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Date : 20070410

Dossier : A-478-05

Référence : 2007 CAF 142

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

KATHERINE McCONNELL

demanderesse

et

L’INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

 

 

 

Audience tenue à Edmonton (Alberta), le 15 mars 2007

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 10 avril 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                         LA JUGE DESJARDINS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE RYER

 

 


 

 

 

Date : 20070410

Dossier : A-478-05

Référence : 2007 CAF 142

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

KATHERINE McCONNELL

demanderesse

et

L’INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE DESJARDINS

[1]               La demanderesse, Katherine McConnell, demande le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Commission des relations de travail dans la fonction publique (la CRTFP ou la Commission), 2005 CRTFP 140, a rejeté pour cause de retard la plainte que la demanderesse avait déposée en application de l’article 23 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P-35 (la LRTFP).


LES FAITS

[2]               Les faits ne sont pas contestés et ils peuvent être résumés de la façon suivante.

 

[3]               La demanderesse a commencé à travailler pour l’Agence des douanes et du revenu du Canada (l’ADRC) vers 1992. En 1999 et 2000, elle a été mêlée à une série de différends avec son employeur et ses collègues. Son agent négociateur, le défendeur, l’a représentée dans plusieurs affaires. La demanderesse n’était pas satisfaite de la qualité de la représentation et elle a refusé de collaborer avec les représentants du défendeur. Le 21 novembre 2000, elle a appris que le défendeur ne la représenterait plus à compter du 1er décembre 2000.

 

[4]               La demanderesse n’a fait aucune démarche pour contester la décision du défendeur avant le 19 août 2002, date où elle a présenté une déclaration à la Cour du banc de la Reine de l’Alberta. La déclaration a été signifiée au défendeur le 21 octobre 2003. Le défendeur a présenté une requête en rejet de la déclaration pour faute de compétence. Sous consentement des parties, la cour a ajourné l’affaire sine die, Mme McConnell s’employant entre-temps à retenir les services d’un avocat et à obtenir le soutien de l’aide juridique.

 

[5]               Le 21 septembre 2002, il a été mis fin à l’emploi de la demanderesse auprès de l’ADRC en raison d’une [traduction] « invalidité pour raisons médicales ». La demanderesse a intenté plusieurs actions et a soulevé plusieurs questions relatives à la représentation fournie par le défendeur et aux circonstances entourant son renvoi de l’ADRC. Le 22 septembre 2002, elle a présenté à la Commission un grief pour licenciement contre son employeur dans lequel elle a soutenu avoir fait l’objet d’un renvoi injustifié. Elle a demandé que le défendeur la représente dans le cadre de son allégation de congédiement injustifié.

 

[6]               Le 15 mars 2004, la demanderesse a déposé une plainte auprès de la Commission des relations de travail dans la fonction publique (l’ancienne Commission) en application de l’article 23 de la LRTFP dans laquelle elle a affirmé que le défendeur avait manqué au devoir de représentation équitable que lui impose le paragraphe 10(2) en ne la représentant pas dans le cadre de plusieurs affaires, dont une demande d’indemnisation pour accident de travail déposée en avril 2000, une plainte concernant les droits de la personne introduite en juillet 2000 et une demande relative à un renvoi injustifié présentée en septembre 2002. Entre autres redressements, elle a réclamé des excuses du défendeur.

 

[7]               Le 1er avril 2005, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22 (la nouvelle loi) a remplacé la LRTFP, et la CRTFP a remplacé l’ancienne Commission. L’article 39 de la partie 5 de la Loi sur la modernisation de la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, confère à la CRTFP le pouvoir de statuer conformément à la nouvelle loi sur les instances introduites devant l’ancienne Commission.

 

[8]               Le défendeur a soulevé deux points préliminaires devant la Commission, savoir que 1) la plainte devrait être rejetée faute d’avoir été présentée dans le délai prescrit et 2) la Commission n’avait pas compétence pour entendre les allégations de la demanderesse quant au traitement de ses plaintes relatives à l’indemnisation des accidents du travail et aux droits de la personne, et qu’elle n’avait pas le pouvoir d’ordonner qu’il lui présente des excuses. Ces points ont été réglés sur la foi d’observations écrites.

