Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20080623

Dossier : A‑349‑07

Référence : 2008 CAF 222

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LA PREMIÈRE NATION DAKOTA DE STANDING BUFFALO,

et LE CHEF RODGER REDMAN, LES CONSEILLERS WAYNE GOODWILL,

DION YUZICAPPI, CLIFTON ISNANA,

CURTIS WHITEMAN et DONALD WAJUNTA,

en qualité de représentants

DES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DAKOTA DE STANDING BUFFALO

 

demandeurs

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

ENBRIDGE PIPELINES (WESTSPUR) INC.

et ENCANA CORPORATION

 

défendeurs

 

 

 

Audience tenue à Regina (Saskatchewan), le 3 juin 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 23 juin 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                       LE JUGE PELLETIER

                                                                                                                                  LE JUGE RYER


 

Date : 20080623

Dossier : A‑349‑07

Référence : 2008 CAF 222

 

CORAM :      LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LA PREMIÈRE NATION DAKOTA DE STANDING BUFFALO,

et LE CHEF RODGER REDMAN, LES CONSEILLERS WAYNE GOODWILL,

DION YUZICAPPI, CLIFTON ISNANA,

CURTIS WHITEMAN et DONALD WAJUNTA,

en qualité de représentants

DES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DAKOTA DE STANDING BUFFALO

 

demandeurs

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA,

ENBRIDGE PIPELINES (WESTSPUR) INC.

et ENCANA CORPORATION

 

défendeurs

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision OH‑2‑2007, communiquée aux demandeurs le 28 juin 2007, par laquelle l'Office national de l'énergie (l'ONE) a approuvé la demande de la défenderesse Enbridge Pipelines (Westpur) Inc. (Enbridge) tendant à obtenir, sous le régime de l'article 52 de la Loi sur l'Office national de l'énergie, L.R.C. 1985, ch. N‑6, un certificat d'utilité publique relativement au « projet d'accroissement de la capacité entre Alida et Cromer » (le projet). Les demandeurs, soit la Première Nation Dakota de Standing Buffalo et ses membres (ci‑après collectivement désignés Standing Buffalo), sont intervenus dans la procédure de l'ONE pour faire rejeter la demande d'Enbridge, mais n'y ont pas réussi. Standing Buffalo fait valoir que notre Cour devrait casser la décision de l'ONE aux motifs qu'elle soutient une revendication crédible de titre ancestral sur les terres sur lesquelles le projet est situé, que cette décision a été rendue sans que soit respecté son droit d'être consultée et de voir ses intérêts pris en compte à l'égard de ces terres, et que l'ONE a commis une erreur en n'assignant pas le gouvernement du Canada à comparaître à l'audience pour plaider sur la question de la consultation.

 

[2]               Enbridge conteste ces prétentions et soutient en outre que notre Cour n'a pas compétence sur la demande de contrôle judiciaire de Standing Buffalo. Pour les motifs dont l'exposé suit, j'ai conclu qu'Enbridge a raison sur la question de la compétence, et je rejetterais la présente demande sur ce fondement.

 

Le régime applicable

[3]               La décision en litige a été rendue par l'ONE en vertu de l'article 52 de la Loi sur l'Office national de l'énergie, dont le passage pertinent est libellé comme suit :

52. Sous réserve de l’agrément du gouverneur en conseil, l’Office peut, s’il est convaincu de son caractère d’utilité publique, tant pour le présent que pour le futur, délivrer un certificat à l’égard d’un pipeline; ce faisant, il tient compte de tous les facteurs qu’il estime pertinents […].

52. The Board may, subject to the approval of the Governor in Council, issue a certificate in respect of a pipeline if the Board is satisfied that the pipeline is and will be required by the present and future public convenience and necessity and, in considering an application for a certificate, the Board shall have regard to all considerations that appear to it to be relevant […].

 

Les faits

[4]               Enbridge possède et exploite le réseau pipelinier Enbridge Westspur. Ce réseau transporte du pétrole brut à partir de réseaux collecteurs et de terminaux routiers. Il transporte aussi des liquides de gaz naturel depuis une usine de traitement du gaz naturel sise à Steelman (Saskatchewan) jusqu'au terminal d'Enbridge Pipelines Inc. situé à Cromer (Manitoba), qui est connecté au pipeline principal de la même société.

