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Date : 20081211

Dossier : A-80-08

Référence : 2008 CAF 396

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LA JUGE DESJARDINS                

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

HOSTELLING INTERNATIONAL CANADA – RÉGION DE L’EST DE L’ONTARIO

appelante

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 9 décembre 2008

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                             LE JUGE EN CHEF RICHARD

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                  LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                                 LE JUGE NOËL

 


Date : 20081211

Dossier : A-80-08

Référence : 2008 CAF 396

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LA JUGE DESJARDINS                

                        LE JUGE NOËL

 

ENTRE :

HOSTELLING INTERNATIONAL CANADA – RÉGION DE L’EST DE L’ONTARIO

appelante

et

MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EN CHEF RICHARD

[1]               La Cour est saisie d’un appel prévu par la loi interjeté en vertu des paragraphes 172(3) et 180(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e suppl.), ch. 1 (la Loi). Cet appel vise l’avis du ministre daté du 28 juillet 2006 de son intention de révoquer l’enregistrement d’œuvre de bienfaisance de l’appelante.

 

[2]               La décision du ministre a été prise en vertu des alinéas 149.1(2)a) et 168(1)a) de la Loi :

149.1 (2) Le ministre peut, de la façon prévue à l’article 168, révoquer l’enregistrement d’une œuvre de bienfaisance pour l’un ou l’autre des motifs énumérés au paragraphe 168(1), ou encore si l’œuvre :

 

a) soit exerce une activité commerciale qui n’est pas une activité commerciale complémentaire de cet organisme de bienfaisance; […]

149.1 (2) The Minister may, in the manner described in section 168, revoke the registration of a charitable organization for any reason described in subsection 168(1) or where the organization

 

 

(a) carries on a business that is not a related business of that charity; …

 

168. (1) Le ministre peut, par lettre recommandée, aviser un organisme de bienfaisance enregistré ou une association canadienne enregistrée de sport amateur de son intention de révoquer l’enregistrement lorsque l’organisme de bienfaisance enregistré ou l’association canadienne enregistrée de sport amateur, selon le cas  : […]

 

b) cesse de se conformer aux exigences de la présente loi relatives à son enregistrement comme telle; […]

168. (1) Where a registered charity or a registered Canadian amateur athletic association …

 

(b) ceases to comply with the requirements of this Act for its registration as such, …

 

the Minister may, by registered mail, give notice to the registered charity or registered Canadian amateur athletic association that the Minister proposes to revoke its registration.

 

 

[3]               L’appelante exploite une auberge située dans un immeuble qui logeait auparavant la prison du comté de Carleton, à Ottawa. Elle a obtenu le statut d’organisme de bienfaisance enregistré pour la première fois le 13 juin 1973 sous l’appellation « National Capital Hostelling Association ».  L’appelante s’est vue retirer son statut à deux reprises par le passé pour défaut de produire ses déclarations annuelles. Dans les deux cas, l’appelante a présenté une nouvelle demande d’enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance et l’ARC a fait droit à sa demande.

 

[4]               La mission de l’appelante est énoncée dans ses lettres patentes :

 

[TRADUCTION]

 

a.          Favoriser l’éducation de tous, mais tout particulièrement des jeunes, en leur donnant une connaissance, un amour et un respect plus profonds de la campagne, ainsi qu’une meilleure compréhension des cultures citadine et urbaine partout dans le monde et afin de réaliser cet objectif, fournir des auberges et autres formes d’hébergement dans lesquelles ne sera tolérée aucune discrimination de race, nationalité, couleur, religion, classe, opinion politique, sexe ou âge, permettant ainsi une meilleure entente entre les individus, dans leur propre pays ou à l’étranger.

 

b.         Favoriser le développement, l’exploitation et l’utilisation d’auberges à des fins récréatives, culturelles et éducatives, en vue d’accueillir les voyageurs en collaboration avec l’Ontario Hostelling Association – Association Ontarienne de l’Ajisme et la Canadian Hostelling Association – Association Canadienne de l’Ajisme.

 

c.                   Pour la réalisation des objets susmentionnés, accepter tous dons, donations et legs.

 

 

[5]               Après une vérification de l’appelante pour sa période fiscale se terminant le 31 mars 2001, l’intimé a exprimé des doutes quant au respect, par l’appelante, de certaines dispositions de la Loi. À la suite d’un échange de lettres entre l’appelante et l’intimé, le ministre a, le 28 juillet 2006, informé l’appelante de son intention de révoquer son enregistrement d’œuvre de bienfaisance

 

[6]               Après avoir pris connaissance des objections formulées par l’appelante, le ministre a confirmé son intention de révoquer l’enregistrement de l’appelante le 30 janvier 2008. Le ministre a conclu que l’appelante avait cessé de se conformer aux exigences énoncées au paragraphe 149.1(1) de la Loi relativement aux organismes de bienfaisance. Plus précisément, il a conclu que l’appelante n’avait pas consacré toutes ses ressources à des activités de bienfaisance étant donné que la fourniture d’hébergement dans le contexte d’auberges de jeunesse ne constituait pas, à son avis, une activité de bienfaisance. De plus, le ministre a estimé que l’appelante exploitait une entreprise commerciale qui ne répondait pas à la définition d’« activité commerciale complémentaire » au sens du paragraphe 149.1(1) de la Loi.

