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Date : 20081204

Dossier : A-511-08

Référence : 2008 CAF 382

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

 

En présence de madame la juge Sharlow

 

ENTRE

CANADA TRUSTCO MORTGAGE COMPANY

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Jugée sur dossier sans comparution personnelle des parties.

 

Ordonnance prononcée à Ottawa (Ontario), le 4 décembre 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE PAR :  LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20081204

Dossier : A-511-08

Référence : 2008 CAF 382

 

En présence de madame la juge Sharlow

 

ENTRE

CANADA TRUSTCO MORTGAGE COMPANY

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

La Juge Sharlow

[1]               L’appelante, Canada Trustco Mortgage Company, sollicite une ordonnance confirmant que son avis d’appel a été déposé à temps ou, subsidiairement, une ordonnance permettant de déposer l’avis d’appel en retard. La Couronne s’oppose à la requête et souligne que, si la requête est rejetée, l’appel doit être rejeté également pour absence de compétence.

 

[2]               Il s’agit d’un appel d’un jugement par lequel la Cour canadienne de l’impôt a rejeté l’appel interjeté par l’appelante, Canada Trustco, pour deux cotisations établies en vertu du paragraphe 224(4) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). L’appel a été entendu en vertu des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (Procédure générale), DORS/90-588. Le jugement a été signé le 29 août 2008.

 

[3]               Un jugement final de la Cour canadienne de l’impôt dans un appel effectué en vertu des Règles de procédure générale est susceptible d’appel devant la Cour en vertu de l’alinéa 27(1.1)(a) de la Loi sur les Cours fédérales, R.S.C. 1985, ch. F-7. L’alinéa 27(2)(b) de la Loi sur la Cour fédérale établit le mode d’appel et le délai pour interjeter un appel d’un jugement final. Il se lit comme suit :

 

27. (2) L’appel interjeté dans le cadre du présent article est formé par le dépôt d’un avis au greffe de la Cour d’appel fédérale, dans le délai imparti à compter du prononcé du jugement en cause ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour d’appel fédérale peut, soit avant soit après l’expiration de celui-ci, accorder. Le délai imparti est de :

[…]

b) trente jours, compte non tenu de juillet et août, dans le cas des autres jugements.

27. (2) An appeal under this section shall be brought by filing a notice of appeal in the Registry of the Federal Court of Appeal

[…]

(b) in any other case, within 30 days, not including any days in July and August, after the pronouncement of the judgment or determination appealed from or within any further time that a judge of the Federal Court of Appeal may fix or allow before or after the end of those 30 days.

 

 

[4]               La Loi sur les Cours fédérales ne définit pas le mot « prononcé ». Normalement, dans le cas d’un jugement rendu par écrit par un juge d’une cour supérieure d’archives, un jugement serait considéré comme « prononcé » lorsqu’il a été signé et consigné par le greffe. Cette dernière étape est souvent appelée la « saisie » du jugement dans le dossier de la cour. À mon avis, il s’agit de la signification que l’on doit adopter dans le cas d’un jugement de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[5]               L’article 167 des Règles de procédure générale est conforme à cette interprétation. Il se lit comme suit :

 

167. (1) Dans le cas d’un appel, d’une requête interlocutoire ou de toute autre demande ayant pour objet de statuer au fond, en tout ou en partie, sur un droit en litige entre les parties, la Cour rend un jugement et, dans le cas de toute autre demande ou toute requête interlocutoire, elle rend une ordonnance.

(2) Le jugement est daté du jour de la signature, qui constitue la date du prononcé du jugement.

(3) Le jugement et les motifs qui le fondent, le cas échéant, doivent être déposés au greffe à Ottawa; après le dépôt et l’inscription du jugement, les dispositions de l’article 17.4 de la Loi seront appliquées.

167. (1) The Court shall dispose of an appeal or an interlocutory or other application that determines in whole or in part any substantive right in dispute between or among the parties by issuing a judgment and shall dispose of any other interlocutory or other application by issuing an order.

(2) A judgment shall be dated on the day it is signed and that day is the date of the pronouncement of the judgment.