 

[9]               Le 13 septembre 2005, la Commission a rejeté pour cause de retard la plainte que la demanderesse avait formulée à l’encontre du défendeur. La Commission a conclu que la demanderesse s’était prévalue de recours judiciaires sur plusieurs fronts depuis son licenciement qui, selon elle, avait eu lieu en 2000. La demanderesse a seulement déposé sa plainte contre le défendeur le 15 mars 2004. Cependant, comme le défendeur avait eu connaissance de la plainte de la demanderesse en raison des allégations formulées dans la déclaration présentée à la Cour du banc de la Reine de l’Alberta et qui lui avait été signifiée le 21 octobre 2003, la Commission a retenu cette date, la plus favorable à la demanderesse. La Commission a conclu que le temps qui s’était écoulé soit près de trois ans, était excessif et justifiait le rejet de la plainte. La demanderesse ne s’était pas acquittée du fardeau d’établir qu’il existait des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de sa volonté l’ayant empêchée d’agir plus tôt.

 

[10]           La demanderesse demande maintenant à la Cour de contrôler la décision de la Commission.

 

LA PLAINTE

[11]           La plainte que la demanderesse, qui n’était pas représentée à ce moment-là, a déposée est libellée de la façon suivante (dossier de la demanderesse, pages 52 à 54) :

[traduction]

 

Ma plainte est la suivante :

 

L’IPFPC n’a pas pris de mesures pour garantir mes droits en matière d’emploi dans le cadre des affaires suivantes :

 

la demande d’indemnisation pour accident de travail déposée en avril 2000,

le retour au travail après un accident de travail à compter d’avril 2000,

la plainte concernant les droits de la personne soumise en juillet 2000,

les mesures disciplinaires prises par l’employeur entre 1999 et 2002,

les questions relatives à la compétence de la CRTFP à l’égard de l’ADRC quant à la cessation d’emploi,

la représentation dans le cadre de la procédure d’arbitrage.

 

De même, l’IPFPC a agi de façon arbitraire et a fait preuve de mauvaise foi dans les cas suivants :

 

en ne procédant pas à une enquête complète sérieuse relativement à mes allégations de harcèlement sexuel, de harcèlement personnel et d’actes discriminatoires de la part de directeurs de l’ADRC,

en ridiculisant ma situation au moyen de commentaires incendiaires diffamatoires,

en ne prenant aucune mesure pour faciliter mon retour au travail après un accident de travail,

en ne se livrant pas à une enquête complète relative à mes préoccupations quant à la compétence de Dave Riffle,

en me trompant à dessein relativement aux intentions,

en ne procédant pas à une enquête quant à mes plaintes au sujet de Lee Bettencourt,

en ne procédant pas à une enquête concernant toutes les questions d’emploi, financières ou autres, avant de déposer des griefs,

en ayant des entretiens non autorisés avec la direction de l’ADRC dans le but de miner ma position,

en ne permettant pas que de nombreux griefs relatifs à des questions financières et autres soient soumis au processus d’arbitrage,

en ne me donnant aucun conseil quant à la façon de procéder relativement à L’ENSEMBLE des questions en suspens, aux échéances, aux droits et aux délais puisqu’il a refusé de me représenter,

en m’imposant des normes et attentes déraisonnables.

 

J’ai récemment informé Nelligan Payne O’Brien que je voulais que l’IPFPC finance ma déclaration contre l’ADRC pour renvoi injustifié qui a été rédigée par un avocat. Aucune réponse n’a été reçue.

 

J’ai récemment informé Nelligan Payne O’Brien que je voulais que l’IPFPC finance ma plainte concernant les droits de la personne, qui comprend l’obligation de faciliter mon retour au travail. Aucune réponse n’a été reçue.

