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Date : 20080528

Dossier : A-277-06

Référence : 2008 CAF 190

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE BLAIS

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

SHARIFA ALI et ROSE MARKEL

appelantes

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 22 mai 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 28 mai 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE RYER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE NOËL

                                                                                                                                 LE JUGE BLAIS

 

 


 

Date : 20080528

Dossier : A-277-06

Référence : 2008 CAF 190

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE BLAIS                  

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

SHARIFA ALI et ROSE MARKEL

appelantes

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RYER

 

[1]               L’appel vise une décision par laquelle la juge Woods de la Cour canadienne de l’impôt a rejeté, en date du 18 mai 2006, les appels de Sharifa Ali et de Rose B. Markel (les appelantes) interjetés pour contester des cotisations établies à l’égard des années d’imposition 2000 et 2001 dans le cas de Mme Ali et à l’égard de l’année d’imposition 2001 dans le cas de Mme Markel, en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, (5e suppl.) ch. 1 (la LIR), au motif que le coût des plantes médicinales, vitamines et suppléments (les suppléments diététiques) qu’elles ont chacune achetés conformément aux ordonnances d’un naturopathe n’est pas admissible au titre des frais médicaux, au sens de l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR (2006 CCI 287).

 

[2]               Dans le calcul de l’impôt payable par un particulier en vertu de la partie I de la LIR pour une année d’imposition, le paragraphe 118.2(1) de la LIR autorise la déduction d’un montant, qualifié de « crédit d’impôt pour frais médicaux » (CIFM), correspondant au total des frais médicaux établis comme ayant été payés au cours de la période prévue par cette disposition. Les alinéas 118.2(2)a) à q) de la LIR précisent les types de frais médicaux admissibles au CIFM pour les années d’imposition visées dans les présents appels. De toute évidence, le CIFM ne peut être obtenu pour tous les types de frais médicaux pour ces années.

 

[3]               Au cours des années d’imposition visées, les appelantes ont acheté des suppléments diététiques. Elles soutiennent que le coût de ces produits constitue des frais médicaux du genre de ceux dont il est question à l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR. Cette disposition est rédigée comme suit :

(2) Pour l’application du paragraphe (1), les frais médicaux d’un particulier sont les frais payés :

                […]

n) pour les médicaments, les produits pharmaceutiques et les autres préparations ou substances — sauf s’ils sont déjà visés à l’alinéa k) — qui sont, d’une part, fabriqués, vendus ou offerts pour servir au diagnostic, au traitement ou à la prévention d’une maladie, d’une affection, d’un état physique anormal ou de leurs symptômes ou en vue de rétablir, de corriger ou de modifier une fonction organique et, d’autre part, achetés afin d’être utilisés par le particulier, par son époux ou conjoint de fait ou par une personne à charge visée à l’alinéa a), sur ordonnance d’un médecin ou d’un dentiste, et enregistrés par un pharmacien;

[Non souligné dans l’original.]

 

(2) For the purposes of subsection 118.2(1), a medical expense of an individual is an amount paid

 

                  . . .

(n) for drugs, medicaments or other preparations or substances (other than those described in paragraph 118.2(2)(k)) manufactured, sold or represented for use in the diagnosis, treatment or prevention of a disease, disorder, abnormal physical state, or the symptoms thereof or in restoring, correcting or modifying an organic function, purchased for use by the patient as prescribed by a medical practitioner or dentist and as recorded by a pharmacist;

[Emphasis added.]

 

 

[4]               Il est bien établi que les suppléments diététiques qui ont été achetés par les appelantes l’ont été en vente libre et que ces achats ne satisfont pas à la condition énoncée à l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR voulant qu’ils soient « enregistrés par un pharmacien ». Il est également constaté que la Couronne conteste l’assertion voulant que le naturopathe ayant prescrit les suppléments diététiques soit un « médecin en titre » pour l’application de cet alinéa.