(3) A judgment and the reasons relating thereto, if any, shall be deposited in the Registry at Ottawa and it shall be entered and filed there whereupon section 17.4 of the Act shall be complied with.

 

 

[6]               Le renvoi dans le paragraphe 167(3) des Règles de procédure générale à « l’article 17.4 de la Loi » est un renvoi à l’article 17.4 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt, L.R.C. 1985, ch. T-2, qui exige que les jugements soient envoyés par la poste à chacune des parties. L’article 17.4 se lit comme suit :

 

17.4 Dès que la Cour rend son jugement, une copie – y compris, le cas échéant, l’énoncé des motifs – est envoyée à chacune des parties.

17.4 When the Court has rendered its judgment in a proceeding in respect of which this section applies, a copy of the judgment and any written reasons for it shall be sent to each party to the proceeding.

 

 

[7]               Bien que l’article 167 des Règles de procédure générale ne stipule pas le délai auquel un jugement signé doit être déposé au greffe et saisi, il implique clairement que ces étapes devraient avoir lieu immédiatement, ce qui signifie généralement la date de la signature ou, dans l’impossibilité, le prochain jour ouvrable. De façon similaire, l’article 17.4 de la Loi sur la Cour canadienne de l’impôt vise à faire en sorte qu’une copie du jugement signée soit envoyée par la poste dès que possible.

 

[8]               En l’espèce, le jugement visé par l’appel a été signé le 29 août 2008, soit un jeudi. Il n’existe aucune preuve relative au moment où le jugement a été déposé au greffe et saisi ni aucune preuve indiquant si Canada Trustco a tenté d’obtenir ces renseignements. En l’absence de preuve contraire, il faut présumer que le jugement a été déposé au greffe et saisi à la date à laquelle il a été signé, soit le 29 août 2008. Il s’ensuit que le 29 août 2008 marque le début du délai d’appel dont il est question à l’alinéa 27(2)(b) de la Loi sur la Cour fédérale. Par conséquent, je suis d’avis de conclure à première vue que, lorsque l’avis a été déposé le 8 octobre 2008, le délai d’appel avait expiré.

 

[9]               L’avocat de Canada Trustco mentionne que sa copie du jugement porte un timbre dateur indiquant que le jugement a été saisi le 8 septembre 2008. L’avocat se trompe. Le timbre auquel il réfère n’exprime pas la date à laquelle le jugement a été saisi. Il exprime plutôt que, le 8 septembre 2008, un fonctionnaire du greffe de la Cour canadienne de l’impôt a certifié que la copie sur laquelle le timbre est apposé était une copie certifiée du jugement original inscrit au dossier du greffe.

 

[10]           Le timbre se lit comme suit :

I HEREBY CERTIFY that the above document is a true copy of the original filed of record in the registry of the Tax Court of Canada.

 

Je CERTIFIE que le document ci-dessus est une copie conforme

à l’original déposé au greffe de la Cour canadienne de l’impôt.

 

Dated / Fait le                   SEP 08 2008

 

[signed] Sophie Roy

For the Registrar / Pour le Greffier

SOPHIE ROY

Receptionist and Operational Support Clerk /

Réceptionniste et commis de soutien opérationnel

 

 

[11]           Pour déterminer le délai d’appel en vertu de l’alinéa 27(2)(b) de la Loi sur la Cour fédérale, importe-t-il que l’appelante n’ait pas reçu une copie du jugement avant le 10 septembre 2008? À mon avis, ce n’est pas le cas. Les éléments de preuve soumis par Canada Trustco indiquent que 8 jours de la semaine se sont écoulés entre la date du jugement et la date à laquelle l’avocat de Canada Trustco a reçu une copie du jugement par la poste. Il n’existe aucune preuve pouvant expliquer ce fait ni aucune preuve indiquant que Canada Trustco a tenté d’obtenir une explication. Il se peut que l’envoi par la poste n’ait pas eu lieu immédiatement ou il se peut que l’envoi par la poste lui-même ait été lent. Toutefois, afin de déterminer le délai d’appel en vertu de l’alinéa 27(2)(b) de la Loi sur la Cour fédérale, la date à laquelle le jugement a été envoyé par la poste et la date à laquelle la copie envoyée par la poste a été reçue ne sont pas pertinentes. Selon la façon dont je comprends l’alinéa 27(2)(b), le législateur n’a pas voulu que l’introduction du délai d’appel soit déterminée sur ces deux fondements (comparer l’article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, qui prévoit que le délai pour déposer une demande de contrôle judiciaire d’une décision est déterminé en fonction de la date de la première communication de la décision).

