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Date : 20080129

Dossier : A-128-07

Référence : 2008 CAF 36

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LES SYSTÈMES EQUINOX INC.

demanderesse

et

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX, LGS GROUP INC. et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 16 janvier 2008

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 29 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                            LE JUGE NADON

LA JUGE TRUDEL

 

 


Date : 20080129

Dossier : A-128-07

Référence : 2008 CAF 36

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NADON

                        LA JUGE TRUDEL

 

ENTRE :

LES SYSTÈMES EQUINOX INC.

demanderesse

et

LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX, LGS GROUP INC. et LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DESJARDINS

[1]               Le 14 février 2007, le Tribunal canadien du commerce extérieur (TCCE ou le Tribunal) a accepté, en partie, d’enquêter sur une plainte déposée par Les Systèmes Equinox (Equinox ou la demanderesse) à l’égard de l’invitation à soumissionner no 21120-053631/B (l’invitation) lancée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC). La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision du Tribunal de n’enquêter que sur une partie de sa plainte.

 

 

[2]               La Cour doit décider si le Tribunal a commis une erreur susceptible de révision en refusant d’enquêter de façon indépendante relativement à l’allégation selon laquelle TPSGC a irrégulièrement évalué la proposition présentée par la demanderesse en réponse à l’invitation ou a fait preuve de partialité dans l’évaluation de cette proposition.

 

LES FAITS

[3]               Le 30 juin 2005, TPSGC a fait paraître, pour le compte du Service correctionnel du Canada (SCC), une demande de propositions (DP) pour la fourniture d’un système de points de vente. La demanderesse y a répondu en soumettant une proposition. Dans une lettre en date du 12 décembre 2005, TPSGC a informé la demanderesse que sa proposition ne respectait pas certaines exigences impératives de la DP et que le contrat avait été adjugé à LGS Group Inc. (LGS). Plus précisément, la proposition financière de la demanderesse a été jugée non conforme à la DP relativement aux deux points décrits ci-dessous (dossier de la demanderesse, vol. 1, onglet 4, page 215).

[traduction]

Comme il était précisé dans l’invitation, toute proposition devait respecter chacune des exigences impératives. Malheureusement, l’équipe d’évaluation a conclu que votre proposition ne satisfait pas à toutes les exigences impératives de l’invitation.

 

Selon nos conclusions, deux éléments de votre proposition financière ne répondent pas aux exigences :

 

1)      la soumission relative aux tarifs journaliers ne comporte pas les données nécessaires pour calculer un tarif journalier unique pour les travaux, comme l’exige la DP;

2)      aucun prix unique calculable n’a été proposé pour la licence d’entité, conformément aux modalités énoncées à l’annexe C. 

 

            Afin de vous renseigner sur les caractéristiques et les avantages relatifs de la soumission retenue, je peux vous informer que la proposition retenue satisfaisait à toutes les exigences impératives de l’invitation et a obtenu la note suivante :

 

 

Note technique

Prix global

évalué

Coût par point

Proposition de LGS

78,0

4 090 255,17 $

52 439,17 $

Proposition d’Equinox

72,0

Non conforme

S.O.

            Comme elle a été jugée non conforme, votre proposition financière a été exclue et le Canada n’a pas poussé plus loin son évaluation.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[4]               La demanderesse a demandé et obtenu un entretien final avec des représentants de TPSGC, le 6 janvier 2006. Au cours de cette réunion, la demanderesse a été avisée que la proposition financière d’Equinox n’avait pas été évaluée par TPSGC dans le cadre de l’évaluation parce que la soumission d’Équinox avait été jugée non conforme.

