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Date : 20081211

Dossier : A-564-07

Référence : 2008 CAF 393

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

MARIO BOILY

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 1er octobre 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 11 décembre 2008.

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                            LE JUGE NADON

Y ONT SOUSCRIT :                                                                          LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                                  LE JUGE PELLETIER

 

 


Date : 20081211

Dossier : A-564-07

Référence : 2008 CAF 393

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NADON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

MARIO BOILY

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NADON

[1]               Il s’agit d’un appel d’une décision du juge Bédard de la Cour canadienne de l’impôt, 2007CCI603, en date du 21 janvier 2008, confirmant la cotisation du ministre du Revenu national (le « ministre ») selon laquelle l’appelant devait ajouter à son revenu la somme de 34 500 $ pour l’année d’imposition 1999 à titre de revenu provenant d’un régime enregistré d’épargne-retraite (« REER »), conformément aux alinéas 146(10) a) et c) de la Loi sur l’impôt du revenu (la « Loi »).

 

[2]               Le litige devant la Cour canadienne de l’impôt résulte de l’acquisition par la compagnie de Fiducie MRS (« Fiducie MRS »), la compagnie fiduciaire du REER de l’appelant, de 34,500 actions de catégorie « B » (les « actions ») de la compagnie les Immeuble R.V. 1986 (« Immeubles R.V. »). Le juge devait déterminer si cette acquisition rencontrait les critères de placement admissible au sens du paragraphe 146(1) de la Loi et des articles 4900 et 5100 du Règlement s’y afférant.

 

[3]               Le juge a décidé que Fiducie MRS avait acquis un placement non-admissible du fait qu’Immeubles R.V. n’exploitait aucune entreprise et ne détenait aucune participation dans une société exploitant une entreprise, ni aucun type de créance émis par une telle société. Par conséquent, le juge concluait que l’appelant devait ajouter à son revenu pour l’année d’imposition en litige la somme de 34 500 $, conformément aux alinéas 146(10)a) et c) de la Loi.

 

[4]               Malgré cette conclusion qui devait sceller l’issu du litige, le juge soulevait d’office, lors de l’audience, une deuxième question, à savoir si Fiducie MRS avait acquis les actions d’Immeubles R.V. au cours de l’année d’imposition 1998 ou de l’année d’imposition 1999. Dans l’éventualité où la réponse à cette question était l’année 1998, le juge se disait d’avis qu’il devait nécessairement accueillir l’appel, puisque le ministre n’avait pas cotisé l’appelant relativement à l’année d’imposition 1998 dans les délais prévus par la Loi.

 

[5]               Après un examen des pièces pertinentes déposées au dossier, le juge concluait que Fiducie MRS avait acquis les actions d’Immeubles R.V. en 1999. Selon le juge, la preuve soutenait la thèse de l’intimée selon laquelle l’encaissement, en janvier 1999, par Immeubles R.V. d’un chèque de

34 500$ émis par Fiducie MRS, constituait la seule preuve au dossier démontrant que Fiducie MRS avait été informée de l’émission des actions et qu’Immeubles R.V. avait accepté son offre de les acquérir. Plus particulièrement, le juge concluait comme suit :

(i)            le souscripteur des actions était Fiducie MRS puisque le certificat d’actions attestait qu’elle détenait les actions d’Immeubles R.V. et que l’appelant lui avait demandé dès le 1er décembre 1998 de procéder à l’acquisition des actions;

(ii)            l’émission du certificat d’actions en date du 1er décembre 1998 l’amenait à conclure, faute d’une meilleure preuve, que l’offre d’achat des actions de la part de Fiducie MRS avait été acceptée par Immeubles R.V. le 1er décembre 1998;

(iii)            Fiducie MRS n’avait été avisée de l’acceptation de sa souscription par Immeubles R.V. qu’en janvier 1999 lorsqu’elle encaissait son chèque au montant de 34 500 $ émis le 25 janvier 1999.

