Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20080221

Dossier : A-287-06

Référence : 2008 CAF 71

CORAM :       LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

ENTRE :

Aurélien Haché, Lucien Chiasson, Sylvie Chiasson, Armand Fiset, Jeannot Guignard, Héliodore Aucoin, Gildard Haché, Guy Haché, Rhéal Haché, Robert F. Haché, Greg Hinkley, Vincent Jones, Solange Lanteigne, Jean-Pierre LeBouthillier, Rhéal H. Mallet, André Mazerolle, Eddy Mazerolle, Albanie Noël, Alphé Noël, Serge C. Noël, Gilles Noël, Joseph A. Noël, Lévi Noël, Lorenzo Noël, Martin Noël, Mathurin Noël, Nicolas Noël, Onésime Noël, Paul Noël, Raymond Noël, Renald Noël, Robert Ross, Bruno Roussel, Jean-Camille Roussel, Valmi Roussel, Donat Vienneau, Fernand Vienneau, Rhéal Vienneau, Mathias Roussel, Serge Blanchard, Robert Boucher, Elide Bulger, Jean-Gilles Chiasson, Roméo G. Cormier, Bernard Duguay, Thomas Duguay, Donald Duguay, Edgar Ferron, Wilbert Godin, Aurèle Godin, Valois Goupil, Euclide Guignard, Florent Guignard, Jacques E. Haché, Jean-Pierre Haché, Robert G. Haché, Donald R. Haché, Ulysse Haché, Gaetan H. Haché, Gabriel Jean, Jean-Victor Larocque, Dassisse Mallet, Delphis Mallet, Albert A. Noël, Gilles A. Noël, Domitien Paulin, Sylvain Paulin, Alma Robichaud, administratrice de la Succession de Jean-Pierre Robichaud, Sylva Haché, Mario Savoie, Les Pêcheries Jimmy L. Ltée, Eric Gionet, administrateur de la fiducie Allain O. Gionet, Les Produits Belle-Baie Ltée, Olivia Roussel, E. Gagon et Fils Ltée, Bernard Arsenault, Gérard Cassivi, Jacques Collin, Raymond Collin, Robert Collin, Marc Couture, Les Crustacées de Gaspé Ltée, CIE 2973-1288 Québec Inc., CIE 2973-0819 Québec Inc., Bruno Duguay, Charles-Aimé Duguay, Alban Hautcoeur, Fernand Hautcoeur, Jean-Claude Hautcoeur, Robert Huard, Christian Lilièvre, Elphège Lelièvre, Jean-Élie Lelièvre, Jules Lelièvre, Jean-Marc Marcoux, Douglas McInnis, Roger Pinel, Jean-Marc Sweeny, Michel Turbide, Rhéal Turbide, Pêcheries Denise Quinn Syvrais Inc., Steven Roussy, Geneviève Allain, Francis Parisé, Martial LeBlanc, Daniel Desbois, Rolland Anglehart, Jacques Langis, Jean-Pierre Huard, Claude Gionet, Carol Duguay, Denis Duguay, Paul Chevarie, Thérèse Vigneau, administratrice de la Succession de Benoît Poirier, Denis Éloquin, Claude Poirier, Henry-Fred Poirier, Robert Thériault et Raynald Vigneau,

 

appelants 

et

Sa Majesté la Reine en chef du Canada telle que représentée par le ministère des Pêches

et des Océans et ministère des Ressources humaines et Développement Canada,

 

intimés

 

Audience tenue à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 21 février 2008.

Jugement rendu à l’audience à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 21 février 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR:                                           DESJARDINS J.A.