 

[5]               Le 3 février 2006, Equinox a déposé, conformément au paragraphe 30.11(1) de la Loi sur le Tribunal canadien du commerce extérieur, L.R.C. 1985 (4e suppl.), ch. 47 (la Loi), une plainte concernant la procédure des marchés publics suivie, où elle a contesté la conclusion de TPSGC selon laquelle sa soumission ne respectait pas les exigences impératives de la DP. Le 15 février 2006, le Tribunal a fait savoir à Equinox qu’il avait décidé de ne pas enquêter sur la plainte parce que celle-ci n’avait pas été déposée auprès du Tribunal dans le délai prescrit de dix jours ouvrables. Le Tribunal n’a examiné aucune autre question soulevée dans la plainte d’Equinox. 

 

[6]               En octobre et novembre 2006, Equinox a obtenu des renseignements, notamment un document d’évaluation financière concernant la procédure de passation du marché, au moyen d’une demande d’accès à l’information. Se fondant sur les renseignements ainsi obtenus, Equinox a soulevé des objections auprès de TPSGC relativement à la procédure de passation du marché. Le 24 janvier 2007, TPSGC a rejeté ces objections (dossier de la demanderesse, vol. 1, onglet 29, pages 181-182), pour les raisons suivantes :

[traduction] En réponse à vos préoccupations, nous avons très soigneusement examiné la procédure d’adjudication du marché public, qui a aussi été révisée de façon indépendante par un organisme distinct du ministère. Nos conclusions sont les suivantes :

 

·         La soumission d’Equinox a correctement été évaluée en fonction des critères d’évaluation énoncés dans la DP et, en conséquence, a été jugée non conforme pour les motifs déjà exposés dans notre lettre du 12 décembre 2005.

 

·         La soumission de LGS a correctement été jugée conforme en application des critères d’évaluation énoncés dans la DP, et le marché subséquemment attribué à LGS respecte pleinement toutes les exigences de la DP.

 

[7]               Comme le permet l’article 30.11 de la Loi, Equinox a ensuite déposé une plainte auprès du Tribunal le 5 février 2007.

 

[8]               Dans une lettre datée du 14 février 2007, le Tribunal a accepté d’enquêter sur une partie de la plainte de la demanderesse. À la suite d’une demande formulée par cette dernière pour que le Tribunal revoie sa position, le Tribunal a confirmé, dans une lettre en date du 19 février 2007, sa décision de n’enquêter que sur une partie de la plainte.

 

[9]               Avant l’instruction du présent appel, le Tribunal a, le 20 juin 2007, retenu la partie de la plainte de la demanderesse qu’il avait accepté d’examiner et recommandé une mesure corrective (dossier no PR-2006-045).

 

LA PLAINTE

[10]           Dans sa plainte, Equinox a énoncé les propositions suivantes (dossier de la demanderesse, page 47) :

                        [traduction]

a)      TPSGC et SCC ont contrevenu aux obligations énoncées à l’ACI et à l’ALENA en concluant que la soumission de LGS respectait les exigences impératives de la DP.

 

b)      TPSGC et SCC ont évalué de façon irrégulière la soumission présentée au nom d’Equinox, en violation des obligations formulées dans l’ACI et dans l’ALENA.

 

c)      TPSGC et SCC n’ont pas assuré un accès égal au marché public, contrairement aux obligations énoncées dans l’ACI.

 

d)      La preuve fait naître une crainte raisonnable de partialité en faveur de LGS et à l’encontre d’Equinox qui a mené les évaluateurs à conclure irrégulièrement que la soumission d’Equinox n’était pas conforme à la DP.

 

 

Évaluation de la soumission d’Equinox – Partialité à l’encontre d’Equinox – (alinéas a) et d) de la plainte)

 

[11]           Les documents obtenus grâce au processus d’accès à l’information ont fourni les moyens invoqués dans la plainte qu’Equinox a déposée auprès du Tribunal. La troisième liasse de documents incluait une autre copie du document d’évaluation, qui comportait cette fois une analyse détaillée du coût de la soumission d’Equinox (dossier de la demanderesse, page 40, paragraphe 66; pièce 27 NCV).

