Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20080220

Dossier : A-235-04

Référence : 2008 CAF 67

ENTRE :

SHERIDAN GARDNER

 

appelante

et

 

 

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

intimé

et

 

 

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

 

intervenante

 

 

TAXATION DES DÉPENS – MOTIFS

 

 

Charles E. Stinson

Officier taxateur

 

[1]               L’appelante a présenté une demande de contrôle judiciaire (qui a été rejetée) devant la Cour fédérale à l’égard de la décision par laquelle la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a rejeté sa plainte contre le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international concernant ses allégations de discrimination relativement au logement locatif qui lui a été fourni pendant son affectation à l’ambassade du Canada à Tokyo, au Japon, de 1992 à 1995. L’appel de la décision de la Cour fédérale a été rejeté avec dépens. J’ai établi un calendrier pour le règlement sur dossier de la taxation du mémoire de dépens de l’intimé, le procureur général du Canada.

 

I. La position de l’intimé

[2]               L’intimé a prétendu que rien dans le déroulement de la procédure ne justifiait une réduction des montants maximaux demandés pour les honoraires d’avocat au titre des articles 19 (mémoire des faits et du droit), 13a) (préparation de l’audience), 22a) (comparution à l’audience) et 25 (services rendus après le jugement). Le fait que la taxation des dépens est nécessaire justifie l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au paragraphe 408(3) des Règles pour l’octroi de trois unités (120 $ par unité) (la fourchette étant de 2 à 6 unités) au titre de l’article 26.

 

II. La position de l’appelante

[3]               L’appelante a invoqué l’article 409, les alinéas 400(3)a) (résultat) et c) (importance et complexité) et la décision Shepherd c. Canada (Solliciteur général du Canada) (1990), 36 F.T.R. 222 (C.F. 1re inst.) pour faire valoir que les dépens accordés devraient être réduits au minimum parce que sa procédure, même si elle a été infructueuse, a permis de réduire les éléments partiaux présents dans la formule utilisée pour établir les taux de location des logements pour les fonctionnaires. Il serait injuste de pénaliser l’appelante par des dépens alors que des milliers d’employés en poste à l’étranger après elle ont profité de ses démarches sans rien payer. S’appuyant sur l’alinéa 400(3)h) (intérêt public) des Règles et la décision Singh c. Canada (P.G.), [1999] 4 C.F. 583 (C.F. 1re inst.), l’appelante a soutenu que les dépens taxés devraient être réduits au minimum en raison de l’étendue des avantages découlant de cette procédure dont peuvent profiter d’autres personnes. Tous dépens à l’encontre de l’appelante sont punitifs, et il serait raisonnable de ne taxer que le montant correspondant à ce qu’elle représente par rapport au nombre d’employés fédéraux en poste à l’étranger depuis 2001 qui ont profité du rôle de la présente procédure dans la modification de la formule relative aux logements locatifs.

 

[4]               L’appelante s’est fondée sur l’alinéa 400(3)i) (conduite) des Règles et l’arrêt Gee c. Canada (Ministre du Revenu national – M.R.N.), [2002] A.C.F. no 12, pour faire valoir que le manque de clarté (qui a suscité des commentaires négatifs tant de la Cour fédérale que de la Cour d’appel fédérale) dans la décision de la Commission a eu pour effet de prolonger inutilement la durée de l’instance. L’appelante ne devrait pas être pénalisée pour cela dans l’octroi des dépens. La demande que l’intimé présente au titre de l’article 26 est déraisonnable pour les motifs exposés ci-dessus. L’appelante a demandé une somme forfaitaire de 50 $ pour ses débours liés à la taxation des dépens.

 

[5]               L’appelante a invoqué les alinéas 400(3)b) (sommes réclamées) et g) (charge de travail) pour soutenir qu’aucun élément de preuve ne justifie la demande au titre de l’article 19. Le travail relatif à la production du mémoire des faits et du droit aurait été fait lors de l’instance tenue devant la Cour fédérale, car il ressemble beaucoup au mémoire utilisé dans cette procédure.

 

III. Taxation

[6]               Au paragraphe 1 de l’arrêt, la Cour indique que la Cour fédérale s’était vue « dans l’obligation de rejeter » la demande de contrôle judiciaire. Le procureur de l’intimé à l’audience devant la Cour fédérale a indiqué que son client ne demanderait pas que des dépens lui soient octroyés. La Commission n’a pas sollicité de dépens. La Cour fédérale a ordonné qu’aucuns dépens ne soient adjugés. Dans son avis d’appel, l’appelante a demandé l’adjudication des dépens dans les instances inférieures ainsi que dans l’appel, quelle que soit l’issue de la cause. Elle a entre autres fait valoir comme moyen d’appel que le comportement de la Commission, qui a omis de divulguer certains documents, a entraîné des coûts inutiles. Le mémoire des faits et du droit de l’appelante précisait cette position relativement aux dépens. La Cour a essentiellement conclu, aux paragraphes 12 à 19, que le comportement de la Commission ne pouvait pas être critiqué parce que les documents en question n’étaient pas pertinents et ne lui avaient jamais été présentés.