 


Date : 20080221

Dossier : A-287-06

Référence : 2008 CAF 71

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LA JUGE TRUDEL

ENTRE :

Aurélien Haché, Lucien Chiasson, Sylvie Chiasson, Armand Fiset, Jeannot Guignard, Héliodore Aucoin, Gildard Haché, Guy Haché, Rhéal Haché, Robert F. Haché, Greg Hinkley, Vincent Jones, Solange Lanteigne, Jean-Pierre LeBouthillier, Rhéal H. Mallet, André Mazerolle, Eddy Mazerolle, Albanie Noël, Alphé Noël, Serge C. Noël, Gilles Noël, Joseph A. Noël, Lévi Noël, Lorenzo Noël, Martin Noël, Mathurin Noël, Nicolas Noël, Onésime Noël, Paul Noël, Raymond Noël, Renald Noël, Robert Ross, Bruno Roussel, Jean-Camille Roussel, Valmi Roussel, Donat Vienneau, Fernand Vienneau, Rhéal Vienneau, Mathias Roussel, Serge Blanchard, Robert Boucher, Elide Bulger, Jean-Gilles Chiasson, Roméo G. Cormier, Bernard Duguay, Thomas Duguay, Donald Duguay, Edgar Ferron, Wilbert Godin, Aurèle Godin, Valois Goupil, Euclide Guignard, Florent Guignard, Jacques E. Haché, Jean-Pierre Haché, Robert G. Haché, Donald R. Haché, Ulysse Haché, Gaetan H. Haché, Gabriel Jean, Jean-Victor Larocque, Dassisse Mallet, Delphis Mallet, Albert A. Noël, Gilles A. Noël, Domitien Paulin, Sylvain Paulin, Alma Robichaud, administratrice de la Succession de Jean-Pierre Robichaud, Sylva Haché, Mario Savoie, Les Pêcheries Jimmy L. Ltée, Eric Gionet, administrateur de la fiducie Allain O. Gionet, Les Produits Belle-Baie Ltée, Olivia Roussel, E. Gagon et Fils Ltée, Bernard Arsenault, Gérard Cassivi, Jacques Collin, Raymond Collin, Robert Collin, Marc Couture, Les Crustacées de Gaspé Ltée, CIE 2973-1288 Québec Inc., CIE 2973-0819 Québec Inc., Bruno Duguay, Charles-Aimé Duguay, Alban Hautcoeur, Fernand Hautcoeur, Jean-Claude Hautcoeur, Robert Huard, Christian Lilièvre, Elphège Lelièvre, Jean-Élie Lelièvre, Jules Lelièvre, Jean-Marc Marcoux, Douglas McInnis, Roger Pinel, Jean-Marc Sweeny, Michel Turbide, Rhéal Turbide, Pêcheries Denise Quinn Syvrais Inc., Steven Roussy, Geneviève Allain, Francis Parisé, Martial LeBlanc, Daniel Desbois, Rolland Anglehart, Jacques Langis, Jean-Pierre Huard, Claude Gionet, Carol Duguay, Denis Duguay, Paul Chevarie, Thérèse Vigneau, administratrice de la Succession de Benoît Poirier, Denis Éloquin, Claude Poirier, Henry-Fred Poirier, Robert Thériault et Raynald Vigneau,

 

appelants 

et

Sa Majesté la Reine en chef du Canada telle que représentée par le ministère des Pêches

et des Océans et ministère des Ressources humaines et Développement Canada,

 

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Fredericton (Nouveau-Brunswick), le 21 février 2008)

 

LA JUGE DESJARDINS

[1]               Les appelants s’en prennent par voie d’appel au jugement rendu par un juge de la Cour fédérale rejetant leur action [2006] A.C.F. no. 1188 (QL), 2006 CF 940.

 

[2]               Les appelants demandent que la Cour ordonne la tenue d’un nouveau procès. Ils soutiennent que le refus du premier juge de leur accorder un ajournement d’une durée raisonnable pour que leur nouvelle avocate puisse se préparer adéquatement équivaut à un déni de justice naturelle ou un manquement à l’équité procédurale.

 

[3]               Le premier juge a fait état dans ses motifs de l’historique des procédures qui sont à l’origine du présent litige.

 

[4]               Il suffit de rappeler, pour les fins de cet appel, que les dates du procès avaient été fixées par ordonnance de l’administratrice judiciaire selon les directives du juge en chef de la Cour fédérale plus d’un an à l’avance, soit le 1 avril 2005. Le procès d’une durée de trois semaines devait débuter le 3 avril 2006.

