Décisions de la Cour d'appel fédérale

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                                                                                                                                 Date : 20070307

Dossier : A-279-06

Référence : 2007 CAF 95

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NADON

 

ENTRE :

WINNIPEG ENTERPRISES CORPORATION

 et

JOHNSTON SPORT ARCHITECTURE INC.

et

ASTROTURF SURFACES CANADA LTD.

appelantes

et

FIELDTURF (IP) INC.

intimée

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 20 février 2007

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 7 mars 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                           LE JUGE DÉCARY

Y ONT SOUSCRIT :                                                                              LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                                            LE JUGE NADON

                                                                                                                                                           

 


                                                                                                                                   Date : 2007037

Dossier : A-279-06

Référence : 2007 CAF 95

 

CORAM :      LA JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NADON

 

ENTRE :

WINNIPEG ENTERPRISES CORPORATION

 et

JOHNSTON SPORT ARCHITECTURE INC.

et

ASTROTURF SURFACES CANADA LTD.

appelantes

et

FIELDTURF (IP) INC.

intimée

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE DÉCARY

[1]               Il s’agit d’un appel de l’ordonnance par laquelle le juge Harrington a rejeté l’appel interjeté d’une ordonnance que le protonotaire Morneau (T-350-03, 12 mai 2006) avait rendue en sa qualité de responsable de la gestion de l'instance conformément au paragraphe 385(2) des Règles. Il a été ordonné à l’intimée (la demanderesse dans une action en contrefaçon de brevet) d’expliquer pourquoi elle n’avait pas respecté l’échéancier établi le 29 juillet 2005. Après avoir examiné les observations écrites des parties, le protonotaire a autorisé la poursuite de l’instance et établi un nouvel échéancier.

 

[2]               Les appelantes (les intimées et les demanderesses reconventionnelles dans l’action) ont interjeté appel de l’ordonnance du protonotaire devant le juge Harrington. Elles ont en même temps présenté une requête en vertu de l’article 167 des Règles afin de faire rejeter l’instance pour cause de retard. La requête en rejet de l’instance et l’avis d’appel ont été joints dans un document intitulé [traduction] « Avis de requête dans l’appel interjeté d’une ordonnance du protonotaire et avis de requête en rejet de l’instance pour cause de retard ». L’avocat affirme que sa requête en rejet était prête à être présentée avant l’examen de l’état de l’instance, mais cela n’a aucune conséquence; en ce qui concerne la Cour, c’est le moment du dépôt de la requête qui est pertinent, et non pas celui auquel elle aurait apparemment été préparée. Le fait est qu’au moment du dépôt de la requête en rejet, l’examen de l’état de l’instance avait déjà été ordonné et, de plus, il avait déjà donné lieu à une décision.

 

[3]               Le juge a rejeté l’appel. Il a également rejeté la requête en rejet parce qu’elle était prématurée.

 

L’examen de l’état de l’instance

[4]               Le juge a conclu que la norme de contrôle applicable était celle de la décision « manifestement déraisonnable ». Il a estimé que la décision attaquée n’avait pas une influence déterminante sur l’issue de la cause. Il s’est notamment appuyé sur le motif que, même si l’action était rejetée pour défaut de poursuivre, une nouvelle action pourrait ne pas être prescrite.

 

[5]               Ce dernier motif n’est pas pertinent. La question en litige dans l’examen de l’état de l'instance est celle de savoir s’il y a lieu d’autoriser la poursuite de l’action et non pas si elle pourrait être introduite de nouveau si elle était rejetée pour cause de retard. De toute façon, il y a une possibilité réelle que le dépôt d’un nouvel acte introductif d’instance soit radié pour le motif qu’il constitue un abus de procédure (voir Sauvé c. Canada, 2002 CFPI 721).

 

[6]               Contrairement à ce que le juge a conclu, la décision rendue sur l’examen de l’état de l’instance a une influence déterminante sur l’issue de la cause parce que le protonotaire aurait pu rejeter l’action pour cause de retard (voir l’alinéa 382(2)c) des Règles). Comme la Cour l’a déclaré dans Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd. (C.A.), [1993] 2 C.F. 425 (C.A.), au paragraphe 98 (QL), une décision qui peut être ainsi soit interlocutoire, soit définitive selon la manière dont elle est rendue, même si elle est interlocutoire en vertu du résultat, doit néanmoins être considérée comme déterminante pour l’issue de la cause principale.

 

[7]               La Cour a également statué dans Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., 2003 CAF 488, [2004] 2 R.C.F. 459, aux paragraphes 40 et 41, que la règle s’applique même lorsque la décision a été rendue par un protonotaire agissant à titre de responsable de la gestion de l’instance. Je sais qu’en l’espèce, l’examen de l’état de l’instance n’a pas été ordonné par la Cour par suite de l’application mécanique de l’article 380 des Règles, mais qu’il a été ordonné par le protonotaire en sa qualité de responsable de la gestion de l’instance en vertu du paragraphe 385(2) des Règles; toutefois, l’effet de cette décision sur les droits des parties est le même.

 

[8]               Étant donné que le juge s’est fondé sur une considération non pertinente et n’a pas appliqué le critère approprié, la Cour doit se mettre à sa place et exercer son propre pouvoir discrétionnaire de novo.