 

[5]               Dans Ray c. Canada, 2004 CAF 1, [2004] 2 C.T.C. 40, la Cour a établi que les montants payés par un particulier pour acheter des vitamines, des herbes, des aliments biologiques et naturels et de l’eau embouteillée (une liste composée d’éléments de la même nature générale que les suppléments diététiques) qui ont été prescrits pour traiter une encéphalomyélite myalgique, un syndrome de fatigue chronique et de dysfonction immunitaire, une polysensibilité chimique et une fibromyalgie (des affections semblables à celles dont souffrent les appelantes) ne sont pas admissibles comme frais médicaux, au sens de l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR, parce que ces produits ont été achetés en vente libre, c’est‑à‑dire que l’exigence de cette disposition selon laquelle ils doivent être « enregistrés par un pharmacien » n’a pas été respectée pour leur achat. Ray établit clairement que le bénéfice du CIFM à l’égard du coût des suppléments diététiques et des autres produits du genre qui sont achetés en vente libre n’est pas prévu à l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR.

 

[6]               Les appelantes protestent que l’exigence de l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR relative à l’enregistrement par un pharmacien viole les droits qui leur sont garantis au paragraphe 15(1) et à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.U.), 1982, c. 11 (la Charte). Ces dispositions sont rédigées comme suit :

7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale.

7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice.

 

15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination, notamment des discriminations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou les déficiences mentales ou physiques.

15. (1) Every individual is equal before and under the law and has the right to the equal protection and equal benefit of the law without discrimination and, in particular, without discrimination based on race, national or ethnic origin, colour, religion, sex, age or mental or physical disability.

 

 

[7]               La juge de la Cour de l’impôt a procédé à une analyse détaillée des affections dont souffrent les appelantes, de la réglementation des produits de santé naturels, de l’historique législatif de la déductibilité des frais médicaux et du crédit d’impôt correspondant sous le régime de la LIR, ainsi que de la jurisprudence pertinente relative à l’impôt sur le revenu et à la Charte. En particulier, au paragraphe 73, elle a déclaré ce qui suit :

[73]     […] Il est déplorable que le crédit d’impôt ne s’applique pas aux coûts subis par les appelantes.

 

 

[8]               La juge de la Cour de l’impôt a également invoqué les décisions de la Cour suprême du Canada dans Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1999] 1 R.C.S. 497, et Auton (Tutrice à l’instance de) c. Colombie‑Britannique (Procureur général), [2004] 3 R.C.S. 657. En particulier, elle a souligné que, dans Auton, la Cour suprême du Canada a conclu que, parce que le financement d’un type particulier de thérapie sollicité pour le traitement des enfants atteints d’autisme n’était pas un avantage prévu dans le texte de loi à l’étude, le paragraphe 15(1) de la Charte n’avait pas été enfreint.

 

[9]               La juge de la Cour de l’impôt a ensuite appliqué, inutilement à mon avis, l’analyse bien connue de l’arrêt Law. Elle a conclu que, eu égard au groupe de comparaison proposé par les appelantes ou au groupe de comparaison qu’elle estimait plus approprié, il n’avait pas été satisfait au critère de la différence de traitement de l’analyse élaborée dans Law. Par conséquent, la juge de la Cour de l’impôt a conclu que la violation des droits des appelantes qui leur sont garantis au paragraphe 15(1) de la Charte n’avait pas été démontrée.

 

[10]           En ce qui a trait à l’article 7 de la Charte, la juge de la Cour de l’impôt a soutenu que la décision de l’État de ne pas offrir un avantage économique, en l’espèce le CIFM, n’équivaut pas à une atteinte à la vie, la liberté ou la sécurité de la personne. En outre, la juge de la Cour de l’impôt a conclu que, même s’il pouvait être considéré que le défaut de l’État d’offrir un avantage économique positif constituait une pareille atteinte, la loi en question n’est pas arbitraire et que, par conséquent, ces atteintes n’étaient pas contraires aux principes de justice naturelle au point de déclencher l’application de l’article 7 de la Charte.

 

[11]           Comme je l’ai signalé précédemment, je suis d’avis que, pour trancher la question du paragraphe 15(1), la juge de la Cour d’impôt n’avait pas besoin de procéder à l’analyse élaborée dans Law comme elle l’a fait et je m’abstiens expressément de commenter son analyse.