 

[6]               Au paragraphe 23 de ses motifs, le juge expliquait son raisonnement comme suit :

[23]   La première question qu’il faut se poser dans la présente affaire est la suivante : qui était le souscripteur ou, autrement dit, qui a fait l’offre d’acheter les actions de RV? La lettre du 1er décembre 1998 (pièce I‑1, onglet 1) et l’émission du certificat d’actions (pièce A-3) attestant que Fiducie MRS détenait, au 1er décembre 1998, 34 500 actions de catégorie « B » de RV me laisse croire, faute de preuve plus probante, que le souscripteur était Fiducie MRS. L'émission des certificats d'actions me laisse croire aussi, faute de preuve plus probante, que l'offre d'achat d'actions de Fiducie MRS avait été acceptée par RV le 1er décembre 1998. Toutefois, l’avocate de l’intimée a soutenu que Fiducie MRS n’était pas devenue pour autant propriétaire des actions en 1998 puisque rien dans la preuve soumise ne démontrait que Fiducie MRS avait été avisée en 1998 d’une telle émission. L’avocate de l’intimée a soutenu qu’un souscripteur ne pouvait devenir propriétaire d’actions même si son offre avait été acceptée par la compagnie tant et aussi longtemps qu’il n’avait pas été avisé qu’il y avait eu émission et qu’ainsi son offre d’achat avait été acceptée. L’avocate de l’intimée a soutenu que la seule preuve soumise qui démontrait que Fiducie MRS avait été avisée qu’il y avait eu émission des 34 500 actions de catégorie « B » de RV et qu’ainsi RV avait accepté son offre d’achat d’action était l’encaissement en 1999 par RV du prix des actions souscrites par Fiducie MRS. Conséquemment, je conclus que Fiducie MRS a acquis, en 1999, un placement non admissible, en l'espèce 34 500 actions de catégorie « B » de RV dont la JVM au moment de l'acquisition était de 34 500 $ et qu'ainsi l'appelant devait ajouter à son revenu, pour l'année d'imposition 1999, la somme de 34 500 $, et ce, conformément aux alinéas a) et c) du paragraphe 146(10) de la Loi.

 

 

[7]               Par conséquent, le juge confirmait la cotisation du ministre pour l’année d’imposition 1999 de l’appelant.

 

[8]               L’appel ne soulève qu’une seule question, à savoir si le juge a erré en concluant que Fiducie MRS avait acquis les actions d’Immeubles R.V. durant le cours de l’année d’imposition 1999.

 

[9]               Quelques remarques préliminaires s’imposent. La première est que le dossier devant la Cour canadienne de l’impôt a procédé selon la procédure informelle. Par conséquent, le juge n’était pas lié par les règles de preuve lors de l’audition. En effet, l’article 18.15(4) de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2,  prévoit ce qui suit :

18.15(4)  Par dérogation à la loi habilitante, la Cour n’est pas liée par les règles de preuve lors de l’audition d’un appel interjeté en vertu de cette loi et visé à l’article 18; ces appels sont entendus d’une manière informelle et le plus rapidement possible, dans la mesure où les circonstances et l’équité le permettent.

 

18.15(4)  Notwithstanding the provisions of the Act out of which an appeal arises, the Court, in hearing an appeal referred to in section 18, is not bound by any legal or technical rules of evidence in conducting a hearing for the purposes of that Act, and all appeal referred to in section 18 shall be dealt with by the Court as informally and expeditiously as the circumstances and considerations of fairness permit.

 

 

[10]           Ma deuxième remarque est qu’après le dépôt des mémoires respectifs, les parties ont tour à tour demandé à cette Cour d’autoriser le dépôt d’une nouvelle preuve. Le 9 juin 2008, le juge Noël autorisait le dépôt d’une nouvelle preuve de la part de l’intimée et, le 28 août 2008, le juge Létourneau autorisait le dépôt d’une nouvelle preuve de la part de l’appelant. Par conséquent, l’appel sera donc décidé non seulement à la lumière des pièces qui étaient devant le juge Bédard, mais aussi à la lumière de la nouvelle preuve.

