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Date : 20080529

Dossier : A-601-06

Référence : 2008 CAF 196

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

BRIAN JENNER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 1er mai 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 mai 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE BLAIS

 


 

 

Date : 20080529

Dossier : A-601-06

Référence : 2008 CAF 196

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE BLAIS

 

ENTRE :

BRIAN JENNER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE DESJARDINS

[1]               L’appelant s’en prend à une décision de la Cour canadienne de l’impôt (Jenner c. Canada 2007, CCI 141, juge Archambault) qui a rejeté son appel à l’encontre de la décision du ministre du Revenu national. Le ministre a déterminé que le crédit de taxe sur les intrants (CTI) auquel avait droit l’appelant selon l’article 201 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, c. E-15, (la LTA) se limitait à la somme  prescrite de 30 000 $ puisque le véhicule en cause, une Land Rover, se qualifiait comme « voiture de tourisme » au sens de la Loi de l’impôt sur le revenu , L.R.C. 1985, c.1 (5e supp.) (la LIR). Le ministre rejetait les prétentions de l'appelant qui soutenait pour sa part que le calcul doit se faire sur la base du prix de détail du véhicule, soit 83 000 $.

[2]               Les deux parties ont reconnu au départ, comme le note le premier juge (paragraphe 3 de ses motifs) que la résolution du litige dépend de la question de savoir si la Land Rover a été acquise ou non dans le cadre de l’exploitation d’une « entreprise » de location de voitures.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES EN CAUSE

[3]               Les dispositions législatives pertinentes de la LTA sont l’article 201 et le paragraphe 123(1) (voiture de tourisme) lesquelles se lisent :

Art. 201. Valeur d’une voiture de tourisme

 

Pour le calcul du crédit de taxe sur les intrants d’un inscrit relativement à une voiture de tourisme qu’il a acquise, importée ou transférée dans une province participante, à un moment donné, pour utilisation comme immobilisation dans le cadre de ses activités commerciales, la taxe payable par l’inscrit relativement à l’acquisition, à l’importation ou au transfert, selon le cas, de la voiture à ce moment est réputée égale au moins élevé des montants suivants :

 

a)       la taxe payable par lui relativement à l’acquisition, à l’importation ou au transfert, selon de cas, de la voiture;

b)       le résultat du calcul suivant :

(A x B) – C

 

Ou :

 

A représente la taxe qui serait payable par lui relativement à la voiture s’il l’avait acquise à l’endroit suivant au moment donné pour une contrepartie égale au montant réputé par les alinéas 13(7)g) ou h) de la Loi de l’impôt sur le revenu être, pour l’application de l’article 13 de cette loi, le coût en capital pour un contribuable d’une voiture de tourisme à laquelle l’un de ces alinéas s’applique :

 

(i)                   dans le cas où l’inscrit transfère la voiture dans une province participante à ce moment, dans cette province,

(ii)                 dans les autres cas, au Canada.

 

[…]

 

C zéro ou, […]

 

« 123. Définitions – (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à l’article 121, à la présente partie et aux annexes V à X.

 

« voiture de tourisme » S’entend au sens du paragraphe 248(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[Je souligne.]

 

[4]               Quant aux mots « automobile » et « voiture de tourisme », le paragraphe 248(1) de la LIR édicte notamment ce qui suit :

« voiture de tourisme » Automobile acquise après le 17 juin 1987 – à l’exclusion d’une automobile acquise après cette date conformément à une obligation écrite contractée avant le 18 juin 1987 – ou automobile louée par contrat de location conclu, prolongé ou renouvelé après le 17 juin 1987. »

 

« automobile » Véhicule à moteur principalement conçu ou aménagé pour transporter des particuliers sur les routes et dans les rues et comptant au maximum neuf places assises, y compris celle du conducteur, à l’exclusion des véhicules suivants :

 

[…]

 

c)       sauf pour l’application de l’article 6, les véhicules à moteur acquis pour être vendus ou loués dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise de vente ou de location de véhicules à moteur et les véhicules à moteur utilisés pour le transport de passagers dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise consistant à organiser des funérailles;

 

[…]

[Je souligne.]