 

[5]               La présente affaire concerne le segment de 60 kilomètres du pipeline Enbridge Westspur qui s'étend entre Alida (Saskatchewan) et Cromer (Manitoba). Le projet a pour but de faire passer de 25 000 à 29 900 mètres cubes par jour la capacité annuelle de transport de pétrole brut sur ces 60 kilomètres. L'emprise du pipeline d'origine d'Enbridge entre Alida et Cromer fait 15 mètres de large. Depuis 1956, deux pipelines d'Enbridge sont exploités sur cette emprise, soit un de 12 pouces pour les liquides de gaz naturel et un de 16 pouces pour le pétrole brut. Le projet consiste à élargir l'emprise de 20 mètres, à ajouter un pipeline de 6 pouces pour le gaz naturel liquéfié (GNL) et à transformer en vue du transport de pétrole brut le pipeline de 12 pouces actuellement utilisé pour le GNL.

 

[6]               En janvier 2007, Enbridge a demandé sous le régime de l'article 52 de la Loi sur l'Office national de l'énergie un certificat d'utilité publique autorisant l'exécution du projet et l'exploitation des canalisations qui en résulteraient. L'ONE a décidé d'examiner cette demande par voie de procédure orale. Enbridge a avisé un certain nombre de groupes autochtones de son projet et les a invités à participer aux discussions et à poser des questions.

 

[7]               Pour établir la portée de ce qu'on appelle son [TRADUCTION] « programme de consultation des Autochtones », Enbridge a pris en considération les faits suivants : le projet mettait en jeu un segment de 60 kilomètres de nouvelles canalisations adjacent à une emprise existante; les terres sur lesquelles il était prévu d'élargir celle‑ci étaient en tenure franche; et, durant les 50 années d'exploitation des pipelines de l'emprise existante, elle n'avait jamais eu connaissance que des Autochtones auraient fait valoir des droits ou des revendications sur la surface de ladite emprise ou sur les terres adjacentes, ou les auraient utilisées de quelque façon que ce soit. Se fondant sur ces prémisses, Enbridge est entrée en rapport avec des groupes représentant les résidents amérindiens et métis d'un couloir de 160 kilomètres axé sur l'emprise existante, soit l'Assemblée des chefs du Manitoba, la Fédération des Métis du Manitoba, la Fédération des nations indiennes de la Saskatchewan, la Nation des Métis – Région de l'Est, zone III, la Première Nation Dakota de Canupawakpa, la Nation Dakota de Sioux Valley, la Première Nation des Sioux Birdtail et la Première Nation de White Bear. Enbridge a aussi consulté les bureaux régionaux du Manitoba et de la Saskatchewan au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui l'ont informée qu'il n'y avait pas de négociations en cours sur des revendications territoriales touchant la zone du projet.

[8]               Enbridge n'est pas entrée en rapport avec Standing Buffalo dans le cadre de ces négociations. Je suppose, d'après les faits récapitulés plus haut, que c'est parce que le territoire où réside actuellement Standing Buffalo, soit une réserve sise près de Fort Qu'appelle (Saskatchewan), se trouve en dehors du couloir de 160 kilomètres axé sur l'emprise existante, et qu'Enbridge ne savait pas que Standing Buffalo avait fait valoir une revendication de titre ancestral sur des terres comprenant celles où le projet devait être exécuté. Il apparaît que la réserve de Standing Buffalo se trouve à environ 200 kilomètres de la zone du projet.

 

[9]               Le 22 février 2007, Standing Buffalo a formé une demande tendant à obtenir la qualité d'intervenant dans la procédure de l'ONE afin de faire opposition à la demande de certificat d'Enbridge, aux motifs d'une revendication crédible supposée de titre ancestral sur les terres de la zone considérée et du manquement de la Couronne à l'obligation supposée de la consulter touchant ladite demande d'Enbridge. Cette dernière n'avait jamais soupçonné auparavant que Standing Buffalo s'estimait concernée par le projet. Enbridge a alors communiqué à Standing Buffalo une copie de sa demande de certificat et a essayé en vain de rencontrer le chef et le conseil de cette nation avant l'audience de l'ONE.