 

[11]           Comme troisième remarque, je désire souligner que ni l’avis d’appel, ni les avis modifiés déposés par l’appelant devant la Cour canadienne de l’impôt à l’encontre de la cotisation du ministre et ni la réponse du ministre à l’avis d’appel modifié ne soulèvent la question faisant l’objet du débat devant nous. Ceci explique, à mon avis, pourquoi seul M. Michel Leduc, enquêteur de l’Agence des douanes et du revenu du Canada, a témoigné lors du procès. En effet, les parties n’ayant pas soulevé la question concernant l’année d’acquisition des actions d’Immeubles R.V., n’ont pas offert de preuve testimoniale afin de soutenir leurs prétentions respectives concernant l’année d’acquisition des actions d’Immeubles R.V. Par conséquent, non seulement l’appelant n’a-t-il pas témoigné, mais aucun représentant de Fiducie MRS, d’Immeubles R.V. ou de la société Peak Investment Services Inc. (« Peak Investment »), la maison de courtage représentant l’appelant auprès de Fiducie MRS, n’a témoigné. Comme conséquence de ce qui précède, le juge n’a pas eu le bénéfice d’une preuve testimoniale relativement aux documents qui ont été déposés lors de l’audience. Il va de soi que la même constatation s’applique quant aux documents qui ont été introduits devant nous par la nouvelle preuve.

 

[12]           Un bref résumé des faits sera utile non seulement pour une bonne compréhension de la question devant nous, mais aussi pour bien situer les conclusions de faits qui ont amené le juge à décider que Fiducie MRS avait acquis les actions durant le cours de l’année d’imposition 1999.

 

[13]           Je débute mon résumé des faits en notant que parmi les documents dont le juge Létourneau autorisait le dépôt par son ordonnance du 28 août 2008 se trouve une lettre datée le 6 décembre 2007 de M. Jean-Marie Ouellet de Peak Investment adressée à M. Yvan Tremblay, le comptable de l’appelant. Tel qu’il appert de cette lettre, elle avait pour but d’informer l’appelant de la procédure suivie « dans les dossiers MRS concernant les sociétés privées ». Même si la lettre de M. Ouellet est en date du 6 décembre 2007, je suis satisfait, à la lumière de la preuve devant nous, que la procédure suivie par l’appelant en 1998 est celle expliquée dans la lettre de M. Ouellet. Par conséquent, je reproduis cette lettre dans son entièreté :

 

SOUS TOUTES RÉSERVES

 

Tel que discuté au téléphone, je vous informe de la procédure employée dans les dossiers MRS concernant les sociétés privées.

 

Sur réception des documents à mon bureau, nous vérifions si tous les documents exigés par MRS sont complétés. Ces documents sont ensuite expédiés chez MRS qui les vérifient à leur département du contentieux afin de s’assurer que les entreprises sont éligibles.

 

Les documents exigés sont :

§                     L’ouverture de compte MRS (Demande d’adhésion à un régime enregistré)

§                     Le formulaire « Admissibilité des actions de sociétés fermées »

§                     La lettre d’indemnité pour les placements de biens d’une petite entreprise dans un REER autogéré

§                     Une lettre signée par le comptable de la société faisant l’objet de la demande

§                     Une lettre signée par un officier confirmant que la société répond aux normes gouvernementales

§                     Le certificat d’actions de la société dans laquelle le client désire investir.

 

Suite à l’étude de ces documents et si le tout est conforme, la demande du client est respectée.

 

Vous comprendrez qu’un certain temps est nécessaire à l’étude de chaque dossier et explique certains retards entre la réception des documents et l’émission du chèque (SWAP).

