Décisions de la Cour d'appel fédérale

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Date : 20080220

Dossier : A-54-07

Référence : 2008 CAF 63

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

RAYNALD GRENIER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 13 février 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 20 février 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LA JUGE TRUDEL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU


Date : 20080220

Dossier : A-54-07

Référence : 2008 CAF 63

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

RAYNALD GRENIER

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LA JUGE TRUDEL

[1]               Un jugement de la Cour canadienne de l’impôt du 26 septembre 2002 (motifs « modifiés pour plus de clarté » en décembre 2002, J. Archambault) a rejeté l’appel de monsieur Grenier à l’encontre de nouvelles cotisations établies par le ministre du Revenu national pour les années d’imposition 1993 à 1996, inclusivement (2002 A.C.I.  no 650 (C.C.I.) (QL)) (le  jugement 2002).

 

[2]               L’appelant a interjeté appel de cette décision devant notre Cour, lequel a été rejeté au mérite par un jugement du 1er avril 2004 (2004 CAF 148; demande d’autorisation à la Cour suprême rejetée, No 30194). Préalablement et sans succès, l’appelant avait, à deux reprises, demandé l’autorisation de présenter de nouveaux éléments de preuve qu’il disait « complémentaires en appui des témoignages déjà entendus mais non retenus » par  le premier juge. (29 octobre 2003, J. Létourneau; demande de reconsidération refusée, le 9 décembre 2003).

 

[3]               Cette fois, notre Cour est saisie de l’appel de monsieur Grenier (avis d’appel 2007) à l’encontre d’un second jugement de la Cour canadienne de l’impôt du 20 décembre 2006 (motifs prononcés à l’audience et modifiés pour plus de clarté et de précision le 27 juin 2007) (J. Archambault (le juge), 2007 CCI 93 (le  jugement 2006)). En appel, l’appelant se représente seul.

 

[4]               Ce jugement rejette sa requête en « annulation ou modification du jugement du 1er octobre 2002, en raison de fraude ou de faits survenus ou découverts après qu’il a été rendu et pour réponse à une question sur laquelle la Cour n’a pas statué », présentée en vertu de la Règle 172 des Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a (mémoire de l’appelant, p. 16) (la requête en modification).

 

[5]               La Règle 172 se lit comme suit:

Règles de la Cour canadienne de l’impôt (procédure générale), DORS/90-688a

 

172. (1) Le jugement qui :

a) comporte une erreur découlant d’un lapsus ou d’une omission;

b) doit être modifié relativement à une question sur laquelle la Cour n’a pas statué,

peut être modifié par la Cour, sur demande ou de son propre chef.

  (2) Une partie peut demander, par voie de requête dans l’instance, selon le cas :

a) l’annulation ou la modification d’un jugement en raison d’une fraude ou de faits survenus ou découverts après qu’il a été rendu;

b) un sursis d’exécution d’un jugement;

c) une mesure de redressement différente de celle qui a déjà été accordée.

 

172. (1) A judgment that,

(a) contains an error arising from an accidental slip or omission, or

(b) requires amendment in any matter on which the Court did not adjudicate,

may be amended by the Court on application or of its own motion.

  (2) A party who seeks to,

(a) have a judgment set aside or varied on the ground of fraud or of facts arising or discovered after it was made,

(b) suspend the operation of a judgment, or

(c) obtain other relief than that originally directed,

may make a motion for the relief claimed.

 

 

[6]               Par sa requête en modification, l’appelant soulève plusieurs moyens afin de se pourvoir contre le jugement de la Cour canadienne de l’impôt. Le titre même de la requête montre qu’elle relève, à la fois, de l’appel d’un jugement, de la correction matérielle de celui-ci ou de sa rétractation. Il y a pourtant une procédure propre à chacun de ces moyens et les tribunaux ont, à maintes reprises, énoncé les principes s’appliquant à chacun. Les plus pertinents se résument ainsi:

§         Le tribunal de première instance ne peut corriger le jugement qu’il a rendu si celui-ci a fait l’objet d’un arrêt de la Cour d’appel et, j’ajouterai, encore moins si celui-ci est en cours d’exécution ou a été exécuté et que les conclusions recherchées étaient englobées dans celles visées par l’appel (voir Règle 399 des Règles des Cours féderales; Déziel c. Canada, 2005 CCI 70).

§         L’incompréhension et l’interprétation erronée, par la partie, des échanges lors de l’audition et de la décision qui s’en est suivie, ou le refus d’en accepter le dispositif ne sont pas des motifs de rectification de jugement.

