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Date : 20080109

Dossier : A-524-06

Référence : 2008 CAF 5

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

appelante

et

 

CANWEST MEDIAWORKS INC.

(successeur par fusion de CanVideo Television Sales (1983) Limited)

 

intimée

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 8 janvier 2008.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 janvier 2008.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                     LE JUGE RYER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                       LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                                                                       LA JUGE SHARLOW

 

 


 

 

 

Date : 20080109

 

Dossier : A-524-06

 

Référence : 2008 CAF 5

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

appelante

et

 

CANWEST MEDIAWORKS INC.

(successeur par fusion de CanVideo Television Sales (1983) Limited)

 

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE RYER

[1]               La Cour statue sur l’appel d’une décision par laquelle le juge Campbell Miller de la Cour canadienne de l’impôt (la CCI) (2006 CCI 579) a accueilli l’appel interjeté par Canwest Mediaworks Inc. (la contribuable) d’une nouvelle cotisation (la nouvelle cotisation) fixant sa dette fiscale pour l’année d’imposition 1997 (l’année d’imposition) conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la LIR). La CCI a jugé que, malgré le fait que la nouvelle cotisation avait été établie en temps opportun, compte tenu de la renonciation à la période habituelle d’établissement de la nouvelle cotisation prévue par la LIR que la contribuable avait accordée, la nouvelle cotisation était néanmoins invalide parce qu’elle avait été établie après l’expiration du délai de prescription de cinq ans prévu à l’article XXVII(3) (la disposition relative au délai de prescription) de l’Accord entre le Canada et la Barbade tendant à éviter les doubles impositions et à prévenir l’évasion fiscale en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune (le Traité).

 

[2]               Dans sa nouvelle cotisation, le ministre a ajouté la somme de 659 974 $ dans le revenu de la contribuable au motif que cette somme constituait un revenu étranger accumulé, tiré de biens, au sens du paragraphe 95(1) de la LIR, qui n’avait pas antérieurement été déclaré par la contribuable pour l’année d’imposition.

 

[3]               Le ministre a justifié sa nouvelle cotisation en faisant valoir que le délai de prescription ne s’appliquait pas en raison des dispositions de l’article XXX(2) du Traité (la disposition relative au revenu étranger accumulé).

 

[4]               Le présent appel porte sur les rapports réciproques entre ces dispositions du Traité, qui sont ainsi libellées :

XXVII(3)

 

3. Un État contractant n’augmentera pas la base imposable d’un résident de l’un ou l’autre État contractant en y incluant des éléments de revenu qui ont déjà été imposés dans l’autre État contractant, après l’expiration des délais prévus par sa législation nationale et, en tout cas, après l’expiration de cinq ans à dater de la fin de la période imposable au cours de laquelle les revenus en cause ont été réalisés. Le présent paragraphe ne s’applique pas en cas de fraude, d’omission volontaire ou de négligence.

 

XXX(2)

 

2. Aucune disposition du présent Accord ne peut être interprétée comme empêchant le Canada de prélever son impôt sur les montants inclus dans le revenu d’un résident du Canada en vertu de l’article 91 de la Loi de l’impôt sur le revenu du Canada.

 

[5]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la CCI a commis une erreur en concluant que la disposition relative au délai de prescription invalidait la nouvelle cotisation, et je ferais droit à l’appel.

 

CONTEXTE

[6]               La contribuable est une société résidante canadienne qui a succédé, à la suite de deux fusions, à CanVideo Television Sales (1983) Limited (CanVideo). Pendant toute l’année d’imposition ayant pris fin le 30 avril 1997, CanVideo était une résidente du Canada. Dans les présents motifs, on entend par « contribuable » CanVideo et chacun de ses successeurs, selon le cas.

 

[7]               CanWest International Communications Inc. (CICI) était une entreprise commerciale internationale constituée en personne morale sous le régime des lois de la Barbade en 1991. À l’époque en cause, CICI était une résidente de la Barbade au sens de la Barbados Income Tax Act, une non-résidente du Canada au sens de la LIR et une société étrangère affiliée contrôlée de CanVideo, au sens du paragraphe 95(1) de la LIR.

 

[8]               Au cours de son année d’imposition se terminant le 31 août 1996, CICI a reçu 659 974 $ en intérêts de la Banque Royale du Canada. Ce montant a été inclus dans son revenu en vertu de la Barbados Income Tax Act.

 

[9]               CanVideo n’a inclus aucun montant de revenu étranger accumulé dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition.

 

[10]           La période normale de nouvelle cotisation, expression qui est définie au paragraphe 152(3.1) de la LIR, se terminait le 18 décembre 2001 en ce qui concerne cette année d’imposition. Le 6 novembre 2001, la contribuable a signé une renonciation aux délais de prescription prévus par la LIR relativement à plusieurs questions se rapportant à l’année d’imposition, y compris la question de savoir si elle avait pu avoir un revenu étranger accumulé qui aurait dû être inclus dans son revenu pour l’année d’imposition.

 

[11]           Le 16 août 2004, le ministre a établi une nouvelle cotisation par laquelle il a inclus la somme de 659 974 $ dans le revenu de la contribuable pour l’année d’imposition au motif que cette somme constituait un revenu étranger accumulé de la contribuable pour l’année en question. Par suite de la notification de la renonciation, la nouvelle cotisation a été établie avant l’expiration des délais de prescription prévus par la LIR, mais après l’expiration du délai de prescription prévu par la disposition relative au délai de prescription.