 

[5]               L'alinéa 13(7)g) de la LIR édicte ce qui suit :

Art. 13. Récupération de l’amortissement

 

[…]

 

(7) Règles applicables – Sous réserve du paragraphe 70(13), les règles suivantes s’appliquent dans le cadre des alinéas 8(1)j) et p) du présent article, de l’article 20 et des dispositions réglementaires prises pour l’application de l’alinéa 20(1)a) :

 

[…]

 

g) si le coût d’une voiture de tourisme pour un contribuable est supérieur à 20 000 $ ou à tout autre montant fixé par règlement, le coût en capital de la voiture pour le contribuable est réputé être 20 000 $ ou cet autre montant, selon le cas; »

 

[Je souligne.]

 

[6]               Selon le paragraphe 7307(1) du Règlement de l’impôt sur le revenu, C.R.C., ch. 945, le montant fixé pour l’application de cet alinéa pour une voiture acquise après l'an 2000 est de           30 000 $.

 

[7]               À cela il faut ajouter les définitions des mots « activité commerciale » et « entreprise » énoncée au paragraphe 123(1) de la LTA

« activité commerciale »

"commercial activity"

« activité commerciale » Constituent des activités commerciales exercées par une personne :

 

a) l'exploitation d'une entreprise (à l'exception d'une entreprise exploitée sans attente raisonnable de profit par un particulier, une fiducie personnelle ou une société de personnes dont l'ensemble des associés sont des particuliers), sauf dans la mesure où l'entreprise comporte la réalisation par la personne de fournitures exonérées; (1997, ch. 10, art. 1(2).)

 

[…]

"commercial activity"

« activité commerciale »

"commercial activity" of a person means

 

 

 

(a) a business carried on by the person (other than a business carried on without a reasonable expectation of profit by an individual, a personal trust or a partnership, all of the members of which are individuals), except to the extent  to which the business involves the making of exempt supplies by the person,

 

 

 

« entreprise »
"business"

«entreprise » Sont compris parmi les entreprises les commerces, les industries, les professions et toutes affaires quelconques avec ou sans but lucratif, ainsi que les activités exercées de façon régulière ou continue qui comportent la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable. En sont exclus les charges et les emplois.

 

"business"
« entreprise »

"business" includes a profession, calling, trade, manufacture or undertaking of any kind whatever, whether the activity or undertaking is engaged in for profit, and any activity engaged in on a regular or continuous basis that involves the supply of property by way of lease, licence or similar arrangement, but does not include an office or employment;

 

 

et celle du mot « entreprise » énoncée au paragraphe 248(1) de la LIR

« entreprise »
"business"

«entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi.

 

"business"
« commerce »

"business" includes a profession, calling, trade, manufacture or undertaking of any kind whatever and, except for the purposes of paragraph 18(2)(c), section 54.2, subsection 95(1) and paragraph 110.6(14)(f), an adventure or concern in the nature of trade but does not include an office or employment;

 

 

LES FAITS

[8]               L’appelant, qui s’est inscrit à l’application de la Taxe sur les produits et services (TPS), est président et chef de la direction de The Helicopter Association of Canada (HAC). Il est également salarié du HAC. Il faisait l’acquisition le 16 octobre 2003, d’un véhicule utilitaire de marque Land Rover, au prix de 83 000 $. Il possédait déjà un premier véhicule, une automobile de marque Monaco, modèle The Executive. Le 1er janvier 2004, il louait ces deux véhicules à HAC pour un terme de 5 ans, soit du 1er janvier 2004 au 31 décembre 2008. Le bail prévoyait que les véhicules étaient immatriculés et assurés sous le nom conjoint de HAC et de l’appelant. HAC était responsable, pendant la durée du bail, des frais d’opération ainsi que des réparations mineures. L’appelant était responsable des réparations majeures. Il détenait une garantie de trois ans du fabricant au cas de bris majeurs. HAC versait à l'appelant les frais de location. L’appelant percevait la TPS auprès de HAC.