 

[Je souligne]

 

 

[14]           Le 25 octobre 1998, l’appelant signait une demande d’adhésion à un REER et transférait le REER qu’il détenait auprès de la Banque royale du Canada, soit une somme de 34 500$, dans un compte REER autogéré auprès de Fiducie MRS. Il appert clairement de cette demande que l’appelant a nommé M. Jean-Marie Ouellet de Peak Investment pour agir comme son mandataire auprès de Fiducie MRS. Sous la rubrique « Accord de compte », l’on retrouve les clauses No 11(b) et 11(c), qui se lisent comme suit :

11. Accord de compte

En considération de l’acceptation de ce compte par La Compagnie de Fiducie, M.R.S. (le Fiduciaire) et Multiple Retirement Services Inc. (MRS), je comprends :

[…]

b)  Que pour sa propre protection, sans aucune obligation de leur part, le Fiduciaire et/ou MRS ont le droit de refuser toute instruction ou de vendre tout titre dans mon compte,

c)  Que les ordres que je place sont valables jusqu’à la fin de la journée, sauf indication contraire, je suis responsable de tout ordre placé, quelle que soit la date à laquelle l’avis d’exécution de l’opération me parvient,

[…]

 

[15]           Le 1er décembre 1998, l’appelant faisait parvenir à M. Ouellet une lettre adressée à Fiducie MRS lui donnant instruction d’acheter immédiatement 34,500 actions d’Immeubles R.V. et d’émettre un chèque au montant de 34 500 $ payable à l’ordre de cette dernière. Avec sa lettre, l’appelant faisait parvenir à M. Ouellet les documents suivants :

(a)                une lettre, en date du 1er décembre 1998, signée par l’appelant, exonérant Fiducie MRS relativement à la non-admissibilité de tout placement effectué dans une petite entreprise et une entreprise en croissance;

(b)               une lettre d’indemnité, signée par l’appelant le 1er décembre 1998, dégageant Fiducie MRS de toute responsabilité résultant de l’achat des actions d’Immeubles R.V.;

(c)                une lettre d’attestation de Mme Lucie Lauzon, comptable agréée, en date du 1er décembre 1998, attestant que les actions d’Immeubles R.V. constituent un « placement admissible » aux fins des dispositions pertinentes de la Loi, à laquelle était annexé un questionnaire intitulé « Admissibilité des actions de sociétés fermées dans les comptes enregistrés MRS » dûment rempli par Mme Lauzon;

(d)               une lettre de Lucie Lauzon, comptable agréée, en date du 1er décembre 1998, indiquant qu’à son avis, les actions d’Immeubles R.V. constituent un « placement admissible », conformément au paragraphe 4900(12) du Règlement, que suite à l’acquisition des actions d’Immeubles R.V., l’appelant n’est pas un actionnaire déterminé, qu’après l’acquisition des actions d’Immeubles R.V. par le REER de l’appelant, l’actif total d’Immeubles R.V. ne dépassera pas $10 millions et, finalement, la juste valeur marchande des actions d’Immeubles R.V. au moment du dépôt des actions, soit le 1er décembre 1998, est de 1,00 $ l’unité.

(e)                une offre d’achat d’actions entre Immeubles R.V. et l’appelant, en date du 1er décembre 1998, signée par l’appelant;

(f)                 un contrat de vente d’actions entre les mêmes parties, en date du 1er décembre 1998, signé par l’appelant;

(g)                un certificat émis par Immeubles R.V. en date du 1er décembre 1998, attestant que l’appelant était l’actionnaire de 34,500 actions d’Immeubles R.V.;

(h)                un certificat d’actions daté le 1er décembre 1998 émis par Immeubles R.V., attestant que la « compagnie de Fiducie MRS Inc., fiduciaire pour Mario Boily, REER No 6043927, détient 34,500 actions de catégorie « B » d’Immeubles R.V. »;

(i)                  un document intitulé « Délivrance » attestant la réception par l’appelant du certificat d’actions; et

(j)                 questionnaire de Fiducie MRS complété par la comptable Lucie Lauzon, daté le 1er décembre 1998, concernant l’admissibilité « des actions de société fermée dans les comptes enregistrés MRS ».

