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Date : 20080404

Dossier : A-255-07

Référence : 2008 CAF 127

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

DAVID BIRKETT

appelant

et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

intimée

 

et

 

SUE GOODWIN

 

intimée

 

 

Audience tenue à Toronto (Ontario), le 2 avril 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 4 avril 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE SEXTON

LA JUGE SHARLOW

 


 

Date : 20080404

Dossier : A-255-07

Référence : 2008 CAF 127

 

CORAM :      LE JUGE SEXTON

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

DAVID BIRKETT

appelant

et

LA COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

intimée

 

et

 

SUE GOODWIN

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

[1]               Il s’agit d’un appel consécutif au rejet d’une demande de contrôle judiciaire concernant la décision d’un tribunal (le Tribunal) constitué en vertu de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6 (la Loi). Le Tribunal a conclu que les faits allégués par la plaignante étaient véridiques et qu’ils constituaient un cas de harcèlement sexuel au sens de la Loi, et il lui a accordé une indemnité. L’appelant a contesté cette décision par voie de contrôle judiciaire, alléguant que les actes reprochés, même s’ils étaient prouvés, n’étaient pas assimilables à du harcèlement sexuel et qu’il y avait eu atteinte à son droit à l’équité procédurale lors du déroulement de l’audience.

 

[2]               Dans une décision publiée sous l’intitulé Goodwin c. Birkett, 2007 CF 428, [2007] A.C.F. no 592, le juge des requêtes a rejeté la demande de contrôle judiciaire. Le présent appel, qui a trait à cette décision, n’a porté que sur la question de l’équité procédurale car la conclusion relative à la qualification de la conduite ayant donné lieu à la plainte n’a pas été portée en appel.

 

[3]               Pour ce qui est de l’allégation de déni d’équité procédurale, l’appelant a invoqué les arguments suivants.

 

[4]               L’appelant s’est plaint que le Tribunal avait commis une erreur en ne lui permettant pas de produire la preuve, enregistrée sur bande, d’un autre employé. Le juge des requêtes a signalé que tant la plaignante que l’appelant voulaient appeler cet employé à comparaître mais qu’ils n’avaient pas pu le trouver : voir le paragraphe 25 de ses motifs. Le Tribunal a refusé d’entendre la preuve enregistrée parce que cela priverait la plaignante de la possibilité de procéder à un contre-interrogatoire. Le juge des requêtes a conclu qu’il s’agissait là d’une conclusion éminemment raisonnable. Devant nous, sans indiquer ce que l’employé en question aurait pu ou voulu dire d’important à propos de la crédibilité de la plaignante, l’appelant a soutenu que cette décision l’empêchait de contester la crédibilité de la plaignante. Ce motif d’appel est sans fondement.

 

[5]               L’appelant se plaint également du fait que le Tribunal a commis une erreur en ne lui permettant pas d’appeler comme témoin l’ex-époux de la plaignante pour dire que cette dernière n’avait pas eu de difficulté à appeler la police en rapport avec sa présumée inconduite, ce qui aurait pu susciter un doute quant à l’explication donnée par la plaignante au sujet de la raison pour laquelle elle n’avait pas appelé la police après les faits qui étaient à l’origine de la plainte. Le Tribunal a établi que la plaignante était disposée à admettre tout ce que son ex-époux avait à dire au sujet des questions pertinentes, et il a ensuite demandé à l’appelant s’il était satisfait de ce résultat. Ce dernier a déclaré qu’il l’était : voir le paragraphe 24 des motifs du juge des requêtes. L’ex-époux n’a donc pas été appelé à témoigner. Le juge des requêtes a conclu que cela ne donnait pas lieu à une mesure de redressement.