 

[12]            Pour déterminer le délai d’appel en vertu de l’alinéa 27(2)(b) de la Loi sur la Cour fédérale, importe-t-il que la Couronne ait reçu une copie du jugement par la poste quelques jours avant que Canada Trustco ait reçu sa copie par la poste? À mon avis, tel n’est pas le cas. Encore une fois, il n’existe aucune preuve pouvant expliquer ce fait ni aucune preuve indiquant que Canada Trustco a tenté d’obtenir une explication. Il se peut que le greffe ait dû envoyer à Canada Trustco ou à son avocat une copie par la poste en même temps qu’il a envoyé un courriel à la Couronne, mais ce n’est peut-être pas le cas. L’avocat de Canada Trustco n’a peut-être pas pris des dispositions afin de recevoir les communications par courriel de la Cour canadienne de l’impôt. Une communication par courriel a peut-être été tentée sans succès. De toute façon, selon ma lecture de l’alinéa 27(2)(b) de la Loi sur la Cour fédérale, le fait que les parties puissent avoir reçu des copies du jugement à des moments différents n’est pas pertinent pour déterminer le délai d’appel prévu à l’alinéa 27(2)(b) de la Loi sur la Cour fédérale.

 

[13]           Pour ces motifs, je conclus que l’avis d’appel a été déposé en dehors des délais prévus à l’alinéa 27(2)(b) de la Loi sur la Cour fédérale. La question est maintenant de savoir si le délai devrait être prorogé afin de poursuivre le présent appel.

 

[14]           Pour déterminer d’accorder ou non une prorogation de délai pour interjeter appel d’un jugement, on doit tenir compte de toutes les circonstances pertinentes. On retient généralement les quatre questions utiles posées dans Grewal c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1985] 2 C.F. 263 (C.A.F.) : (1) Y a-t-il eu une intention constante d’interjeter appel? (2) S’agit-il d’une cause défendable en appel? (3) L’autre partie a-t-elle subi un préjudice en raison du retard? (4) Y a-t-il une explication raisonnable pour le retard? Le poids à accorder à chacun de ces facteurs peut varier en fonction des circonstances de chaque cas.

 

[15]           La Couronne concède que le retard n’a pas été causé par un préjudice et que tous les critères pour accorder une prorogation du délai ont été respectés, sauf l’explication de Canada Trustco pour le retard. La Couronne se fonde particulièrement sur l’expression de la quatrième question énoncée dans Karon Resources Inc. c. Canada (1993), 71 F.T.R. 232, [1994] 1 C.T.C. 307 (C.F. 1re inst.) citée dans Pharmascience Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 203 CAF 333 au paragraphe 6, qui renvoie aux « circonstances spéciales » justifiant le retard. La Couronne conteste que ces circonstances particulières n’existent pas en l’espèce.

 

[16]           À mon avis, l’expression de la quatrième question Grewal adoptée dans Karon Resources et Pharmascience ne représente pas un changement dans le principe applicable. Dans la présente affaire, l’explication du retard est liée à la mauvaise interprétation de la date du timbre par l’avocat. À mon avis, il s’agit d’une explication raisonnable, particulièrement lorsqu’elle est examinée à la lumière d’une très courte durée du retard. La prorogation du délai sera accordée.

 

[17]           Aucuns dépens ne seront adjugés dans le cadre de la présente requête.

 

 

« K. Sharlow »

Juge

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-511-08

 

INTITULÉ :                                                                           Canada Trustco Mortgage Company c. Sa Majesté la Reine

 

 

REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                      JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 4 décembre 2008

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

 

Me Thomas N.T. Sutton

Me Heather L. Meredith

 

POUR L’APPELANTE

 

Me Joanna Hill

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCarthy Tétrault LLP,

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, Q.C.

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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