Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20080903

Dossier : A-589-05

Référence : 2008 CAF 253

ENTRE :

SANOFI AVENTIS CANADA INC. et

SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH

appelantes

et

 

APOTEX INC. et

LE MINISTRE DE LA SANTÉ

intimés

 

 

 

TAXATION DES DÉPENS – MOTIFS

Charles E. Stinson

Officier taxateur

 

[1]               Le 4 novembre 2005, la Cour fédérale a rejeté une demande des appelantes en vue d’obtenir une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité (AC) à l’intimée, Apotex Inc. [Apotex], à l’égard de capsules de ramipril de différentes concentrations pour administration orale (ramipril) jusqu’à l’expiration du brevet canadien n° 1,246,457 (le brevet 457) (deuxième décision concernant un AC). Cette instance (deuxième instance concernant un AC) avait été engagée par suite d’un avis d’allégation (AA) fondé sur une allégation d’invalidité pour cause d’évidence, position que la Cour fédérale a acceptée. Précédemment, Apotex avait délivré un AA dans lequel elle avait soutenu que son produit ramipril ne constituerait pas une contrefaçon du brevet 457, parce qu’il ne serait pas utilisé pour le traitement de l’insuffisance cardiaque; la Cour fédérale a rejeté cette position le 11 octobre 2005 (première décision concernant un AC) dans son dossier nº T-1851-03, et cette décision a donné lieu à l’interdiction de délivrer un AC.

 

[2]               La présente instance est l’appel des appelantes à l’égard de la deuxième décision concernant un AC. La Cour d’appel fédérale a accueilli avec dépens la requête d’Apotex portant rejet de l’appel (la décision relative au 2e appel concernant un AC) et a rejeté l’appel avec dépens au motif que celui-ci était théorique. Essentiellement, Apotex a soutenu à l’audience qu’en raison de l’expiration du brevet 457 et du fait qu’elle s’était engagée à se désister de son appel (le premier appel concernant un AC) (lequel désistement a finalement été déposé le 13 octobre 2006) à l’égard de la première décision concernant un AC si elle avait gain de cause en l’espèce, aucun obstacle législatif n’empêchait désormais la délivrance d’un AC, de sorte qu’il n’y avait plus de question à trancher.

 

[3]               Je n’ai pas exposé les arguments que les parties ont invoqués au sujet des réclamations fondées sur les articles 17 (préparation de l’avis d’appel), 25 (services rendus après le jugement), 26 (taxation des frais) et 27 (autres services acceptés par l’officier taxateur), parce que j’estime que les conclusions que j’ai formulées dans Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), [2008] A.C.F. n° 870 (O.T.) [Abbott] s’appliquent. J’accorde la réclamation fondée sur l’article 25, mais je refuse celles qui sont fondées sur les articles 17 et 27 et qui concernent respectivement la préparation de l’avis d’appel et celle du mémoire de dépens. Comme je l’ai fait dans l’affaire Abbott, je refuse d’accorder des honoraires au titre de l’article 27 comme solution de rechange aux honoraires prévus à l’article 17. J’accorde des honoraires fondés sur l’article 26 selon la valeur intermédiaire utilisée tout au long du mémoire de dépens. Les montants réclamés au titre des articles 18 (préparation du dossier d’appel) et 19 (mémoire des faits et du droit) et des débours non contestés sont accordés. Compte tenu de la conclusion à laquelle j’en arrive ci-dessous au sujet de l’article 22, aucun montant ne peut être accordé au titre de l’alinéa 22b) (honoraires pour le second avocat à l’audition de l’appel).

 

I. La position d’Apotex

[4]               Invoquant l’article 419 et l’alinéa 420(2)b) des Règles (offre de règlement), Apotex a réclamé le double des honoraires prévus à l’article 21 (préparation et audition d’une requête) et à l’article 22, soit un montant additionnel de 2 400 $. Dans un courriel en date du 29 juin 2006 (courriel), Apotex a proposé un règlement en se fondant sur le fait que, par suite d’une décision rendue par la Cour d’appel fédérale dans une autre instance (la jurisprudence), le présent appel était devenu théorique, le brevet 457 ayant expiré, et a fait valoir qu’elle solliciterait « la pleine indemnisation » des frais si les demanderesses ne consentaient pas à une ordonnance portant rejet. Il appert clairement du courriel qu’il s’agissait d’une proposition de règlement qui comportait l’élément de compromis exigé aux fins de l’alinéa 420(2)b) des Règles en empêchant la prise en compte des dépens de l’audition de l’appel et qui était susceptible d’être acceptée.

