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Date : 20081127

Dossier : A-102-08

Référence : 2008 CAF 378

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE RYER                   

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

 

et

 

DAVIS PONTIAC BUICK GMC (MEDICINE HAT) LTD. et

MURRAY CHEVROLET CADILLAC MEDICINE HAT

défenderesses

 

 

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 27 novembre 2008.

Jugement prononcé à l’audience à Calgary (Alberta), le 27 novembre 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                                            LE JUGE RYER

 

 


 

Date : 20081127

Dossier : A-102-08

Référence : 2008 CAF 378

 

CORAM :      LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE RYER                   

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

DAVIS PONTIAC BUICK GMC (MEDICINE HAT) LTD. et

MURRAY CHEVROLET CADILLAC MEDICINE HAT

défenderesses

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Calgary (Alberta), le 27 novembre 2008)

 

LE JUGE RYER

[1]               Le procureur général du Canada a présenté deux demandes de contrôle judiciaire concernant une plainte déposée au Tribunal canadien du commerce extérieur (le Tribunal) par Davis Pontiac Buick GMC (Medicine Hat) Limited (Davis). La plainte porte sur un contrat relatif à un marché de fourniture de véhicules militaires qui a été accordé à Murray Chevrolet Cadillac Medicine Hat Ltd.

 

[2]               La présente demande attaque la décision par laquelle le Tribunal a rejeté une requête du procureur général, qui sollicitait le rejet de la plainte au motif que le Tribunal n’avait pas compétence pour l’instruire. La seconde demande (A-223-08) a trait à la décision au fond rendue par le Tribunal relativement à la plainte.

 

[3]               La norme de contrôle applicable à la décision du Tribunal en ce qui touche sa compétence pour instruire la plainte est celle de la décision correcte (voir l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9).

 

[4]               La question déterminante dans la demande mettant en cause la compétence du Tribunal à l’égard de la plainte est de savoir si le contrat accordé à Murray est un contrat spécifique, au sens de l’article 30.1 de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985, ch. 47 (4e suppl.) (la Loi), et du paragraphe 3(1) du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, D.O.R.S./93-602, et ses modifications (le Règlement) (contrat spécifique). Une condition essentielle du contrat spécifique est que celui-ci ait été accordé par une entité constituant une institution fédérale au sens de l’article 30.1 de la Loi et du paragraphe 3(2) du Règlement (institution fédérale).

 

[5]               Ces dispositions sont rédigées comme suit :      

30.1 Les définitions qui suivent s’appliquent au présent article et aux articles 30.11 à 30.19.

[…]

 

« contrat spécifique » Contrat relatif à un marché de fournitures ou services qui a été accordé par une institution fédérale — ou pourrait l’être — , et qui soit est précisé par règlement, soit fait partie d’une catégorie réglementaire;

« institution fédérale » Ministère ou département d’État fédéral, ainsi que tout autre organisme, désigné par règlement;

[…]

 

Désignations

 

3. (1) Pour l’application de la définition de « contrat spécifique » à l’article 30.1 de la Loi, est un contrat spécifique tout contrat relatif à un marché de fournitures ou services ou de toute combinaison de ceux-ci, accordé par une institution fédérale – ou qui pourrait l’être – et visé, individuellement ou au titre de son appartenance à une catégorie, à l’article 1001 de l’ALÉNA, à l’article 502 de l’Accord sur le commerce intérieur ou à l’article premier de l’Accord sur les marchés publics.

