Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20090318

Dossier : A-352-08

Référence : 2009 CAF 92

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

ROCHELLE L. MOSS

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 18 mars 2009.

Jugement rendu à l’audience à Winnipeg (Manitoba), le 18 mars 2009.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                              LE JUGE RYER

 


Date : 20090318

Dossier : A-352-08

Référence : 2009 CAF 92

 

CORAM :      LE JUGE EVANS

                        LE JUGE RYER

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

ROCHELLE L. MOSS

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Winnipeg (Manitoba), le 18 mars 2009.)

LE JUGE RYER

[1]               Il s’agit de l’appel d’une décision du 19 juin 2008 par laquelle le juge Campbell (le juge de première instance) de la Cour fédérale (2008 CF 768) a rejeté une action en dommages-intérêts intentée par Rochelle L. Moss (l’appelante) contre Sa Majesté la Reine (l’intimée). L’appelante soutient que la conduite du ministre du Revenu national (le ministre) relativement à la perception de l’impôt sur le revenu payable par elle, conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR), l’a empêchée d’organiser ses affaires d’une manière avantageuse sur le plan fiscal ce qui a donc entraîné une dette fiscale qu’elle n’aurait pas autrement contractée.

Le contexte

[2]               En janvier 1997, une obligation fiscale d’environ 302 000 $ a été établie à l’égard de l’appelante. Le 5 février 1997, le Ministre a obtenu une ordonnance (l’ordonnance de recouvrement préventif) lui permettant de prendre l’une ou l’autre des mesures de recouvrement prévues aux alinéas 225.1(1) a) à g) de la LIR concernant la cotisation établie à l’égard de la demanderesse avant la fin du processus d’appels. La validité de l’ordonnance de recouvrement préventif a été contestée sans succès par l’appelante.

 

[3]               En vertu de l’ordonnance de recouvrement préventif, le Ministre a émis des ordres de payer écrits conformément au paragraphe 224(1) de la LIR (les ordres de payer) à trois compagnies d’assurance, les sommant de payer au Ministre les sommes qu’elles devaient à l’appelante. Le Ministre a également ordonné à un shérif de saisir tous les biens de l’appelante détenus par ces compagnies en vertu de brefs de fieri facias.

 

[4]               Les compagnies d’assurance et l’appelante disposaient d’arrangements contractuels (les polices d’assurance) en vertu desquels des fonds étaient dus à celle-ci. Malgré tout, les compagnies ont refusé de verser les paiements au Ministre en vertu des ordres de payer et ont soutenu que les polices d’assurance étaient insaisissables. Après avoir consulté le Ministre, les compagnies d’assurance ont décidé qu’elles empêcheraient la demanderesse de retirer des fonds qu’elles lui devaient en vertu des polices d’assurance jusqu’à ce qu’il soit statué sur la question de l’insaisissabilité.

 

[5]               Dans sa déclaration, l’appelante soutient que le Ministre a fait bloquer ses polices d’assurance, l’empêchant ainsi de les réorganiser de manière à ce que la totalité du revenu généré par ces polices soit à l’abri de l’impôt. Par conséquent, elle affirme que les décisions du Ministre lui ont causé un préjudice du fait que des impôts lui ont été réclamés sur un revenu provenant de ces polices alors que ce revenu n’aurait pas dû être imposable.

 

[6]               L’appelante a contesté sans succès les cotisations d’impôt sur le revenu généré par les polices d’assurance devant la Cour de l’impôt du Canada (Moss c. Canada, 2005 CCI 139). Dans cette instance, l’appelante a soutenu que les cotisations liées au revenu généré par les polices d’assurance ayant été « établies par suite des mesures irrégulières prises par l’ADRC » (voir le paragraphe 5 des motifs de cette décision), il y aurait donc lieu de les annuler.

 

[7]               Le juge de la Cour de l’impôt a rejeté cet argument au motif que toute allégation de conduite inappropriée de la part du Ministre à l’égard des questions de recouvrement doit être présentée devant la Cour fédérale. En confirmant cette décision, la juge Sharlow a affirmé ce qui suit au paragraphe 5 de l’arrêt Moss c. Canada, 2006 CAF 150 :

Si des mesures de recouvrement illicites ou inappropriées sont utilisées et qu'il est prouvé qu'elles ont eu lieu, il est possible d'obtenir réparation en intentant une procédure auprès de la Cour fédérale […]

 

[8]               Par conséquent, l’appelante demande réparation dans la déclaration qu’elle a déposée devant la Cour fédérale.