 

[12]           À mon avis, il s’agit d’un cas où la question du paragraphe 15(1) peut être tranchée de manière simple. Dans Auton, la Cour suprême du Canada a conclu que le paragraphe 15(1) de la Charte ne sera pas enfreint si l’avantage recherché n’en est pas un qui est prévu par la loi contestée. Dans la présente affaire, l’avantage recherché par les appelantes est le CIFM pour le coût des suppléments diététiques achetés en vente libre. C’est ce qu’elles ont demandé dans leur déclaration de revenus et c’est le droit à cette déduction qu’elles cherchaient à établir dans leur avis d’appel à la Cour canadienne de l’impôt. Dans Ray, notre Cour a confirmé que pareil avantage n’est pas prévu par l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR. En quoi alors peut‑il être discriminatoire de refuser aux appelantes un avantage (à savoir le CIFM pour le coût des médicaments en vente libre) qui n’est accordé à personne?

 

[13]           Les appelantes veulent que le CIFM soit étendu de manière à couvrir les médicaments en vente libre, mais le législateur n’a pas choisi de le faire. À cet égard, les propos suivants tenus par la juge en chef McLachlin, au paragraphe 41 de l’arrêt Auton, sont pertinents :

41         Il n’est pas loisible au Parlement ou à une législature d’adopter une loi dont les objectifs de politique générale et les dispositions imposent à un groupe défavorisé un traitement moins favorable : Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1999] 2 R.C.S. 203. Par contre, la décision du législateur de ne pas accorder un avantage en particulier, lorsque l’existence d’un objectif, d’une politique ou d’un effet discriminatoire n’est pas établie, ne contrevient pas à ce principe ni ne justifie un examen fondé sur le par. 15(1). Notre Cour a conclu à maintes reprises que le législateur n’a pas l’obligation de créer un avantage en particulier, qu’il peut financer les programmes sociaux de son choix pour des raisons de politique générale, à condition que l’avantage offert ne soit pas lui‑même conféré d’une manière discriminatoire : Granovsky c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [2000] 1 R.C.S. 703, 2000 CSC 28, par. 61; Nouvelle‑Écosse (Procureur général) c. Walsh, [2002] 4 R.C.S. 325, 2002 CSC 83, par. 55; Hodge, précité, par. 16. [Non souligné dans l’original.]

 

 

[14]           Il ressort de cet extrait tiré de l’arrêt Auton que la décision du législateur d’accorder un avantage particulier en vertu du texte de loi à l’étude peut permettre de soutenir valablement que le paragraphe 15(1) de la Charte a été violé. Le paragraphe 42 de l’arrêt Auton nous informe que cette violation peut survenir si le texte de loi établit une discrimination directe par l’adoption d’une politique discriminatoire ou une discrimination indirecte par son effet. À propos de la discrimination qui résulte de l’effet, laquelle est plus difficile à cerner, la Cour suprême du Canada a affirmé, dans ce même paragraphe, que la non‑inclusion d’un avantage ne sera vraisemblablement pas discriminatoire si elle est compatible avec l’objectif et l’économie du régime législatif visé.

 

[15]           En ce qui a trait à la question de la discrimination directe, la définition des frais médicaux énoncée au paragraphe 118.2(2) de la LIR n’exclut pas explicitement le coût des suppléments diététiques. Qui plus est, rien dans les dispositions de la LIR se rapportant au CIFM n’indique que le Parlement ait adopté expressément une politique discriminatoire en vue de ne pas accorder le CIFM pour le coût des suppléments diététiques. Par conséquent, je conclus que la décision du législateur de ne pas étendre le CIFM de manière à inclure le coût des suppléments diététiques dans la définition des frais médicaux du paragraphe 118.2(2) de la LIR ne constitue pas une discrimination directe.