 

LA NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE

[12]           Dans l’affaire Canada (Procureur général) c. Alliance de la fonction publique du Canada, [1993] 1 R.C.S. 941 (l’affaire de 1993 de l’AFPC), la Cour suprême du Canada a statué que les décisions de la CRTFP sont sujettes à révision selon la norme de la décision manifestement déraisonnable. Elle s’est exprimée ainsi aux pages 962 et 963 de ses motifs :

Pourquoi les tribunaux devraient-ils faire preuve de retenue à l’égard de la Commission?

 

     Il existe plusieurs raisons pour lesquelles les cours de justice devraient faire preuve de retenue à l’égard des décisions rendues par la Commission dans les limites de sa compétence. En premier lieu, le législateur a, au moyen de la clause privative contenue dans la loi constitutive de la Commission, indiqué que la décision de celle-ci est définitive. En second lieu, il faut reconnaître que la Commission est composée d’experts parmi lesquels se trouvent représentés et les employés et le patronat. Ceux-ci sont conscients de la complexité des relations du travail et de la nécessité de maintenir entre les parties un équilibre délicat au bénéfice de la société. Dans bien des cas, le mérite de ces experts leur aura valu la confiance des parties. Or, chaque fois qu’une cour de justice modifie une décision d’un tribunal administratif, il y a perte de confiance de la part non seulement des parties qui doivent comparaître devant la Commission, mais aussi de la part de la collectivité en général. Par ailleurs, l’un des plus grands avantages qu’offre la Commission est la rapidité avec laquelle elle peut rendre une décision. Si les cours de justice se mettaient à intervenir régulièrement dans les décisions de la Commission, la partie victorieuse serait toujours celle qui était le mieux en mesure d’attendre et de supporter le coût d’un litige à n’en plus finir. Le système judiciaire lui-même connaîtrait des retards inacceptables en raison de l’augmentation de la charge de travail qu’amènerait toute tentative de contrôle systématique.

 

     Il ne faut toutefois pas conclure de ce qui précède qu’un contrôle quelconque n’est ni salutaire ni nécessaire. Certes, les cours de justice sont éminemment aptes à décider si la Commission a excédé la compétence que lui confère sa loi habilitante. En outre, ce sont les cours de justice qui sont le mieux placées pour déterminer si le tribunal a commis une erreur de procédure de telle nature qu’elle constitue un manquement à la justice naturelle, lequel entraînerait son incompétence. De plus, toutes les parties ont droit à la protection contre une décision manifestement déraisonnable. Il n’est pas nécessaire que les cours de justice aillent plus loin et, en fait, elles ne le devraient pas. Une commission constituée en vertu d’une clause privative et protégée par celle-ci représente l’expression de la volonté du Parlement de créer un mécanisme qui offre un moyen expéditif et définitif d’atteindre le but d’un règlement juste des conflits de travail. Pour qu’elles aient l’effet voulu, les décisions ainsi rendues doivent, le plus souvent possible, être définitives. En refusant de s’en remettre aux décisions de la Commission, les cours de justice se trouveraient à contrecarrer l’objet même de la LRTFP et à rendre inopérantes ses dispositions expresses.

 

 

[13]           L’application de l’approche pragmatique et fonctionnelle ainsi que l’examen des quatre facteurs contextuels (la présence ou l’absence d’une clause privative ou d’un droit d’appel prévu par la loi; l’expertise du tribunal par rapport à celle de l’instance révisionnelle quant à la question en cause; les buts de la législation et de la disposition en cause; la nature de la question) m’amènent à conclure qu’en l’espèce, la décision de la Commission de rejeter la plainte de la demanderesse pour cause de retard est sujette à révision selon la décision manifestement déraisonnable.

 

La présence d’une clause privative

[14]           Les décisions de la Commission sont protégées par une clause privative (article 51 de la nouvelle loi). L’existence d’une clause privative, même si elle différait de celle qui se trouve actuellement dans la nouvelle loi, constituait un élément clé de l’affaire de 1993 de l’AFPC.