 

[10]           Standing Buffalo a obtenu la qualité d'intervenant et a été autorisée à produire des éléments de preuve devant l'ONE, en partie sous forme d'affidavits et en partie sous forme de témoignages oraux de ses anciens sur son histoire. Standing Buffalo affirme que sa preuve établit les faits suivants :

 

A)     Le peuple Dakota, y compris Standing Buffalo, soutient une revendication crédible de titre ancestral sur les terres comprenant la zone du projet.

B)     Le peuple Dakota, y compris Standing Buffalo, n'a jamais conclu avec la Couronne de traité assimilable aux traités numérotés que cette dernière a invoqués dans d'autres affaires pour établir l'extinction du titre ancestral.

C)     La Couronne et le peuple Dakota, y compris Standing Buffalo, ont négocié durant sept ans en vue de conclure un traité, mais le Canada a rompu ces négociations de mauvaise foi, sans donner d'explication de sa position.

D)     La Couronne n'a pas consulté Standing Buffalo au sujet du projet ni ne l'a même informée de son existence.

 

[11]           Les observations présentées par Standing Buffalo dans la procédure de l'ONE exprimaient aussi des préoccupations particulières touchant la possibilité de découvertes archéologiques et le risque de perturbation de sites archéologiques dans la zone du projet, des sépultures, poteries, calumets et autres objets antérieurement découverts dans la région générale dudit projet ayant été reconnus comme Dakotas.

 

[12]           Le gouvernement du Canada n'était pas représenté à l'audience de l'ONE, n'y a pas produit de preuve et n'y a pas proposé d'observations. Standing Buffalo a soutenu devant l'ONE que celui‑ci devait contraindre le Canada à produire des éléments de preuve et à expliquer pourquoi il avait omis de la consulter. Or l'ONE n'a pas contraint le gouvernement à produire des éléments de preuve, pas plus qu'il n'a abordé cette question dans l'exposé des motifs de sa décision.

 

[13]           L'ONE a rejeté l'opposition de Standing Buffalo et a conclu que le projet était d'utilité publique, tant pour le présent que pour le futur. Il a délivré un certificat d'utilité publique assorti de certaines conditions et a recommandé au gouverneur en conseil de l'approuver, ce que ce dernier a fait le 5 septembre 2007 (décret CP 2007‑1234).

 

[14]           Une des conditions du certificat visait à prendre en compte les préoccupations exprimées par Standing Buffalo touchant les découvertes archéologiques ou assimilées qui pourraient survenir avant ou durant la construction. Enbridge était tenue, dans le cas d'une telle découverte, de cesser immédiatement les travaux à l'endroit en question, d'aviser les services provinciaux compétents et de ne reprendre les travaux qu'avec leur autorisation.

 

[15]           Je résumerais comme suit les motifs invoqués par l'ONE pour rejeter la prétention de Standing Buffalo selon laquelle il ne devait pas examiner la demande d'Enbridge avant que la Couronne ne l'ait valablement consultée elle-même :

A)                Les mesures prises dans ce cas suffisaient à communiquer à Standing Buffalo les renseignements pertinents sur le projet, ainsi qu'à permettre et faciliter sa participation à l'audience de l'ONE.

B)                 La plus grande partie de la preuve produite par Standing Buffalo n'était guère pertinente par rapport aux questions dont l'ONE était saisie. Il n'entre pas dans le mandat de cet organisme de trancher les litiges relatifs aux titres ancestraux (ce que toutes les parties se sont accordées à reconnaître).

C)                Pour ce qui concerne l'opposition de Standing Buffalo à la demande d'Enbridge, l'ONE a pris en considération les faits suivants :

                                            i)            La zone des travaux du projet coïncide avec une emprise adjacente à une autre emprise qui existe depuis 50 ans.

                                           ii)            Au cours de ce demi-siècle, Enbridge n'avait été informée d'aucune revendication autochtone sur quelque partie que ce soit de l'emprise.

                                         iii)            Standing Buffalo n'avait produit aucun élément tendant à prouver l'existence d'un usage traditionnel encore effectif des terres voisines du projet.

