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Date : 20071219

Dossiers : A-85-07

A-86-07

Référence : 2007 CAF 408

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

ENTRE :

A-85-07

MÉTALLURGIE SYCA INC.

Appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

 

A-86-07

 

CARL JOBIN

Appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 13 décembre 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 19 décembre 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

Y ONT SOUSCRIT :                                                                       LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                                                                           LE JUGE DÉCARY


Date : 20071219

Dossiers : A-85-07

A-86-07

Référence : 2007 CAF 408

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

ENTRE :

A-85-07

MÉTALLURGIE SYCA INC.

Appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

 

- - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - - -

 

 

A-86-07

 

CARL JOBIN

 

Appelant

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE

 

Intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Faits et question en litige

 

[1]               Il s’agit de deux appels d’un jugement du juge Tardif de la Cour canadienne de l’impôt (juge) par lequel il maintenait la décision du ministre du Revenu national (ministre) d’ajouter des sommes aux revenus de l’appelante à titre d’avantages imposables et d’imposer des pénalités à l’appelant. Les années d’imposition en litige sont les années 2000, 2001 et 2002. Les deux appels ont été réunis et il fut procédé à une audition commune.

 

[2]               L’appelant, M. Jobin, était l’unique actionnaire et administrateur de l’appelante pendant les périodes en litige. Au cœur de ce dernier, se trouvaient des montants élevés reçus par l’appelant de l’appelante à titre d’allocations pour l’usage de son véhicule. Tout comme l’a fait le juge au paragraphe 11 des motifs de sa décision, je reproduis ces montants, comptabilisés à raison de 0,34 $ le kilomètre, qui apparaissent à l’alinéa 19c) de la Réponse à l’avis d’appel :

 

Périodes d’imposition                             Total des                       Kilométrage

terminées le                                          sommes versées                        total

 

31 juillet 2000 (12 mois)                         23 628,98 $                   69 497 km

31 décembre 2000 (5 mois)                    14 506,10 $                   42 665 km

31 décembre 2001                                 33 174,48 $                   97 572 km

31 décembre 2002                                 34 524,96 $                   101 544 km

 

 

[3]               Selon les appelants, le véhicule aurait parcouru durant les périodes en question près de 300 000 kilomètres, alors que, selon l’Agence des douanes et du revenu du Canada (Agence), le kilométrage aurait essentiellement été celui indiqué à l’odomètre, soit plus ou moins 30 000 kilomètres.

 

[4]               Pour soutenir ses prétentions, l'appelant M. Jobin a essentiellement fait valoir un bris de l'odomètre, le fait de l'avoir débranché à plusieurs reprises, quelques factures de réparation, une facture déterminant l'achat de deux ensembles de pneus, l'un pour les périodes hivernales, l'autre pour l'été, et deux témoignages de clients affirmant avoir reçu la visite à quelques reprises de M. Jobin, qui se serait à l’occasion déplacé dans une Volvo de couleur rouge.

 

[5]               En ce qui a trait à l’odomètre, l’appelant a, dans un premier temps, expliqué que les lectures de l'odomètre faites par le vérificateur de l’Agence étaient trompeuses puisque l'odomètre du véhicule était défectueux et avait dû être remplacé.

 

[6]               Dans un deuxième temps, il a affirmé qu'il débranchait régulièrement le fil conduisant à l'odomètre du véhicule de manière à produire une lecture fausse, le tout dans le but de prolonger la garantie en occultant une partie importante du kilométrage parcouru. En d'autres termes, l'appelant aurait parcouru plus de 200 000 kilomètres sans odomètre et lecteur de vitesse.

 

[7]               L'appelant a aussi produit une liasse de comptes-rendus hebdomadaires pour appuyer sa thèse concernant le kilométrage parcouru. Il a affirmé avoir pris en note le kilométrage tous les jeudis ou vendredis de chaque semaine après avoir placé à « 0 » son odomètre le lundi matin.

 

Analyse des prétentions des appelants

 

[8]               Dans des motifs de jugement fort détaillés et résumant la preuve, le juge a tiré plusieurs conclusions défavorables quant à la crédibilité de l’appelant, M. Jobin. À l’audience, le procureur des appelants a reconnu ce fait ainsi que les limites qui en découlent.