 

[7]               La conclusion du ministre que l’appelante ne remplissait plus les conditions requises pour avoir droit à l’enregistrement est une conclusion mixte de fait et de droit à laquelle s’applique la norme de contrôle de la décision raisonnable (Dunsmuir c. Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[8]               Les conditions qu’un organisme de bienfaisance doit remplir pour être enregistré en vertu de la Loi ont été précisées par le juge Iacobucci dans l’arrêt Vancouver Society of Immigrant and Visible Minority Women c. M.R.N., [1999] 1 R.C.S. 10, au paragraphe 159 :

(1) les fins poursuivies par l’organisme doivent être des fins de bienfaisance, et elles doivent définir le champ des activités menées par l’organisme;

 

(2)  la totalité des ressources de l’organisme doit être consacrée à ces activités, à moins que celui-ci soit visé par les exemptions expressément prévues au par. 149.1(6.1) ou (6.2).

 

 

[9]               La Cour suprême du Canada a jugé que, pour que les fins poursuivies par une organisation soient considérées comme étant des « fins de bienfaisance » en common law, elles doivent entrer dans l’une des quatre catégories énoncées par la Chambres des lords dans l’arrêt Commissioners for Special Purposes of the Income Tax c. Pemsel, [1891] A.C. 531 (voir, p. ex., l’arrêt A.Y.S.A. Amateur Youth Soccer Association c. Canada (Agence du revenu), 2007 CSC 42, au paragraphe 26; Vancouver Society, au paragraphe 144; Guaranty Trust Co. of Canada c. Minister of National Revenue, [1967] R.C.S. 133), à savoir : le soulagement de la pauvreté, la promotion de l’éducation, la promotion de la religion et les autres fins utiles à la société. Toutes les activités de l’organisation doivent être menées en vue de réaliser ses fins de bienfaisance pour qu’elles puissent être considérées comme des activités de bienfaisance au sens de la loi (Vancouver Society, au paragraphe 152).  

 

[10]           L’appelante soutient que le fait de faciliter le voyage en offrant aux voyageurs la possibilité de se loger à bas prix constitue une activité qui favorise la promotion de l’éducation. Dans l’arrêt Vancouver Society, le juge Iacobucci analyse la portée de cette catégorie établie dans l’arrêt Pemsel. Voici ce qu’il écrit au paragraphe 171 :

J’estime que le critère minimal qui doit être respecté pour qu’une activité puisse être qualifiée d’éducative est la présence d’efforts légitimes et ciblés d’éducation d’autrui, soit par un enseignement traditionnel ou non, soit par des activités de formation ou encore par des programmes d’autoformation ou d’autres types de mesures.  Le simple fait de donner aux gens la possibilité de s’instruire, par exemple en mettant à leur disposition de la documentation utile à cette fin mais non indispensable, ne suffit pas. 

 

 

[11]           Le dossier qui nous a été soumis confirme la conclusion du ministre suivant laquelle l’appelante n’exerce pas ses activités dans le but de promouvoir l’éducation ou de favoriser l’une ou l’autre des fins de bienfaisance reconnues. Le simple fait de donner à des gens la possibilité de s’instruire en mettant à leur disposition des moyens d’hébergement touristiques est insuffisant pour qu’on puisse considérer cette activité comme une activité de bienfaisance au sens de la Loi. En conséquence, nous estimons que la décision du ministre de révoquer l’enregistrement de l’appelante était raisonnable.

 

[12]           L’appelante affirme que la procédure que le ministre aurait dû suivre était d’annuler son enregistrement comme organisme de bienfaisance conformément au paragraphe 149.1(23) au lieu de le révoquer. Or, il ressort du dossier que le ministre était disposé à agir de la sorte, avec le consentement de l’appelante, mais que cette dernière ne lui a pas donné ce consentement.

 

[13]           Le paragraphe 149.1(23) de la Loi prévoit que l’annulation est une procédure discrétionnaire que le ministre peut suivre lorsque l’enregistrement a été accordé par erreur ou lorsque l’intéressé a cessé d’être un organisme de bienfaisance par le seul effet d’une modification des règles de droit.

 

[14]           Le ministre n’a pas agi en se fondant sur le fait que l’organisme avait été enregistré par erreur, mais en se fondant sur le fait que l’organisme avait cessé de se conformer aux exigences du paragraphe 149.1(1) de la Loi, étant donné qu’il ne consacrait pas toutes ses ressources à des activités de bienfaisance.

 

[15]           L’appel sera par conséquent rejeté et les dépens seront adjugés à l’intimé.

 

 

 « J. Richard »

Juge en chef

 

 

« Je suis d’accord. 

Alice Desjardins, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Marc Noël, j.c.a. »

 

 

Traduction  certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B. 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-80-08

 

INTITULÉ :                                                                           HOSTELLING INTERNATIONAL CANADA – RÉGION DE L’EST DE L’ONTARIO c. MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 9 décembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE EN CHEF RICHARD

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                LE JUGE NOËL

MOTIFS CONCORDANTS :                                             

MOTIFS DISSIDENTS :                                                     

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 11 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Arthur B. C Drache, c.r.

Paul K. Lepsoe

Adam Aptowitzer

 

POUR L’APPELANTE

Justine Malone

Catherine Letellier de St-Just

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McFarlane Lepsoe – Ottawa (Ontario)

Drache s.r.l. – Ottawa (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

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