§         La requête en correction de jugement vise la correction de l’erreur du juge découlant d’un lapsus ou d’une omission. Il ne s’agit pas d’un appel déguisé de la décision (voir Benipal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1302).

§         Le paragraphe 172(1) permet de corriger certaines erreurs commises par la Cour, mais il ne permet pas de remédier à une erreur commise par le contribuable ou son avocat qui a omis de soumettre une question à l’attention de la Cour (voir Dupont Canada Inc. c. Canada, 2002 CAF 307).

§         La rétractation est une exception au principe fondamental de l’irrévocabilité des jugements, un principe essentiel à la saine administration de la justice.  Seuls des motifs sérieux et démontrés clairement permettront la réouverture d’un litige déjà tranché. La procédure et le jugement qui en découle contribuent à la protection des droits des deux parties. C’est pourquoi la remise en question des jugements demeure une exception. Un argument rejeté faute de preuve ou après un débat contradictoire tenu selon les règles établies ne rencontre pas les exigences de la rétractation. Il en est de même de l’erreur ou omission de la partie (voir Saywack c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1986] 3 C.F. 189 (C.A.); Rostamian c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1991] A.C.F. no 525 (F.C.A.) (QL)).

 

[7]               Avec ces principes comme toile de fond, j’entreprends l’analyse des motifs de reproche de M. Grenier, en commençant par le dernier portant sur la constitutionnalité de l’article 31 de la Loi de l'impôt sur le revenu, L.R.C. 1985 (5e supp.), c. 1 (la  LIR ), (mémoire de l’appelant, p. 115). Par la suite, j’entends analyser ses prétentions relatives au dépôt d’une preuve nouvelle et à la fraude alléguée des agents du Ministère du revenu qui ont traité son dossier.

 

Question non statuée par la Cour canadienne de l’impôt

 

[8]               Parmi ses moyens d’appel, l’appelant soulève notamment que le paragraphe 31(1) de la LIR contrevient à ses droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés (Charte). Il résume ainsi sa prétention :

Je conteste l’application des règles sur les pertes agricoles restreintes à mes revenus d’exploitation forestière. J’estime que ces règles constituent une atteinte à mes droits et libertés en me restreignant le droit de gérer correctement mes entreprises. J’estime également ces règles discriminatoires à mon égard, ce traitement fiscal étant directement fonction de l’exercice de ma profession.  (Dossier d’appel, page 38).

 

[9]               L’appelant tire ses revenus de différentes sources, entre autres: la médecine et la sylviculture. Ce sont les revenus provenant de ces activités professionnelles et agricoles qui sont au cœur du débat.

 

[10]           En 2002, le juge a conclu que l’appelant n’avait pas réussi à démontrer que la « source principale de ses revenus était l’agriculture ou une combinaison de l’agriculture et d’une autre source de revenu » (paragraphe 18 des motifs du jugement 2002), d’où la décision contestée du ministre sous le paragraphe 31(2) de la LIR.

 

[11]           Cette trame factuelle est le fondement de l’avis de question constitutionnelle signifié par l’appelant en vertu de l’article 57 de la Loi sur les cours fédérales. Il faut noter que cette question qui avait été soulevée dans l’avis d’opposition n’était pas reprise dans l’avis d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt (Dossier d’appel, vol. 1, page 38).

 

[12]           On ne se surprend donc pas que notre Cour ait refusé, dans son jugement du 30 mars 2004, de se prononcer sur cet allégué, constatant que « la question constitutionnelle n’a cependant pas été soulevée devant le premier juge. Il y a donc une absence totale de preuve sur le sujet, dans l’hypothèse où l’article 15 de la Charte s’appliquerait… ». (Lire aussi le paragraphe 26 des motifs du jugement 2006).

 

[13]           Ce n’est qu’en 2006, quelques jours avant l’audition de la requête en modification devant le juge, que l’avis de l’article 57 est signifié. Cet avis sera signifié de nouveau par l’appelant quelques jours avant l’appel devant notre Cour. Aux conclusions de son mémoire, l’appelant plaide les Chartes canadienne et québécoise (Dossier d’appel, page 26). À l’audition, il ne traite que de la première.

 

[14]           L’appelant concède que la Charte n’était pas expressément invoquée à son avis d’appel devant la Cour canadienne de l’impôt. Il plaide cependant que le paragraphe 11 de l’avis, tel que rédigé, ouvrait « timidement » la porte à son argument constitutionnel en ce que le juge devait « déterminer si l’appelant avait le droit de déduire la totalité des pertes agricoles réclamées pour chacune desdites années d’imposition » (l’appelant souligne dans sa plaidoirie, Dossier d’appel, p. 38).