 

(2) Pour l’application de la définition de « institution fédérale » à l’article 30.1 de la Loi, sont désignés institutions fédérales:

 

a)      les entités publiques fédérales énumérées dans la liste du Canada de l’annexe 1001.1a-1 de l’ALENA, à l’annexe 502.1A de l’Accord sur le commerce intérieur sous l’intertitre « CANADA » ou à l’annexe 1 de l’Accord sur les marchés publics sous l’intertitre « CANADA »;

 

b)      les entreprises publiques énumérées dans la liste du Canada de l’annexe 1001. 1a-2 de l’ALÉNA ou à l’annexe 3 de l’Accord sur les marchés publics sous l’intertitre « CANADA »;

 

c)      les entités publiques des provinces énumérées à l’annexe 1001. 1a-3 de l’ALÉNA ou à l’annexe 2 de l’Accord sur les marchés publics sous l’intertitre « CANADA »;

 

d)      dans le cas d’un marché public relevant du ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux ou de son successeur et donnant lieu à l’adjudication d’un contrat spécifique par une entité publique ou une entreprise publique visée aux alinéas a), b) ou c), ce ministère ou son successeur.

 

e)      [Abrogé, DORS/2005-207, art. 2]

 

 

30. 1 in this section and in sections 30.11 to 30.19.

 

“designated contract" means a contract for the supply of goods or services that has been or is proposed to be awarded by a government institution and that is designated or of a class of contracts designated by the regulations;

 

 “government institution” means any department or ministry of state of the Government of Canada, or any other body or office, that is designated by the regulations;

 

Designations

 

3. (1) For the purposes of the definition “designated contract” in section 30.1 of the Act, any contract or class of contract concerning a procurement of goods or services or any combination of goods or services, as described in Article 1001 of NAFTA, in article 502 of the Agreement on Internal Trade or in Article 1 of the Agreement on Government Procurement, by a government institution, is a designated contract.

 

(2) For the purposes of the definition “government institution” in section 30.1 of the Act, the following are designated as government institutions:

 

(a)   the federal government entities set out in the Schedule of Canada in Annex 1001.1a-1 of NAFTA, under the heading “CANADA” in Annex 502.1A of the Agreement on Internal Trade or under the heading “CANADA” in Annex 1 of the Agreement on Government Procurement;

 

(b)   the government enterprises set out in the Schedule of Canada in Annex 1001. 1a-2 of NAFTA or under the heading “CANADA” in Annex 3 of the Agreement on Government Procurement;

 

(c)    any provincial government entities that may be set out in Annex 1001.1a-3 of NAFTA or under the heading “CANADA” in Annex 2 of the Agreement on Government Procurement; and

 

(d)   if a procurement that results in the award of a designated contract by a government entity or enterprise referred to in paragraph (a), (b) or (c) is conducted by the Department of Public Works and Government Services or its successor, that Department or its successor.

 

(e)    [Repealed, SOR/2005-207, s. 2]

 

[6]               Il est admis que le Tribunal n’a pas compétence pour statuer sur la plainte de Davis concernant l’adjudication du contrat relatif au marché de fourniture, d’entretien et de maintenance des véhicules militaires, à moins que l’entité qui a accordé le contrat ne soit une institution fédérale.

 

[7]               Le demandeur fait valoir que le contrat a été accordé par le ministère de la Défense nationale (MDN) en sa qualité de mandataire de l’Unité d’entraînement de l’Armée britannique Suffield (BATUS), conformément à une entente à cet effet intervenue entre le gouvernement canadien et celui du Royaume-Uni, à un protocole d’entente entre le MDN et son homologue du Royaume-Uni et à une lettre d’entente entre le MDN et le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Le demandeur soutient en outre qu’étant donné que sur le plan juridique, l’acte posé par le mandataire est celui du mandant, il faut considérer que BATUS, et non le MDN, a accordé le contrat à Murray. Le demandeur conclut en conséquence que BATUS n’étant pas une institution fédérale (ce point n’est pas contesté), le contrat au sujet duquel Davis a porté plainte ne peut être un contrat spécifique.

