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Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20081205

Dossier : A-29-08

Référence : 2008 CAF 384

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

DAN DURRER

appelant

(demandeur)

et

LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE

intimée

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 26 novembre 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                   LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                        LE JUGE EN CHEF RICHARD

LA JUGE SHARLOW

 


Cour d'appel fédérale

Federal Court of Appeal

 

Date : 20081205

Dossier : A-29-08

Référence : 2008 CAF 384

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE EVANS

                        LA JUGE SHARLOW

 

ENTRE :

DAN DURRER

appelant

(demandeur)

et

LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

A.        INTRODUCTION

[1]               Dan Durrer interjette appel d’une décision (2007 CF 1290) dans laquelle la Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire qu’il avait présentée à l’égard du rejet, par le Tribunal canadien des droits de la personne (2007 TCDP 6) de sa plainte de discrimination fondée sur l’âge, laquelle discrimination allait à l’encontre de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. 6 (LCDP).

 

[2]               M. Durrer reproche à son ex-employeur, la Banque Canadienne Impériale de Commerce, (CIBC) d’avoir exercé contre lui une discrimination fondée sur l’âge lorsqu’elle a éliminé le poste qu’il occupait, décidé de ne pas le réaffecter à un autre poste et définitivement mis fin à son emploi lorsque les postes temporaires qu’il a subséquemment occupés ont pris fin.

 

[3]               M. Durrer soutient dans le présent appel que le Tribunal a commis deux erreurs de droit en rejetant sa plainte. D’abord, il ne s’est pas demandé si le licenciement du demandeur découlait d’une discrimination indirecte fondée sur l’âge. En deuxième lieu, il ne s’est pas demandé si la Banque l’avait défavorisé en cours d’emploi en omettant de tenir compte des conséquences graves que le licenciement entraînait pour lui en raison de son âge.

 

[4]               À mon avis, le Tribunal n’a commis aucune erreur susceptible de révision en rejetant la plainte de M. Durrer. En conséquence, je rejetterais l’appel.

 

B.        LES FAITS À L’ORIGINE DU LITIGE

[5]               Les faits à l’origine du litige peuvent être exposés succinctement comme suit. M. Durrer s’est joint à la CIBC en 1971, peu après avoir terminé ses études secondaires, et a connu une belle carrière à différents établissements de la Banque en Ontario. Néanmoins, en 1999, il a été informé que son poste au sein du service de la Conformité de la CIBC avait été éliminé par suite d’une restructuration et d’une réduction des effectifs et que son emploi prendrait fin. Il était alors âgé de 48 ans.

 

[6]               Il a subséquemment continué à travailler pour la Banque pendant une autre période de deux ans et demi au cours de laquelle il a occupé trois postes temporaires. Cependant, il n’a pu se trouver un autre poste lorsque le dernier de ceux-ci a pris fin et son licenciement est entré en vigueur le 12 avril 2002. Il était alors âgé de 50 ans et demi. Il a été réembauché plus tard au cours de cette même année pour une période de huit mois sur une base contractuelle, mais le contrat n’était assorti d’aucun avantage social, notamment au chapitre de la retraite.

 

[7]               Si M. Durrer était resté à l’emploi de la CIBC jusqu’à l’âge de 53 ans, il aurait reçu une pension de retraite anticipée sans que ce montant soit diminué parce qu’il aurait commencé à le retirer avant l’âge de 65 ans. Cependant, il a plutôt eu droit à une pension sensiblement réduite lorsqu’il a été licencié à l’âge de 50 ans. Il a soupçonné la CIBC d’avoir décidé de mettre fin à son emploi et d’avoir fait échec à ses tentatives visant à se trouver un autre emploi au sein de la Banque afin d’éviter de payer à la fois le salaire relativement élevé qu’il touchait et le plein montant de la pension de retraite anticipée auquel il aurait eu droit s’il avait continué à travailler pour la Banque jusqu’à l’âge de 53 ans.

