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Date : 20081017

Dossier : A‑38‑08

Référence : 2008 CAF 311

 

PRÉSENT :    LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LE CHOSON KALLAH FUND OF TORONTO

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 7 octobre 2008.

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2008.

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                                                                            LE JUGE RYER

 

 


 

Date : 20081017

Dossier : A‑38‑08

Référence : 2008 CAF 311

 

PRÉSENT :    LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LE CHOSON KALLAH FUND OF TORONTO

demandeur

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

défendeur

 

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

[1]               Il s'agit d'une demande formée par le Choson Kallah Fund of Toronto (le Fund), sous le régime de l'alinéa 168(2)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR), en vue d'obtenir une ordonnance prorogeant le délai qui doit expirer avant que le ministre du Revenu national (le ministre) soit autorisé à publier copie de l'avis d'intention de révoquer l'enregistrement du Fund comme organisme de bienfaisance (l'avis d'intention de révoquer l'enregistrement) qu'il a signifié le 21 décembre 2007 en application du paragraphe 168(1) de la LIR, jusqu'à l'achèvement de la procédure ayant commencé avec la signification par le Fund, en vertu du paragraphe 168(4) de la LIR, d'un avis d'opposition (l'avis d'opposition) à l'avis d'intention de révoquer l'enregistrement.

 

[2]               Pour obtenir gain de cause dans la présente demande, le Fund doit établir qu'est rempli chacun des trois volets du critère formulé dans RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 31; voir International Charity Association Network c. Ministre du Revenu national, 2008 CAF 114 (ICAN). Le Fund doit donc démontrer qu'il y a une question sérieuse à juger, qu'il subira un préjudice irréparable si l'ordonnance qu'il demande n'est pas prononcée et que la prépondérance des inconvénients milite en sa faveur.

 

Une question sérieuse à juger

[3]               La Couronne ne conteste pas que ce volet du critère soit rempli, et j'estime que le seuil peu élevé qu'il fixe est atteint.

 

Un préjudice irréparable

[4]               Concernant ce volet du critère, les juges Sopinka et Cory ont formulé les observations suivantes à la page 341 de RJR-MacDonald :

À la présente étape, la seule question est de savoir si le refus du redressement pourrait être si défavorable à l'intérêt du requérant que le préjudice ne pourrait pas faire l'objet d'une réparation, en cas de divergence entre la décision sur le fond et l'issue de la demande interlocutoire.

 

Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu'à son étendue. C'est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu'une partie ne peut être dédommagée par l'autre. Des exemples du premier type sont le cas où la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son entreprise (R.L. Crain Inc. c. Hendry, (1988) 48 D.L.R. (4th) 228 (B.R. Sask.)); le cas où une partie peut subir une perte commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à sa réputation commerciale (American Cyanamid, précité); ou encore le cas où une partie peut subir une perte permanente de ressources naturelles lorsqu'une activité contestée n'est pas interdite (MacMillan Bloedel Ltd. c. Mullin, [1985] 3 W.W.R. 577 (C.A.C.‑B.)). Le fait qu'une partie soit impécunieuse n'entraîne pas automatiquement l'acceptation de la requête de l'autre partie qui ne sera pas en mesure de percevoir ultérieurement des dommages‑intérêts, mais ce peut être une considération pertinente (Hubbard c. Pitt, [1976] Q.B. 142 (C.A.)).

 

 

[5]               Notre Cour a défini les conditions qui doivent être remplies relativement à ce volet du critère dans Haché c. Canada (Ministre des Pêches et des Océans), 2006 CAF 424, [2006] A.C.F. no 1886 (QL). La juge Desjardins écrivait au paragraphe 11 de cet arrêt :

Il appartient aux requérants de démontrer, sur la base de la balance des probabilités, que le préjudice qu'ils subiraient est irréparable : Halford c. Seed Hawk Inc., 2006 CAF 167 au paragraphe 12. De simples affirmations ne sont pas suffisantes. Un préjudice irréparable ne peut pas être inféré. Il doit être établi par une preuve claire et concrète : A. Lassonde Inc. c. Island Oasis Canada Inc., [2001] 2 C.F. 568 au paragraphe 20.

 

 

[6]               Le Fund soutient que la révocation de son enregistrement en tant qu'organisme de bienfaisance, à prévoir si l'ordonnance qu'il demande n'est pas prononcée, lui portera un préjudice irréparable. La raison en est, selon lui, que l'incapacité à émettre des reçus fiscaux qui résultera pour lui de la révocation de son enregistrement aura pour conséquence qu'il recevra moins de dons. Son aptitude à poursuivre les œuvres de charité en cours, fait‑il valoir, s'en trouvera diminuée.