 

[12]           Selon la plainte, il ressort de la liasse de documents que TPSGC a évalués la proposition financière d’Equinox et, ce faisant, a ajouté à la soumission d’Equinox un montant dont le chiffre exact a été communiqué confidentiellement à la Cour (dossier de la demanderesse, page 40, paragraphe 67; l’astérisque entre crochets, [*], utilisé plus loin dans les présents motifs, tient lieu du montant divulgué confidentiellement).

 

[13]           La plainte indique que [traduction] « l’existence du document d’évaluation du coût prouve que TPSGC a procédé à cette évaluation, contrairement à la déclaration de Mme Jalbert, qui a affirmé lors de l’entretien final du 6 janvier 2006 que cette évaluation n’avait pas été faite » (dossier de la demanderesse, page 41, paragraphe 68).

 

[14]           Il est en outre mentionné dans la plainte (au paragraphe 70) que [traduction] « ni TPSGC ni SCC n’a précisé, à quelque moment que ce soit durant ou après l’entretien final, qu’un montant additionnel de [*] $ avait été ajouté au prix de la soumission d’Equinox, ni expliqué pourquoi cet ajout était justifié. TPSGC a plutôt prétendu que l’évaluation du prix n’avait pas été faite, et la question de l’ajout de [*] $ à la soumission d’Equinox n’a pas été abordée ».

 

[15]           Equinox se plaint (dossier de la demanderesse, page 75, paragraphes 186 à 194) qu’en raison de l’ajout de [*] $ au prix de sa soumission, l’évaluation a enfreint l’article 501 de l’Accord sur le commerce intérieur (ACI) et l’alinéa 1008(1)a) de l’Accord de libre-échange nord-américain (ALENA), qui exigent un traitement égal et non discriminatoire de tous les soumissionnaires.

 

[16]           Equinox soutient que TPSGC a enfreint le paragraphe 506(6) de l’ACI, qui prévoit que la procédure de passation des marchés publics doit être équitable et transparente. Plus précisément, le paragraphe 506(6) ne permet pas aux évaluateurs de modifier unilatéralement le prix de la soumission et de tenir compte par la suite du prix ainsi modifié. En ajoutant [*] $ au prix soumis par Equinox, les évaluateurs ont négligé d’examiner le prix indiqué par Equinox et ont en réalité plutôt pris en considération un prix gonflé de façon artificielle et irrégulière.

 

[17]           Equinox prétend aussi qu’en ajoutant irrégulièrement [*] $ à sa soumission, TPSGC a manqué à son obligation d’évaluer la soumission initialement présentée, ainsi que l’exige l’alinéa 1015(4)a) de l’ALENA. Dans la présente affaire, plutôt que d’accepter une modification à la soumission de la part du soumissionnaire, TPSGC a joué un rôle actif en modifiant la soumission d’Equinox et cette initiative a été prise au détriment d’Equinox.

 

[18]           Enfin, Equinox fait valoir que la décision des représentants de TPSGC de déclarer qu’on n’avait pas procédé à une évaluation de la proposition financière d’Equinox, alors qu’une telle évaluation avait manifestement été faite, ainsi que l’omission de ces représentants d’expliquer la décision d’ajouter [*] $ à la soumission d’Equinox font ressortir plus encore le manquement général à l’obligation d’assurer traitement égal, équité et transparence; Equinox estime aussi qu’en ajoutant irrégulièrement [*] $ au prix de sa soumission, TPSGC et SCC ont irrégulièrement évalué sa soumission, en violation de l’article 501 et du paragraphe 506(6) de l’ACI et des alinéas 1015(4)a) et 1008(1)a) de l’ALENA.