 

[6]               L’appelant dit maintenant qu’on ne lui a pas permis d’appeler l’ex-époux de la plaignante et que, outre les éléments de preuve déjà décrits, l’ex-époux aurait pu parler de la réputation générale de la plaignante. Selon le juge des requêtes, le Tribunal avait conclu que la plaignante n’avait pas mis en cause sa réputation : voir le paragraphe 24 de ses motifs. Si l’on fait abstraction du fait que la décision de ne pas appeler l’ex-époux de la plaignante à témoigner a été prise avec le consentement manifeste de l’appelant, il demeure que, comme la plaignante n’a pas mis sa réputation en cause, il aurait été de toute façon irrégulier d’admettre une preuve de réputation générale : voir R. c. Béland, [1987] 2 R.C.S. 398. Les tribunaux administratifs ne sont pas liés par les règles strictes de la preuve, mais ils devraient, néanmoins, faire particulièrement attention lorsqu’une partie tente de réfuter une allégation d’inconduite sexuelle au moyen d’une preuve concernant la réputation de la victime. Nous ne relevons aucune erreur dans la manière dont le juge des requêtes a tranché cette question. Quant à la disposition de la plaignante à appeler la police, les faits pertinents ont été admis et il était loisible à l’appelant d’en faire ce qu’il voulait.

 

[7]               La dernière doléance de l’appelant est que le Tribunal a commis une erreur en ne faisant pas mention dans ses motifs de la preuve donnée par un témoin qui avait travaillé avec la plaignante à un autre lieu de travail plusieurs mois après l’incident à l’origine de la plainte. Pour montrer le manque de crédibilité de la preuve, l’appelant a appelé cette femme pour qu’elle témoigne que la plaignante avait dit, à elle et à d’autres, qu’elle avait été victime d’une agression sexuelle dont la nature était tout à fait différente de celle dont elle accusait l’appelant. Cependant, après un interrogatoire plus serré, il est devenu évident que cette agression sexuelle plus sérieuse était sans rapport avec la plainte portée contre l’appelant. Ce témoin a ensuite parlé de la réputation qu’avait la plaignante de manquer de sincérité. En outre, ce témoin a déclaré que la plaignante s’attendait à recevoir une somme élevée en règlement de sa plainte, signe qu’il y avait un mobile pécuniaire pour déposer une plainte mensongère.

 

[8]               Sur ce dernier point, l’un des motifs d’appel de l’appelant au sujet de l’équité procédurale était que le Tribunal avait été injuste à son égard en incitant la plaignante à exiger une compensation pécuniaire alors qu’elle refusait au départ de le faire. L’appelant dit maintenant que la position de la plaignante devant le Tribunal était simplement un habile stratagème auquel elle avait eu recours après avoir pris conscience du contenu de la preuve qui serait présentée contre elle. Cet argument est à ce point tiré par les cheveux qu’il ne mérite pas qu’on lui ajoute foi.

 

[9]               Le juge des requêtes a conclu que les motifs de décision d’un tribunal administratif ne sont pas un sommaire de l’audience elle-même, de sorte qu’il n’était pas nécessaire de faire référence à un témoignage non pertinent. Cette preuve, a-t-il été allégué, était essentielle pour apprécier la crédibilité de la plaignante et le Tribunal, en ne lui accordant aucun poids, a commis une erreur.

 

[10]           Comme il a été signalé, le Tribunal a conclu que la plaignante n’avait pas mis sa réputation en cause. Dans ces circonstances, une preuve concernant la réputation générale de sincérité ou d’honnêteté était non seulement dénuée de pertinence, mais aussi injustement préjudiciable à la plaignante. Le Tribunal n’a commis aucune erreur en en faisant abstraction, quoique, ayant décidé de l’entendre, il aurait été préférable qu’il explique pourquoi il n’y avait accordé aucun poids.

 

[11]           En définitive, je ne relève aucune erreur dans la façon dont le juge des requêtes a tranché la demande de contrôle judiciaire.


 

[12]           Je rejetterais donc l’appel avec dépens.

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

 

« Je suis d’accord.

            J. Edgar Sexton, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord.

K. Sharlow, j.c.a. »

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                          A-255-07

 

Appel d’une décision du Tribunal canadien des droits de la personne datée du 20 août 2004. Décision rendue par le président Athanasios D. Hadjis, dossier de première instance no T‑1701‑04

 

INTITULÉ :                                                         DAVID BIRKETT ET

                                                                              LA COMMISSION DES DROITS DE LA PERSONNE ET SUE GOODWIN

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                   TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                 LE 2 AVRIL 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                              LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :                                           LE JUGE SEXTON

                                                                              LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                        LE 4 AVRIL 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Charles Roach

POUR L’APPELANT

 

Daniel Poulin

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Roach, Schwartz & Associates

Toronto (Ontario)

 

POUR L’APPELANT

 

Commission canadienne des droits de la personne

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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