 

[8]               Le 23 juillet 2002, M. Durrer a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Dans un rapport en date du 22 avril 2004, un enquêteur de la Commission a conclu que la preuve n’établissait pas que M. Durrer avait été licencié en raison de son âge. Cependant, la Commission n’a pas accepté la recommandation de l’enquêteur et, le 30 janvier 2006, elle a renvoyé la plainte à un tribunal.

 

C.        LE CADRE LÉGISLATIF

[9]               La seule disposition de la LCDP qui est pertinente en l’espèce est l’article 7.

7.  Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

a) de refuser d’employer ou de continuer d’employer un individu;

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

 

7.       It is a discriminatory practice, directly or indirectly,

(a) to refuse to employ or continue to employ any individual, or

(b) in the course of employment, to differentiate adversely in relation to an employee,

on a prohibited ground of discrimination.

 

 

 

D.        LA DÉCISION DU TRIBUNAL

[10]           Le Tribunal a rejeté la plainte : 2007 TCDP 6. Souscrivant aux arguments que l’avocat avait invoqués au cours de sa plaidoirie finale, le Tribunal a résumé (au paragraphe 6) le fondement de la cause de M. Durrer selon l’article 7 :

(i)                  la Banque a exercé une discrimination illégale à l’endroit de M. Durrer lorsqu’elle a décidé de mettre fin à l’emploi de celui-ci en 1999, parce que l’âge a été pris en compte dans la décision;

 

(ii)                la Banque a exercé une discrimination illégale fondée sur l’âge à l’endroit de M. Durrer entre mars et avril 2002, parce que les Ressources humaines ont fait échec à sa tentative d’obtenir un quatrième emploi temporaire ou un emploi permanent.

 

[11]           Je considère l’allégation énoncée au point (i) comme une allégation de violation de l’alinéa 7a) et l’allégation énoncée à l’alinéa (ii) comme une allégation de violation de l’alinéa 7b).

(i) Élimination du poste de M. Durrer

[12]           Le Tribunal a conclu qu’aucun élément de preuve ne montrait que la diminution des effectifs de la CIBC visait les employés plus âgés ou que l’âge était un facteur pris en compte dans l’élimination des postes. Le Tribunal a accepté (au paragraphe 13) la preuve d’expert d’un actuaire, M. Michael Banks, de Mercer Human Resources Consulting, selon laquelle le taux de cessation d’emploi était de 1 p. 100 pour les employés âgés de 21 à 30 ans et de 1,5 p. 100, dans la catégorie d’âge 31 à 52 ans. Cependant, pour chacun des âges compris dans cette fourchette, le taux de cessation d’emploi était uniforme et « rien n’indique qu’un tri fut fait en fonction de l’âge dans cette fourchette » : voir le paragraphe 13 des motifs de la décision du Tribunal.

 

[13]           Le Tribunal a accepté le témoignage du Premier vice-président à la Conformité à la CIBC, Eric Young, qui a expliqué que le principal objet du regroupement des trois services de Conformité en un seul service qui serait de nature multidisciplinaire était d’accroître l’efficacité de la conformité dans un environnement commercial et réglementaire plus complexe. La réduction des coûts constituait un objectif secondaire de l’exercice.

 

[14]           M. Young a également témoigné au sujet du processus et des critères qu’il a utilisés pour déterminer les postes qui seraient abolis ainsi que les employés qu’il garderait et ceux qu’il licencierait. Ainsi, il a interrogé chaque employé dont il songeait à abolir le poste et a obtenu le point de vue d’autres employés de la CIBC qui travaillaient avec cette personne au sujet de l’efficacité de celle-ci. Lorsqu’il a passé en revue les renseignements qu’il avait recueillis au sujet de chaque employé, M. Young s’est demandé quelle était l’expérience que ces personnes possédaient en matière de conformité, comment elles comprenaient la fonction de la conformité et jusqu’à quel point elles pouvaient s’adapter à des changements.