 

Égalité d’accès à l’information  --  (alinéa c) de la plainte)

[19]           Equinox soutient dans sa plainte (dossier de la demanderesse, page 77, paragraphes 194 à 198) qu’avant le 15 août 2005, date de présentation des soumissions, LGS a demandé des éclaircissements sur des questions précises. Bien qu’il ait signalé que la demande avait été faite en dehors de la période allouée pour les questions et réponses, TPSGC a néanmoins répondu à la question. Il n’a pas communiqué les questions et les réponses à Equinox, même si LGS a confirmé que la réponse constituait une clarification importante. Aux termes de la clause 7.2 de la DP, les demandes de renseignement doivent être reçues au plus tard 10 jours civils avant la date de clôture de l’invitation. La clause 7.3 de la DP prévoit en outre que, pour assurer l’uniformité et la qualité de l’information, TPSGC transmet à tous les soumissionnaires toute demande de renseignements d’importance ainsi que les réponses qui y sont données.

 

[20]           Equinox n’a jamais reçu copie de cette demande de renseignements ni de la réponse y afférente. La demanderesse a appris leur existence en recevant la liasse de documents envoyée par suite de sa demande d’accès à l’information (dossier de la demanderesse, paragraphe 19, page 212, affidavit de Gilles Goguen, président d’Equinox).

 

LA DÉCISION VISÉE PAR LA DEMANDE DE CONTRÔLE JUDICIAIRE

[21]           Le Tribunal a accepté d’enquêter sur une partie de la plainte de la demanderesse, déclarant dans la lettre du 14 février 2007 que :

[traduction] […] L’enquête en l’espèce se limitera aux allégations portant que TPSGC a adjugé le contrat à un soumissionnaire, LGS Group Inc. (LGS), dont la proposition n’était pas conforme aux exigences impératives de la demande de propositions, que TPSGC a permis à LGS de modifier sa proposition après l’expiration du délai pour la réception des soumissions et que TPSC n’a pas traité les soumissionnaires également, suscitant de ce fait une crainte raisonnable de partialité en faveur de LGS […]

 

 

[22]           En réponse à la lettre dans laquelle la demanderesse a demandé au Tribunal de réexaminer sa décision de n’enquêter que sur une partie de sa plainte, le Tribunal a répondu, dans la lettre du 19 février 2007 : 

[traduction] […] Le Tribunal a accepté le motif de plainte fondé sur la crainte de partialité en ce qui touche la façon dont la proposition de LGS Group Inc. a été évaluée en comparaison avec celle d’Equinox. Le Tribunal est d’avis que l’existence d’un tableau d’évaluation financière est une preuve insuffisante pour établir que la proposition d’Equinox avait été jugée conforme. Le Tribunal ne reviendra pas sur sa décision à cet égard […]

 

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[23]           Le paragraphe 30.13(1) de la Loi prévoit :

Enquête

30.13 (1) Après avoir jugé la plainte conforme et sous réserve des règlements, le Tribunal détermine s’il y a lieu d’enquêter. L’enquête peut comporter une audience.

 

 

[Non souligné dans l’original.]

Decision to conduct inquiry

30.13 (1) Subject to the regulations, after the Tribunal determines that a complaint complies with subsection 30.11(2), it shall decide whether to conduct an inquiry into the complaint, which inquiry may include a hearing.

[Emphasis added.]

 

 

[24]           La disposition réglementaire visée par le paragraphe 30.13(1) de la Loi est l’article 7 du Règlement sur les enquêtes du Tribunal canadien du commerce extérieur sur les marchés publics, D.O.R.S./93-602 (le Règlement), qui prévoit en partie : 

 

CONDITIONS DE L’ENQUÊTE

7. (1) Dans les cinq jours ouvrables suivant la date du dépôt d’une plainte, le Tribunal détermine si les conditions suivantes sont remplies :

 

 

a) le plaignant est un fournisseur potentiel;

 

b) la plainte porte sur un contrat spécifique;

 

c) les renseignements fournis par le plaignant et les autres renseignements examinés par le Tribunal relativement à la plainte démontrent, dans une mesure raisonnable, que la procédure du marché public n’a pas été suivie conformément au chapitre 10 de l’ALÉNA, au chapitre cinq de l’Accord sur le commerce intérieur ou à l’Accord sur les marchés publics, selon le cas.