 

[16]           La discrimination résultant de l’effet de la loi exige l’examen de la question de savoir si la non‑inclusion d’un avantage particulier est compatible avec l’objectif et l’économie de la loi contestée. Dans Auton, la juge en chef McLachlin a déterminé que la non‑inclusion de l’avantage recherché était compatible avec l’économie d’un régime législatif qui ne visait pas à répondre à tous les besoins, en affirmant ce qui suit au paragraphe 43 :

43     Le régime législatif constitué en l’espèce de la LCS et de la MPA n’a pas pour objectif de répondre à tous les besoins médicaux. Il garantit seulement le financement intégral des services essentiels, qui s’entendent des services fournis par un médecin. Par ailleurs, les provinces peuvent, dans les limites de leur pouvoir discrétionnaire, offrir certains services non essentiels. Il s’agit par définition d’un régime partiel de soins de santé. L’exclusion d’un service non essentiel en particulier ne saurait donc constituer à elle seule une distinction préjudiciable fondée sur un motif énuméré. C’est au contraire une caractéristique prévisible du régime législatif. On ne peut donc conclure que l’exclusion de la thérapie ABA/ICI des avantages non essentiels équivaut à une discrimination, y compris une discrimination résultant de l’effet de la loi.

 

[17]           En ce qui concerne l’économie de la loi en cause en l’espèce, la définition de « frais médicaux » au paragraphe 118.2(2) de la LIR comporte une énumération des types particuliers de coût qui sont admissibles au CIFM, ce qui indique que la loi avait pour but de limiter le CIFM à une liste d’éléments particuliers. L’alinéa 118.2(2)n) de la LIR exemplifie ce but en traçant une ligne de démarcation entre les produits qui sont « enregistrés par un pharmacien », comme l’exige la disposition, et ceux qui ne le sont pas. Par conséquent, l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR est tout à fait compatible avec l’objectif et l’économie de la loi qui prévoit seulement l’admissibilité au CIFM pour les types de frais médicaux expressément énumérés et non pour tous les types de frais médicaux.

 

[18]           Cette distinction a été reconnue par la Cour dans l’arrêt Ray, où la juge Sharlow a déclaré ce qui suit au paragraphe 12 :

[12]      À mon avis, il est raisonnable d’inférer que l’exigence relative à l’enregistrement figurant à l’alinéa 118.2(2)n) vise à assurer qu’un allégement fiscal ne soit pas accordé pour le coût de médicaments achetés en vente libre. Il existe partout au Canada des lois qui régissent la pratique dans le domaine pharmaceutique. Les lois ne sont pas les mêmes dans chaque province et dans chaque territoire, mais elles comportent des éléments communs. En général, elles interdisent au pharmacien de délivrer certains médicaments sans ordonnance médicale et elles décrivent les documents qu’un pharmacien doit rédiger pour les médicaments d’ordonnance, y compris les renseignements qui identifient la personne qui prescrit le médicament et le patient. Il n’est pas établi que les pharmaciens, où que ce soit au Canada, soient obligés de rédiger pareils documents pour les substances ici en cause.

 

La juge de la Cour de l’impôt est également parvenue à cette conclusion en affirmant ce qui suit au paragraphe 136 de ses motifs :

[136]  En résumé, en édictant l’alinéa 118.2(2)n), le législateur devait décider où il fallait tracer la ligne de démarcation entre les substances thérapeutiques qui sont admissibles à un allégement fiscal et celles qui ne le sont pas.

 

[19]           À mon avis, on ne peut pas dire que la non‑inclusion du coût des suppléments diététiques dans la définition des frais médicaux énoncée au paragraphe 118.2(2) de la LIR, de manière générale, ou au paragraphe 118.2(2)n) de la LIR, plus particulièrement, est incompatible avec l’objectif et l’économie de la loi relative au CIFM. Au contraire, la non‑inclusion de cet avantage est tout à fait compatible avec l’objectif d’accorder seulement l’avantage du CIFM pour des frais médicaux expressément énumérés. Par conséquent, je suis d’avis que le fait que l’avantage demandé par les appelantes ne soit pas inclus dans la loi en question ne constitue pas une discrimination résultant de son effet.