 

[15]           M. Young a ajouté qu’il avait décidé de ne pas réaffecter M. Durrer dans le service de la Conformité restructuré, parce que celui-ci avait une expérience limitée dans ce domaine et ne possédait pas les compétences qui « ajoutent de la valeur à la Conformité ». Parmi les cadres ou gestionnaires du service de la Conformité dont le poste a été aboli, deux étaient plus âgés que M. Durrer et trois, plus jeunes que lui. De ceux qui ont été conservés, trois étaient plus âgés que lui et un était plus jeune.

 

[16]           En se fondant sur les éléments de preuve mentionnés ci-dessus, le Tribunal a conclu que l’âge n’était pas un facteur qui a été pris en compte dans la décision d’abolir le poste de M. Durrer et de mettre fin à l’emploi de celui-ci. M. Durrer n’a pas été gardé au service de la Conformité parce que, comparativement à d’autres employés, il ne possédait pas les compétences nécessaires, et non parce qu’il était plus âgé.

 

(ii) Événements subséquents qui se sont produits avant le licenciement

[17]           Lorsqu’il a été avisé de son licenciement, M. Durrer s’est vu offrir une indemnité de départ comprenant un préavis de cessation d’emploi de 12 semaines, le salaire de 24 mois et d’autres mesures de soutien, notamment de la réadaptation professionnelle et du counseling. L’appelant a pu se trouver trois affectations temporaires au sein de la Banque qui ont duré plus de deux ans et demi au total et qui ont donc eu pour effet de proroger sensiblement son délai de « préavis de licenciement » de 12 semaines. Cette mesure a semblé être considérée comme une mesure allant à l’encontre de l’objet des programmes d’aide aux employés qui, comme M. Durrer, n’avaient pas été réaffectés à un poste permanent après l’abolition de leurs postes.

 

[18]           Cependant, comme il a été incapable de se trouver une autre affectation temporaire qui lui aurait permis de demeurer à l’emploi de la Banque après l’âge de 50 ans, M. Durrer n’a pu se prévaloir de la politique de la CIBC qui donnait aux employés atteignant l’âge de 53 ans le droit de toucher deux années d’indemnité de cessation d’emploi et de faire le pont vers une retraite sans pénalité à l’âge de 55 ans. Effectivement, la principale plainte de M. Durrer tout au long de l’instance est le fait qu’il aurait dû être autorisé à prolonger sa carrière dans le cadre d’emplois temporaires pendant une autre période de deux ans et demi afin d’être admissible à une retraite anticipée sans pénalité à l’âge de 53 ans.

 

[19]           Le Tribunal n’a trouvé aucun élément de preuve à l’appui de l’allégation, qu’il a décrite (au paragraphe 68) comme « le point crucial de la cause de M. Durrer », selon laquelle la Banque l’a empêché d’obtenir une quatrième affectation temporaire afin d’éviter de lui payer une pension non réduite à l’âge de 53 ans. Bien au contraire, compte tenu de l’indemnité de départ que la Banque avait offerte à M. Durrer, de l’aide qu’il avait obtenue pour se trouver un emploi et du fait qu’il a occupé des postes temporaires pendant une période totalisant 28 mois, le Tribunal a conclu qu’aucune des mesures de la Banque n’était fondée sur l’âge de l’appelant (voir le paragraphe 72) et s’est exprimé comme suit (au paragraphe 70) :

En termes simples, je conclus que la CIBC a traité M. Durrer avec respect, et ce, durant ce qui, sans aucun doute, fut une période difficile pour lui.

[20]           Le Tribunal a conclu qu’aucun élément de preuve n’établissait que la CIBC avait mis fin à l’emploi de M. Durrer en 2002, deux ans et demi avant qu’il ait le droit de faire le pont vers une retraite anticipée sans réduction, afin de pouvoir se soustraire à ses obligations en matière de retraite à l’endroit du demandeur.

