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Cour d’appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

 

Date : 20090421

Dossier : A-154-08

A-112-08

Référence : 2009 CAF 123

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE EVANS     

                        LA JUGE SHARLOW

 

Dossier : A-154-08

ENTRE :

LA BANDE DE SAWRIDGE

appelante

(demanderesse)

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

(défenderesse)

 

et

 

LE CONGRÈS DES PEUPLES AUTOCHTONES,

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA),

LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF CANADA

et L’ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU CANADA

 

intimés

(intervenants)

 

Dossier : A-112-08

 

ET ENTRE :

LA PREMIÈRE NATION TSUU T'INA

(autrefois la Bande indienne de Sarcee)

appelante

(demanderesse)

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

(défenderesse)

 

et

 

LE CONGRÈS DES PEUPLES AUTOCHTONES

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA)

LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF CANADA

et L’ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU CANADA

 

intimés

(intervenants)

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), les 20 et 21 avril 2009.

 

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 21 avril 2009.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

 


Cour d’appel fédérale

  CANADA

Federal Court of Appeal

 

Date : 20090421

Dossier : A-154-08

A-112-08

Référence : 2009 CAF 123

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE EVANS     

                        LA JUGE SHARLOW         

 

ENTRE :

Dossier : A-154-08

ENTRE :

LA BANDE DE SAWRIDGE

appelante

(demanderesse)

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

(défenderesse)

 

et

 

LE CONGRÈS DES PEUPLES AUTOCHTONES,

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA),

LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF CANADA

et L’ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU CANADA

 

intimés

(intervenants)

 

Dossier : A-112-08

 

ET ENTRE :

LA PREMIÈRE NATION TSUU T'INA

(autrefois la Bande indienne de Sarcee)

appelante

(demanderesse)

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

intimée

(défenderesse)

 

et

 

LE CONGRÈS DES PEUPLES AUTOCHTONES

LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA)

LA NON-STATUS INDIAN ASSOCIATION OF CANADA

et L’ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU CANADA

 

intimés

(intervenants)

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Rendus à l’audience à Ottawa (Ontario), le 21 avril 2009)

LA JUGE SHARLOW

[1]               Il s’agit d’appels interjetés à l’encontre des décisions par lesquelles le juge Russell a rejeté l’action des appelantes et accordé à la Couronne et aux autres intimés (des intervenants en première instance) des dépens totalisant 1,7 million de dollars. Est inclus dans ce montant une somme substantielle à être versée, en sus de l’indemnisation intégrale, à titre de dépens majorés. Les motifs justifiant le rejet de l’action et l’adjudication des dépens sont respectivement publiés à 2008 CF 322 et 2008 CF 267. Les appelantes demandent la tenue d’un nouveau procès.

 

[2]               Malgré que les avocats des appelantes ont présenté de très longues et abondantes observations, orales et écrites, nous ne relevons aucune erreur dans la décision du juge Russell justifiant l’intervention de notre Cour. Nous n’estimons pas nécessaire d’examiner les motifs d’appel en détail. Nous nous en tiendrons aux commentaires ci-dessous.

 

[3]               Le rejet de l’action a mis fin au nouveau procès tenu dans le cadre d’une procédure engagée le 15 janvier 1986. Les appelantes sollicitaient une ordonnance déclarant que certaines modifications à la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, ch. I-5, contrevenaient aux droits que l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 garantit aux appelantes. Ces modifications législatives obligeaient les bandes appelantes à ajouter, contre leur gré, certains individus à la liste de leurs membres. Les appelantes soutiennent que les dispositions législatives en cause constituent une tentative illégale de les priver de leur droit de décider de l’appartenance d’une personne à leur propre bande.