 

 

(2)  Si le Tribunal détermine que les conditions énoncées au paragraphe (1) sont remplies et s’il décide d’enquêter sur la plainte, il fait paraître un avis du dépôt de la plainte dans une circulaire ou un périodique désigné par le Conseil du Trésor.

 

[Non souligné dans l’original.]

CONDITIONS FOR INQUIRY

7. (1) The Tribunal shall, within five working days after the day on which a complaint is filed, determine whether the following conditions are met in respect of the complaint:

 

(a) the complainant is a potential supplier;

 

(b) the complaint is in respect of a designated contract; and

 

(c) the information provided by the complainant, and any other information examined by the Tribunal in respect of the complaint, discloses a reasonable indication that the procurement has not been conducted in accordance with whichever of Chapter Ten of NAFTA, Chapter Five of the Agreement on Internal Trade or the Agreement on Government Procurement applies.

 

(2)  Where the Tribunal determines that the conditions set out in subsection (1) in respect of a complaint have been met and it decides to conduct an inquiry, the Tribunal shall publish a notice of the filing of the complaint in a circular or periodical designated by the Treasury Board.

 

[Emphasis added.]

 

[25]           Dans l’arrêt E. H. Industries Ltd. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2001 CAF 48, le juge Malone, s’exprimant au nom de la Cour, a écrit au paragraphe 9 que les trois conditions énoncées au paragraphe 7(1) du Règlement doivent être remplies pour que le Tribunal ait compétence.

 

[26]           Les dispositions dont Equinox allègue la violation par TPSGC sont les suivantes :

Accord sur le commerce intérieur (ACI)

Article 501 : Objet

Conformément aux principes  énoncés au paragraphe 101(3) (Principes convenus) et à leurs modalités d’application énoncées au paragraphe 101(4), le présent chapitre vise à établir un cadre qui assurera à tous les fournisseurs canadiens un accès égal aux marchés publics, de manière à réduire les coûts d’achat et à favoriser l’établissement d’une économie vigoureuse, dans un contexte de transparence et d’efficience.

 

Article 506 : Procédures de passation des marchés publics

6. Dans l’évaluation des offres, une Partie peut tenir compte non seulement du prix indiqué, mais également de la qualité, de la quantité, des coûts de transition, des modalités de livraison, du service offert, de la capacité du fournisseur de satisfaire aux conditions du marché public et de tout autre critère se rapportant directement au marché public et compatible avec l’article 504. Les documents d’appel d’offres doivent indiquer clairement les conditions du marché public, les critères qui seront appliqués dans l’évaluation des soumissions et les méthodes de pondération et d’évaluation des critères.

[Non souligné dans l’original.]

 

 

 

Agreement on Internal Trade (AIT)

Article 501: Purpose

Consistent with the principles set  out  in Article 101(3) (Mutually Agreed Principles) and the statement of their application set out in Article 101(4), the purpose of this Chapter is to establish a framework that will ensure equal access to procurement for all Canadian suppliers in order to contribute to a reduction in purchasing costs and the development of a strong economy in a

context of transparency and efficiency.

 

Article 506: Procedures for   Procurement

6. In evaluating tenders, a Party may take into account not only the submitted price but also quality, quantity, transition costs, delivery, servicing, the capacity of the supplier to meet the requirements of the procurement and any other criteria directly related to the procurement that are consistent with Article 504. The tender documents shall clearly identify the requirements of the procurement, the criteria that will be used in the evaluation of bids and the methods of weighting and evaluating the criteria.

 

 

 

  [Emphasis added.]