La décision de la Cour fédérale

[9]               Le juge de première instance a rejeté la demande de l’appelante au motif qu’elle n’a pas démontré que son obligation fiscale découle d’une décision du Ministre. Les principales conclusions du juge de première instance sont résumées succinctement au paragraphe 7 de ses motifs, lequel se présente comme suit :

[…] Je suis donc d’avis que c’est la conduite de Mme Moss qui est à l’origine de l’ordonnance conservatoire qui fut rendue, que, comme je l’ai dit, le ministre n’a commis aucune faute en demandant l’ordonnance et que le ministre n’a commis aucune faute en saisissant les polices d’assurance.

 

[10]           Le juge de première instance a également conclu que les efforts déployés par le Ministre dans le but de saisir les polices d’assurance n’ont pas porté leurs fruits et que le Ministre n’a jamais eu le contrôle sur ces polices. Il a également conclu que les polices d’assurance ont été bloquées en raison de mesures entreprises par les compagnies d’assurance et non en raison d’une quelconque décision du Ministre.

 

Analyse

[11]           Les conclusions à l’appui de la décision du juge de première instance rejetant la demande de l’appelante sont des questions de fait et des inférences reposant sur les faits ou des questions mixtes de fait et de droit ne comprenant aucune question de droit facilement isolable. En appel, la Cour n’est pas habilitée à modifier de telles conclusions à moins qu’on ne réussisse à établir que le juge de première instance a commis une erreur manifeste et dominante en tirant ces conclusions (voir Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235).

 

[12]           À notre avis, l’appelante n’a pas démontré l’existence d’une telle erreur de la part du juge de première instance. Compte tenu de la preuve dont il disposait, il lui était loisible de tirer les conclusions susmentionnées. Reconnaissant le degré élevé de retenue dont doit faire preuve une cour d’appel à l’égard des conclusions de nature factuelle et des questions mixtes de fait et de droit qui ne contiennent pas de question de droit facilement isolable, nous ne sommes disposés à modifier aucune des conclusions du juge de première instance étayant sa décision de rejeter la demande de l’appelante.

 

[13]           L’appelante soutient que le juge de première instance a commis une erreur en n’examinant pas son allégation selon laquelle le Ministre a agi de mauvaise foi dans les décisions de recouvrement qu’il a prises. Cet argument est sans fondement puisque la déclaration de l’appelante ne contenait aucune allégation de mauvaise foi de la part du Ministre. À ce titre, la question de savoir si le Ministre a agi de mauvaise foi n’était pas une question dont était saisi le juge de première instance.

 

[14]           De plus, l’appelante affirme que le juge de première instance n’a pas examiné la question de savoir si le Ministre a agi de manière juste, équitable et raisonnable en lui réclamant des impôts sur le revenu additionnels. Cette prétention était visée par la conclusion du juge de première instance portant que les décisions du Ministre n’ont pas entraîné les cotisations additionnelles qui ont été établies à l’égard de l’appelante. Vu cette conclusion – que nous avons refusé d’annuler – il n’était pas nécessaire que le juge examine si les décisions du Ministre étaient justes, équitables et raisonnables.

 

[15]           Dans son mémoire, l’appelante demande à la Cour d’annuler les cotisations en vertu desquelles elle devait des impôts sur le revenu généré par les polices d’assurance. Cette demande ne peut être acceptée puisque la validité de ces mêmes cotisations a été maintenue par la Cour dans la décision de la juge Sharlow, dont il est fait mention au paragraphe 7 des présents motifs.

 

Décision

[16]           Pour les motifs qui précèdent, et malgré les efforts importants déployés par l’appelante en l’espèce, nous ne sommes pas persuadés que nous devrions modifier la décision du juge de première instance et, par conséquent, l’appel sera rejeté, avec dépens.

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Mélanie Lefebvre, trad. a., LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-352-08

 

(APPEL D’UN JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL DE LA COUR FÉDÉRALE (2008 CF 768) RENDU LE 19 JUIN 2008)

 

INTITULÉ :                                                                           ROCHELLE L. MOSS c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     WINNIPEG (MANITOBA)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 18 MARS 2009

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                       (LES JUGES EVANS, RYER et TRUDEL)

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :                               LE JUGE RYER

 

 

COMPARUTIONS :

 

Rochelle Moss

L’APPELANTE POUR SON PROPRE COMPTE

 

Julien Bédard

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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