 

[4]               Le premier procès a débuté en septembre 1993 et il a pris fin le 6 juillet 1995, date à laquelle l’action a été rejetée (Bande de Sawridge c. Canada (C.F. 1re inst.), [1996] 1 C.F. 3). Cette décision a été annulée par notre Cour pour cause de crainte raisonnable de partialité (Bande de Sawridge Band c. Canada (C.A.), [1997] 3 C.F. 580, demande d’autorisation de pourvoi rejetée, le 1er décembre 1997). Un nouveau procès a été ordonné. Il a débuté en janvier 2007, après une période de près de 10 ans de querelles et de retards procéduraux.

 

[5]               L’action a à nouveau été rejetée parce que, le 7 janvier 2008, les appelantes ont avisé le juge Russell qu’elles n’avaient pas d’autres témoins à faire entendre. Cette prise de position faisait suite à l’ordonnance du juge Russell, rendue de vive voix le 11 septembre 2007, par laquelle il avait, pour cause de non‑conformité des résumés des témoignages anticipés, radié la liste des témoins profanes (anciens et à venir) des appelantes. La Couronne n’avait donc aucune preuve à réfuter, de sorte que, fatalement, l’action a échoué. Elle a été formellement rejetée le 7 mars 2008.

 

[6]               En décidant de ne faire entendre aucun autre témoin dans le cadre du nouveau procès, les appelantes n’abandonnaient pas la cause qui les avait amenés à engager une action en 1986. En fait, elles ont plutôt choisi de mettre fin à leur recours à ce moment pour contester une série d’ordonnances par lesquelles le juge Russell leur interdisait d’obtenir de leurs témoins profanes des éléments de preuve n’ayant pas été divulgués dans les témoignages anticipés, ainsi que l’ordonnance que le juge a rendue à l’audience du 11 septembre 2007. Les appelantes soutiennent en outre que la conduite du juge Russell suscite une crainte raisonnable de partialité.

 

[7]               Je n’estime pas nécessaire de faire état du long historique des procédures judiciaires, que le juge Russell a décrit en détail dans son ordonnance. Il est toutefois utile de souligner que pendant le processus de gestion de l’instance et après que le processus de communication préalable ait abouti à une impasse, le juge Hugessen a prononcé une ordonnance enjoignant aux appelantes de produire des résumés des témoignages anticipés de tous les témoins profanes qu’ils se proposaient de faire entendre au procès. En juin 2004, le juge Russell a conclu que les premiers résumés proposés par les appelantes étaient inadéquats et il a ordonné la production de nouveaux résumés de témoignages anticipés (2004 CF 933). Il a conclu que la deuxième tentative à cet égard était elle aussi inadéquate (2004 CF 1436) et il a ordonné que les appelantes soumettent une troisième liste (2004 CF 1653). Aucune de ces ordonnances n’a été portée en appel.

 

[8]               En novembre 2005, le juge Russell a rendu une ordonnance autorisant les appelantes à faire entendre 24 de leurs 57 témoins profanes potentiels, mais leur interdisant de faire entendre les 33 autres en raison de divers manquements aux ordonnances relatives aux témoignages anticipés (2005 CF 1476). L’appel formé par les appelantes à l’encontre de cette ordonnance a été rejeté (2006 CAF 228, demande d’autorisation de pourvoi rejetée, le 8 février 2007).

 

[9]               L’appel interlocutoire de 2006 réglé un certain nombre de questions. Ainsi, à cette occasion, la Cour a notamment conclu que les témoignages anticipés tenaient lieu d’interrogatoires préalables, « les parties s’étaient révélées incapables de mener d’une manière productive et résolue » (voir le paragraphe 9 des motifs du juge Evans, qui s’exprimait au nom de la Cour) et qu’il était loisible au juge Russel de ne pas autoriser l’assignation de certains témoins parce que les appelantes ne s’étaient pas conformées aux ordonnances de la Cour concernant la production de résumés de témoignages anticipés (voir le paragraphe 13 des motifs du juge Evans).