 

 

Accord de libre-échange nord-américain

Article 1008 : Procédures de passation des marchés

1. Chacune des Parties fera en sorte que les procédures de passation des marchés suivies par ses entités

     a)   soient appliquées de façon non discriminatoire, et

[…]

 

Article 1015 : Présentation, réception et ouverture des soumissions et adjudication des marchés

 

4. L’adjudication des marchés s’effectuera conformément aux procédures suivantes :

 

a) pour être considérée en vue de l’adjudication, une soumission devra être conforme, au moment de son ouverture, aux conditions essentielles spécifiées dans les avis ou dans la documentation relative à l’appel d’offres, et avoir été présentée par un fournisseur remplissant les conditions de participation;

[Non souligné dans l’original.]

North American Free Trade Agreement

 

Article 1008: Tendering Procedures

 

1. Each Party shall ensure that the tendering procedures of its entities are:

 

(a)    applied in a nondiscriminatory manner; and

[…]

 

Article 1015: Submission, Receipt and Opening of Tenders and Awarding of Contracts

 

4. An entity shall award contracts in accordance with the following:

 

(a) to be considered for award, a tender must, at the time of opening, conform to the essential requirements of the notices or tender documentation and have been submitted by a supplier that complies with the conditions for participation;

 

 

 

 

[Emphasis added.]

 

 

[27]           En outre, Equinox soutient que les dispositions suivantes de la DP n’ont pas été respectées :

Demande de propositions

7.0   Renseignements – En période d’invitation

[…]

7.2  Toutes les demandes de renseignements (questions) portant sur la DP doivent être adressées par écrit ou par courriel à l’autorité contractante dont le nom figure ci-dessous et ce, le plus tôt possible avant la date de clôture de la DP. Les demandes de renseignements doivent être reçues au moins dix jours civils avant la date de clôture de la DP afin qu’il soit possible d’y répondre en temps opportun. Le Canada ne s’engage pas du tout à apporter des réponses aux questions déposées après ce délai.

[…]

 

7.3  Pour assurer l’uniformité et la qualité des renseignements fournis aux soumissionnaires, l’autorité contractante adressera simultanément, à toutes les entreprises auxquelles on aura fait parvenir cette DP, toutes les demandes de renseignements importantes déposées, ainsi que les réponses y donnant suite, en en respectant l’anonymat.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

LA NORME DE CONTRÔLE

[28]           Il n’est pas contesté que la norme de contrôle applicable à une décision du Tribunal de ne pas tenir une enquête est celle de la décision manifestement déraisonnable (E. H. Industries Ltd., précité, au paragraphe 12; Envoy Relocation Services Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2005 CAF 364, au paragraphe 7). Dans l’arrêt E.H. Industries Ltd., la Cour a exposé son raisonnement eu égard aux mots « dans une mesure raisonnable » de l’alinéa 7(1)c) du Règlement :

9     […] De toute évidence, la question de savoir s’il ressort, « dans une mesure raisonnable », de la plainte qu’il y a eu violation de l’ACI au sens de l’alinéa 7(1)c) vise à déterminer si la preuve et les arguments invoqués au soutien de la plainte sont suffisants pour justifier une enquête. Le sens exact de l’expression « dans une mesure raisonnable » est sujet à débat. Il y a au moins deux interprétations possibles.

 

10     Suivant la première interprétation, l’expression « dans une mesure raisonnable » crée un critère préliminaire peu exigeant qui permet seulement au TCCE de refuser d’enquêter sur les plaintes qui seront presque certainement rejetées. Cette interprétation obligerait le tribunal à faire enquête sur toute plainte qui démontre de manière raisonnable qu’une violation a pu se produire. Il s’ensuit qu’il doit enquêter sur toute plainte qui n’est pas frivole ou vexatoire. À mon avis, non seulement cette interprétation a-t-elle pour effet d’interpoler dans cette disposition des mots qui ne s’y trouvent pas, mais elle a aussi pour conséquence d’entraver le pouvoir discrétionnaire du TCCE d’une manière qui est contraire à l’économie de la Loi.