 

[5]               Cette ordonnance respectait celle du juge Hugessen du 26 novembre 2004, adressée à l’administratrice judiciaire, suivant laquelle l’instruction ne devait pas avoir lieu durant les mois de mai et juin 2006.

[6]               Puis, dans une lettre en date du 27 mars 2006 adressée à l’administratrice judiciaire, les appelants demandèrent la récusation du juge du procès. Cette demande, qui fut formulée par la suite par voie de requête, fut rejetée le 4 avril 2006 par le premier juge.

 

[7]               Un avis de changement de procureurs fut déposé par la suite par les appelants. Les circonstances de ce changement d’avocat furent décrites par Me Sivret au premier juge, de la manière suivante: (voir Dossier d’Appel, vol. I, onglet 6, pp. 169 à 170, transcription du 5 avril 2006) :

ME SIVRET: Ben c’est peut-être moi qu’utilise le mauvais langage là mais Me Rogers et Me Delaquis, de ce que j’ai compris, ils se sont trouvés dans une situation conflictuelle avec leurs clients et y’a eu je sais pas si c’est un désistement ou un- un- un abandon des services ou un bris dans la rupture de client/avocat, mais on m’a demandé de- de- si je voulais rencontrer les avocats. Et en sachant très peu, j’ai eu une communication avec, avec Me Rogers pour tout simplement m’informer de, de la tenue du dossier et j’ai accepté d’émettre un avis de changement d’avocat peut-être de façon prématurée. Je, je l’admets là mais ces gens-là qui sont impliqués dans cette poursuite ici sont aussi des clients-

 

M. JUSTICE DE MONTIGNY: Hm-hmm.

 

ME SIVRET: - de mon cabinet dans d’autres, dans d’autres procédures. Alors, vous comprendrez qu’au niveau purement affaire, j’ai agi comme un- comme un- un avocat en pratique, en affaire en disant ben si je peux, si je peux arriver pis représenter ces clients- là dans une situation inusitée, alors c’est, c’est moi qu’a décidé de mettre un avis de changement d’avocat. Parce qu’on m’a, qu’on m’a avisée que la, la relation avocat/client était arrivée à une rupture entre les, les clients et les, Me Rogers et Me Delaquis. Alors, en utilisant un avis de désistement, je voulais pas induire la Cour en erreur là. …

[Je souligne.]

 

Les appelants avaient donc pris la décision de changer d’avocat alors que l’instruction allait commencer. Me Sivret, la nouvelle avocate au dossier, demanda par la suite un ajournement pour se familiariser avec le dossier. Ce premier ajournement, sine die, fut accordé le 5 avril 2006.

[8]               Le premier juge a expliqué au paragraphe 17 de ses motifs qu’après avoir entendu à nouveau les parties le 18 avril 2006, il en était arrivé à la conclusion qu’une remise s’imposait dans les circonstances, par souci d’équité, mais qu’il ne serait pas justifié de reporter l’audition à l’automne comme le réclamait Me Sivret. Compte tenu du fait que cette action était maintenant inscrite depuis plus de quatre ans, que la date du procès avait été fixée depuis plus d’un an, que les demandeurs avaient volontairement choisi de changer de procureur, que Me Sivret avait accepté ce mandat en toute connaissance de cause, et qu’un délai de deux mois lui semblait suffisant pour se familiariser avec le dossier et préparer l’audition, il fixa, par ordonnance, l’instruction de cette affaire au 19 juin 2006.

 

[9]               Il n’y eut pas d’appel de cette ordonnance du premier juge.

 

[10]           En date du 14 juin 2006, Me Sivret avisait le greffe de la Cour de la liste de ses témoins ainsi que de la date, la durée et le contenu de leur témoignage comme suit  (voir Dossier d’Appel, vol. II, onglet 10, pp. 456-458) :

Bathurst, le 14 juin 2006

            Madame Marie Chalifoux

            Agente du greffe

            Cour fédérale

82, rue Elgin

Ottawa (Ontario) K1A 0H9

 

Objet :  Aurélien Haché et al. –c. Sa Majesté la Reine du Canada

et al. - Dossier de la Cour : T-2263-01_____________________

 

Madame,

 

            À la suite de la demande formulée par monsieur le juge De Montigny, le vendredi 9 juin 2006, je vous fait parvenir l’horaire des témoins que j’ai l’intention d’appeler lors du procès ainsi qu’un court résumé du témoignage anticipé de chacun de ces témoins.