 

L’expertise, le but de la législation et la nature de la question

[15]           La demanderesse a déposé sa plainte en application de l’article 23 de la LRTFP. Cette loi ne prévoyait aucun délai pour déposer une plainte. La nouvelle loi impose un délai de 90 jours pour le dépôt de plaintes. Même s’il fallait à la Commission régler la plainte conformément à la nouvelle loi, elle a précisé que cela n’avait pas pour effet de lui faire appliquer le délai rétroactivement. Il fallait plutôt trancher la question du délai en fonction des principes découlant de la LRTFP.

 

[16]           Sous le régime de la LRTFP, l’ancienne Commission obligeait les plaignants qui ne déposaient pas leur plainte dans un délai raisonnable à établir que des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de leur volonté les avaient empêchés d’agir plus tôt. Lorsqu’il s’était écoulé une longe période de temps, l’autre partie était présumée avoir subi un préjudice (se reporter à Walcott c. Turmel, 2001 CRTFP 86; Harrison c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2001 CRTFP 45; Teeluck c. Alliance de la Fonction publique du Canada, 2001 CRTFP 45).

 

[17]           La question dont la Cour est saisie concerne donc l’application, par la Commission, d’un critère élaboré par l’ancienne Commission pour donner suite aux plaintes qui n’étaient pas déposées en temps opportun. La question de savoir si une plainte devrait être rejetée pour cause de retard est une question mixte de fait et de droit qui a trait au caractère définitif des décisions en matière d’emploi et à leur exécution rapide. Elle relève assurément de la compétence de la Commission en matière de relations de travail. La Commission a une plus grande expertise que les cours de justice lorsqu’il s’agit de questions qui relèvent de sa compétence.

 

Conclusion

[18]           Compte tenu des quatre facteurs contextuels, je conclus que les décisions de la Commission à l’examen, qui portent sur des questions mixtes de fait et de droit, sont sujettes à révision selon la décision manifestement déraisonnable.

 

[19]           Pour ce qui est des questions de justice naturelle ou d’équité procédurale, la Cour a simplement à établir s’il y a eu manquement à ces principes. Ces questions ne se prêtent pas à l’analyse fonctionnelle et pragmatique (se reporter à S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, paragraphe 100; Canada (Procureur général) c. Fetherston, 2005 CAF 111, [2005] A.C.F. no 544, paragraphe 16; Transport Besner Atlantic Ltée et al., 2006 CAF 146, [2006] A.C.F. no 641, paragraphe 26).

 

ANALYSE

[20]           La demanderesse soutient que la décision de la Commission portant qu’il a été mis fin à son emploi en 2000 repose sur une conclusion de fait erronée. La demanderesse affirme que, par conséquent, la décision de la Commission est manifestement déraisonnable.

 

[21]           Il n’y a aucun doute que la Commission s’est trompée à l’égard de la date de cessation d’emploi de la demanderesse. L’emploi de cette dernière a pris fin le 4 septembre 2002. Cependant, j’estime que la décision de la Commission de rejeter la plainte pour cause de retard ne reposait pas sur la date de cessation d’emploi. L’erreur de la Commission ne porte donc pas à conséquence.

 

[22]           Il appert du dossier que le défendeur a refusé de représenter la demanderesse dans le cadre [traduction] « de ses négociations avec l’employeur » à compter du 1er décembre 2000 (lettre du défendeur, dossier de la demande, p. 30). La Commission a retenu cette date. Elle a écrit ce qui suit au paragraphe 13 de ses motifs : « C’est à ce moment-là que l’événement critique qui a donné lieu à la plainte s’est produit et c’est à partir de cette date-là qu’il faudrait déterminer la longueur du délai ». Quelque trente-neuf (39) mois se sont écoulés entre le 1er décembre 2000 et le 15 mars 2004, date à laquelle la plainte a été déposée. Toutefois, le point que la Commission a finalement retenu est le 21 octobre 2003, date où la demanderesse a fait signifier la déclaration au défendeur dans l’action qu’elle a intentée contre lui devant la Cour du banc de la Reine de l’Alberta (paragraphe 13 des motifs de la Commission). La Commission était disposée à prendre acte que le défendeur avait eu connaissance de la plainte à cette date parce que les allégations formulées dans la déclaration comprenaient toutes les allégations énoncées dans la plainte. La Commission a conclu qu’il s’était écoulé « près de trois ans » (paragraphe 27 de ses motifs) dans la démarche relative à la plainte.

