposées à l’appui de son mémoire des dépens. Les intimées Lundbeck Canada Inc. et H. Lundbeck A/S ont admis, dans leurs observations écrites, que la plupart des montants réclamés n’étaient pas contestés. Pour ce qui est des débours contestés, elles affirment que, malgré la demande précise qui a été adressée à l’avocat de l’appelante, les documents nécessaires pour justifier le mémoire des dépens ne leur ont pas été soumis.

 

[8]               Le paragraphe 1(4) du tarif B énonce qu’« à l’exception des droits payés au greffe, aucun débours n’est taxé ou accepté aux termes du présent tarif à moins qu’il ne soit raisonnable et que la preuve qu’il a été engagé par la partie ou est payable par elle n’est fournie par affidavit ou par l’avocat qui comparaît à la taxation ». L’affidavit succinct qui a été produit à l’appui du mémoire des dépens ne justifie pas entièrement la totalité des frais engagés en l’espèce et présente une preuve qui n’est pas absolue. Dans la décision Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2008 CF 693, l’officier taxateur principal Stinson déclare :

Je ne veux cependant pas dire que les plaideurs peuvent s'en tirer sans produire aucun élément de preuve, en se fiant à l'appréciation et à l'expérience de l'officier taxateur. La preuve dans la présente espèce n'a rien d'absolu, mais je pense que les dossiers respectifs de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale contiennent suffisamment d'éléments pour me permettre d'évaluer les efforts et les frais qu'il fallait pour plaider raisonnablement et suffisamment la cause d'Apotex. Le manque de renseignements détaillés rend difficile d'établir avec certitude si l'approche la plus efficiente a en fait été suivie ou s'il n'a pas été donné d'instructions erronées exigeant un travail correctif, comme c'était par exemple le cas dans Halford. L'insuffisance de la preuve des faits relatifs à chacun des éléments de dépenses rend difficile pour le défendeur à la taxation et l'officier taxateur de se convaincre de la nécessité raisonnable de chacun de ces éléments. Moins il y a de preuve, plus la partie qui demande la taxation doit s'en remettre au pouvoir discrétionnaire de l'officier taxateur, lequel doit l'exercer de manière prudente, en ne perdant pas de vue le principe d'austérité qui doit présider à la taxation, afin de ne pas porter préjudice à la partie condamnée aux dépens. Cependant, la conduite d'un litige exige de réelles dépenses : la taxation des dépens à zéro dollar serait absurde. 

 

Vu ce qui précède, je dois maintenant me prononcer sur le caractère raisonnable et sur la nécessité de tous les débours contestés à la lumière des éléments de preuve versés au dossier.

 

[9]               L’appelante réclame 6 318,25 $ pour des photocopies. Elle affirme que la quantité de photocopies a augmenté sensiblement en raison des questions soulevées dans le cadre de l’appel incident et du fait qu’il lui incombait de préparer le recueil conjoint de doctrine et de jurisprudence, qui comptait plusieurs volumes. Les intimées font valoir que la quantité de photocopies est en partie attribuable à l’appelante et que les frais de photocopie au tarif de 0,25 $ la page ne sont pas appuyés par des éléments de preuve quant aux frais effectivement engagés. Au soutien de leur argument, elles citent la décision Janssen-Ortho Inc. c. Novopharm Ltd., 2006 CF 1333, dans laquelle le juge Hughes déclare :

Les frais de photocopie sont admissibles, lorsque cela est indiqué dans les présents motifs, au taux réel facturé qui ne doit cependant pas excéder 0,25 $ la page. Je suis conscient que certains cabinets d’avocat peuvent avoir créé des centres de copie maison, probablement comme entités distinctes du cabinet. À cet égard, les commentaires de la Cour dans la décision Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp, [1990] A.C.J. no 1056 (QL), sont pertinents lorsqu’il est dit que le montant de 0,25 $ la page n’est pas un montant qui peut être facturé sans plus. Lorsqu’on a recours à un service interne, il faut informer l’officier taxateur du coût réel. La Cour a dit :

 

1. En toute déférence, je ne peux souscrire au raisonnement de l’officier taxateur. Les photocopies ne constituent un débours admissible que si elles sont essentielles à la conduite de l’action. Elles visent à défrayer le plaideur du coût réel de la photocopie. Les frais de 25 cents la feuille réclamés par le cabinet de l’avocat des demanderesses constituent des frais arbitraires et ils ne correspondent pas au coût réel de la photocopie. Les activités d’un cabinet d’avocats ne consistent pas à réaliser un bénéfice sur ses photocopieurs. Le cabinet d’avocats doit faire payer le coût réel et il incombe à celui qui réclame ces débours de convaincre l’officier taxateur du coût réel des photocopies essentielles.