 

E.        LA DÉCISION DE LA COUR FÉDÉRALE

[21]           Au début de ses motifs, le juge des requêtes, le juge Hughes, a souligné que la confusion antérieure quant à la question de savoir si la plainte de M. Durrer portait sur l’article 10 de la LCDP avait été éliminée et qu’il avait été convenu que seul l’article 7 était pertinent. Le juge Hughes a également compris (au paragraphe 29) que M. Durrer n’invoquait plus l’alinéa 7a), étant donné qu’il a admis que l’âge n’était pas à l’origine du refus de la CIBC de le garder à son emploi.

 

[22]           Le juge Hughes a plutôt conclu que l’argument à l’appui de la demande de contrôle judiciaire de M. Durrer était fondé sur la discrimination par suite d’un effet préjudiciable, dont il a fait l’objet en cours d’emploi, contrairement à l’alinéa 7b), motif que le Tribunal n’avait pas examiné, selon l’avocat, commettant de ce fait une erreur de droit. Plus précisément, l’avocat de l’appelant a soutenu que le Tribunal ne s’était pas demandé si la CIBC aurait dû, avant de mettre fin à l’emploi de M. Durrer, tenir compte des effets préjudiciables de cette décision sur celui-ci, notamment quant à la perte de la possibilité d’obtenir une pension non réduite à l’âge de 53 ans, ainsi qu’au fait qu’il serait difficile pour lui, en tant que travailleur plus âgé, de se trouver un autre emploi convenable.

[23]           Même si le juge Hughes était d’avis que le Tribunal n’avait pas été saisi de cet argument et que celui-ci n’aurait donc pas dû être soulevé pour la première fois dans le cadre de la demande de contrôle judiciaire, il en a malgré tout examiné le bien-fondé.

 

[24]           Après avoir passé en revue les motifs du jugement rendu par la juge McLachlin (alors juge de la Cour suprême du Canada) dans Colombie‑Britannique (Public Service Employee Relations Commission) c. British Columbia Government and Service Employees’ Union, [1999] 3 R.C.S. 3 (Meiorin), le juge Hughes a conclu qu’ils n’appuyaient pas l’argument de M. Durrer selon lequel, avant de licencier des employés, la CIBC avait l’obligation d’évaluer la situation de chacun, de se demander si les conséquences du licenciement sur l’un d’eux seraient différentes de ses conséquences sur d’autres en raison de son âge et, en pareil cas, d’offrir un accommodement raisonnable.

 

[25]           En conséquence, il a rejeté la demande de contrôle judiciaire.

 

F.        LES QUESTIONS EN LITIGE ET L’ANALYSE

Question 1 :    La CIBC a-t-elle exercé une discrimination indirecte fondée sur l’âge à l’endroit de M. Durrer, contrairement à l’alinéa 7a), lorsqu’elle a mis fin à l’emploi de celui-ci après l’abolition de son poste en 1999?

[26]           L’avocat a souligné qu’il souscrivait à la conclusion du Tribunal selon laquelle la CIBC n’avait pas mis fin à l’emploi de M. Durrer en raison de l’âge de celui-ci. Cependant, a-t-il ajouté, le Tribunal a commis une erreur de droit en omettant de se demander si la décision de licencier M. Durrer en 1999 et l’impossibilité subséquente pour lui d’obtenir une quatrième affectation temporaire découlaient d’une discrimination indirecte fondée sur l’âge.