 

[10]           À l’audience, les avocats des appelantes ont soutenu que malgré la controverse que les témoignages anticipés, et ce qui constituerait un résumé acceptable suscitent depuis longtemps, elles ne savaient pas, lorsqu’elles ont préparé la troisième série de résumés de témoignages anticipés, qu’elles ne pourraient obtenir des témoins des éléments de preuve dont il n’était pas fait mention dans leur résumé de témoignage ayant été signifié aux autres parties. Notre examen du dossier révèle que les appelantes auraient dû savoir lorsque le nouveau procès a débuté qu’on pourrait leur refuser de faire entendre un témoin dont le témoignage n’aurait pas fait l’objet d’un résumé anticipé conforme, et exiger qu’elles s’en tiennent à obtenir des éléments de preuves divulgués dans les résumés de témoignage anticipés. Toutefois, si un doute subsistait dans leur esprit, elles ne se sont guère efforcées de clarifier la situation lorsqu’elles ont indiqué au juge Russell que, bien qu’elles jugeaient leurs résumés conformes à ses exigences, elles pourraient ne pas être en mesure de prouver le bien‑fondé de leur demande s’il leur était interdit d’obtenir d’un témoin un élément de preuve dont il n’était pas question dans son résumé de témoignage anticipé.

 

[11]           La façon dont les appelantes ont tergiversé, lorsqu’il leur a demandé si leurs résumés de témoignages anticipés répondaient aux exigences fixées par ordonnance, a amené le juge Russell à conclure que ceux-ci étaient nécessairement non conformes si les appelantes ne pouvaient adéquatement prouver le bien‑fondé de leur demande en s’appuyant sur leur contenu. Les appelantes contestent cette interprétation ainsi que le raisonnement adopté par le juge Russell. Cependant, après examen du dossier, nous concluons qu’il était raisonnablement loisible au juge Russell — qui a à plusieurs reprises exposé son point de vue dans ses motifs — d’ainsi interpréter la position des appelantes.

 

[12]           À notre avis, toutes les ordonnances et les directives que les appelantes contestent devant nous relevaient du pouvoir discrétionnaire du juge Russell qui s’acquittait de son obligation de contrôler le déroulement du processus judiciaire, ce qu’il était appelé à faire dans un contexte de plus en plus difficile vu l’apparente réticence des appelantes à accepter que le juge du procès puisse exclure une preuve pertinente parce qu’elle n’aurait pas été correctement divulguée pendant le processus de communication préalable ou, comme en l’espèce, dans des résumés de témoignages anticipés censés tenir lieu d’interrogatoires préalables. Le défaut de communiquer des renseignements exigés dans une ordonnance peut et mène parfois à l’exclusion d’éléments de preuve pertinents.

 

[13]           Enfin, sans souscrire à tout ce qu’il a dit dans ses volumineux motifs, rien sur le plan factuel ne nous permet de conclure, comme le soutiennent les appelantes, à l’existence d’une crainte raisonnable de partialité de la part du juge Russell. Au contraire, comme l’autre formation de notre Cour ayant tranché l’appel interlocutoire en 2006, nous sommes d’avis que dans les circonstances le juge Russell a avec justesse fait à la fois preuve de « patience, souplesse, fermeté, ingéniosité, outre un souci général d’équité envers toutes les parties » (paragraphe 22, le juge Evans).

 

[14]           Nous ne nous prononçons pas sur le fait que le juge Russell a indiqué qu’il demeurait saisi des questions concernant la possibilité que des poursuites soient intentées contre l’ancien avocat des appelantes pour outrage au tribunal ou qu’il fasse l’objet d’un recours disciplinaire professionnel. Aucun motif d’appel ne découle de ces propos à moins et jusqu’à ce que le juge Russell rende une ordonnance ou un jugement à cet égard.