 

DÉCISION EN APPEL

[9]               Le premier juge rejeta l’appel de M. Jenner. Il explique ainsi les principes de droit applicables :

[7] La Cour n'a aucune hésitation à conclure que les activités de monsieur Jenner ne constituaient pas l'exploitation d'une entreprise et que les passages sur lesquels s'est fondé monsieur Jenner pour justifier sa position, soit les commentaires de la juge L'Heureux-Dubé dans l'arrêt Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336, 1997 CarswellNat 3046[2], ont été pris hors contexte et ne sont d’aucune utilité pour lui.

 

[…]

 

[9] Les commentaires de la juge L’Heureux‑Dubé ne sont d’aucune utilité pour déterminer si le loyer qu’à touché monsieur Jenner doit être considéré comme un revenu tiré d’une entreprise ou comme un revenu tiré d'un bien. L'ensemble de la jurisprudence adopte plutôt les propos suivants qu'a tenus le juge Iacobucci[3] qui, traitant au paragraphe 144 de Hickman Motors de la distinction entre ces deux types de revenu, cite notamment le professeur Vern Krishna et résume ainsi ses propos : « Il établit une distinction entre les deux types de revenu sur le fondement que le terme "entreprise" comporte l'idée d'une certaine activité. » Il cite également, au même paragraphe, ces propos de Peter W. Hogg et de Joanne E. Magee dans Principles of Canadian Income Tax Law (1995), à la page 195 : [TRADUCTION] « Un profit acquis sans effort systématique ne constitue pas un revenu tiré d'une entreprise. Il peut constituer un revenu tiré d'un bien, comme le loyer, l'intérêt ou les dividendes. » Comme le dit le juge Iacobucci, au dernier alinéa du paragraphe 144 : « Sauf si le contribuable utilise réellement l'actif [TRADUCTION] " comme une partie d'un ensemble qui regroupe travail et capital " (Krishna, op. cit. à la p. 276), un revenu tiré de cet actif ne constitue pas un revenu tiré d'une entreprise, mais se classe plutôt dans la catégorie des revenus tirés d'un bien. »

 

[10]  À mon avis, la décision rendue par la Cour suprême dans Hickman Motors ne modifie pas cette approche. Un revenu tiré d'un bien est un revenu qui peut être attribué principalement à cette source. Il ne nécessite pas l’existence d’un travail important, alors que le revenu tiré d'une entreprise requiert généralement l’existence de deux éléments, à savoir le travail et le capital. Parfois il y a peu ou pas de capital. Par contre, le travail (par exemple la prestation d’un service) est nécessaire pour la production d’un revenu d’entreprise. Citons comme exemple le cas d’un médecin exerçant sa profession médicale avec un capital minime de 1 000 $, comme cela a été le cas dans Grenier c. La Reine, 2003 DTC 227, [2005] 2 C.T.C. 2210, par. 3. Un médecin qui exerce sa profession dans un hôpital peut très bien exploiter une entreprise avec très peu de capital lui appartenant. Toutefois, de façon générale, une entreprise exige la combinaison de capital et de travail. C’est cette approche qui a permis aux tribunaux de distinguer entre les revenus tirés d’un bien et ceux tirés d’une entreprise.

 

 

[10]           Appliquant ensuite le droit aux faits en l’espèce, le premier juge conclut :

[12]  Une fois l'acquisition de la Land Rover accomplie, il ne lui restait plus grand-chose à faire comme locateur, sinon d’encaisser à chaque mois ou à chaque année son revenu de loyer. C’est comme salarié du locataire qu’il conduisait les véhicules et qu’il s’occupait de leur entretien régulier. Je rappelle qu’aux termes du bail monsieur Jenner n'avait aucune obligation de fournir autre chose que l'usage de la Land Rover et de l’autocaravane. Compte tenu du fait qu'il n’avait qu’un seul client et que l'entretien de ces véhicules ne nécessitait aucune intervention de sa part à titre de locateur, sauf dans les cas où il y aurait une réparation majeure — et la preuve n'a même pas révélé qu’une telle dépense ait été engagée —, on ne peut pas le considérer comme ayant exploité une entreprise de location.