 

[27]           Selon l’avocat, la Banque avait décidé de licencier les employés qui coûtaient cher parce qu’ils touchaient un salaire élevé et qu’ils approchaient de l’âge où ils pourraient bénéficier d’une retraite anticipée sans réduction. L’avocat a soutenu que, du moins en ce qui concerne les employés à long terme, un lien rationnel existait entre leur niveau de salaire et leur admissibilité à une retraite anticipée sans réduction, d’une part, et leur âge, d’autre part. Par conséquent, étant donné que M. Durrer « coûtait cher » et qu’il était un employé relativement âgé, la décision de mettre fin à son emploi était une pratique discriminatoire qui allait à l’encontre de l’alinéa 7a).

 

[28]           Je conviens que le Tribunal n’a pas examiné cet argument de façon explicite. Cependant, à mon avis, cette omission n’est pas fatale. L’argument selon lequel la compression des effectifs de la CIBC visait les employés « qui coûtaient cher », ce qui a donné lieu à une discrimination indirecte à l’encontre des employés plus âgés, est mentionné de façon indirecte et succincte dans l’exposé de détails de M. Durrer, mais non dans l’avis des questions de fait et de droit que la Banque a donné en réponse. Il est bien évident que le Tribunal n’a pas compris que les plaidoiries finales de l’avocat (qui ne faisaient pas partie du dossier déposé devant nous) couvraient ce point : voir le paragraphe 6 des motifs de sa décision. D’autre part, il appert du mémoire produit dans la demande de contrôle judiciaire que les parties ont formulé des observations au sujet de la discrimination indirecte. Toutefois, compte tenu de la façon dont l’avocat de M. Durrer a présenté l’argument, il n’est pas surprenant que le juge Hughes en ait fait peu de cas et ait cru que l’avocat n’invoquait plus l’alinéa 7a).

 

[29]           En tout état de cause, les conclusions de fait que le Tribunal a tirées et que M. Durrer n’a pas contestées vont à l’encontre de l’argument selon lequel les employés qui ont été choisis en vue du licenciement l’ont été parce qu’ils coûtaient cher et que, comme ils étaient vraisemblablement plus âgés, ce critère apparemment neutre constituait effectivement une forme de discrimination fondée sur l’âge.

 

[30]           D’abord, M. Young a déclaré que la restructuration du service de Conformité n’était pas d’abord un exercice de réduction des coûts. L’avocat ne nous a cité aucun élément de preuve du dossier qui montrerait l’existence d’un lien entre le coût des employés et le maintien en poste ou le licenciement de ceux-ci. En deuxième lieu, M. Young a expliqué au cours de son témoignage qu’il a décidé de ne pas affecter M. Durrer à un autre emploi à la Banque parce que celui-ci ne possédait pas les aptitudes nécessaires pour travailler dans l’environnement restructuré de la Conformité, et non en raison de son âge. En troisième lieu, M. Banks a souligné au cours de son témoignage que le taux de cessation d’emploi des employés plus âgés de la CIBC n’était pas supérieur à celui des employés plus jeunes en ce qui a trait à la fourchette d’âge de 31 à 52 ans. En quatrième lieu, le Tribunal a jugé sans fondement (au paragraphe 76) l’allégation de M. Durrer selon laquelle la CIBC avait mis fin à l’emploi de celui-ci en 2002, après la fin de sa troisième affectation temporaire, afin de ne pas être tenue de lui payer la pension non réduite à laquelle il aurait eu droit s’il avait continué à travailler à la Banque jusqu’à l’âge de 53 ans. Pour en arriver à cette conclusion, le Tribunal a cité le témoignage de M. Banks (au paragraphe 77) selon lequel l’incidence du licenciement d’employés par la CIBC sur ses obligations découlant du régime de retraite a été un facteur négligeable quant à la décision de garder ou non un employé.

 

[31]           Bref, le dossier ne renferme pas d’éléments appuyant les allégations de M. Durrer selon lesquelles il a été licencié parce qu’il coûtait cher, de sorte qu’il a été victime de discrimination fondée sur l’âge en raison d’un lien établi entre les décisions relatives au licenciement, d’une part, et les salaires élevés et l’âge, d’autre part. Il n’y a aucune raison de renvoyer l’affaire au Tribunal pour qu’il se prononce sur l’argument relatif à la discrimination indirecte, étant donné, surtout, que cet argument ne semble pas avoir été soulevé clairement à l’audience tenue devant lui.

