Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Date : 20081119

Dossier : A-93-08

Référence : 2008 CAF 356

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

CHRISTINE PICHÉ

Appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Intimé

 

 

 

 

 

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2008.

Jugement rendu à l’audience à Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2008.

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

 


Date : 20081119

Dossier : A-93-08

Référence : 2008 CAF 356

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

CHRISTINE PICHÉ

Appelante

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Intimé

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Ottawa (Ontario), le 19 novembre 2008)

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

[1]               Nous sommes saisis d’un appel d’une décision de la Cour fédérale. Celle-ci rejetait une demande de contrôle judiciaire faite à l’encontre d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (Commission) rendue en vertu de l’alinéa 41(1)d) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. [1985], c. H-6 (Loi). Essentiellement, cet alinéa permet à la Commission de refuser de statuer sur une plainte dont elle est saisie lorsqu’elle estime que celle-ci est irrecevable parce que frivole, vexatoire ou entachée de mauvaise foi.

 

[2]               L’appelante soumet que la Commission a erronément refusé d’exercer sa compétence de statuer sur sa plainte et que l’erreur à la source de ce refus est une erreur de droit. Elle demande l’annulation de la décision de la Cour fédérale ainsi que celle de la Commission. Elle sollicite un renvoi de l’affaire devant la Commission pour une reconsidération en conformité avec les motifs du jugement de notre Cour. Elle demande également que les dépens de l’appel lui soient adjugés.

 

[3]               Il n’est pas nécessaire d’entrer dans les détails des événements qui ont donné naissance au présent litige, sauf à dire ceci.

 

[4]               L’appelante était à l’emploi du Service Correctionnel du Canada (l’employeur). Elle a logé trois griefs contre ce dernier. Le premier à l’encontre d’une mesure disciplinaire prise à son égard pour avoir utilisé à des fins personnelles, à son domicile, des équipements informatiques appartenant à son employeur. Ce grief fut rejeté.

 

[5]               Le second grief a trait à son retour au travail suite à une absence prolongée pour un congé de maladie. Elle y soutenait que l’employeur avait indûment retardé son retour au travail en exigeant qu’elle se soumette à une évaluation médicale par Santé Canada.

 

[6]               Ce deuxième grief, pour des raisons que nous mentionnerons plus loin, fut retiré par l’appelante avant son audience au premier palier.

 

[7]               Enfin, l’appelante contesta par le truchement d’un troisième grief la décision de son employeur de refuser d’autoriser après coup une demande de congé payé. En vertu de la convention de travail, de telles demandes de congé devaient être approuvées avant le début du congé. Le grief étant voué à l’échec, l’appelante le retira avant l’audition au premier palier.

 

[8]               De là, subséquemment, une plainte de l’appelante à la Commission, alléguant qu’elle a été « victime de harcèlement et de discrimination en raison de (son) état matrimonial, de (sa) situation familiale et en raison de (son) congé de maladie temporaire ou de la perception de celui-ci » : voir au dossier d’appel, à la page 56, la plainte de l’appelante.

 

[9]               La plainte de l’appelante fut examinée par un enquêteur de la Commission. Celui-ci nota, à bon droit, de l’aveu du syndicat que, de toute évidence, ces griefs ne pouvaient être soumis à l’arbitrage puisqu’ils étaient sans mérite : l’employeur était en droit de demander une opinion médicale à Santé Canada et de refuser une demande de congé payé faite après coup : voir le rapport de l’enquêteur, dossier d’appel, page 39, les paragraphes 16 et 17.

 

[10]           En ce qui a trait à la question proprement dite de la discrimination en rapport avec les trois incidents qui ont fait l’objet des griefs et de la plainte devant la Commission, l’enquêteur écrit ce qui suit au paragraphe 18 de son rapport :

 

In support of her request to have the Commission rule on her complaint, the complainant submitted a letter she received from the union. Nothing in this letter points to the fact that the respondent could have based the measures taken on the complainant’s marital status or disability. The complainant submitted no additional information.

 

 

De là s’ensuivit la recommandation suivante de l’enquêteur au paragraphe 19 :

 

It is recommended, under paragraph 41(1)(d) of the Canadian Human Rights Act, that the Commission not rule on the complaint as it contains nothing else that concerns the Commission.

 

                                                                                                                               [Nous soulignons]

 

[11]           Il ne fait pas de doute que le rapport de l’enquêteur conclut à une absence de discrimination et de preuve de discrimination de la part de l’employeur en rapport avec les faits qui lui étaient reprochés par l’appelante.

 

[12]           Après étude et examen du dossier, la Commission, dans une lettre adressée à l’appelante, informe celle-ci qu’elle a décidé en vertu de l’alinéa 41(1)(d) de la Loi de ne pas statuer sur la plainte parce que « l’autre voie de recours, griefs en vertu de la convention collective, a permis de trancher les allégations de discrimination » : voir au dossier d’appel, à la page 33, la décision de la Commission.

 

[13]           La terminologie utilisée par la Commission pour exprimer sa conclusion est malheureuse car, prise littéralement, elle porte à croire que la question de la discrimination a été résolue par une adjudication au mérite des griefs par l’autorité compétente. Or, sauf pour le premier grief qui fut rejeté, les deux autres furent retirés. C’est donc sans grande surprise que l’appelante s’attaque à cette conclusion au motif que les griefs n’ont pas résolu la question de la discrimination.

 

[14]           Avec respect, il ne faut de cette conclusion de la Commission en faire ni une lecture littérale, ni une lecture désincarnée ou hors contexte. Il faut plutôt la lire et l’analyser dans le contexte du rapport de l’investigateur, des allégations mêmes de l’appelante, des incidents eux-mêmes, des opinions du syndicat sur les sujets et de la preuve fournie au soutien des allégations de discrimination.

 

[15]           Il ressort de l’ensemble de ces éléments que les mesures prises par l’employeur, lesquelles sont invoquées par l’appelante comme source de discrimination, étaient justifiées et qu’il n’existe pas de preuve d’un fondement discriminatoire. Les griefs ont fait ressortir la légitimité des gestes de l’employeur et l’absence de discrimination qui les sous-tendaient. C’est dans ce sens, nous apparaît-il, qu’il convient de lire et de comprendre la conclusion de la Commission que « l’autre voie de recours, griefs en vertu de la convention collective, a permis de trancher les allégations de discrimination ».

 

[16]           Pour ces motifs, nous sommes d’avis que la Cour fédérale, non sans tergiversations, en est arrivée à la bonne conclusion et qu’il y a lieu de rejeter l’appel avec dépens.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-93-08

 

 

INTITULÉ :                                                   CHRISTINE PICHÉ c. PROCUREUR GÉNÉRAL

                                                                        DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa, Ontario

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 19 novembre 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT                           LE JUGE LÉTOURNEAU

DE LA COUR :                                              LE JUGE NOËL

                                                                        LA JUGE TRUDEL

 

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE :                LE JUGE LÉTOURNEAU

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me James Cameron

 

POUR L’APPELANTE

 

Me Agnieszka Zagorska

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven, Cameron, Ballantyne & Yazbeck

Ottawa, Ontario

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.