 

11     À mon avis, pour interpréter correctement les paragraphes 7(1) et (2), il faut tenir compte du fait que les fonctions dont le Tribunal s’acquitte sont de nature administrative. En d’autres termes, la décision de recevoir ou non une plainte et d’enquêter sur celle-ci n’est pas une décision juridictionnelle. Elle constitue en grande partie une décision discrétionnaire du TCCE envers laquelle il convient de faire preuve d’une grande retenue, ainsi qu’il en ressort à l’évidence du paragraphe 7(2) qui prévoit que, même lorsque les conditions énumérées au paragraphe (1) sont réunies, le TCCE peut quand même décider de ne pas enquêter sur la plainte.

 

12                 Il s’ensuit que la décision du Tribunal de ne pas mener d’enquête ne devrait faire l’objet d’une intervention de notre Cour que lorsque cette décision est manifestement déraisonnable. Pour en arriver à cette décision, je m’appuie sur l’arrêt rendu par une autre formation collégiale de notre Cour dans l’affaire Jastram Technologies Inc. c. Canada (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [2000] F.C.J. No. 367 (Q.L.)(C.A.F.), dans lequel le juge Robertson a conclu que, dans le cas du refus du TCCE d’enquêter sur une plainte portant sur le respect des délais prescrits, la norme de contrôle applicable est celle de la décision manifestement déraisonnable.

[Non souligné dans l’original.]

 

ARGUMENTS DES PARTIES

[29]           La demanderesse fait valoir en premier lieu qu’il est impossible d’arrêter qu’un décideur a un préjugé favorable envers un soumissionnaire donné sans conclure que ce décideur a un préjugé défavorable envers les autres soumissionnaires. En limitant son enquête à l’existence d’un préjugé favorable à LGS sans se demander par ailleurs s’il existait un préjugé défavorable contre la demanderesse, le Tribunal a commis une erreur manifestement déraisonnable qui ressort clairement de sa décision. De plus, en décidant de ne pas examiner l’évaluation de la soumission de la demanderesse, le Tribunal n’est pas en mesure d’asseoir le fondement d’une comparaison de l’évaluation relative des soumissions de LGS et d’Equinox et, partant, ne peut pas décider s’il existait une crainte de partialité en faveur de LGS à la lumière du critère relatif à la partialité. 

 

[30]           Deuxièmement, la demanderesse conteste la conclusion du Tribunal selon laquelle [traduction] « l’existence d’un tableau d’évaluation financière est une preuve insuffisante pour établir que la proposition d’Equinox avait été jugée conforme ». Elle affirme qu’il existait à l’appui de sa plainte d’autres éléments de preuve dont le Tribunal n’a pas tenu compte. La demanderesse est d’avis que le Tribunal a commis une erreur manifestement déraisonnable en n’examinant pas l’ensemble du processus de soumission par rapport à la demanderesse, notamment les exigences énoncées dans l’ACI et dans l’ALENA, avant de décider de ne pas enquêter sur la plainte.

 

[31]           Le défendeur soutient que le Tribunal doit, aux termes du paragraphe 7(1) du Règlement, déterminer si les renseignements dont il est saisi démontrent, « dans une mesure raisonnable », un manquement à la procédure applicable au marché public. De l’avis du défendeur, le Tribunal a correctement examiné la preuve dont il était saisi et n’a pas agi de façon manifestement déraisonnable en concluant que la proposition financière de la demanderesse ne respectait pas les exigences de la DP.

 

AnalysE

[32]           Compte tenu de la divulgation de nouveaux documents communiqués par suite de la demande d’accès à l’information, la plainte soulève des questions fondamentales quant à l’égalité d’accès de tous les fournisseurs canadiens au processus de passation d’un marché public, à l’absence de discrimination dans la procédure d’appel d’offres et à la transparence dans le processus d’appel d’offres. Ces éléments sont tous nécessaires à l’intégrité du système que les dispositions législatives invoquées visent à protéger. Bien que la Cour ait, dans l’arrêt E.H. Industries Ltd., qualifié de décision de nature administrative et non juridictionnelle la décision d’enquêter ou non sur une plainte, les nouveaux documents révèlent que la soumission d’Equinox a été modifiée par TPSGC de façon à ce jour inexpliquée et indiquent une apparence de traitement préférentiel réservé à la proposition de LGS. Le vaste pouvoir discrétionnaire reconnu au Tribunal par la jurisprudence ne va pas jusqu’à permettre au Tribunal de mettre de côté des éléments de preuve de cette nature tout en acceptant d’enquêter sur une facette étroitement liée du même processus d’appel d’offres, à savoir l’évaluation de la proposition de LGS [traduction] « en comparaison avec celle d’Equinox » (lettre du 19 février 2007).