 

[15]           Selon l’appelant, le « droit de déduire » et d’assujettir les pertes agricoles déductibles aux restrictions du paragraphe 31(1) de la LIR commandait une analyse constitutionnelle de « l’application » de cette disposition, analyse que son procureur avait invité le juge à faire, mais en vain (au Dossier d’appel, l’appelant réfère à la transcription de l’audition, pages 60, 61, et 63).

 

[16]           Je ne peux retenir l’argument de l’appelant qui recherche une conclusion nouvelle portant sur un argument qui n’était pas devant le premier juge et pour lequel il n’avait pas davantage fait signifier l’avis requis. À cet égard, notre Cour écrivait dans Bekker c. R., 2004 CAF 186:

La Cour d'appel n'examinera pas une question de nature constitutionnelle sans qu'un avis ait été signifié au procureur général du Canada et à celui de chaque province : voir Gitxsan Treaty Society c. Hospital Employees Union et al. (1999), 238 N.R. 73 (C.A.F.); Giagnocavo c. M.R.N. (1995), 95 D.T.C. 5618, où la Cour d'appel fédérale a statué qu'elle n'avait pas compétence pour entendre la question. Cet avis n'est pas qu'une simple formalité ou technicalité que la Cour peut ignorer ou à l'égard de laquelle elle peut accorder une dispense : voir La Reine c. Fisher (1996), 96 D.T.C. 6291, où la Cour d'appel fédérale a décidé que l'avis doit être donné dans tous les cas où la validité constitutionnelle ou l'applicabilité d'une loi est remise en question de la manière décrite à l'article 57, notamment dans une instance portée devant la Cour de l'impôt et régie par la procédure informelle. Effectivement, un juge ne peut de lui-même soulever une question constitutionnelle sans donner un avis au procureur général : voir Renvoi relatif à la rémunération des juges de la Cour provinciale de l'Î.­-P.-É., [1997] 3 R.C.S. 3. (Supra, au paragraphe 8).

 

[17]           Je conclus donc que l’argument constitutionnel de l’appelant ne peut réussir et que sa  demande n’entre pas dans le cadre d’une requête en modification de jugement : il ne s’agit pas d’une « question sur laquelle la Cour n’a pas statué ».  Il s’agit plutôt d’une question qui n’a pas été portée à l’attention de la Cour suite au choix ou à l’erreur de la partie.

 

 

Allégation de fraude et documents découverts après le jugement

 

[18]           En appel, ces deux motifs de reproche sont intimement liés. La fraude des préposés de l’intimée n’avait pas été soulevée en 2002.  Cet argument apparaît à la requête en modification.

 

A. Les tableaux récapitulatifs

 

[19]           L’appelant s’attaque tout particulièrement aux tableaux récapitulatifs déposés en argumentation par l’intimée (Dossier d’appel, vol. 1, pages 34 et 35) faisant état, seulement,  de certaines de ses sources de revenu.  Il plaide que  l’omission d’inclure les  données relatives à l’ensemble de sa situation financière, incluant ses revenus et dépenses, constitue une fabrication de preuve de la part de l’intimée et de ses procureurs.  Il conclut  qu’il est victime de fraude fiscale.  Selon lui, le juge a ainsi été induit en erreur.

 

[20]           La Cour canadienne de l’impôt rejette cet argument aux paragraphes 7 à 13 de son jugement 2006. Le juge ajoute que ses propres vérifications lui « ont permis de constater que l’absence de ces données dans les tableaux récapitulatifs était due au fait qu’elles n’avaient pas été mises en preuve » (au paragraphe 9 des motifs).

 

[21]           En appel, l’appelant tente une nouvelle démonstration.  En référant à la pièce I-11 (Dossier d’appel supplémentaire A-2, pages 51 et s.), il veut démontrer que les tableaux récapitulatifs sont incomplets (Dossier d’appel, pages 82 et 83) en ce qu’ils ne reprennent pas exhaustivement tous les chiffres contenus dans la pièce I-11.