 

Je ne conteste pas que les frais de photocopie étaient essentiels à la conduite de la présente affaire, mais à l’exception de l’affidavit concis de l’appelante, les seuls éléments de preuve qui appuient le montant réclamé pour les photocopies se trouvent dans le dossier de la Cour. Je ne suis pas convaincue que les frais réclamés pour les photocopies étaient tous essentiels à la conduite de la présente affaire. Il est évident que les frais effectivement engagés pour les photocopies étaient nécessaires. J’ai examiné les pièces versées au dossier de la Cour et, à la lumière de la jurisprudence susmentionnée et de mes calculs, j’ai ramené le montant réclamé à 3 460 $, montant que j’estime raisonnable pour ce qui est des frais de photocopies et de toutes les dépenses afférentes applicables aux photocopies.

 

[10]           Les intimées demandent que la somme de 30,74 $ réclamée pour les télécopies soit refusée sur la base des arguments invoqués à l’égard des frais de photocopies. Comme il est acquis aux débats que l’avocat de l’appelante se trouvait à Toronto et que les avocats des intimées étaient à Montréal, il est fort probable que des frais de télécopie ont effectivement été engagés, soit pour permettre aux parties d’échanger des pièces, soit pour déposer des documents devant la Cour. Cela étant dit, je ne suis pas convaincue que tous les documents qui ont été télécopiés avaient rapport à l’instance pour laquelle des dépens ont été adjugés. En raison du caractère vague des éléments de preuve présentés relativement à ces débours, j’accorde 20 $.

 

[11]           Les intimées soutiennent que les débours réclamés pour récupérer le dossier ne devraient pas être accordés. Elles font valoir qu’elles ne sauraient être tenues responsables du fait que l’appelante manquait d’espace sur place pour conserver les pièces relatives au dossier. J’estime que les frais afférents à la récupération du dossier ne sont pas taxables puisque cette dépense n’était pas essentielle pour l’issue de la présente affaire. Bien que cette dépense soit imputable expressément à un client déterminé, elle vise à accommoder l’avocat inscrit au dossier de ce client et elle est par conséquent refusée.

 

[12]           L’appelante réclame 1 287,38 $ en recherches informatiques pour préparer l’appel et l’appel incident. Elle soutient que cette dépense était nécessaire pour connaître les développements récents en droit quant aux nombreuses questions soulevées dans la présente affaire. En ce qui concerne le recueil conjoint de doctrine et de jurisprudence préparé par l’appelante, les intimées expliquent que toutes les versions électroniques de la jurisprudence devant être citée pour leur compte ont été soumises par voie électronique. En conséquence, Apotex n’avait pas à engager de frais pour prendre connaissance des précédents cités par les intimées et elle ne devrait donc pas être autorisée à les réclamer. Apotex n’a soumis aucun détail pour aider le tribunal à se prononcer sur la pertinence et le caractère raisonnable des frais d’utilisation d’ordinateurs. Sur ce point, je partage le point de vue exprimé par mon collègue dans la décision Englander c. Telus Communications Inc., 2004 CF 276 :

Il serait absurde de ne rien accorder au moment de la taxation étant donné que, selon moi, l'avocat de la défenderesse était tenu de procéder à des recherches destinées à aider la Cour à régler les questions en litige. Toutefois, le demandeur n'est pas obligé de payer les frais liés à des recherches non pertinentes.

 

 

J’ai eu la possibilité d’examiner les précédents soumis à la Cour. Si l’on fait abstraction du nombre de décisions qui sont mentionnées dans le recueil conjoint de doctrine et de jurisprudence, il n’y a pas beaucoup de renseignements pertinents que l’on peut dégager de l’affidavit de M. Lederman et des observations écrites présentées sur cette question. Vu le rôle joué par les intimées dans la préparation du recueil conjoint de doctrine et de jurisprudence et vu la pénurie de renseignements, je ne suis convaincue ni de la pertinence des recherches effectuées ni de l’exactitude du montant réclamé à cet égard. J’accorde donc le montant réduit de 750 $ pour les recherches informatisées.

 

[13]           Les débours réclamés pour les services de messagerie et de livraison (185,94 $), les frais de justice (50 $) et les frais du huissier ou de son mandataire (363,50 $) justifiés dans les observations des avocats, étaient tous des frais nécessaires à la conduite de la présente affaire. Ils ne sont pas contestés et ils seront donc accordés.

 

[14]           Le mémoire des dépens est taxé à 6 293,44 $ plus la TPS (314,67 $) pour un total de 6 608,11 $.

 

 

« Johanne Parent »

Officier taxateur

Toronto (Ontario)

Le 27 avril 2009

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                A-336-08

 

INTITULÉ :                                                               APOTEX INC. c. LUNDBEACK CANADA INC. et LE MINISTRE DE LA SANTÉ et H. LUNDBECK A/S

 

 

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

LIEU DE LA TAXATION :                                      TORONTO (ONTARIO)

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :       JOHANNE PARENT

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 27 AVRIL 2009

 

 

 

OBSERVATIONS :

 

Daniel Cappe

POUR L’APPELANTE

 

Chloé Latulippe

POUR LES INTIMÉES, Lundbeck Canada Inc. et H. Lundbeck A/S

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Goodmans s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR L’APPELANTE

 

 

Fasken Martineau DuMoulin s.r.l.

Montréal (Québec)

POUR LES INTIMÉES, Lundbeck Canada Inc. et H. Lundbeck A/S

 

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