                                         iv)            Standing Buffalo n'avait « pas de droits établis légalement dans la région et sa revendication [n'était] pas reconnue par le gouvernement du Canada ». En aurait‑il été autrement, elle n'avait produit aucun élément tendant à établir les effets précis que le projet pourrait avoir sur ses intérêts, sauf pour ce qui concerne la possibilité de découvertes archéologiques. Les préoccupations de Standing Buffalo à cet égard seraient prises en compte par l'adjonction d'une condition au certificat.

 

[16]           Le 20 juillet 2007, Standing Buffalo a demandé à l'ONE de réexaminer sa décision de délivrer à Enbridge le certificat prévu à l'article 52. L'ONE a rejeté cette demande le 6 décembre 2007. Le 26 juillet 2007, Standing Buffalo a déposé, en vertu de l'alinéa 28(1)f) de la Loi sur les Cours fédérales, la présente demande de contrôle judiciaire tendant à obtenir de notre Cour la cassation de la décision de l'ONE de délivrer ledit certificat à Enbridge. Le même jour, Standing Buffalo a déposé devant l'ONE une requête en sursis à exécution de sa décision, requête que l'ONE a rejetée le 11 septembre 2007.

 

[17]           Le 27 juillet 2007, Standing Buffalo a déposé, sous le régime du paragraphe 22(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie, une demande d'autorisation d'interjeter appel de la décision de l'ONE. Les écritures de cette demande d'autorisation ne mentionnaient pas que la présente demande de contrôle judiciaire de la même décision était en instance. Les moyens d'appel avancés dans la demande d'autorisation sont essentiellement les mêmes que les moyens invoqués dans la présente espèce, sauf qu'ils sont formulés dans un ordre différent. La demande d'autorisation d'interjeter appel a été rejetée le 21 septembre 2007 par décision non motivée par écrit.

 

Les questions en litige

[18]           La présente espèce soulève à mon sens trois questions principales :

 

A)                Notre Cour a‑t‑elle compétence sur la présente demande de contrôle judiciaire, étant donné le paragraphe 22(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie, ainsi que l'article 18.5 et le paragraphe 18(2) de la Loi sur les Cours fédérales?

B)                 Dans l'affirmative, notre Cour devrait-elle rejeter la demande de contrôle judiciaire de Standing Buffalo en se fondant sur les principes de la chose jugée ou de l'irrecevabilité à remettre une cause en question, au motif que les points ici mis en litige sont en substance les mêmes que ceux soulevés dans la demande d'autorisation d'appel dont Standing Buffalo a été déboutée?

C)                Si notre Cour examine la présente demande au fond, devrait-elle casser la décision de l'ONE de délivrer le certificat prévu à l'article 52, soit au motif que l'ONE n'a pas assigné la Couronne à comparaître, soit à celui que la Couronne a manqué à son obligation de consulter Standing Buffalo et de prendre ses intérêts en compte?

 

Analyse

[19]           Enbridge soutient que notre Cour n'a pas compétence sur la présente demande de contrôle judiciaire, étant donné l'article 18.5 et le paragraphe 28(2) de la Loi sur les Cours fédérales, ainsi que le paragraphe 22(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie. Standing Buffalo répond que la présente demande relève tout à fait de la compétence de notre Cour en vertu de l'alinéa 28(1)f) de la Loi sur les Cours fédérales et qu'elle ne peut être déclarée non recevable sous le régime des dispositions invoquées par Enbridge.

 

[20]           Les décisions de l'ONE sont assujetties au contrôle de notre Cour plutôt qu'à celui de la Cour fédérale, par l'effet combiné de l'article 18, de l'alinéa 28(1)f) et du paragraphe 28(3) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, dont le texte suit :

18. (1) Sous réserve de l'article 28, la Cour fédérale a compétence exclusive, en première instance, pour :

a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de mandamus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un jugement déclaratoire contre tout office fédéral;

b) connaître de toute demande de réparation de la nature visée par l’alinéa a), et notamment de toute procédure engagée contre le procureur général du Canada afin d’obtenir réparation de la part d’un office fédéral.

 

[…]

 

28. (1) La Cour d'appel fédérale a compétence pour connaître des demandes de contrôle judiciaire visant les offices fédéraux suivants :

 

[…]

f) l’Office national de l’énergie constitué par la Loi sur l’Office national de l’énergie […].

[…]

 

28. (3) La Cour fédérale ne peut être saisie des questions qui relèvent de la Cour d'appel fédérale.

