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Date : 20080402

Dossier : A-574-07

Référence : 2008 CAF 114

 

En présence de madame la juge Sharlow

ENTRE :

INTERNATIONAL CHARITY ASSOCIATION NETWORK

appelant

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

 

Requête jugée sur dossier sans comparution des parties

 

Ordonnance rendue à Ottawa (Ontario), le 2 avril 2008

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                                             LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20080402

Dossier : A-574-07

Référence : 2008 CAF 114

 

En présence de madame la juge Sharlow

ENTRE :

INTERNATIONAL CHARITY ASSOCIATION NETWORK

appelant

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LA JUGE SHARLOW

[1]               International Charity Association Network (ICAN) est un organisme de bienfaisance enregistré sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). Le 3 décembre 2007, le ministre du Revenu national a donné à ICAN l’avis prévu au paragraphe 168(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu l’informant de son intention de révoquer son enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance. La révocation prendra effet sur publication de l’avis dans la Gazette du Canada. ICAN a déposé un avis d’opposition à l’avis de révocation. Je suis saisie d’une requête fondée sur l’alinéa 168(2)b) présentée par ICAN afin d’obtenir une ordonnance enjoignant au ministre de surseoir à la publication de l’avis de révocation jusqu’à ce qu’il soit statué sur l’opposition d’ICAN et sur tout appel subséquent interjeté en vertu du paragraphe 172(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu.

 

[2]               L’avis d’intention de révoquer l’enregistrement d’ICAN fait suite à une vérification relative aux exercices 2001 à 2006. Une partie du fondement factuel de l’avis est exposée dans un affidavit déposé au nom du ministre à l’égard de la présente requête. Bien qu’ICAN conteste certains des faits allégués par le ministre, il n’a pas contre interrogé l’auteur de l’affidavit.

 

[3]               Je n’ai tiré aucune conclusion au sujet de la véracité des allégations du ministre, exception faite des allégations non contestées. Si elles sont vraies, toutefois, elles justifient prima facie la décision du ministre de révoquer l’enregistrement d’ICAN. Voici quelques‑unes de ces allégations, mentionnées à titre d’exemple.

 

[4]               Le ministre allègue notamment qu’en 2006 ICAN a délivré des reçus pour don de bienfaisance totalisant environ 464 millions de dollars. ICAN ne conteste pas cette allégation. Le ministre allègue aussi que ce montant est près de cinq fois plus élevé que le total des reçus pour don de bienfaisance délivrés par United Way of Greater Toronto la même année, bien qu’ICAN n’ait que 16 employés en Ontario alors que United Way of Greater Toronto emploie 165 personnes à plein temps et 43 personnes à temps partiel. En outre, le ministre allègue qu’ICAN n’aurait pas fourni au vérificateur la preuve qu’il a bien réalisé des activités de bienfaisance de l’ampleur de celles qu’il dit accomplir. Le ministre allègue également qu’ICAN a activement participé à des stratagèmes d’abris fiscaux en application desquels il délivrait des reçus d’un montant de beaucoup supérieur à la valeur des biens qu’il recevait.

 

Le critère applicable

[5]               ICAN fait valoir à bon droit que les principes élaborés en matière de suspension ou d’injonction interlocutoire devraient s’appliquer à l’examen d’une requête en sursis de la révocation de l’enregistrement d’un organisme de bienfaisance pendant une opposition ou un appel : RJR – MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311.

 

Cause défendable

[6]               Les documents déposés par ICAN à l’appui de sa requête exposent des questions qui ont été ou seront soulevées lors de l’opposition et de l’appel. Le ministre reconnaît avec discernement que les arguments d’ICAN ne sont ni frivoles ni vexatoires. Tel que je comprends RJR ‑MacDonald, cette admission du ministre suffit à établir l’existence d’une cause défendable.

 

Préjudice irréparable

[7]               ICAN soutient que la révocation immédiate de son statut d’organisme de bienfaisance l’empêcherait de poursuivre ses activités de bienfaisance. Toutefois, le fondement factuel de cet argument n’est pas clair. Il ne s’agit pas et il ne pourrait s’agir de l’argument que la révocation le priverait de son actif ou du droit de poursuivre ces activités.