 

[5]               Apotex a soutenu que la position des appelantes selon laquelle le courriel ne pouvait être considéré comme une offre de règlement était ridicule, étant donné que, dans une réponse datée du 19 juillet 2006, leur avocat avait décrit cette proposition comme une proposition [traduction] : « que nos clientes ne sont pas disposées à accepter » et avait ajouté que [traduction] « la proposition n’était pas acceptée et n’était pas acceptable ». La preuve des appelantes ne donne pas à penser que la teneur de la proposition a été mal comprise. De plus, les appelantes ont fait valoir dans leurs documents que l’abandon de leur part de la protection relative au brevet 457 n’était nullement fondé sur le désir d’éviter une décision défavorable au sujet des dépens. Cette position montrait clairement que le courriel comportait un élément de compromis et n’était pas un appel à la capitulation, ce que les appelantes ont compris.

 

[6]               Apotex a pris note de l’admission des appelantes au sujet de l’alinéa 21a) du Tarif (préparation de la requête portant rejet de l’appel au motif qu’il est devenu théorique) et de l’alinéa 21b) (présence à l’audition de la requête) ainsi que de l’objection qu’elles ont formulée à l’égard de la réclamation fondée sur l’alinéa 22b) (présence à l’audition de l’appel) au motif qu’il n’y avait pas eu d’audience proprement dite. Apotex a fait valoir que la décision par laquelle sa requête portant rejet a été accueillie a eu pour effet de trancher l’appel, ce qui lui donnait droit aux dépens de l’appel. Les avocats devaient être prêts à plaider l’appel lui‑même en cas de rejet de la requête.

 

[7]               Apotex a également fait valoir que la preuve qu’elle a présentée montrait à première vue que le montant qu’elle réclamait au titre des recherches informatisées (576,99 $) et de la récupération de dossiers (91 $) et que les appelantes contestaient était raisonnable. La mention des décisions pertinentes aux fins du mémoire (audition de l’appel) et de la requête portant rejet était prudente. Les frais se rapportant à la récupération de dossiers (entreposage et accès) ne constituent pas des frais généraux et les réclamations relatives à ces deux catégories de frais ont été accordées dans le passé.

 

II. La position des appelantes

[8]               Les appelantes ont décrit le courriel comme une prétendue offre de règlement et soutenu que le document n’était pas clair et n’était rien de plus qu’une invitation à capituler, soit à abandonner leur appel en échange du fait qu’Apotex renoncerait à réclamer la pleine indemnisation de ses frais. Ce n’était pas un compromis. De plus, il ne pouvait y avoir de garantie que des dépens avocat-client seraient accordés et le dossier ne comportait pas le moindre élément montrant une conduite qui justifierait cette indemnité. Subsidiairement, le courriel n’était pas une offre de règlement claire et non équivoque, mais plutôt une proposition visant à tenter de négocier en vue d’en arriver à un règlement. Cette proposition, pour laquelle aucune réponse n’était demandée en l’espèce, ne constitue pas une offre de règlement.

 

[9]               Les appelantes ont admis qu’Apotex avait droit aux dépens de l’appel en ce qui a trait aux débours et à des honoraires comme ceux qui sont prévus aux articles 18 et 19. Le dépôt d’un avis de désistement permettrait à une partie de solliciter les dépens de l’appel (article 402 des Règles), mais aucun montant ne peut être réclamé au titre de l’article 19 si le désistement a précédé la préparation du mémoire. Dans la même veine, si une requête portant rejet d’un appel en raison du caractère théorique de celui-ci, comme c’est le cas en l’espèce, est accueillie, il n’y a pas d’audience relative à l’appel de sorte qu’aucun montant ne peut être réclamé au titre de l’article 22, qui concerne les honoraires d’avocat lors de l’audition de l’appel. La préparation en vue d’une audience devant la Cour d’appel fédérale est visée par l’article 18 ou 19 du Tarif. L’article 22 porte uniquement sur la présence à l’audience. Le Tarif permet de recouvrer, à l’alinéa 21a), des honoraires à l’égard de la préparation de la requête, mais ne permet pas de réclamer quoi que ce soit relativement à la préparation en vue de l’audition de l’appel. La preuve présentée au sujet des débours est insuffisante.

 

III. Taxation

[10]           Selon le texte du courriel, l’avocat de la partie adverse [traduction] « conviendrait sûrement » que la jurisprudence [traduction] « avait eu pour effet de trancher les deux appels en instance entre nos clientes », soit un appel non lié et le premier appel concernant un AC, et qu’une ordonnance portant rejet était [traduction] « la seule façon logique de procéder ». Le courriel portait également sur un troisième appel (non lié). Le 19 juillet 2006, l’avocat d’Apotex a demandé une réponse à son courriel.