 

[23]           La demanderesse prétend que la demande qu’elle a adressée au défendeur pour qu’il la représente relativement à sa cessation d’emploi en 2002 était une nouvelle demande qui faisait recommencer le compte à rebours et que cette demande n’était pas visée par le refus initial du défendeur en 2000 de la représenter.

 

[24]           La Commission en est arrivée à une autre conclusion. Elle a déclaré qu’en ce qui concernait les demandes répétées, dans la mesure où elles avaient trait à la demande originale de représentation dans le contexte des plaintes de la demanderesse concernant les droits de la personne, étaient toujours prescrites. La Commission a indiqué que la décision du défendeur de ne pas représenter la demanderesse dans ces affaires lui avait été clairement communiquée en 2000 « et des demandes répétées dans les mêmes contextes ne peuvent pas faire recommencer le compte à rebours » (paragraphe 22 de ses motifs).

 

[25]           La Commission a reconnu que la demanderesse avait présenté au défendeur des demandes supplémentaires qui n’étaient pas visées par le refus original de la représenter, notamment à l’égard de la poursuite contre l’ADRC pour renvoi injustifié. La Commission a établi le refus du défendeur à un moment donné en 2004 de représenter la demanderesse dans le cadre de sa poursuite pour renvoi injustifié. Comme la poursuite contestant le renvoi injustifié énumérait des motifs identiques à ceux qui avaient été avancés dans les griefs et les plaintes concernant les droits de la personne, le refus initial du défendeur pouvait être interprété comme s’appliquant à toutes les versions ultérieures des mêmes allégations. La transformation des griefs et des plaintes concernant les droits de la personne en une action en justice ne changeait pas le fond du différend ni n’obligeait l’agent négociateur à réitérer son refus de représenter l’intéressée (paragraphe 25 de ses motifs).

 

[26]           On ne saurait dire que ces conclusions étaient manifestement déraisonnables.

 

[27]           En outre, la demanderesse soutient que la Commission n’a pas pris en considération l’ensemble de ses allégations. Elle prétend que la Commission n’a pas enquêté sur ses allégations de harcèlement sexuel et de harcèlement personnel de la part de directeurs de l’ADRC et qu’elle n’a pas tenu compte du fait que le défendeur ne l’avait pas conseillée quant à la marche à suivre relativement à toutes les questions en suspens.

 

[28]           La Commission ne s’est jamais penchée sur le bien-fondé de ses allégations. Elle ne s’est prononcée que sur l’objection préliminaire du défendeur quant au délai de présentation de la plainte. Une fois que la Commission eut établi que la demanderesse n’avait pas démontré qu’il existait des circonstances exceptionnelles ou indépendantes de sa volonté qui justifiaient un délai de « près de trois ans » pour porter plainte contre le défendeur, elle n’avait d’autre choix que de rejeter la plainte.

 

[29]           Enfin, la demanderesse invoque la doctrine des attentes légitimes.

 

[30]           La demande de la demanderesse à cet égard vise d’abord le défendeur, savoir son agent négociateur –  se reporter au paragraphe 10 de son affidavit, dossier de la demanderesse, page 26 ainsi qu’au  paragraphe 68 de son mémoire des faits et du droit. La demanderesse affirme essentiellement qu’elle avait pour attente raisonnable que l’agent négociateur la représente, malgré leurs différends antérieurs, dans le cadre de son litige avec l’ADRC concernant sa cessation d’emploi. Il s’agit d’une question qui porte sur le fond même du différend entre la demanderesse et son agent négociateur, question dont la Commission n’a pas été saisie dans le cadre de la présente affaire. Je n’examinerai donc pas cette question.