 

[7]               Au paragraphe 23, la Cour a qualifié les motifs de la Commission de « laconiques » et estimé « qu’il s’agi[ssait] davantage d’une conclusion que de motifs ». La Cour a décrit, aux paragraphes 29 à 31, le processus qui a conduit à la décision de la Commission et a conclu qu’il permettait à l’appelante de comprendre le fondement de la décision de la Commission. C’est pourquoi j’attache peu de valeur aux décisions invoquées par l’appelante, qui portaient sur le pouvoir discrétionnaire de la Cour aux termes de la règle 400(1) quant à l’octroi des dépens, mais pas sur la manière dont ceux‑ci doivent être taxés. Autrement dit, la Cour n’a fourni aucun motif justifiant la restriction de l’accès par l’intimé, dont le rôle est distinct de celui de la Commission, à l’indemnité habituelle relative aux dépens de la cause. Je conclus que rien dans le comportement de l’intimé ne justifie une réduction des dépens. Je n’ai aucune compétence dans ces circonstances en ce qui concerne les dépens relatifs à des tiers.

 

[8]               Dans Bow Valley Naturalists Society c. Canada (Ministre du Patrimoine canadien), [2002] A.C.F. no 1795 (O.T.), j’ai examiné la question de la pertinence de tenir compte de l’intérêt public pour la taxation des dépens et conclu que l’application de l’article 409 et des facteurs prévus au paragraphe 400(3) des Règles dans un sens opposé à l’intérêt des parties qui ont eu gain de cause exigerait l’exercice mûrement réfléchi du pouvoir discrétionnaire. Le fait que le jugement relatif aux dépens n’accorde pas de traitement spécial en matière de dépens à la partie déboutée sur le fondement de l’intérêt public ne m’empêche pas d’appliquer l’article 409 et l’alinéa 400(3)h) des Règles pour réduire au minimum les dépens taxés. Je ne le ferai pas en l’espèce. La décision de la Cour (par. 3) indique que la formule relative à la location n’était pas fondée sur le logement réel assigné et ce fait‑là était au cœur même de l’affirmation de discrimination de l’appelante. À l’audience tenue devant moi, l’appelante a renvoyé au paragraphe 12 de la décision de la Cour pour faire valoir que sa procédure a profité à des milliers de fonctionnaires. Avec égards, je ne pense pas que le dossier appuie cette conclusion. Le paragraphe 12 fait état de la lettre, en date du 11 mars 2002, mentionnant la plainte de l’appelante et accompagnant l’envoi à la Commission d’un document qui décrit une nouvelle formule pour le calcul des frais de logement. Cette lettre indique expressément que [traduction] « la politique selon laquelle le montant des loyers se fonde sur le revenu et la taille de la famille, plutôt que sur le logement occupé, n’a pas changé ». Le document lui-même renvoie à une révision en cours des directives sur le service extérieur. Je rejette la position de l’appelante, y compris sa demande de dépens fondée sur le paragraphe 408(3).

 

[9]               J’ai conclu au paragraphe 7 de la décision Starlight c. Canada, [2001] A.C.F. no 1376 (O.T.), qu’il n’était pas nécessaire de s’en tenir au même point des fourchettes d’unités pour chacun des articles à taxer, car chaque service rendu par l’avocat est distinct et doit être évalué dans son contexte. De la même façon, de grands écarts peuvent être nécessaires dans l’attribution d’unités d’une affaire à l’autre. Certaines étapes interlocutoires ont été requises pour parfaire le statut de la Commission comme intervenante. Rien dans le dossier n’indique que le statut de l’appelante comme partie ayant agi pour son propre compte ait occasionné du travail inutile dans telle ou telle partie de la présente procédure. Je conclus que les questions soulevées dans le présent appel étaient simples, mais qu’elles nécessitaient les services d’un avocat. J’alloue cinq unités au titre de l’article 19 (la fourchette étant de 4 à 7 unités). J’accorde un minimum de deux unités par heure au titre de l’article 22a), conformément à ce qui a été demandé, et une unité au titre de l’article 25.

 

[10]           Dans le contexte de ce que je perçois comme une opposition générale au mémoire de dépens, je rejette l’article 13a), étant donné qu’il figure au sous‑titre « E. Instruction ou audience ». Aucun article ayant une description comparable, soit la préparation de l’audition de l’appel, ne figure au sous‑titre « F. Appels à la Cour d’appel ». Dans l’opinion dissidente de l’arrêt Consorzio del Prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc., 22 C.P.R. (4th) 177 (C.A.F.), au paragraphe 53, le juge a considéré qu’il s’agissait d’une omission du tarif B et a autorisé des honoraires en vertu de l’article 27. J’ai conclu que l’article 27 ne peut être invoqué qu’à l’égard des services non déjà couverts aux articles 1 à 26. Je présume que l’affirmation contenue au paragraphe 53, à savoir que la préparation du mémoire des faits et du droit au titre de l’article 19 est un service comparable à la préparation de l’audition de l’appel, ne signifie pas que ces services sont en fait les mêmes. Dans les circonstances, j’alloue l’unité minimum au titre de l’article 27 pour la préparation de l’audition de l’appel.

 

[11]           J’accorde le minimum de 2 unités au titre de l’article 26 et les débours demandés, soit 81,67 $. Le mémoire de dépens de l’intimé, qui s’élevait à 2840,47 $, est taxé et accueilli pour le montant de 1960,87 $.

 

« Charles E. Stinson »

Officier taxateur

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-235-04

 

INTITULÉ :                                                                           SHERIDAN GARDNER c. PGC

 

 

 

TAXATION DES DÉPENS SUR DOSSIER SANS COMPARUTION DES PARTIES

 

 

 

MOTIFS DE LA TAXATION DES DÉPENS :                   CHARLES E. STINSON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          20 février 2008

 

 

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Mme Sheridan Gardner

 

POUR L’APPELANTE

(agissant pour son propre compte)

 

M. Richard Casanova

 

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

s.o.

 POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR L’INTIMÉ

 

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