 

[33]           Dans sa lettre du 14 février 2007, le Tribunal a fait part de sa décision de limiter son enquête à trois questions, la troisième étant la prétention selon laquelle [traduction] « TPSGC n’a pas traité les soumissionnaires également, suscitant de ce fait une crainte raisonnable de partialité en faveur de LGS ».

 

[34]           Il est difficile de comprendre comment le Tribunal peut accepter d’une part d’enquêter relativement à [traduction] « la crainte de partialité en ce qui touche la façon dont la proposition de LGS Group Inc. a été évaluée en comparaison avec celle d’Equinox » (lettre du 19 février 2007) et refuser d’autre part d’examiner les motifs de la plainte d’Equinox [traduction] « portant sur l’évaluation irrégulière de la soumission d’Equinox ». Le fait d’accepter d’examiner l’évaluation de la soumission de LGS au regard de la loi applicable n’apportera pas de réponse à la question de savoir si TPSGC a traité les soumissionnaires sur un pied d’égalité (lettre du 14 février 2007) puisque tous les soumissionnaires qu’il faut prendre en considération n’auront pas été inclus dans l’enquête et l’analyse.

 

[35]           Les nouveaux éléments de preuve obtenus par Equinox à la suite de sa demande d’accès à l’information remettent en cause la déclaration antérieure de TPSGC selon laquelle la proposition financière d’Equinox n’était pas conforme et le Canada n’a pas poussé plus loin l’évaluation de la soumission de la demanderesse (lettre de TPSGC en date du 12 décembre 2005). La preuve indique clairement que la soumission d’Equinox a bien été évaluée et qu’un montant divulgué confidentiellement a été ajouté à la soumission. Il n’est pas loisible au Tribunal de refuser d’enquêter relativement à l’évaluation de la soumission d’Equinox par TPSGC sans porter atteinte à l’apparence d’égalité d’accès des soumissionnaires aux marchés publics prescrite par l’AIC et l’ALENA. 

 

[36]           Les allégations de violations de cette nature, qui mettent en cause les principes fondamentaux de l’ACI et de l’ALENA, justifient l’intervention de la Cour.


Conclusion

[37]           J’accueillerais la demande de contrôle judiciaire avec dépens, j’annulerais en partie les décisions du Tribunal en date du 14 février 2007 et du 19 février 2007, j’ordonnerais que le Tribunal enquête de façon indépendante sur la question de savoir si la soumission d’Equinox a été irrégulièrement évaluée et j’ordonnerais que le Tribunal tienne compte, dans le cadre de l’enquête relative à la partialité, de l’existence d’un préjugé favorable ou défavorable tant à l’égard d’Equinox que de LGS.

 

« Alice Desjardins »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord

    M. Nadon, j.c.a. »

 

« Je suis d’accord

    Johanne Trudel, j.c.a. »

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Sandra de Azevedo, LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-128-07

 

INTITULÉ :                                                                           Les Systèmes Equinox Inc. et Le ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, LGS Group Inc. et Le procureur général du Canada

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 16 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE DESJARDINS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE NADON

                                                                                                LA JUGE TRUDEL

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 29 janvier 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Gordon LaFortune

POUR LA DEMANDERESSE

 

David Attwater

POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Grey, Clark, Shih and Associates, Limited

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR LE MINISTRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX CANADA

 

 

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