18. (1) Subject to section 28, the Federal Court has exclusive original jurisdiction

(a) to issue an injunction, writ of certiorari, writ of prohibition, writ of mandamus or writ of quo warranto, or grant declaratory relief, against any federal board, commission or other tribunal; and

(b) to hear and determine any application or other proceeding for relief in the nature of relief contemplated by paragraph (a), including any proceeding brought against the Attorney General of Canada, to obtain relief against a federal board, commission or other tribunal.

[…]

 

28. (1) The Federal Court of Appeal has jurisdiction to hear and determine applications for judicial review made in respect of any of the following federal boards, commissions or other tribunals:

 

[…]

(f) the National Energy Board established by the National Energy Board Act

 

[…]

 

28. (3) If the Federal Court of Appeal has jurisdiction to hear and determine a matter, the Federal Court has no jurisdiction to entertain any proceeding in respect of that matter.

 

[21]           Cependant, la compétence de notre Cour sur les demandes de contrôle judiciaire se trouve limitée dans certains cas par l'effet combiné de l'article 18.5 et du paragraphe 28(2) de la Loi sur les Cours fédérales, dont voici les passages pertinents :

18.5. Par dérogation aux articles 18 et 18.1, lorsqu'une loi fédérale prévoit expressément qu'il peut être interjeté appel, devant […] la Cour d'appel fédérale […] d'une décision ou d'une ordonnance d'un office fédéral, rendue à tout stade des procédures, cette décision ou cette ordonnance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d'un tel appel, faire l'objet de contrôle, de restriction, de prohibition, d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention, sauf en conformité avec cette loi.

18.5. Despite sections 18 and 18.1, if an Act of Parliament expressly provides for an appeal to […] the Federal Court of Appeal […] from a decision or an order of a federal board, commission or other tribunal made by or in the course of proceedings before that board, commission or tribunal, that decision or order is not, to the extent that it may be so appealed, subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with, except in accordance with that Act.

[…]

[…]

28. (2) Les articles 18 à 18.5 s'appliquent, exception faite du paragraphe 18.4(2) et compte tenu des adaptations de circonstance, à la Cour d'appel fédérale comme si elle y était mentionnée lorsqu'elle est saisie en vertu du paragraphe (1) d'une demande de contrôle judiciaire.

28. (2) Sections 18 to 18.5, except subsection 18.4(2), apply, with any modifications that the circumstances require, in respect of any matter within the jurisdiction of the Federal Court of Appeal under subsection (1) and, when they apply, a reference to the Federal Court shall be read as a reference to the Federal Court of Appeal.

 

[22]           Par ailleurs, le paragraphe 22(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie dispose qu'il peut être interjeté appel devant notre Cour, sous réserve de l'autorisation de cette dernière, d'une décision ou ordonnance de l'ONE, sur une question de droit ou de compétence. Ce paragraphe est ainsi libellé :

22. (1) Il peut être interjeté appel devant la Cour d’appel fédérale, avec l’autorisation de celle-ci, d’une décision ou ordonnance de l’Office, sur une question de droit ou de compétence.

22. (1) An appeal lies from a decision or order of the Board to the Federal Court of Appeal on a question of law or of jurisdiction, after leave to appeal is obtained from that Court.

 

[23]           Enbridge soutient, se fondant principalement sur Leroux c. Transcanada Pipelines Ltd. (1996), 198 N.R. 316, [1996] A.C.F. no 622 (C.A.F.), que, étant donné l'article 18.5 et le paragraphe 28(2) de la Loi sur les Cours fédérales, Standing Buffalo ne peut contester la décision de l'ONE de délivrer à Enbridge le certificat prévu à l'article 52 que par voie d'appel sous le régime du paragraphe 22(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie. Standing Buffalo affirme pour sa part qu'une telle interprétation ne peut être correcte puisqu'elle enlèverait toute signification à l'alinéa 28(1)f) de la Loi sur les Cours fédérales. Standing Buffalo fait également valoir que le paragraphe 22(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie est conçu pour permettre d'interjeter appel sur des questions qui relèvent du mandat légal et de l'expertise spéciale de l'ONE (telles que la réglementation des pipelines), alors que l'article 18.5 de la Loi sur les Cours fédérales vise à exclure les demandes de contrôle judiciaire sur les questions de cette nature, mais non les demandes de contrôle judiciaire fondées sur des principes généraux du droit public ou, comme dans la présente espèce, sur des principes du droit des Autochtones.