 

[11]           Je ne crois pas que la mention de trois appels différents dans le courriel a créé de la confusion dans l’esprit des appelantes. À mon avis, le courriel était une offre de règlement, bien que cette expression n’ait pas été employée. Aux paragraphes 14 à 16 inclusivement de la décision que j’ai rendue dans Biovail Corp. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 61 C.P.R. (4th) 33, [2007] A.C.F. nº 1018 (OT) [Biovail], conf. [2008] A.C.F. n° 342 (C.F.), j’ai exprimé mes préoccupations au sujet de l’application de l’article 420 des Règles dans certaines circonstances. J’accorde le double des dépens en l’espèce, mais seulement suivant des montants minimaux afin d’atténuer l’effet de cette indemnité, conformément à l’article 409 et à l’alinéa 400(3)o) des Règles, parce que je pense, comme je le pensais dans l’affaire Biovail, que l’offre présentée en l’espèce correspondait à peine au critère établi pour le double des dépens et que les appelantes n’ont à aucun moment tenu compte de la part de marché en jeu.

 

[12]           Dans l’ordonnance rendue le 12 avril 2006, la Cour d’appel fédérale a ordonné que « la requête d’Apotex en vue de faire rejeter l’appel soit renvoyée à la formation désignée par le juge en chef pour instruire l’appel sur le fond... ». Cette formulation donnait à entendre que l’audition de la requête était différente de l’audition de l’appel, puisqu’il s’agissait d’événements distincts. L’article 21 du Tarif concerne la première et l’article 22, la seconde. Selon l’ordonnance rendue le 11 juillet 2006, l’audition de la requête portant rejet et de l’appel de l’intimée était fixée au 11 octobre 2006, ce qui montre encore là à mon avis qu’il s’agit d’événements distincts. Au paragraphe 14 de la décision relative au deuxième appel concernant un AC, la Cour d’appel fédérale a conclu que « l’appel est devenu théorique en raison de l’expiration du brevet en cause ». Au paragraphe 16, elle a précisé que « la seule question qui subsiste est par conséquent celle de savoir si la Cour devrait néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’appel ». Aux paragraphes 18 à 21 de son jugement, la Cour d’appel fédérale a décidé que les appelantes n’avaient pas justifié la tenue d’une audition de l’appel. Je souscris aux arguments des appelantes au sujet de l’article 22, parce que les dépens constituent une indemnité. En effet, s’il n’y a pas eu d’audience, l’avocat d’Apotex pouvait exiger des dépens uniquement pour sa présence à l’audition de la requête. En conséquence, les appelantes doivent payer à Apotex uniquement les dépens correspondant aux événements qui ont eu lieu, soit l’audition de la requête, et non les dépens relatifs à des événements qui ne se sont pas produits, comme l’audition de l’appel. Je refuse les réclamations fondées sur l’article 22. Par conséquent, le double des dépens qui est prévu à l’alinéa 420(2)b) des Règles ne s’applique qu’aux honoraires réclamés au titre des alinéas 21a) et b), que je réduis à leurs valeurs minimales respectives afin d’atténuer l’effet de cette indemnité, pour les motifs exposés ci-dessus. Tout comme dans l’affaire Biovail, la TPS s’applique aux honoraires pertinents avant qu’ils soient doublés, mais non au montant ajouté conformément à l’alinéa 420(2)b) des Règles, parce qu’Apotex n’aurait pas payé de TPS sur ce montant ajouté.

 

[13]           Certaines des conclusions que j’ai formulées dans Abbott portaient sur les appels concernant les AC. La preuve présentée en l’espèce est comparable à celle dont j’ai été saisi dans Abbott. Conformément à l’approche que j’ai adoptée dans Abbott, je refuse la réclamation relative à la récupération des dossiers et je fais droit à celle qui concerne les recherches informatisées. Le mémoire de dépens d’Apotex, présenté au montant de 10 562,69 $, est taxé et fixé à 9 122,52 $.

 

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        A-589-05

 

INTITULÉ :                                       SANOFI AVENTIS CANADA INC. et al.

                                                            c. APOTEX INC. et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 1er novembre 2007

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION

DES DÉPENS :                                  L’OFFICIER TAXATEUR CHARLES E. STINSON

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 3 septembre 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Denise Lacombe

Junyi Chen

 

POUR LES APPELANTES

 

David E. Lederman

 

POUR L’INTIMÉE

Apotex Inc.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Smart & Biggar

Toronto (Ontario)

 

POUR LES APPELANTES

 

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR L’INTIMÉE

Apotex Inc.

 

POUR L’INTIMÉ

Le ministre de la Santé

 

 

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