 

[16]           Il appert de la nouvelle preuve que les documents (b), (c), (d) et (j) ci-haut ont été reçus par Peak Investment le 9 décembre 1998. Il appert aussi de cette preuve que ces documents ont été acheminés par Peak Investment à Fiducie MRS qui les a reçus le 17 décembre 1998. Quant aux autres documents mentionnés ci-haut, il n’existe aucune preuve directe quant à leur réception par Peak Investment et Fiducie MRS. Nonobstant cette carence dans la preuve, il est probable que tous ces documents, incluant le certificat d’actions auquel je reviendrai plus tard, ont été reçus par Peak Investment et Fiducie MRS aux dates mentionnées ci-haut.

 

[17]           Le 22 décembre 1998, Mme Lisette Lalancette, présidente d’Immeubles R.V., signait une lettre adressée à Fiducie MRS, attestant qu’elle occupait ce poste depuis deux ans et que sa participation dans Immeubles R.V. en était une de 6% des actions. Elle attestait de plus qu’elle n’avait aucun lien de parenté ou d’affaires avec les personnes investissant une partie de leurs REER dans les actions de sa compagnie.

 

[18]           Le 30 décembre 1998, Fiducie MRS faisait parvenir au courtier Peak Investment un document (faisant partie de la nouvelle preuve) intitulé « Avis unique » requérant une lettre de direction de l’appelant l’autorisant à procéder à l’achat des actions d’Immeubles R.V. Suite à l’envoi de ce document par Fiducie MRS, l’appelant signait en date du 19 janvier 1999 une deuxième lettre autorisant Fiducie MRS à faire parvenir un chèque au montant de 34 500 $ à Immeubles R.V. « en échange d’un certificat d’actions de la compagnie pour 34,500 actions de catégorie « B » »

 

[19]           Le 25 janvier 1999, Fiducie MRS émettait un chèque à l’ordre d’Immeubles R.V. au montant de 34 500 $, chèque qu’encaissait Immeubles R.V. dans les jours suivants.

 

Analyse

[20]           Il ne peut faire de doute que l’appelant, dès le 1er décembre 1998, avait la ferme intention de voir son REER acquérir les actions d’Immeubles R.V. De fait, il a fait une offre d’acquisition des actions qu’Immeubles R.V. a acceptée le 1er décembre 1998. Par ailleurs, puisque la somme de 34 500 $ qu’il avait l’intention d’utiliser pour acquérir ces actions se trouvait dans un REER autogéré auprès de Fiducie MRS, le consentement du fiduciaire à l’acquisition était nécessaire. En outre, tel que le prévoit la clause 11(b) de la Demande d’adhésion à un régime enregistré d’épargne-retraite signée par l’appelant le 25 octobre 1998, le fiduciaire avait le droit « de refuser toute instruction ou de vendre tout titre » dans le compte de l’appelant.

 

[21]           En effet, Fiducie MRS, en sa qualité de fiduciaire du REER de l’appelant, devait s’assurer, avant d’acquérir les actions d’Immeubles R.V., que celles-ci constituaient un placement admissible par une fiducie. C’est pourquoi Fiducie MRS a exigé de l’appelant qu’il produise, avant de donner effet à sa directive d’acquérir les actions, un certain nombre de documents, dont la lettre d’indemnité, la lettre signée par Mme Lalancette confirmant qu’Immeubles R.V. répondait aux normes gouvernementales et la lettre de la comptable Lucie Lauzon selon laquelle les actions d’Immeubles R.V. constituaient un placement admissible aux fins de la Loi.