[14]

[15]           La Couronne et d’autres intimés ont fait valoir que l’appel se fonde dans une large mesure sur des questions qui ont été tranchées en défaveur des appelantes dans des procédures antérieures, certains allant même jusqu’à dire que l’appel lui‑même est abusif. Bien que cet argument ne soit pas sans intérêt, tout bien considéré, nous avons conclu qu’après le rejet de l’action il était loisible aux appelantes d’en appeler de la décision du juge Russell de radier les résumés des témoignages des témoins. Certes, nous avons conclu que l’appel était sans fondement, mais cela ne veut pas dire qu’il constituait un abus de procédure.

 

[16]           Pour ce qui est de l’appel interjeté par les appelantes contre l’ordonnance relative aux dépens, nous ne sommes pas convaincus que le juge Russell a commis une erreur ou a omis d’exercer judiciairement son pouvoir discrétionnaire en accordant des dépens majorés comme il l’a fait. En particulier, compte tenu de la façon dont s’est déroulé le nouveau procès, nous ne voyons aucune erreur manifeste et dominante dans les conclusions du juge Russell portant que les appelantes auraient fait preuve d’inconduite.

 

[17]           L’appel sera rejeté avec dépens en faveur de la Couronne et chacun des autres intimés (les intervenants au procès), calculés selon le barème habituel (soit selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tarif B des Règles des Cours fédérales). Les présents motifs ainsi qu’une copie de ceux‑ci seront respectivement versés au dossier A-154-08 et au dossier A‑112-08.

 

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Chantal DesRochers, LL.B., D.E.S.S. en trad.

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-154-08 et A-112-08

 

(APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR FÉDÉRALE DATÉ DU 7 MARS 2008, N° DU DOSSIER DE LA COUR T-66-86)

 

INTITULÉ :                                                   SAWRIDGE BAND c. SA MAJESTÉ LA REINE et al.

                                                                        (A‑154-08)

 

                                                                        TSUU T’INA FIRST NATION c. SA MAJESTÉ LA REINE et al.

                                                                        (A-112-08)

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Les 20 et 21 avril 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE EN CHEF RICHARD, LE JUGE EVANS ET LA JUGE SHARLOW)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LA JUGE SHARLOW

 

COMPARUTIONS :

 

Edward H. Molstad, c.r.

Marco S. Poretti

David L. Sharko

 

POUR LES APPELANTES

 

Catherine M. Twinn

 

POUR LES APPELANTES

 

E. James Kindrake

Kevin Kimmis

Krista Epton

 

POUR L’INTIMÉE, SA MAJESTÉ LA REINE

Joseph E. Magnet

 

POUR L’INTIMÉ (LE CONGRÈS DES PEUPLES AUTOCHTONES)

 

Janet L. Hutchison

 

POUR L’INTIMÉ (LE CONGRÈS DES PEUPLES AUTOCHTONES)

 

Jon Faulds, c.r.

Derek A. Cranna

 

POUR L’INTIMÉ LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA))

 

Michael  J. Donaldson

 

POUR L’INTIMÉE (LA NON‑STATUS INDIAN ASSOCIATION OF ALBERTA)

 

Mary Eberts

 

POUR L’INTIMÉE (L’ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU Canada)

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Parlee McLaws LLP

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES APPELANTES

 

Avocat

Slave Lake (Alberta)

 

POUR LES APPELANTES

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉE, SA MAJESTÉ LA REINE

 

Joseph E. Magnet & Associates

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉ (LE CONGRÈS DES PEUPLES AUTOCHTONES)

 

Chamberlain Hutchison

Edmonton (Alberta)

 

POUR L’INTIMÉ (LE CONGRÈS DES PEUPLES AUTOCHTONES)

 

 

Field LLP

Edmonton (Alberta)

POUR L’INTIMÉ (LE CONSEIL NATIONAL DES AUTOCHTONES DU CANADA (ALBERTA))

 

 

Burnet, Duckworth & Palmer LLP

Calgary (Alberta)

POUR L’INTIMÉE (La Non-Status Indian Association of Alberta)

 

Law Office of Mary Eberts

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE (L’ASSOCIATION DES FEMMES AUTOCHTONES DU Canada)

 

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