 

[22]           S’appuyant sur la Déclaration des droits du contribuable (une publication de l’Agence revenu du Canada), l’appelant rappelle qu’il est présumé « honnête » jusqu’à preuve du contraire. Sans qu’il ne le formule précisément, je comprends de son argument qu’il effectue, sur la base de cette présomption, un renversement de preuve. Selon lui, le ministre du Revenu national avait l’obligation de présenter à la Cour canadienne de l’impôt toute la preuve. L’appelant a tort. Il avait le fardeau de réfuter les faits sur lesquels reposaient les nouvelles cotisations qu’il contestait. De plus, comme le rappelle le juge au paragraphe 21 du jugement 2006 : « Il était loisible à monsieur Grenier de présenter ses propres tableaux, de les interpréter de façon différente et de faire valoir [ses prétentions] ».

 

[23]           Un examen de la preuve documentaire m’amène à faire les observations suivantes :

§         Les tableaux récapitulatifs ont été déposés par l’intimée pendant son argumentation, à la demande du juge (voir Dossier d’appel supplémentaire A-2, page 37). Ils visaient à démontrer « l’évolution des activités principales de l’appelant, soit celles reliées à sa profession, ses autres entreprises et ses activités agricoles » (mémoire de l’intimée, au paragraphe 41).

§         Ces tableaux résumaient la preuve documentaire qui avait été soumise à la Cour;

§         Les données pour les années 1980 à 1992 provenaient de la pièce I-11;

§         Ces données avaient été obtenues à partir du « système rapide à l’impôt » de Revenu Canada où sont conservées les données des déclarations qui ne sont plus disponibles autrement (Dossier d’appel supplémentaire A-2, page 34).

§         Les données pour les années 1993 à 2000 étaient récapitulées dans un autre tableau à partir des déclarations de revenu produites par l’appelant pour ces périodes (voir pièces I-2 et I-4 à I-10);

§         Le témoin qui a confectionné la pièce I-11 a été interrogé lors de l’audition. Ni l’appelant, ni son procureur n’ont offert de preuve pour contrer le contenu de la pièce I-11. M. Bergeron n’a pas été contre-interrogé (voir l’interrogatoire de F. Bergeron, Dossier d’appel supplémentaire A-2, page 41).

 

[24]           En présentant les tableaux récapitulatifs, l’appelant invite la Cour à remarquer les nombreux points d’interrogation qu’on y voit en regard de la ligne réservée aux « revenus d’entreprise bruts ».  Selon lui, il s’agit d’omissions frauduleuses faites dans le but d’induire le juge en erreur. J’ai revu ces tableaux en regard de la pièce I-11.  Pour les années en question, l’appelant n’avait déclaré aucun revenu d’entreprise brut, d’où l’interrogation de l’auteur des tableaux.

 

Les documents découverts après le jugement 2002

 

[25]           Pour étayer son argument quant à l’inexactitude de ses revenus, l’appelant proposait au juge le dépôt de documents « découverts après que le jugement » ait été rendu.

 

[26]           Un premier document émanait de l’Association des Dermatologistes du Québec et avait trait au plafond de rémunération en vigueur pendant la période pertinente aux cotisations contestées.  La divergence des données s’explique du fait que le document de l’Association couvre la période du 1er avril d’une année au 31 mars de l’autre année, alors que l’année fiscale s’étend du 1er janvier au 31 décembre de la même année (voir Dossier d’appel, page 91b).

 

[27]           Des documents supplémentaires concernaient les revenus déclarés par l’appelant pour les années antérieures à 1980, soit antérieures aux années couvertes dans la pièce I-11 (voir Dossier d’appel supplémentaire A-2, page 93c, pièce R-2 et Dossier d’appel supplémentaire A-3, page 186, pièce R-5).

 

[28]           Sur l’ensemble de cette preuve, le juge note que les « faits mis de l’avant par M. Grenier n’établissent pas l’existence d’une telle fraude. En ce qui a trait aux faits nouveaux, la preuve n’a pas établi qu’il s’agissait de faits dont monsieur Grenier n’avait pas connaissance au moment de l’audience tenue en septembre 2002 » (au paragraphe 20). Je suis d’accord.

 

[29]           Dans son mémoire, l’appelant attire l’attention de la Cour sur « toutes les pièces au dossier à différentes étapes de 2002 à ce jour y compris la pièce A-7 dont la fausseté de l’interprétation a été découverte après le jugement [de la Cour canadienne de l’impôt] » (voir mémoire de l’appelant, p. 13) (je souligne). La Cour ne siège pas en appel de sa décision de 2004 par laquelle elle a maintenue les conclusions du juge de la Cour canadienne de l’impôt.

 

[30]           Après avoir entendu l’appelant, je constate que les faits soulevés étaient connus de lui ou auraient pu l’être au moment opportun. Le juge n’a donc pas commis d’erreur en rejetant ces moyens soulevés par l’appelant dans sa requête en modification.