 

[9]               Le critère applicable lors de l’examen de l’état de l’instance en vertu de l’article 382 des Règles a été énoncé dans Bande de Stoney c. Canada, 2005 CAF 15, [2005] A.C.F. no 33 (C.A.) (QL). Il incombe au demandeur d’établir : 1) les raisons pour lesquelles l’affaire n’a pas progressé davantage et si ces raisons justifient le retard constaté, et 2) les mesures que le demandeur propose pour hâter le déroulement de la procédure. La Cour a également statué dans Bande de Stoney qu’il y avait également lieu d’examiner eu égard aux deux points indiqués plus haut le préjudice subi par le défendeur. Sur cet aspect, la Cour note toutefois au paragraphe 38 que, si un défendeur attend d’avoir reçu un avis d’examen de l’état de l’instance pour invoquer un préjudice, « cet argument aura moins de poids que s’il est présenté dans une requête en rejet pour cause de retard ».

 

[10]           En l’espèce, comme je l’ai déjà souligné, les appelantes ont présenté leur requête en rejet pour cause de retard au juge des requêtes après que le protonotaire se fut prononcé sur l’avis d’examen de l’état de l’instance.

 

[11]           Comme tenu de la maladie d’un témoin important, de l’existence de plusieurs instances, y compris une demande reconventionnelle et une déclaration récemment modifiée, du fait que d’autres actions en contrefaçon de brevet sont en instance devant la Cour contre de nombreuses autres défenderesses qui sont toutes représentées par le même cabinet d’avocats, du fait que toutes ces affaires sont des instances à gestion spéciale confiées au protonotaire et, enfin, du manque regrettable de collaboration entre les parties depuis le tout début et du fait que le long retard doit être imputé aux deux parties, j’estime qu’il y a lieu d’autoriser la poursuite de l’instance. Les parties sont avisées que la Cour ne tolérera aucun retard additionnel.

 

La requête en rejet de l’instance

[12]           Devant la Cour fédérale, la pratique habituelle consiste à ne pas autoriser la prise d'autres mesures procédurales pendant l’examen de l’état de l’instance. Comme le juge Pelletier (tel était alors son titre) l’a souligné dans Time Warner Entertainment Co. c. Mme Unetelle et al. (2000), 186 F.T.R. 303 (C.F.), à la page 305, « Permettre que d’autres étapes soient franchies pendant l’examen de l’état de l’instance devancerait dans les faits l’issue de la procédure d’examen ». Dans Canada c. Spelrem (2001), 211 F.T.R. 274 (C.F.), la Cour a dit, au paragraphe 2, qu’elle n’était pas tenue de traiter une simple requête de jugement par défaut déposée en réponse à un avis d’examen de l’état de l’instance.

 

[13]           Le dépôt d’une requête en rejet de l’instance constitue une autre étape de l’instance. C’est la raison pour laquelle il faut attendre la décision finale sur l’examen de l’instance. Si une partie souhaite déposer plus tard une requête de ce genre, elle la présentera au juge ou au protonotaire responsable de la gestion de l’instance (voir le paragraphe 385(1) des Règles). Le juge Harrington a donc eu raison de conclure que la requête en rejet présentée en vertu de l’article 167 des Règles était prématurée.

 

[14]           Cette pratique a été suivie dans Bell c. Succession Bell et al. (2000), 187 F.T.R. 67 (C.F.). Le protonotaire Giles avait autorisé la poursuite de l’instance le 21 juin 1999. Après d’autres mesures dilatoires de la part de la demanderesse, les défendeurs ont déposé une requête en rejet de l’instance pour cause de retard le 24 août 1999. Le protonotaire Lafrenière a fait droit à cette requête dans les termes suivants :

[34] Le demandeur a omis à maintes reprises de respecter les dates limites imposées par la Cour. Il a eu tendance à ne pas se conformer aux ordonnances de la Cour, ce qui a énormément retardé le déroulement de l’instance. À mon avis, la Cour devrait sanctionner sévèrement l’attitude nonchalante du demandeur.

 

 

[15]           Je souligne également avec intérêt les commentaires suivants de la juge McGillis dans Multibond Inc. c. Duracoat Powder Manufacturing Inc. (1999), 177 F.T.R. 226 (C.F.), au paragraphe 15 :

Bien que les Règles prévoient, à l’article 167, la possibilité de présenter une requête en rejet de l’instance pour cause de retard injustifié, on s’attend à ce que cette sorte de requête ne soit que très rarement présentée par une partie, compte tenu du rôle actif que joue maintenant la Cour en ce qui concerne la surveillance du déroulement de toutes les instances.

 

 

Décision

[16]           Je rejetterais l’appel avec dépens et renverrais l’affaire au protonotaire pour qu’il fixe un nouvel échéancier et, s’il l’estime nécessaire, un échéancier plus détaillé.

 

 

« Robert Décary »

Juge

 

« Je souscris à ces motifs

     Alice Desjardins, juge »

 

 

« Je souscris à ces motifs

     M. Nadon, juge »

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Suzanne Bolduc, LL.B.

 

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-279-06

 

APPEL DE L’ORDONNANCE DU JUGE SEAN HARRINGTON DE LA COUR FÉDÉRALE, EN DATE DU 12 MAI 2006, DOSSIER T‑283‑03

 

INTITULÉ :                                                                           Winnipeg Enterprises Corporation

                                                                                                et al.

                                                                                                c.

                                                                                                Fieldturf (IP) Inc.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   le 20 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE DÉCARY

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                LE JUGE NADON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          le 7 mars 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pascal Lauzon

Eric Ouimet

 

POUR LES APPELANTES

 

David Assor

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

BCF LLP

Montréal (Québec)

 

POUR LES APPELANTES

 

Spiegel Sohmer Inc.

Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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