 

            La durée indiquée de ces témoignages est seulement une estimation calculée en tenant compte des possibilités de contre-interrogatoires.

 

Date

Nom

Résumé

19 juin

2006

Rhéal Vienneau, directeur de la gestion, MPO, région du

Golfe

M. Vienneau sera appelé à titre de témoin de la partie adverse selon les règles 4 (Cour fédérale) et 55 (Nouveau-Brunswick). On lui demandera d’identifier plusieurs documents produits par les fonctionnaires du MPO. Il devra également témoigner des relations et des échanges qui ont eu lieu entre le MPO et les demandeurs entre les années 1994 et 2003 incluant les négociations de l’entente de 1996 et l’imposition du Plan de gestion pluriannuel de 1997 qui incluait la contribution au Fonds de solidarité par les demandeurs.

 

20 juin 2006

Rhéal Vienneau

Poursuite de son témoignage et contre-interrogatoire.

 

20 juin 2006

Robert Haché

Début de son témoignage sur les relations et les échanges entre le MPO et les demandeurs. Expliquer le contexte dans lequel l’entente de 1997 fut imposée aux demandeurs par le MPO.

 

21 juin

2006

Robert Haché

Poursuite de son témoignage et contre-interrogatoire.

21 juin 2006

Douglas McGinnis

Pêcheur de la Gaspésie qui témoignera sur la façon dont le Plan de gestion pluriannuel 1997 a été imposé aux demandeurs par le MPO. Il va également expliquer le fonctionnement du Fonds de solidarité en Gaspésie.

 

21 juin 2006

Daniel Desbois

Pêcheur de la Gaspésie qui va témoigner de sa relation avec le MPO et va corroborer les propos de Douglas McGinnis en ce qui concerne l’imposition aux demandeurs du Fonds de solidarité par le MPO.

 

22 juin 2006

Valois Goupil

Pêcheur du Nouveau-Brunswick qui témoignera de sa relation avec le MPO et l’imposition du Fonds de solidarité par le MPO. Va également expliquer ses expériences avec le fonctionnement du Fonds au N-B.

 

22 juin 2006

Bernard Duguay

Pêcheur du Nouveau-Brunswick qui témoignera de son implication dans l’étude économique conjointe entre l’industrie et le MPO ainsi que l’imposition du Fonds par le MPO et son impact sur les relations entre les pêcheurs et les  travailleurs d’usine.

 

22 juin 2006

Wilbert Godin

Pêcheur du MPO qui témoignera de sa relation avec le MPO et l’imposition du Fonds de solidarité en 1997 et son impact sur la relation entre les crabiers et les travailleurs d’usine.

 

22 juin 2006

Marc Couture

Pêcheur de la Gaspésie qui témoignera de sa relation avec le MPO et de l’imposition du Fonds de solidarité par le MPO.

 

23 juin 2006

Georgio Gaudet, ex chef de cabinet du premier ministre, Frank McKenna

Témoignera des négociations entre la province du Nouveau-Brunswick et les ministres fédéraux en ce qui concerne le Plan de gestion 1997 et les mesures prises pour forcer les pêcheurs et autres intervenants de l’industrie à appuyer la création du Fonds de solidarité afin de régler le problème d’assurance-emploi créé par le partage de la ressource en 1996 et les modifications à la Loi sur l’assurance-emploi de janvier 1997.

 

23 juin 2006

L’honorable Frank McKenna, ex premier ministre du Nouveau-Brunswick

 

Il va corroborer les propos de Georgio Gaudet.

23 juin au 26 juin 2006

L’honorable Douglas Young

Témoignera de la stratégie utilisée par le MPO et RHDC pour imposer une solution aux demandeurs à un problème créé par la décision du MPO de 1996 de partager la ressource et la décision de RHDC en ce qui concerne l’assurance-emploi.