 

[13]  Je ne vois absolument aucune distinction entre l'activité de monsieur Jenner comme locateur qui tire un revenu d'un bien et celle de tous les propriétaires d'immeubles qui les louent et qui doivent assumer les risques financiers qui en découlent, notamment dans le cas où il y aurait des réparations à faire et où il y aurait défaut de paiement de loyer et des mesures de perception s’imposeraient. Monsieur Jenner est dans la même situation que ces locateurs d’immeubles, peut-être même en meilleure position, puisque c’est son employeur/locataire qui est responsable de l’entretien des véhicules. Or, les propriétaires d’immeubles ont été reconnus par la jurisprudence comme tirant un revenu de biens.

 

PRÉTENTIONS DE L’APPELANT

[11]           L’appelant plaide qu’il exerce une activité commerciale au sens de la définition donnée à ce terme dans la LTA et que c’est la définition du mot « entreprise » contenue dans la LTA qui s’applique en l’espèce et non celle contenue dans la LIR. Le législateur, ajoute-t-il, n’a pas adopté dans la LTA la définition du mot « entreprise » de la LIR mais seulement celle de « voiture de tourisme ». Le premier juge a donc erré en droit, selon lui, en concluant que c’était la définition du mot « entreprise » de la LIR qui s’appliquait.

 

[12]           L’appelant soumet que la définition du terme « entreprise » dans la LTA comprend expressément les activités qui comportent la fourniture de biens par bail et que la définition du terme « entreprise » autant dans la LIR que la LTA, ne fait pas appel à la notion de revenu actif/passif.

 

[13]           L’appelant soumet qu’il a été reconnu dans l’affaire Canadian Marconi c. Canada, [1986] 2 R.C.S. 522 (Canadian Marconi) qu’une activité commerciale ne requiert pas le déploiement de grandes ressources pour constituer une « entreprise » et que, même en l’absence d’un risque d’affaire, une activité commerciale peut néanmoins constituer une entreprise s’il y a une « activité minimale ».

 

[14]           De l'avis de l'appelant, il a de plus été reconnu par la majorité de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Hickman Motors Ltd. c. Canada, [1997] 2 R.C.S. 336 (Hickman Motors) que de courir le risque d'être obligé de respecter une obligation dans un contrat de location peut suffire pour conclure à l'exploitation d'une entreprise. L'appelant affirme qu'il supportait un risque d'affaire en ce qu'il pouvait être appelé à remplacer un moteur défectueux puisque la garantie n'était que de trois ans alors que le contrat de bail était de cinq ans ou faire l'objet d'une poursuite en dommages suite à un accident de la route en dehors du Québec. Comme dans l'affaire Hickman Motors, en cas de faillite, tous ses biens et revenus pouvaient y passer.

 

[15]           Toujours selon l’appelant, le premier juge a erré en retenant les principes élaborés par le juge Iacobucci dans l’affaire Hickman Motors alors que le juge Iacobucci représentait l’opinion minoritaire et non majoritaire.

 

[16]           L’appelant soumet de plus que le premier juge a erré en droit en appliquant la jurisprudence relative aux propriétaires de biens. Selon lui, cette jurisprudence a cessé de s’appliquer à un cas comme le sien depuis l’affaire Hickman Motors, qui a porté sur le risque d’affaire.

 

[17]           L’appelant soumet enfin que la Land Rover dont il est propriétaire et qu’il loue à sa compagnie, HAC, n’est pas une voiture de tourisme selon la définition donnée à cette expression au paragraphe 248(1) de la LIR parce que le véhicule bénéficiait de l’exclusion prévue à cette définition à l’égard de véhicules acquis dans le cadre d’une entreprise de location de voitures.