 

[22]           Ses exigences documentaires ayant été satisfaites à la fin de décembre 1998, Fiducie MRS faisait parvenir à Peak Investment le document intitulé « Avis unique », demandant à l’appelant de fournir une lettre de direction afin qu’elle puisse « traiter l’opération de ce dossier », soit l’achat des actions d’Immeubles R.V.

 

[23]           Cette demande d’une nouvelle directive de la part de l’appelant s’explique, à mon avis, en raison de la clause 11(c) de la Demande d’adhésion à un régime enregistré d’épargne-retraite qui prévoit ce qui suit : « que les ordres que je place sont valables jusqu’à la fin de la journée […] ».Par conséquent, la directive d’acheter les actions d’Immeubles R.V. donnée par l’appelant dans sa lettre du 1er décembre 1998, n’avait plus d’effet. Une nouvelle directive était donc requise pour permettre à Fiducie MRS de procéder à l’acquisition des actions d’Immeubles R.V.

 

[24]           La nouvelle directive a été donnée par l’appelant à Fiducie MRS par lettre en date du 19 janvier 1999 et, tel que mentionné ci-haut, Fiducie MRS a émis un chèque au montant de 34 500 $ à l’ordre d’Immeubles R.V. le 25 janvier 1999 (vu la clause 11c) de la Demande d’adhésion à un REER, la lettre de l’appelant a vraisemblablement été reçue par Fiducie MRS le 25 janvier 1999).

 

[25]           Même si je ne partage pas entièrement le raisonnement du juge Bédard, je ne puis conclure, à la lumière de toute la preuve, qu’il a erré en concluant que l’acquisition des actions d’Immeubles R.V. par Fiducie MRS avait eu lieu durant le cours de l’année d’imposition 1999. Je m’explique.

 

[26]           Le juge Bédard a conclu que Fiducie MRS était le souscripteur des actions d’Immeubles R.V. Il a ainsi conclu parce que le certificat d’actions émis le 1er décembre 1998 attestait que Fiducie MRS détenait, au 1er décembre 1998, 34,500 actions. À mon avis, la preuve au dossier ne permettait pas au juge d’en arriver à cette conclusion.

 

[27]           En effet, la preuve révèle qu’en date du 1er décembre 1998, l’appelant avait fait une offre d’acheter 34,500 actions d’Immeubles R.V. et que son offre a été acceptée par Immeubles R.V., le tout tel qu’il appert d’un contrat de vente d’actions en date du 1er décembre 1998 en vertu duquel Immeubles R.V. acceptait de vendre lesdites actions à l’appelant.

 

[28]           Par conséquent, il ne peut faire de doute, à mon avis, que le souscripteur des actions, en date du 1er décembre 1998, était l’appelant lui-même. Ceci explique pourquoi le 1er décembre 1998, Immeubles R.V. remettait à l’appelant un certificat pour 34,500 actions.

 

[29]           La deuxième conclusion à laquelle le juge en arrive est que l’offre d’achat des actions de Fiducie MRS avait été acceptée par Immeubles R.V. le 1er décembre 1998. À nouveau, je suis d’avis que la preuve ne soutient pas cette conclusion du juge. La seule offre d’achat d’actions reçue par Immeubles R.V. le 1er décembre 1998 est celle faite par l’appelant. Donc, en date du 1er décembre 1998, Fiducie MRS n’avait fait aucune offre d’achat d’actions à Immeubles R.V.

 

[30]           La seule inférence qui puisse être tirée de ce qui précède est que le souscripteur des actions, soit l’appelant, a demandé à Immeubles R.V. de répartir les actions en faveur de Fiducie MRS. À la page 262 de son Précis de droit sur les compagnies au Québec, Montréal, Wilson & Lafleur, Martel ltée, 2000, l’auteur Paul Martel énonce ce qui suit :

Définition : émission et répartition – Par émission (« issue »), on entend que des actions sont prises dans le capital-actions autorisé pour être remises à quelqu’un. Ces actions deviennent dès lors du capital émis, puis du capital versé ou payé lorsqu’elles sont libérées.