 

[9]               Cependant, il s’est efforcé, fort habilement d’ailleurs, d’ouvrir une brèche dans ce mur quasi-infranchissable que l’appelant, M. Jobin, s’est érigé autour de lui par son manque de crédibilité. Pour les raisons qui suivent, l’effort du procureur des appelants n’a pas porté fruit.

 

[10]           Le premier reproche adressé au juge porte sur une mauvaise appréciation qu’il aurait faite de la preuve. Le procureur des appelants fonde son argument sur deux exemples.

 

[11]           Au paragraphe 41 de ses motifs, le juge réfère à des rapports de rencontres avec des clients qu’il dit avoir été faits pendant ou après la vérification par l’Agence alors que, selon l’appelant, M. Jobin, ils auraient été faits de façon contemporaine à celles-ci, tout comme les chèques qui les accompagnaient.

 

[12]           Deuxièmement, le juge aurait accordé peu d’importance au fait que le vérificateur de l’Agence aurait confondu des factures d’achats d’essence pour des factures de restaurant.

 

[13]           Même en admettant que ces deux reproches soient fondés, ces erreurs de parcours ne sont pas suffisantes pour justifier une mise à l’écart des conclusions de fait fondées sur la faiblesse de la preuve fournie par les appelants et de leurs explications que le juge a qualifiées d’invraisemblables : voir les paragraphes 30 à 39 des motifs de sa décision.

 

[14]           Le procureur des appelants se plaint que la procureure de l’intimé aurait induit en erreur le juge quant au fardeau de la preuve que les appelants devaient assumer en invoquant les arrêts Pallan c. Canada (ministre du Revenu national – M.R.N.), [1989] A.C.I. no. 1126 (C.C.I.) et Kiliaris c. Canada, [1996] A.C.I. no. 1015 (C.C.I.) qui, dit-il, n’avaient pas d’application en l’espèce. Il reconnaît cependant que le juge n’a pas fait de commentaire sur le degré du fardeau de la preuve requis des appelants, de sorte qu’il est difficile pour notre Cour, dans ce contexte, de conclure qu’il a commis une erreur manifeste et déterminante justifiant notre intervention.

 

[15]           Tel que déjà mentionné, M. Jobin a témoigné qu’il débranchait l’odomètre sur sa voiture de marque Volvo afin de prolonger dans le temps sa garantie. Évidemment, le total des kilomètres soumis et réclamés par lui ne correspondait nullement à celui apparaissant à l’odomètre.

 

[16]           Le juge a exprimé des doutes sur la faisabilité d’une telle manœuvre sur les voitures de nouvelle technologie alors qu’à sa connaissance personnelle l’opération était beaucoup plus facile dans les années 70.

 

[17]           Le procureur des appelants soumet que le juge a ignoré la preuve résultant du témoignage de M. Jobin pour plutôt tirer une conclusion sur la base de sa connaissance personnelle. Avec respect, je ne crois pas que ce soit ce que le juge a fait.

 

[18]           La transcription des notes sténographiques ne supporte pas cette assertion. Il est vrai qu’il a exprimé des doutes sur la facilité avec laquelle M. Jobin disait qu’il pouvait débrancher l’odomètre, mais il a plutôt insisté à double reprise sur le fait qu’il s’agissait d’un élément de preuve important du dossier et qu’il s’attendait à une preuve plus convaincante que celle qu’il avait jusqu’à ce moment entendue : dossier d’appel, volume 5, pages 843 à 846. Cette preuve n’est pas venue et c’est sur la faiblesse de celle qui fut présentée qu’il a fondé sa conclusion.

 

[19]           Les appelants se plaignent du fait que le juge a refusé d’accorder tout kilométrage d’affaire que M. Jobin aurait effectué avec sa voiture personnelle de marque Volvo. Ils demandent à cette Cour « d’arbitrer le total dudit kilométrage » en tenant compte de l’expansion qu’a prise l’appelante, de la liste des clients développés entre 2001 et 2003, des clients démarchés et de certaines factures fournies en échantillonnage.