 

PRÉTENTIONS DE L’INTIMÉE

[18]             L’intimée a expliqué à la Cour que l’appelant perçoit la TPS de HAC en plus de ses frais de location parce qu’il exerce une « activité commerciale » au sens de la LTA, au titre de fourniture d’un bien. Ainsi, il a reçu un numéro d’inscription.

 

[19]           En vertu de l’article 169 de la LTA, un inscrit peut réclamer un CTI relativement à un bien ou à un service qu’il acquiert, dans la mesure où le bien ou le service a été acquis pour consommation, utilisation ou fourniture dans le cadre de ses activités commerciales, un terme défini dans la LTA. L’intimé reconnaît par conséquent que l'appelant a le droit de réclamer un crédit de taxe sur les intrants (CTI) en vertu de l’article 169 de la LTA.

 

[20]           Ceci dit, l’intimée soutient que la Land Rover est soumise aux règles de l’article 201 de la LTA quant au calcul du CTI et au paragraphe 123(1) de la LTA quant aux définitions applicables.

 

[21]           L’intimé ajoute que l'expression activité commerciale est définie au paragraphe 123(1) de la LTA comme constituant, entre autres, l’exploitation d’une entreprise. Par ailleurs, la définition du terme entreprise énoncée au paragraphe 123(1) de la LTA diffère de celle énoncée au paragraphe 248(1) de la LIR. Bien que les deux définitions utilisent des termes comme « profession », « commerces », « industries », « affaires » et qu’elles excluent les « charges ou les emplois », il existe des différences entre les deux, notamment celles-ci :

a.       la définition qu’énonce la LTA comprend « toutes les activités exercées de façon régulière ou continue qui comportent la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable »;

 

b.      le revenu tiré de la fourniture de biens par bail, licence ou accord semblable est traité comme un revenu d’entreprise en vertu de la LTA, alors qu’un tel revenu est généralement traité comme un revenu tiré de biens en vertu de la LIR.

 

[22]           L’intimé soumet que le premier juge n’a commis aucune erreur de droit en examinant si l’appelant exploitait une entreprise de location de véhicules au sens de la LIR plutôt qu’au sens de la LTA. De plus, puisque la Land Rover n’était pas louée dans le cadre d’une entreprise de location de véhicules, elle est réputée être une voiture de tourisme. À ce titre, la CTI est limitée, selon l’article 201de la LTA, à la valeur prescrite, soit 30 000 $ à l’époque pertinente.

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[23]           La question de savoir si un contribuable exploite une entreprise de location de voiture, par opposition à un revenu de location, est une question essentiellement factuelle :

C’est un lieu commun que, pour déterminer si un revenu provient d’une entreprise ou de biens, on doit examiner la conduite générale du contribuable à la lumière des circonstances qui s’y rapportent […]

 

[Canadian Marconi, paragraphe 12.]

 

 

 

[24]           Ainsi, cette Cour ne peut intervenir que dans la mesure où elle conclut que la conclusion à laquelle en est arrivé le premier juge est entachée d’une erreur manifeste et dominante : Housen v. Nikolaisen, 2002 C.S.C. 33, [2002] 2 R.C.S. 235.

 

[25]           Par ailleurs, toute erreur de droit doit être appréciée selon la norme de la décision correcte.

 

 

ANALYSE

1.         La lecture des dispositions législatives

[26]           L’article 201 de la LTA établit que pour le calcul du crédit de taxe sur les intrants d’un inscrit relativement à une « voiture de tourisme », la taxe payable relativement à l’acquisition de cette voiture  est réputée égale au moins élevé des montants suivants :

a)                  la taxe payable par lui relativement à l’acquisition de la voiture,

b)                  le résultat d’un calcul dont les coordonnées sont détaillées à cet article (reproduit plus haut).

 

[27]           Le terme « voiture de tourisme » défini au paragraphe 123(1) de la LTA renvoie le lecteur à l’article 248 de la LIR.