 

26 juin 2006

André Gauvin

Expert en comptabilité qui témoignera des termes contenus dans son affidavit en ce qui concerne l’énoncé de bénéfices avancés par M. Gilles Thériault (preuve pour réfuter l’énoncé de Gilles Thériault)

 

26 juin 2006

Peter Dysart

Témoignera sur la position des transformateurs du Nouveau-Brunswick relativement à la création et à l’imposition du Fonds de solidarité.

 

 

            Le témoin des demandeurs qui s’adressera à la Cour en langue anglaise est l’honorable Frank McKenna. J’ai l’intention de l’interroger en anglais. Les services de traduction simultanée seront seulement nécessaires pour les demandeurs lors des contre-interrogatoires des témoins anglophones des défendeurs, soit Jim Jones, Douglas Cameron et Ted Gale, que j’ai l’intention de contre-interroger en français.

 

            Espérant que le tout sera à votre convenance, je vous prie d’agréer, Madame, l’expression de mes sentiments les meilleurs.

 

 

                                                Brigitte Sivret

 

c.c. Patterson Palmer

                                                                                   

           

[11]           D’autres développements se produisirent, notamment l’assignation de deux témoins, soit l’honorable Douglas Young, ex-ministre du gouvernement fédéral à l’époque pertinente et M. Frank McKenna, premier-ministre du Nouveau-Brunswick à la même époque. Le premier juge a largement décrit les développements aux paragraphes 18 à 24 de ses motifs. L’ordonnance qu’il émit par la suite est l’objet d’un appel dans le dossier A-265-06. Enfin, le 19 juin 2006, après avoir demandé un ajournement qui lui fut refusé, Me Sivret déclara que dans ce contexte elle n’avait aucune preuve à présenter. Le juge rejeta l’action.

 

[12]           Nous retenons que la nouvelle avocate au dossier connaissait bien l’échéancier de la Cour. Selon l’affidavit de Michel Audet, directeur régional à la Direction des politiques et services économiques au sein du ministère des Pêches et Océan, région du Golfe, affidavit qui ne fut pas contredit, (Dossier d’Appel, vol. II, p. 276), suite au changement de procureur des appelants, le premier juge, lors d’une rencontre des avocats en son cabinet le 5 avril 2006, avait clairement indiqué à Me Sivret « qu’un ajournement de deux mois serait le maximum qu’il pouvait accorder que si Me Sivret ne pouvait rencontrer cette échéance en raison de ses autres engagements professionnels, qu’elle devrait considérer ne pas prendre le dossier. » Lorsque le premier juge refusa l’ajournement demandé le jour de l’audition du 19 juin 2006, le premier juge s’adressa à Me Sivret en ces termes : (Dossier d’appel, vol. II, onglet 10, p.409 à 412) :