 

[31]           La prétention de la demanderesse fondée sur la doctrine des attentes légitimes vise aussi toutefois la Commission (les paragraphes 76, 77, 78, 79 et 80 de son mémoire des faits et du droit). La demanderesse affirme qu’elle comptait que la Commission examine toutes ses allégations avant de se prononcer quant au retard. La présente affaire ne se prête pas à l’application de cette doctrine (Brown et Evans, Judicial Review of Administrative Practice in Canada, édition à feuilles mobiles 7:2430 et suivantes; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, paragraphe 26; Travailleurs des pâtes, des papiers et du bois du Canada, section locale 8 c. Canada (Ministre de l’Agriculture, Direction des pesticides) (1994), 174 N.R. 37, paragraphes 37 à 42 (C.A.F.)). Lorsque la Commission conclut qu’une plainte a été déposée en dehors des délais prescrits, elle n’a pas à se pencher sur les allégations formulées dans la plainte.

 

[32]           Je rejetterais donc la présente demande.

 

LES DÉPENS

[33]           À l’ouverture de l’audience, la demanderesse a avisé la Cour qu’elle souhaitait retirer les allégations de [traduction] « fraude et de faux témoignages » énoncées dans son avis de demande.

 

[34]           Le défendeur réclame néanmoins des dépens avocat-client en faisant valoir la décision  Hamilton c. Open Window Bakery Ltd., [2004] 1 R.C.S. 303, paragraphe 26.

 

[35]           Le défendeur a exposé les motifs justifiant sa demande, aux paragraphes 39 et 40 de son mémoire des faits et du droit, qui sont libellés de la façon suivante :

[traduction]

 

Mme McConnell a affirmé, dans son avis de demande, que la décision de la Commission reposait sur de la [traduction]« fraude et de faux témoignages ». Il appert aussi de son affidavit que [traduction] « la preuve sur laquelle CRTFP s’est appuyée pour rendre sa décision reposait sur des renseignements faux ». Or, Mme McConnell n’a produit aucune preuve à l’appui de ces allégations graves faites à l’encontre de l’Institut. L’avocat de l’Institut a écrit trois lettres pour discuter de cette question : la première a été adressée à Mme McConnell personnellement (avant qu’elle soit représentée par un avocat) et les deux autres ont été transmises à son avocat. Malgré ces lettres, Mme McConnell a refusé de retirer ces graves allégations.

 

Les allégations de fraude et de malhonnêteté sont graves et peuvent être fort dommageables pour ceux et celles qui sont accusés de tromperie. Lorsque, comme en l’espèce, une partie formule en vain de telles allégations et qu’elle a accès à des renseignements qui lui permettent de conclure que l’autre partie n’était coupable ni de malhonnêteté ni de fraude, il convient qu’elle soit condamnée aux dépens avocat-client (Hamilton c. Open Window Bakery Ltd., [2004] 1 R.C.S. 303, paragraphe 26.)

 

 

[36]           Les préoccupations du défendeur quant à la gravité de ces allégations et leur nature susceptible d’être fort dommageable se comprennent aisément. Cependant, comme ces allégations n’ont jamais eu à être tranchées et compte tenu du dossier dans son ensemble, je rejetterais la demande du défendeur, sauf en ce qui a trait aux dépens habituels.

 

CONCLUSION

[37]           La présente demande devrait être rejetée avec dépens.

 

 

« Alice Desjardins »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs

     Gilles Létourneau, juge »

 

 

« Je souscris aux présents motifs

     C. Michael Ryer, juge »

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.

 


 

COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                                            A-478-05

 

INTITULÉ :                                                                           KATHERINE MCCONNELL c.

                                                                                                L’INSTITUT PROFESSIONNEL DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 15 MARS 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LA JUGE DESJARDINS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LE JUGE ÉTOURNEAU

                                                                                                LE JUGE RYER

 

DATE DES MOTIFS ET DU JUGEMENT :                      LE 10 AVRIL 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

OBI AGBARAKWE                                                               POUR LA DEMANDERESSE

 

CHRISTOPHER ROOTHAM                                                 POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

OBI AGBARAKWE                                                               POUR LA DEMANDERESSE

EDMONTON (ALBERTA)

 

NELLIGAN O'BRIEN PAYNE, LLP                                      POUR LE DÉFENDEUR

OTTAWA (ONTARIO)

 

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