[31]           Ces motifs sont suffisants pour rejeter l’appel. Avant de conclure, cependant, il m’apparaît important, pour l’appelant,  de traiter d’un sujet incident.

 

Nouvelle cotisation pour une année prescrite

 

[32]           Lors de la première audition devant le juge, il a été mis en preuve que l’appelant avait omis d’inclure à ses revenus professionnels deux montants reçus de la Régie de l’assurance-maladie du Québec (la « RAMQ ») pour les années 1993 et 1994 dont la quotité n’était pas remise en question (voir paragraphe 2 du jugement 2002 et Dossier d’appel supplémentaire A-3, page 203).

 

[33]           S’en est suivi le maintien, par le juge, de la décision du ministre d’émettre une cotisation nouvelle pour ces deux années, dont l’année 1993 qui était normalement prescrite en vertu de l’article 152(4) de la LIR.

 

[34]           Tout au long de sa plaidoirie, l’appelant a exprimé sa colère d’avoir « été condamné sous l’article 152(4) de la LIR » et son désarroi d’être à jamais « qualifié de fraudeur ». J’invite docteur Grenier à relire attentivement le jugement 2002 et l’article 152(4).

 

[35]           En l’instance, le sous-alinéa 152(4)(a)(i) est pertinent. Il se lit :

152 […]

(4) Le ministre peut établir une cotisation, une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire concernant l'impôt pour une année d'imposition, ainsi que les intérêts ou les pénalités, qui sont payables par un contribuable en vertu de la présente partie ou donner avis par écrit qu'aucun impôt n'est payable pour l'année à toute personne qui a produit une déclaration de revenu pour une année d'imposition. Pareille cotisation ne peut être établie après l'expiration de la période normale de nouvelle cotisation applicable au contribuable pour l'année que dans les cas suivants:

a) le contribuable ou la personne produisant la déclaration:

(i) soit a fait une présentation erronée des faits, par négligence, inattention ou omission volontaire, ou a commis quelque fraude en produisant la déclaration ou en fournissant quelque renseignement sous le régime de la présente loi

152

(4) The Minister may at any time make an assessment, reassessment or additional assessment of tax for a taxation year, interest or penalties, if any, payable under this Part by a taxpayer or notify in writing any person by whom a return of income for a taxation year has been filed that no tax is payable for the year, except that an assessment, reassessment or additional assessment may be made after the taxpayer's normal reassessment period in respect of the year only if

(a) the taxpayer or person filing the return

(i) has made any misrepresentation that is attributable to neglect, carelessness or wilful default or has committed any fraud in filing the return or in supplying any information under this Act, or

 

        [Je souligne]                                     [Emphasis added]

 

[36]           Nulle part dans le jugement 2002 ne retrouve-t-on quelque inférence à une fraude commise par l’appelant. Au contraire. Tel que mentionné précédemment, c’est l’appelant qui mentionne le mot « fraude » pour la première fois dans sa requête en modification. Jusqu’à ce moment, il n’en avait jamais été question, ni quant à l’intimée, ni quant à lui.

 

[37]           Au jugement 2002, le juge mentionne que l’appelant choisit, pour des raisons d’éthique,  de ne pas retenir les services d’un comptable pour concilier les sommes qu’il réclame à la  RAMQ et les relevés fournis par elle.  Il ajoute :

À mon avis, le ministre s’est acquitté de la charge de démontrer que le contribuable a fait une présentation erronée des faits par négligence ou inattention. Je suis convaincu que le docteur Grenier ne l’a pas fait par omission volontaire et c’est à bon droit que le ministre a annulé la pénalité (au paragraphe 44).

 

 

 

 

 

[38]           Ceci dit, je propose de rejeter l’appel avec dépens.

 

                                                                                                                             

                                                                                                             « Johanne Trudel »

j.c.a.

 

 

“J’y souscris

     Alice Desjardins j.c.a.”

 

“Je suis d’accord

     Gilles Létourneau j.c.a.”

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-54-07

 

INTITULÉ :                                                                           RAYNALD GRENIER

c.

                                                                                                SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa, Ontario

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 13 février, 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE TRUDEL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                                               

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 20 février 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Raynald Grenier

POUR L’APPELANT, SE REPRÉSENTANT LUI-MEME

 

Me Sophie-Lyne Lefebvre

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

M. Raynald Grenier

Québec (Québec)

POUR L’APPELANT, SE REPRÉSENTANT LUI-MEME

 

Me John H. Sims c.r.

Ottawa (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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