 

[8]               L’argumentation d’ICAN repose sur la prémisse que la révocation de son enregistrement comme organisme de bienfaisance compromettrait ses efforts de financement parce qu’il ne pourrait plus délivrer de reçus pour don de bienfaisance. Sans renseignement financier au sujet d’ICAN, cependant, il est impossible de déterminer s’il dispose de ressources pour exercer ses activités de bienfaisance. Il n’est pas établi en preuve, par exemple, qu’il a utilisé en totalité la somme de 464 millions de dollars de dons qu’il prétend avoir recueillie en 2006.

 

[9]               L’argumentation d’ICAN relative au préjudice irréparable est affaiblie du fait qu’il n’a pas le droit, actuellement, de délivrer de reçus pour don de bienfaisance. Le ministre a en effet suspendu ce droit le 21 novembre 2007, en application de l’alinéa 188.2(2)a) de la Loi de l’impôt sur le revenu. ICAN a demandé le report de cette suspension devant la Cour canadienne de l’impôt, mais il a été débouté (2008 CCI 3). L’appel qu’il a interjeté à l’encontre de cette décision ne sera vraisemblablement pas entendu avant l’automne 2008. Même s’il y a sursis de révocation de l’enregistrement, le droit d’ICAN de délivrer des reçus pour don de bienfaisance continuera donc d’être suspendu jusqu’à l’automne 2008 au moins ou jusqu’au 28 novembre 2008 au plus tard. Par conséquent, l’ordonnance demandée par ICAN lui permettrait tout au plus de recouvrer le droit de délivrer des reçus dans quelques mois. Toutefois, les documents fournis par ICAN à l’appui de sa requête ne font mention d’aucun plan d’activités de financement à venir. Par conséquent, rien ne permet de conclure qu’ICAN subira un préjudice irréparable s’il n’est pas sursis à la révocation de l’enregistrement.

 

[10]           En résumé, il appert, à l’examen du dossier, que rien ne permet de conclure que la perte du privilège de délivrer des reçus causera à ICAN un préjudice irréparable après l’expiration de la suspension ordonnée par le ministre. En conséquence, la requête en sursis visant à faire suspendre la publication de l’avis de révocation sera rejetée.

 

Prépondérance des inconvénients

[11]           La prépondérance des inconvénients aurait favorisé le ministre en l’espèce, même en présence d’une conclusion qu’il y avait préjudice irréparable.

 

[12]           Le ministre soutient, à bon droit selon moi, que l’intégrité du secteur de la bienfaisance est légitimement d’intérêt public. Il est raisonnable que le ministre cherche à préserver cette intégrité en examinant minutieusement les stratagèmes d’abris fiscaux comportant des dons de biens et en prenant les mesures correctives appropriées lorsqu’il existe des motifs raisonnables de croire que des biens ont été surévalués. En l’espèce, les allégations de fait du ministre, même si elles restent à prouver, sont suffisamment sérieuses pour l’emporter sur tout avantage qu’ICAN pourrait tirer d’une ordonnance de surseoir à la révocation de son enregistrement à titre d’organisme de bienfaisance.

 

 

« K. Sharlow »

j.c.a.

 

 

Traduction certifiée conforme

Mario Lagacé, jurilinguiste


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                           A-574-07

 

INTITULÉ :                                                                          INTERNATIONAL CHARITY ASSOCIATION NETWORK c.

le ministre du revenu national     

 

 

REQUÊTE ÉCRITE JUGÉE SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                     LA JUGE SHARLOW.

 

DATE DES MOTIFS :                                                         Le 2 avril 2008

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

A Christina Tari

Evelyn R. Schusheim

 

 

POUR L’APPELANT

 

Justine Malone

POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Richler and Tari

Toronto (Ontario)

 

Cummings, Cooper, Schusheim, Berliner

Toronto (Ontario)

 

 

 

 

 

 

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

 

POUR L’INTIMÉ

 

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