M. JUSTICE MONTIGNY : Alors j’ai pris connaissance de votre affidavit, Maître Sivret, et j’ai consulté aussi le, le volume de Sgayias sur les règles de la Cour ainsi que la jurisprudence, et de façon assez intéressante j’ai lu aussi l’ordonnance que j’avais rendue au mois d’avril, le 18 et je dois dire que je pourrais réécrire la même ordonnance aujourd’hui à toute fin pratique. Y’a un certain nombre de facteurs là qui m’incite à rejeter votre requête pour suspension. D’abord le faite encore une fois pis au risque de me répéter là, le procès avait été prévu pour se tenir le 3 avril comme vous le savez, et ça faisait déjà plus d’un an que cette date-là avait été fixée. La cause est inscrite depuis maintenant près de cinq ans. Ce sont les demandeurs qui ont choisi, c’était leur droit le plus strict de changer de procureur au mois d’avril et bien entendu le procureur, en occurrence vous, Maître Sivret, vous avez accepté de prendre le dossier. C’était votre choix. Je comprends par ailleurs et sachez que je l’ai dit déjà à quelques reprises mais je le répète aujourd’hui ici, je sympathise parce que je sais que c’est pas facile, surtout quand qu’on est en pratique seul et qu’on a beaucoup de dossiers à gérer. Je comprends parfaitement la situation mais il reste que au moment où les demandeurs, vos clients vous ont approchée, c’était votre choix d’accepter le dossier et vous l’avez fait et en toute connaissance de la cause parce que on vous – vous vous souviendrez qu’on avait passé un certain temps dans mon bureau à explorer différentes possibilités pour vous laisser la possibilité, bien entendu, de vous préparer, ce qui était tout à fait légitime. Mais en même temps, je vous avais indiqué à l’époque il m’apparaissait hors de question de reporter l’audition de cette cause-là plus tard qu’au mois de juin, parce que sinon, ça nous amenait de façon réaliste là au plus tôt au mois de décembre puisque, moi, j’avais autre chose là sur mon calendrier d’ici là. Alors, je pense que les deux mois étaient tout à fait raisonnable et, et vous avez accepté cette proposition-là à l’époque. Et, encore une fois, je pense que y’aurait un préjudice grave là à ne pas procéder aujourd’hui autant pour les témoins qui sont déjà assignés, certains même sont ici, pour les défendeurs, pour les demandeurs aussi, je pense qu’est dans l’intérêt de tout le monde que cette cause-là procède le plus rapidement possible. Et y’aurait évidemment aussi un préjudice pour la Cour puisque mon temps était déjà prévu pour ces trois semaines ici. J’ai déjà au mois d’avril accepté de, de surseoir là avec les inconvénients que ça causait à la Cour puisque j’étais aussi à ce moment-là déjà assigné pour trois semaines. Donc, pour toutes ces raison-là, Maître Sivret, je vais rejeter votre requête en suspension. Ceci étant dit, je peux vous assurer que la Cour va faire preuve d’indulgence et de corroboration et de compréhension et je suis sûr que vos collègues aussi qui comprennent la situation dans laquelle vous vous trouvez. Je suis conscient que ça voudra sans doute dire des longues heures pour les prochaines semaines mais si ça peut vous consoler, je pense je vous l’avais dit aussi vendredi, vous serez pas la seule. Alors, donc la requête étant rejetée. Y’est déjà midi mois vingt-cinq. Je suis conscient du faite on a déjà un lapse de temps relativement court de prévu pour ce dossier ici. En même temps, je sais pas ce qui est le plus approprié, c’est de commencer tout de suite ou c’est de, de suspendre jusqu’à peut-être une heure cet après-midi, là vraiment de commencer. Je, je vous- Je suis là-dessus entre vos mains, Maître Sivret. J’ai pas de préférence particulière là.

[Je souligne.]

 

[13]           Nous retenons également que les clients appelants ont eux-mêmes décidé, le 5 avril 2006,  de changer d’avocat alors que l’instruction allait débuter et que, le 19 avril 2006, ils donnaient instruction à Me Sivret d’aviser la Cour que dans ce contexte, ils n’entendaient pas présenter de preuve.

 

[14]           Me Sivret s’adressa à la Cour en ces termes : (Dossier d’Appel, vol. II onglet 10 pp. 412-414)

 

ME SIVRET : Alors, Monsieur le juge, étant donné que vous venez de rendre une décision de rejeter la demande d’ajournement, moi, j’ai l’instruction de mes clients d’aviser la Cour que dans ce contexte ici, non, qu’il n’y a pas de preuve. Y’a – Y’a – Je crois que y’a beaucoup de preuve qui existe pour permettre à mes clients d’établir la cause d’action pis je fais ceci en – pour la première fois je, dans mes vingt ans de, de pratique, j’avise la Cour que les demandeurs ne présenteront pas de preuve dans le contexte et à cause des circonstances. On a, on a pu la préparer adéquatement. Alors, vous devrez, vous devrez juger de la cause en absence de la preuve des demandeurs, Monsieur le juge. Ça va peut-être faciliter votre travail et celui de, de mes collègues.