 

[28]           Le paragraphe 248(1) de la LIR définit le terme « voiture de tourisme » comme « une automobile acquise après le 17 juin 1987 ».

 

[29]           Le mot « automobile », également défini à la LIR, est un « véhicule à moteur » principalement conçu pour transporter des particuliers sur les routes […] à l’exclusion […] c) des « véhicules à moteur acquis pour être […] loués dans le cadre de l’exploitation d’une entreprise […] de location de véhicules à moteur.

 

[30]           Le mot « entreprise » au paragraphe 248(1) de la LIR doit être lu selon la définition du mot « entreprise » de cette même loi, soit la LIR, laquelle prévoit ce qui suit :

« entreprise ». - « entreprise » Sont compris parmi les entreprises les professions, métiers, commerces, industries ou activités de quelque genre que ce soit et, sauf pour l’application de l’alinéa 18(2)c), de l’article 54.2, du paragraphe 95(1) et de l’alinéa 110.6(14)f), les projets comportant un risque ou les affaires de caractère commercial, à l’exclusion toutefois d’une charge ou d’un emploi.

 

[Je souligne.]

 

[31]           Le premier juge a constaté à la lumière de la preuve que le contrat de bail survenu entre lui et HAC ne visait que la simple location du véhicule. L’appelant n’avait qu’un seul client. L’entretien ordinaire du véhicule ne nécessitait aucune intervention de sa part. M. Jenner était, bien sûr, responsable, selon le bail signé entre lui et HAC, de « all running maintenance and operating costs of the vehicle ». La preuve cependant n’avait pas révélé qu’une telle dépense ait été engagée, et selon le premier juge, on ne pouvait par conséquent considérer l’appelant comme ayant exploité une entreprise de location. Son cas s’apparentait à celui du locateur qui tire un revenu d’un bien (par. 12 et 13 des motifs du premier juge).

 

[32]           Les décisions auxquelles réfère l’appelant pour justifier sa position sont interprétées hors contexte et ne lui sont d’aucun secours. Les affaires Hickman Motors, South Behar Railway Company Ltd. c. Commissioners of Inland Revenue, [1925] A.C. 476, et Canadian Marconi portaient sur le cas de sociétés. Le fait que ces dernières aient  été constituées pour exploiter une entreprise ne soulevait aucun doute et la présomption réfutable selon laquelle le revenu d’une corporation provient d’une entreprise n’avait pas été renversée (voir inter alia le par. 41 des motifs de la juge L’Heureux-Dubé dans l’affaire Hickman Motors). L’appelant, par ailleurs, ne bénéficie d’aucune présomption en sa faveur.

 

 

[33]           Le premier juge de plus n'a commis aucune erreur de droit en récitant certains passages des motifs du juge Iacobucci. La juge L'Heureux-Dubé, qui a écrit l'une des deux opinions majoritaires, a reconnu elle-même au paragraphe 39 de ses motifs que le juge Iacobucci et elle étaient d'accord quant à l'interprétation du droit. Ils différaient uniquement quant à son application aux faits dans l'affaire Hickman Motors.

 

[34]           Je n'ai pu déceler aucune erreur de fait ou de droit qui justifierait notre intervention.

 

CONCLUSION

[35]           Je rejetterais l’appel sans frais, l’intimée y ayant renoncé.

 

 

 

                                                                                                                 « Alice Desjardins »

j.c.a.

 

 

 

« Je suis d’accord.

     Gilles Létourneau j.c.a. »

 

 

« Je suis d’accord.

     Pierre Blais j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-601-06

 

INTITULÉ :                                                                           BRIAN JENNER c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     QUÉBEC (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 1er MAI 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE DESJARDINS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le  29 MAI 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brian Jenner

POUR LUI-MÊME

 

Louis Cliche

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Brian Jenner

Sillery (Québec)

POUR LUI-MÊME

Veillette, Larivière et associés

Québec (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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