 

[8]               La majorité des membres du Tribunal a conclu que dans les faits, le MDN n’agissait pas à titre de mandataire de BATUS dans le cadre du marché concernant les véhicules militaires. Nous estimons que la preuve ne justifie pas cette conclusion. La Demande de proposition énonce que les véhicules militaires doivent être fournis et livrés à BATUS. De même, les spécifications détaillées relatives aux véhicules, dans la Demande de proposition, ont été données par BATUS. Enfin, Davis ne prétend pas avoir ignoré que la Demande de proposition avait pour objet la fourniture de véhicules et de services connexes à BATUS. À notre avis, il ne fait aucun doute que le MDN, en participant au marché public afférent aux véhicules militaires, agissait à titre de mandataire de BATUS et non pour son propre compte.

 

[9]               Pour étayer son argument selon lequel les mesures prises par le MDN à titre de mandataire de BATUS dans le cadre du marché public et de l’adjudication du contrat à Murray constituent, en droit, des mesures prises par BATUS, le demandeur invoque l’arrêt rendu par notre Cour dans Canada (Procureur général) c. Canadian North inc., 2007 CAF 93. Dans cette affaire, Postes Canada, qui n’est pas une institution fédérale, s’est chargée d’un marché public à l’égard duquel le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien (MAINC), une institution fédérale, a fourni à Postes Canada un soutien financier et une certaine collaboration. Au paragraphe 17, la juge Sharlow a déclaré :

Si AINC avait engagé Postes Canada comme mandataire pour s’occuper à sa place de la passation du marché relatif aux services de transport aérien, le marché aurait alors, en fait et en droit, été passé par AINC, et non par Postes Canada, et le TCCE aurait eu compétence pour instruire la plainte de Canadian North. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[10]           Davis soutient que cet arrêt ne s’applique pas, parce qu’il établit uniquement que lorsqu’une entité qui n’est pas une institution fédérale se charge d’un marché public à titre de mandataire pour une entité qui, elle, est une institution fédérale, le Tribunal est compétent pour instruire une plainte. Davis avance qu’en l’espèce, le mandataire, le MDN, est une institution fédérale et que ce fait devrait à lui seul suffire à conférer compétence au Tribunal.

 

[11]           Avec égard, l’argument de Davis procède d’une mauvaise interprétation de la décision rendue par notre Cour dans Canadian North. L’arrêt Canadian North enseigne à notre avis que lorsqu’il existe une relation de mandant et mandataire, les mesures d’approvisionnement prises par le mandataire, y compris l’adjudication du contrat, constituent, en droit, des mesures prises par le mandant, non par le mandataire. 

 

[12]           Dans les circonstances de l’espèce, il s’ensuit, en droit, que le processus de marché public et l’adjudication du contrat ont été pris en charge par BATUS même, et non par son mandataire, le MDN. Étant donné que BATUS n’est pas une institution fédérale, le contrat relatif au marché de fourniture, d’entretien et de maintenance des véhicules militaires n’est pas un contrat spécifique. De ce fait, le Tribunal n’avait pas compétence pour instruire la plainte présentée par Davis.

 

[13]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, avec dépens que Davis devra payer au demandeur, et la décision du Tribunal sera annulée. 

 

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-102-08

 

INTITULÉ :                                                   Procureur général du Canada c.

                                                                        Davis Pontiac Buick GMC (Medicine Hat) Ltd.

                                                                        et Murray Chevrolet Cadillac Medicine Hat

                                           

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Calgary (Alberta)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 27 novembre 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

DE LA COUR :                                              LES JUGES LINDEN, RYER ET TRUDEL

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :       LE JUGE RYER

 

 

COMPARUTIONS :

 

David M. Attwater

POUR LE DEMANDEUR

 

Kent R. Anderson, c.r.

 

 

 

Aucune comparution

POUR LA DÉFENDERESSE

Davis Pontiac Buick GMC

(Medicine Hat) Ltd.

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Murray Chevrolet Cadillac Medicine Hat

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Miller Thomson, s.r.l.

Calgary (Alberta)

 

Aucune comparution

POUR LA DÉFENDERESSE

Davis Pontiac Buick GMC

 

POUR LA DÉFENDERESSE

Murray Chevrolet Cadillac Medicine Hat

 

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