 

[20]           Après avoir conclu que l’avantage recherché par les appelantes n’est pas un avantage prévu par la loi et que la décision du législateur de ne pas accorder cet avantage ne justifie pas une discrimination directe ou une discrimination qui résulte de l’effet de la loi, je suis d’avis qu’il n’est pas nécessaire d’examiner davantage l’argument des appelantes visant le paragraphe 15(1). En concluant ainsi, je note que la Cour suprême du Canada est parvenue à une conclusion semblable dans Auton, au paragraphe 47 :

47         Je conclus que, peu importe l’angle sous lequel on le considère, l’avantage recherché n’est pas prévu par la loi. Cette conclusion suffit à clore l’examen.

 

[21]           Outre l’argument visant le paragraphe 15(1), les appelantes soutiennent que les nouvelles cotisations refusant le CIFM à l’égard des suppléments diététiques en vente libre leur ont causé de l’anxiété et du stress, si bien que l’établissement de ces cotisations s’est traduit par une atteinte réelle ou imminente à la vie, la liberté ou la sécurité de la personne, contrairement à l’article 7 de la Charte. Il s’agirait d’une proposition remarquable si la démonstration de l’anxiété ou du stress causé par la perspective d’avoir à payer de l’impôt sur le revenu constituait un fondement suffisant pour être exempté d’avoir à payer cet impôt. Qui plus est, il n’est pas proposé que les appelantes ne peuvent pas avoir accès aux suppléments diététiques sans le CIFM qu’elles ont demandé.

 

[22]           À mon avis, la capacité de faire opposition à une cotisation d’impôt sur le revenu en invoquant l’article 7 de la Charte est une question dont le juge Rothstein a suffisamment discuté aux paragraphes 29 et 30 de la décision de la Cour dans Mathew c. Canada, 2003 CAF 371 :

[29] Je reconnais que le pouvoir d’établir une nouvelle cotisation pour un contribuable met en cause l’administration de la justice. Je ne reconnais toutefois pas qu’établir une nouvelle cotisation donne lieu à une atteinte à la liberté ou à la sécurité de la personne.

 

[30] Si un droit entre en jeu lorsqu’on établit de nouvelles cotisations, c’est d’un droit économique qu’il s’agit. S’exprimant au nom de la majorité dans Gosselin, la juge en chef McLachlin a fait observer que, dans Irwin Toy Ltd. c. Québec (P.G.), [1989] 1 R.C.S. 927, à la page 1003, le juge en chef Dickson, s’exprimant au nom de la majorité, n’avait pas répondu à la question de savoir si l’article 7 pouvait être invoqué pour protéger les « droits économiques, fondamentaux à […] la survie [de la personne] ». On ne laisse toutefois pas entendre dans Gosselin que l’article 7 est d’assez large portée pour englober les droits économiques de manière générale ou, plus particulièrement, l’établissement de nouvelles cotisations. Je suis d’avis, par conséquent, que les appelants n’ont pas démontré l’atteinte à un droit quelconque garanti par l’article 7 de la Charte.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[23]           Puisque j’ai conclu que l’exigence relative à l’enregistrement par un pharmacien qui est établie à l’alinéa 118.2(2)n) de la LIR ne viole pas les droits des appelantes qui leur sont reconnus au paragraphe 15(1) ou à l’article 7 de la Charte, il ne m’est pas nécessaire d’examiner l’assertion de la Couronne selon laquelle le naturopathe qui a prescrit les suppléments diététiques n’est pas un « médecin en titre » pour l’application de cette disposition.

 

[24]           Pour les motifs qui précèdent, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            Marc Noël, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

            Pierre Blais, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    A-277-06

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT (LA JUGE WOODS) DATÉ DU 18 MAI 2008, NOS DE DOSSIER 2002-1457 (IT), 2003-1265 (IT) et 2003‑2720 (IT)

 

INTITULÉ :                                                   SHARIFA ALI et ROSE MARKEL

                                                                        c.

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 22 MAI 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE RYER

 

Y ONT SOUSCRITS :                                   LE JUGE NOËL

                                                                        LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 28 MAI 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Mark A. Gelowitz

Jennifer Fairfax

 

POUR LES APPELANTES

 

Arnold H. Bornstein,

Maria Vujnovic

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Osler, Hoskin & Harcourt LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES APPELANTES

 

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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