 

Question 2 :    La CIBC a-t-elle contrevenu à l’alinéa 7b) en mettant fin à l’emploi de M. Durrer sans tenir compte des effets préjudiciables que le licenciement aurait pour lui parce qu’il était plus âgé?

[32]           M. Durrer soutient qu’avant de décider de le licencier, la CIBC ne s’est pas acquittée de son obligation de tenir compte du fait que, comme il était plus âgé, il serait probablement difficile pour lui d’être réaffecté à la Banque et de se trouver un emploi convenable ailleurs, et qu’il perdrait la possibilité de toucher une pension non réduite à l’âge de 53 ans. En conséquence, en omettant de tenir compte de ces facteurs, la Banque l’avait défavorisé « en cours d’emploi » en raison de son âge, contrairement à l’alinéa 7b).

 

[33]           Le juge Hughes a rejeté cet argument parce qu’il n’avait pas été invoqué devant le Tribunal, mais qu’il a été soulevé pour la première fois devant la Cour fédérale et que, à tout événement, il était sans fondement. Je suis d’accord.

 

[34]           Je ne vois aucun élément de l’arrêt Meiorin qui appuie l’argument de M. Durrer. Dans ce jugement, la Cour suprême du Canada n’a imposé une obligation d’accommodement à l’employeur qu’après avoir conclu qu’une preuve prima facie d’une discrimination fondée sur le sexe avait été établie, étant donné que, pour des raisons physiologiques, il était plus difficile pour les femmes que pour les hommes de satisfaire à une norme de condition physique particulière.

 

[35]           Cependant, dans la présente affaire, il appert de la preuve que M. Durrer n’a pas été gardé après l’abolition de son poste au service de la Conformité parce que, comparativement aux autres employés, il ne possédait pas les compétences et l’expérience nécessaires et qu’il a été incapable, sans qu’il y ait eu faute de la part de la Banque, de se trouver d’autres affectations temporaires après mars 2002. Pour que son argument fondé sur l’arrêt Meiorin puisse être retenu, l’appelant aurait dû établir que son licenciement découlait d’une pratique qui était discriminatoire à première vue, parce qu’elle était fondée sur des critères signifiant que les employés plus âgés étaient plus susceptibles d’être licenciés que leurs collègues plus jeunes. La preuve présentée devant le Tribunal ne justifiait pas une conclusion de cette nature. Dans ces circonstances, l’article 7 de la LCDP n’imposait nullement à la CIBC l’obligation, avant de mettre fin à l’emploi de M. Durrer, de tenir compte du préjudice que la cessation d’emploi risquerait vraisemblablement de causer à celui-ci en raison de son âge.

G.        CONCLUSIONS

[36]           Pour les motifs exposés ci-dessus et malgré ma sympathie à l’endroit de la position de M. Durrer, je rejetterais l’appel et je fixerais les dépens à la somme globale de 3 000 $, comme les avocats des parties en ont convenu à la fin de l’audition de l’appel.

 

 

« John M. Evans »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

            Le juge en chef Richard »

 

« Je souscris aux présents motifs

            La juge Sharlow »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                A-29-08

 

INTITULÉ :                                                               DAN DURRER

                                                                                    c.

                                                                                    LA BANQUE CANADIENNE IMPÉRIALE DE COMMERCE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE                                         Le 26 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                    LE JUGE EVANS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                 le juge en chef Richard

                                                                                    la juge Sharlow

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 5 décembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

David A. Morin

POUR L’APPELANT

 

Norman Grosman

R. Mark Fletcher

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Morin & Miller

Huntsville (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

Grosman, Grosman & Gale LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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