 

[20]           Il est possible pour la Cour de faire une répartition, par exemple, entre les montants imposables et ceux qui ne le sont pas lorsqu’il existe au dossier une preuve fiable sur laquelle l’effort de répartition peut s’appuyer : voir Marc Forest c. Sa Majesté La Reine, 2007 CAF 362. Mais cette démarche est, à toutes fins pratiques, impossible lorsque la répartition ou l’arbitrage doit se faire à l’égard de montants réclamés que le juge a estimé être non crédibles et orchestrés : voir les paragraphes 42 à 44 de ses motifs. Ce serait alors, pour la Cour, faire indirectement ce qu’elle ne peut faire directement, c’est-à-dire réviser et miner les conclusions du juge portant sur la crédibilité ainsi que les conclusions de fait qui en ont découlé.

 

[21]           Enfin, les appelants soumettent qu’on a abusé de leur bonne foi, qu’on a surpris leur bonne foi pour utiliser leur propre expression, en leur soutirant une renonciation à l’application de la période normale de nouvelle cotisation. Ils auraient accepté de signer une telle renonciation après avoir compris que des pénalités ne seraient pas imposées. La renonciation ne vaut que pour l’année 2000.

 

[22]           Les pièces au dossier indiquent la séquence suivante. À 9h21, le 13 mai 2004, les appelants ont reçu et retourné à M. Pierre Drapeau de l’Agence un formulaire de renonciation sur lequel M. Jobin, en rapport avec l’allocation de déplacement refusée, avait remplacé à la main les mots « avec pénalité » par « sans pénalité » : voir dossier d’appel, volume 3, pages 438 à 440.

 

[23]           À 14h03, la même journée, ils ont reçu par télécopieur un nouveau formulaire de renonciation qui, cette fois, à l’item « allocation de déplacement refusée » ne faisait aucune mention de pénalité. Les appelants ont signé ce formulaire et l’ont retourné à M. Drapeau.

 

[24]           Ce deuxième formulaire, et cela est regrettable, pouvait peut-être donner aux appelants l’impression que l’Agence avait renoncé aux pénalités pour l’allocation de déplacement. Mais l’avis de renonciation lui-même indiquait clairement que, s’il y avait renonciation, le ministre pouvait cotiser et fixer des impôts, intérêts ou pénalités : voir le formulaire, dossier d’appel, page 442.

 

[25]           Quoiqu’il en soit, les appelants n’ont subi aucun préjudice puisqu’ils avaient été informés qu’en l’absence de renonciation ils seraient cotisés immédiatement : voir le témoignage de M. Jobin en ce sens, dossier d’appel, pages 829 et 832. Et de fait, en cas de refus de signer une renonciation, ils auraient été cotisés à nouveau en toute légitimité, avec pénalités selon toute vraisemblance : voir Karda c. Sa Majesté la Reine, 2006 CAF 238, au paragraphe 2.

 

[26]           Pour ces motifs, je rejetterais les appels dans les dossiers A-85-07 et A-86-07 avec dépens, ceux-ci étant toutefois limités à un seul jeu pour l’audition.

 

 

« Gilles Létourneau »

j.c.a.

« Je suis d’accord

            J. Richard, j.c. »

 

« Je suis d’accord

            Robert Décary, j.c.a. »


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-85-07

 

 

INTITULÉ :                                                   MÉTALLURGIE SYCA INC. c. SA MAJESTÉ

                                                                        LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 13 décembre 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                        LE JUGE DÉCARY

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 19 décembre 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me François Montfils

POUR L’APPELANTE

 

Me Suzanne Morin

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Therrien Couture Avocats, s.e.n.c.r.l.

Saint-Hyacinthe (Québec)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    A-86-07

 

 

INTITULÉ :                                                   CARL JOBIN c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 13 décembre 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE LÉTOURNEAU

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE EN CHEF RICHARD

                                                                        LE JUGE DÉCARY

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 19 décembre 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me François Montfils

POUR L’APPELANT

 

Me Suzanne Morin

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Therrien Couture Avocats, s.e.n.c.r.l.

Saint-Hyacinthe (Québec)

 

POUR L’APPELANT

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉE

 

 

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