 

Par répartition (« allotment »), on veut dire que les actions émises sont assignées, accordées à des personnes. Ces personnes ne sont pas nécessairement les souscripteurs eux-mêmes, car une personne peut souscrire à des actions et demander que ces actions soient réparties à une autre ou plusieurs autres personnes. Par la répartition, les actions sont attribuées aux personnes pour qui la souscription est faite.

 

 

[31]           Il est manifeste, à la lecture du dossier, que ce n’est que vers le 30 décembre 1998 que l’étude des documents requis par Fiducie MRS a été complétée. Par conséquent, Fiducie MRS étant satisfaite qu’elle pouvait procéder à l’achat des actions d’Immeubles R.V., faisait parvenir l’Avis unique à l’appelant lui demandant des instructions. Suite à la réception de la lettre de l’appelant en date du 19 janvier 1999, Fiducie MRS a donné son assentiment à ses instructions en faisant parvenir un chèque de 34 500 $ à Immeubles R.V.

 

[32]           Selon la dernière conclusion de faits tirée par le juge, Fiducie MRS aurait été avisée de l’acceptation de sa souscription par Immeubles R.V. que lorsque cette dernière avait encaissé son chèque émis le 25 janvier 1999. En concluant ainsi, le juge semble avoir pris pour acquis que le certificat n’avait pas été reçu par Fiducie MRS durant le cours de l’année d’imposition 1998. La lettre du 19janvier 1999 de l’appelant à Fiducie MRS semble suggérer que le certificat d’actions ne serait remis à Fiducie MRS que lorsque le paiement des actions d’Immeubles R.V. aurait été effectué. La lettre se lit comme suit :

Je vous demande sur réception de cette lettre, d’envoyer un chèque à la compagnie Les Immeubles R.V. (1986 inc.) au montant de 34 500.00 $ à l’adresse suivante : 1174 Boul. Sacré-Cœur, St. Félicien G8B 2R2. Ceci en échange de certificats d’actions de la compagnie pour 34 500.00 $ d’actions de catégorie B.

 

 

[33]           Par ailleurs, au paragraphe 16 de mes motifs, je conclus que le certificat d’actions a probablement été reçu par Fiducie MRS le 17 décembre 1998. Cette conclusion résulte de mon appréciation des documents déposés comme nouvelle preuve, même si cette preuve est loin d’être satisfaisante. À mon avis, que le certificat d’actions ait été reçu par Fiducie MRS avant la fin de l’année d’imposition 1998 ou en janvier 1999 ne change rien au résultat de l’appel, puisqu’il ne peut faire de doute, eu égard à l’ensemble de la preuve, qu’il est impossible de conclure que Fiducie MRS a acquis les actions d’Immeubles R.V. en 1998. En effet, la première et seule communication entre Fiducie MRS et Immeubles R.V. a eu lieu lorsque Fiducie MRS a fait parvenir son chèque daté le 25 janvier 1999. Par conséquent, malgré l’existence d’un certificat attestant qu’elle était propriétaire de 34,500 actions d’Immeubles R.V., ce n’est que le 25 janvier 1999 que Fiducie MRS a acquis ces actions.

 

[34]           En outre, l’appelant, qui n’a jamais soulevé la question de l’année d’imposition à l’encontre de la cotisation du ministre, avait le fardeau de convaincre le juge Bédard et cette Cour que Fiducie MRS avait acquis les actions d’Immeubles R.V. durant le cours de l’année d’imposition 1998. L’appelant n’a su convaincre le juge et il ne m’a pas convaincu.

 

Disposition

[35]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« M. Nadon »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Gilles Létourneau j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-564-07

 

INTITULÉ :                                                                           MARIO BOILY c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Québec, Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 1er octobre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE NADON

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE PELLETIER

 

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 11 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Yvan Tremblay

POUR L’APPELANT

 

Me Janie Payette

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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