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Date : 20070509

Dossier : A‑294‑06

Référence : 2007 CAF 183

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

JULIA COURCHENE

défenderesse

 

 

 

Audience tenue à Winnipeg (Manitoba), le 9 mai 2007

Jugement rendu à l’audience à Winnipeg (Manitoba), le 9 mai 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :                                      LE JUGE EN CHEF RICHARD

 


 

 

Date : 20070509

Dossier : A‑294‑06

Référence : 2007 CAF 183

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LE JUGE LINDEN

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

demandeur

et

JULIA COURCHENE

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR

(Prononcés à l’audience à Winnipeg (Manitoba) par le juge en chef, le 9 mai 2007)

 

LE JUGE EN CHEF RICHARD

[1]               Le procureur général du Canada demande à la Cour d’annuler la décision rendue en date du 31 mai 2006 par le juge Paul Rouleau (CUB65901), en sa qualité de juge‑arbitre nommé en vertu de la Loi sur l’assurance‑emploi, L.C. 1996, ch. 23 (la Loi). Dans sa décision, le juge‑arbitre a accueilli l’appel interjeté par Julia Courchene à l’encontre de la décision rendue par le conseil arbitral en date du 2 novembre 2005, selon laquelle la défenderesse avait perdu son emploi en raison de sa propre inconduite, de sorte qu’elle était exclue indéfiniment du bénéfice des prestations conformément aux articles 29 et 30 de la Loi.

 

[2]               Le juge‑arbitre a accepté en preuve un procès‑verbal de transaction dont le conseil arbitral n’était pas saisi.

 

[3]               Le demandeur soutient que le juge‑arbitre ne peut admettre en preuve le procès‑verbal de transaction car celui‑ci existait avant l’audience du conseil arbitral. Peu importe que le procès‑verbal de transaction constitue un « fait nouveau » ou un fait essentiel qui n’était pas connu du conseil arbitral lorsqu’il a rendu sa décision, le juge‑arbitre pouvait décider de l’admettre en preuve conformément à l’article 120 de la Loi. En ce qui concerne l’approche à adopter à l’égard de l’admission de nouveaux éléments de preuve par un juge‑arbitre, nous renvoyons à l’arrêt rendu par la Cour dans Dubois c. La Commission de l’assurance‑emploi du Canada et le procureur général du Canada, [1998] A.C.F. no 768, 231 N.R. 119, aux pages 119 à 121, où le juge Marceau affirme :

Il suffit de dire que l’arbitre a refusé de recevoir la preuve nouvelle par application rigide des principes dégagés par les tribunaux à l’effet qu’en matière d’appel ou de révision judiciaire, preuve nouvelle implique preuve inconnue de la partie impliquée au moment de l’audition en première instance ou alors impossible à produire.

[…]

Nous tenons à exprimer des réserves sérieuses à l’égard de l’application par un arbitre de règles formelles dégagées pour la bonne marche des tribunaux judiciaires. L’arbitre est un échelon dans le processus d’administration de la Loi sur l’assurance‑chômage, une loi d’ordre éminemment social, où les prestataires agissent d’eux‑mêmes la plupart du temps sans représentations et où les arbitres au niveau de la première instance n’ont même pas de formation juridique. Les principes de justice suggèrent l’introduction d’un libéralisme total au niveau de l’acceptation des représentations des prestataires à tous les niveaux, libéralisme que demande d’ailleurs l’article 86 [maintenant l’article 120] de la Loi.

 

[4]               Le juge‑arbitre a conclu que Canada (P.G.) c. Boulton (1996), 208 N.R. 63, permet d’affirmer qu’une transaction peut constituer un élément de preuve pouvant réfuter d’autres éléments de preuve d’inconduite lorsqu’elle prévoit la réintégration de l’employé ou le paiement d’une compensation substantielle à celui‑ci. Le juge‑arbitre a conclu que la teneur du procès‑verbal de transaction contredisait l’allégation d’inconduite de l’employeur.

 

[5]               À mon avis, il était raisonnable que le juge‑arbitre considère qu’« on ne peut conclure à une inconduite de la part de la prestataire » à la lumière du procès‑verbal de transaction. Comme la Cour l’a décidé dans l’arrêt Boulton, avant qu’une transaction puisse être invoquée pour réfuter une constatation antérieure d’inconduite, il faut qu’il y ait une preuve quelconque en la matière qui neutraliserait la position prise par l’employeur durant l’enquête de la Commission ou lors de l’audience du conseil arbitral (au paragraphe 10). Je reproduis ci‑dessous les passages du procès‑verbal de transaction qui, à mon avis, étayent la conclusion du juge‑arbitre :

[traduction]

[…]

2. L’employeur retire sa lettre de congédiement datée.

3. L’employeur versera à l’employée une somme équivalant à douze semaines de salaire, au taux de rémunération habituel de l’employée, moins les déductions nécessaires.

4. L’employée fournira à l’employeur une lettre de démission prenant effet le 21 juillet 2005, rédigée selon le modèle fourni à l’annexe A. Cette lettre sera versée au dossier de l’employée.

5. L’employeur retirera du dossier de l’employée tous les documents de nature disciplinaire ainsi que la lettre de congédiement, qui ont fait l’objet de griefs.

[…]

8. L’employeur remplira un relevé d’emploi modifié, dans lequel il indiquera que la décision de mettre fin à la période d’emploi de l’employée a été prise d’un commun accord.

[…]

10. La présente transaction ne porte pas atteinte aux droits des parties relativement à tout litige existant actuellement ou dans l’avenir entre elles et ne constitue pas un précédent à cet égard. En outre, elle doit être gardée secrète, sauf dispositions contraires de la loi.

[…]

 

[6]               Compte tenu de l’ensemble de ces clauses, on peut raisonnablement considérer qu’elles contredisent toute conclusion d’inconduite de la part de la défenderesse. La lettre de congédiement est remplacée par une lettre de démission, tous les renseignements concernant le grief sont retirés du dossier de la défenderesse, le relevé d’emploi est modifié de manière à indiquer que la décision de mettre fin à la période d’emploi a été prise d’un commun accord et – élément très important – la défenderesse reçoit une compensation substantielle (équivalant à douze semaines de salaire, après une période d’emploi d’un an et demi).

 

[7]               Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée avec dépens.

 

« J. Richard »

Juge en chef

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, trad. a., LL.L.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                             A‑294‑06

 

INTITULÉ :                                                           LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

                                                                                c.

                                                                                JULIA COURCHENE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                     WINNIPEG (MANITOBA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                   LE 9 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT DE LA COUR :       LE JUGE EN CHEF RICHARD ET LES JUGES LINDEN ET RYER

 

PRONONCÉS À L’AUDIENCE PAR :               LE JUGE EN CHEF RICHARD

 

 

COMPARUTIONS :

 

Graham Laschuk                                                       POUR LE DEMANDEUR

Ministère de la Justice

Edmonton (Alberta)

 

Jacob Giesbrecht                                                      POUR LA DÉFENDERESSE

Winnipeg (Manitoba)

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.                                                     POUR LE DEMANDEUR

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

Inkster Christie Hughes LLP                                     POUR LA DÉFENDERESSE

Avocats

Winnipeg (Manitoba)

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