 

[24]           Je pense comme Enbridge que notre Cour n'a pas compétence sur la présente demande de contrôle judiciaire. À mon sens, cette conclusion découle nécessairement de l'article 18.5 et du paragraphe 28(2) de la Loi sur les Cours fédérales. Standing Buffalo, en tant qu'intervenant dans la procédure de l'ONE, avait le droit d'invoquer le paragraphe 22(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie pour attaquer la décision de l'ONE. Bien que ce paragraphe subordonne la possibilité d'interjeter appel à une autorisation et limite les moyens d'appel à des questions de droit ou de compétence, l'existence d'un tel droit d'appel d'origine législative rend notre Cour incompétente sur la présente demande de contrôle judiciaire de la décision de l'ONE.

 

[25]           Je ne puis souscrire à la conclusion de Standing Buffalo selon laquelle cette interprétation priverait d'effet l'alinéa 28(1)f) de la Loi sur les Cours fédérales. Toute personne directement touchée par une décision de l'ONE qui n'a pas le droit d'appel peut former une demande de contrôle judiciaire de cette décision; voir par exemple Union of Nova Scotia Indians c. Maritimes and Northeast Pipeline Management Ltd. (1999), 243 N.R. 205, [1999] A.C.F. no 242 (C.A.F.), et Arthur c. Canada (Procureur général) (1999), 254 N.R. 136, [1999] A.C.F. no 1917 (C.A.F.). De même, qui veut exercer contre l'ONE un recours ne mettant pas en jeu la contestation d'une décision ou ordonnance de cet organisme peut le faire par voie de demande de contrôle judiciaire.

 

[26]           Je ne souscris pas non plus à l'idée que la portée du paragraphe 22(1) de la Loi sur l'Office national de l'énergie ne serait pas assez large pour comprendre les appels fondés sur des principes de droit public ou de droit des Autochtones. À mon avis, le droit d'appel que prévoit ce paragraphe s'applique à toute question de droit ou de compétence et ne se limite pas aux questions juridiques relatives à la réglementation des pipelines ou aux autres attributions techniques de l'ONE.

 

[27]           Je conclus que notre Cour n'a pas compétence sur la présente demande de contrôle judiciaire de Standing Buffalo. Cette conclusion suffit à motiver le rejet de ladite demande. Je n'exprimerai aucune opinion concernant les principes de la chose jugée ou de l'irrecevabilité à remettre une cause en question dont Enbridge a excipé, ni non plus sur les points de fond soulevés par Standing Buffalo.

 

Conclusion

[28]           Je rejetterais la présente demande avec dépens.

« K. Sharlow »

j.c.a.

« Je suis d'accord

            J.D. Denis Pelletier j.c.a. »

 

« Je suis d'accord

            C. Michael Ryer j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR D'APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A 349‑07

 

INTITULÉ :                                                   LA PREMIÈRE NATION DAKOTA DE STANDING BUFFALO, et LE CHEF RODGER REDMAN, LES CONSEILLERS WAYNE GOODWILL, DION YUZICAPPI, CLIFTON ISNANA, CURTIS WHITEMAN ET DONALD WAJUNTA, EN QUALITÉ DE REPRÉSENTANTS DES MEMBRES DE LA PREMIÈRE NATION DAKOTA DE STANDING BUFFALO

                                                                        c.

                                                                        LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA, ENBRIDGE PIPELINES (WESTSPUR) INC. et

                                                                        ENCANA CORPORATION

                                                                                               

LIEU DE L'AUDIENCE :                             Regina (Saskatchewan)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                           Le 3 juin 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        La juge Sharlow

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     Le juge Pelletier

                                                                        Le juge Ryer

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 23 juin 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Rasmussen, c.r.

M. Phillips

POUR LES DEMANDEURS

 

R. Newfeld, c.r.

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Phillips & Co.

Regina (Saskatchewan)

POUR LES DEMANDEURS

 

Fraser Milner Casgrain

Calgary (Alberta)

POUR LES DÉFENDEURS

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.