 

[7]               Le Fund n'a pas produit d'éléments de preuve directe à l'appui de ces affirmations. Il s'est plutôt contenté de renvoyer la Cour à divers passages de la transcription du contre-interrogatoire de Mme Holly Brant, fonctionnaire de l'Agence du revenu du Canada, sur son affidavit versé au dossier du défendeur. Ces passages, fait valoir le Fund, établissent que, à chacune des années où il n'a pas participé au programme de dons du Canadian Humanitarian Trust, il a reçu en règle générale pour plusieurs millions de dollars en dons et qu'il a distribué ceux‑ci, répartis en sommes de quelques milliers de dollars, à un grand nombre de nécessiteux.

 

[8]               Je suis disposé à admettre que la preuve établit ces affirmations comme faits. Cependant, ces faits sont dans une large mesure historiques et, en soi, ne prouvent pas que le Fund subira un préjudice irréparable si le défendeur est autorisé à aller de l'avant avec la révocation de son enregistrement comme organisme de bienfaisance.

 

[9]               Le Fund affirme en outre que l'incapacité à émettre des reçus officiels aux fins fiscales qu'entraînera la révocation de son enregistrement fera nécessairement diminuer la quantité des dons qu'il recevra. Cette assertion paraît logique, mais de son acceptation comme fait prouvé ne découle pas nécessairement la conclusion que le Fund subira quelque préjudice que ce soit s'il reçoit une moindre quantité d'argent en dons. À mon avis, le dossier produit devant la Cour ne contient aucun élément qui indiquerait en quoi ou pourquoi le fait de recevoir en dons une quantité d'argent moindre qu'auparavant causerait au Fund un préjudice qui pourrait être considéré comme irréparable.

 

[10]           La façon habituelle de procéder du Fund est de répartir l'argent qu'il reçoit de ses donateurs en sommes relativement modestes pour les distribuer à un nombre qu'on suppose relativement élevé de bénéficiaires. Il semble que le fait pour le Fund de recevoir moins d'argent en dons aurait pour seule conséquence qu'il ne pourrait distribuer que les plus petites sommes reçues, vraisemblablement à un nombre inférieur de bénéficiaires. À mon sens, cette conséquence, même si elle était établie, ne constituerait pas une preuve probante de préjudice irréparable pour le Fund.

 

[11]           Je note que le dossier ne contient aucun élément tendant à établir la situation financière actuelle du Fund. Des éléments de preuve de cette nature auraient pu révéler la présence ou l'absence d'actifs liquides ou immobilisés, ainsi que l'obligation de financer des programmes de bienfaisance en cours d'exécution d'une taille telle que la réception d'une quantité inférieure d'argent en dons pourrait leur porter atteinte. Ne disposant d'aucun élément de preuve relatif à la situation financière actuelle du Fund, je me vois dans l'impossibilité de conclure que la réception en dons d'une quantité d'argent inférieure à celle qu'il a reçue dans les années précédentes aurait sur le Fund un autre effet que de ne lui permettre de distribuer qu'une quantité moindre d'argent à des nécessiteux.

 

[12]           Pour ces motifs, je conclus que le Fund n'a pas établi qu'il subirait un préjudice irréparable si l'ordonnance qu'il demande n'était pas prononcée. De ce que le Fund n'a pas rempli ce volet du critère RJR-MacDonald, il s'ensuit, à mon avis, que la présente demande doit être rejetée.

 

La prépondérance des inconvénients

[13]           Comme le Fund ne m'a pas convaincu que la condition du préjudice irréparable que prévoit le critère applicable était remplie, je n'ai pas à examiner le point de savoir si la prépondérance des inconvénients joue en sa faveur.

 

DÉCISION

[14]           Pour les motifs dont l'exposé précède, j'estime que ne sont pas remplies toutes les conditions que prévoit le critère RJR-MacDonald. En conséquence, la présente demande devrait être rejetée, avec dépens.

 

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                A‑38‑08

 

INTITULÉ :                                                               CHOSON KALLAH FUND OF TORONTO

                                                                                                                                           demandeur

                                                                                    c.

 

                                                                                    LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

                                                                                                                                             défendeur

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                                         Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                                       Le 7 octobre 2008

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :                          Le juge Ryer

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 17 octobre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Robert McMechan

POUR LE DEMANDEUR

 

Joanna Hill

Wendy Burnham

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Robert McMechan

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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