 

[12]           La contribuable s’est opposée à la nouvelle cotisation, le ministre a confirmé celle-ci et la contribuable a interjeté appel devant la CCI.

 

LE JUGEMENT DE LA CCI

 

[13]           La CCI a estimé que la disposition relative au revenu étranger n’avait pas préséance sur la disposition relative au délai de prescription et que, en conséquence, celle-ci avait pour effet d’invalider la nouvelle cotisation. Pour ce faire, la CCI a estimé que la disposition relative au délai de prescription n’empêchait pas le Canada d’imposer le revenu étranger accumulé de la contribuable. C’était plutôt en raison de ses propres actes – en n’imposant pas le revenu en question en temps opportun – que le Canada était empêché de prélever un impôt.

 

[14]           La CCI a également jugé qu’en raison de la présence de l’expression « ne peut être interprétée » que l’on trouvait dans la disposition relative au revenu étranger, cette disposition ne s’appliquait qu’aux articles du Traité qui nécessitent une interprétation. Pour cette raison, selon la CCI, la disposition relative au revenu étranger ne s’appliquait pas à la disposition relative au délai de prescription parce que la disposition relative au délai de prescription ne nécessitait aucune interprétation.

 

[15]           Pour accueillir l’appel de la contribuable, la CCI a conclu que la disposition relative au revenu étranger ne pouvait être interprétée comme l’emportant sur la disposition relative au délai de prescription, car autrement on [traduction] « viderait de son sens » la disposition relative au délai de prescription.

 

ANALYSE

[16]           Les parties ont invoqué plusieurs arguments lors de l’instruction de l’appel. À mon avis, le seul argument qu’il est nécessaire d’examiner est celui suivant lequel la disposition relative au délai de prescription ne s’applique pas à la nouvelle cotisation en raison de la disposition relative au revenu étranger.

 

[17]           La disposition relative au délai de prescription prévoit une restriction procédurale en ce qui concerne le délai dans lequel l’Administration de l’un des pays en question augmentera la base imposable d’un résident de l’un ou l’autre État en y incluant des éléments de revenu qui ont déjà été imposés dans l’autre État. On ne trouve pas dans cette disposition de formulation qui permettrait de penser que cette disposition a préséance sur tout autre article du Traité.

 

[18]           La disposition relative au revenu étranger stipule qu’aucune des dispositions du Traité ne peut être interprétée comme empêchant le Canada de prélever son impôt sur les montants inclus dans le revenu d’un résident du Canada en vertu de la disposition relative au revenu étranger. La disposition relative au revenu étranger ne comporte aucune réserve, ce qui démontre qu’elle est censée avoir préséance sur toute autre disposition contraire du Traité. Il n’y a rien dans la disposition relative au revenu étranger ou ailleurs dans le Traité qui permette de penser que cette préséance ne vaut que pour les autres dispositions du Traité qui peuvent comporter des incertitudes sur le plan de l’interprétation. De plus, comme nous l’avons déjà expliqué, il n’y a rien dans le libellé de la disposition relative au délai de prescription qui permette de penser qu’elle doit être soustraite à l’application de la disposition relative au revenu étranger.

 

[19]           La conclusion que la disposition relative au revenu étranger l’emporte sur la disposition relative au délai de prescription en ce qui concerne la nouvelle cotisation portant sur un revenu étranger accumulé ne « vide pas de son sens » la disposition relative au délai de prescription. La disposition relative au délai de prescription continuera à s’appliquer aux revenus qui ne constituent pas un revenu étranger accumulé et qui ont été ajoutés au revenu d’un résident du Canada pour l’application de la LIR.

 

[20]           À mon avis, le contribuable pourra éviter de se voir imposer, en vertu de la LIR, sur le revenu étranger accumulé qui a été inclus dans son revenu et qui a fait l’objet d’une nouvelle cotisation s’il peut invoquer la disposition relative au délai de prescription de manière à invalider la nouvelle cotisation. Ce résultat va à l’encontre du sens et de l’objet manifestes de la disposition relative au revenu étranger et il est par conséquent inacceptable.

 

CONCLUSION

[21]      Pour ces motifs, j’accueillerais l’appel avec dépens, tant devant notre Cour que devant la Cour canadienne de l’impôt.

 

« C. Michael Ryer »

j.c.a.

 

 

« Je souscris aux présents motifs. »

Le juge en chef J. Richard

 

« Je souscris aux présents motifs. »

K. Sharlow, j.c.a.

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    A-524-06

 

APPEL D’UN JUGEMENT RENDU PAR LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT LE 24 OCTOBRE 2006 DANS LE DOSSIER 2005-469(IT)G

 

INTITULÉ :                                                   SA MAJESTÉ LA REINE

appelante

                                                                        et

                                                                        CANWEST MEDIAWORKS INC. (successeur par fusion de CanVideo Television Sales (1983) Limited)

intimée

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Ottawa (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 8 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE RYER

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                        LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 9 janvier 2008

 

COMPARUTIONS :

 

Me Donald Gibson                                                         POUR L’APPELANTE

Me Pascal Tétrault

 

Me Ian S. MacGregor                                                    POUR L’INTIMÉE

Me Kimberley J. Wharram

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                          POUR L’APPELANTE

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Osler, Hoskin & Harcourt s.r.l.                                      POUR L’INTIMÉE

Ottawa (Ontario)

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