 

M. JUSTICE DE MONTIGNY : Pas, pas nécessairement là. Au contraire.

 

ME SIVRET : Mais, c’est, c’est ce que, c’est ce que j’ai instruction de, d’aviser la Cour. Alors, j’aime autant aviser la Cour dès la première occasion. Ça nous, pour nous, c’est impossible de présenter la preuve dans le contexte qu’on a été, qu’on s’est placé parce que je, j’en prends une partie de la responsabilité. Les demandeurs ne présenteront pas de la preuve par incapacité de se préparer et on verra qu’est-ce que ça va donner comme, comme résultat.

 

M. JUSTICE DE MONTIGNY : Donc vous entendez faire seulement des représentations en fin –

 

ME SIVRET : N’ayant pas –

 

M. JUSTICE DE MONTIGNY : - sur le fond.

 

ME SIVRET : - présenter de preuve, j’aurai pas de représentations à, à faire sur le fond, Monsieur le juge, là.

 

M. JUSTICE DE MONTIGNY : Donc, vous ferez aucune représentation –

 

ME SIVRET : Mais –

 

M. JUSTICE DE MONTIGNY : - ni écrite, ni orale. C’est ce que je crois comprendre.

 

ME SIVRET : En l’absence de preuve, je peux pas – Tu sais, normalement on fait des représentations sur l’application du droit par rapport à la preuve qu’on a présenté. Je suis dans l’impossibilité de faire, de présenter la preuve pour mes clients. Alors, ce qu’on me donne comme instruction c’est d’aviser la Cour qu’ils présenteront pas de preuve. Alors- Je sais que c’est difficile mais c’est ce que j’ai comme instruction, Monsieur le juge, alors – En vertu des règles, vous avez, comme vous savez le pouvoir de, de clore ma, ma présentation de ma preuve.

 

M. JUSTICE DE MONTIGNY : Oui, mais en faite, c’est pas ce que, moi, je souhaiterais faire là. Je préfèrerais que, que y’a une preuve de faite de part et d’autre là mais –

[Je souligne.]

 

[15]           Le juge croyait de bonne foi que l’affaire pouvait procéder et la lettre de Me Sivret du 14 juin 2006, annonçant ses témoins pour la semaine du 19 au 26 juin 2006, rendait la chose sans équivoque.

 

[16]           La situation n’était certainement pas idéale pour Me Sivret mais le juge ne croyait évidemment pas que l’avocate s’apprêtait à déclarer forfait. Les commentaires du juge lorsque Me Sivret lui annonça qu’elle ne présenterait pas de preuve après qu’il lui eut refusé l’ajournement font  état de sa grande surprise face à ce dénouement imprévu. Cependant, il était trop tard; le jugement refusant l’ajournement avait déjà été rendu et il ne pouvait se déjuger.

 

[17]           Face à cet état de fait, il n’avait d’autre choix que de rejeter l’action. Ce faisant il n’a commis aucune erreur.

 

[18]           Pour rendre la chose très claire, le juge a, selon nous, été trompé par les appelants lorsqu’ils ont fait une demande d’ajournement alors qu’ils savaient que quelle que soit la décision du juge, l’affaire ne procéderait pas. Dans ces circonstances, on ne peut d’aucune façon imputer au juge la responsabilité d’avoir mis fin au procès en refusant l’ajournement puisqu’il n’avait pas idée des intentions réelles des appelants.

 

[19]           L’appel sera rejeté avec dépens.

 

« Alice Desjardins »

j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                                            A-287-06

 

 

INTITULÉ :                                                                           Aurélien Haché et al. c. Sa Majesté la Reine et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Fredericton, N.-B.

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 21 février 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR PAR:               Desjardins j.c.a.

                                                                                                Noël j.c.a.

                                                                                                Trudel j.c.a.

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR:                                Desjardins j.c.a.

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Bernard Jolin

Me Patrick Ferland

Pour les appelants

 

 

Me Michel Doucet

Me Christian Michaud

Pour les intimés

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Heenan Blaikie

Montréal (QC)

Pour les appelants

 

 

Cox & Palmer

Moncton (N.-B.)

Pour les intimés

 

 

 

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