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Date : 20061130

Dossier : A-289-05

A-290-05

 

Référence : 2006 CAF 389

 

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

A-289-05

ENTRE :

JACQUELIN SIMARD

Appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

A-290-05

ENTRE :

PIERRE-YVES SIMARD

Appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

Audience tenue à Québec (Québec), le 28 novembre 2006.

Jugement rendu à Québec (Québec), le 30 novembre 2006.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                  LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                               LE JUGE DESJARDINS

                                                                                                                          LE JUGE NADON

 


 

Date : 20061130

Dossier : A-289-05

A-290-05

 

Référence : 2006 CAF 389

 

CORAM :      LE JUGE DESJARDINS

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE NADON

A-289-05

ENTRE :

JACQUELIN SIMARD

Appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

A-290-05

ENTRE :

PIERRE-YVES SIMARD

Appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

Intimée

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit de deux appels, réunis et plaidés de façon simultanée, à l’encontre d’une ordonnance rendue le 17 mai 2005, par le juge Angers de la Cour canadienne de l’impôt (2005 CCI 256), rejetant les requêtes en prorogation du délai pour signifier un avis d’opposition aux avis de cotisation établis par l’intimée pour la période du 1er janvier 1992 au 30 septembre 2000.

 

[2]               Les appelants demandent à cette Cour d’accueillir l’appel et de proroger le délai de production de l’avis d’opposition à la cotisation émise par l’intimée le 10 août 2001 en vertu du paragraphe 323(1) de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, c. E-15 (« LTA »).

 

[3]               Les appelants ont déposé un Mémoire au soutien de leur appel mais étaient ni présents et ni représentés lors de l’audition.  Nous avons donc disposé des appels selon les arguments tels que présentés dans les Mémoires.

 

FAITS PERTINENTS

[4]               De 1986 à 2001, les appelants étaient administrateurs de la société Construction Emma Inc.

 

[5]               Le 2 février 2001, la société a fait une proposition concordataire au sens de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, L.R.C. 1985, c. B-3, aux créanciers de ladite société, y compris l’intimée.

 

[6]               Le 5 mai 2001, à la suite d’un défaut de la société de respecter sa proposition, la société a été mise en faillite.

 

[7]               Le syndic de faillite Raymond Chabot Inc. a assuré l’administration et la gouverne complète et exclusive de la société des appelants à compter du moment de l’ouverture de la faillite jusqu’au moment de la libération du syndic, le 20 février 2003.

 

[8]               Le 10 août 2001, l’intimée a émis un avis de cotisation à l’encontre des appelants en vertu du paragraphe 323(1) de la LTA prélevant la somme de 72 102,35 $ pour la période de 1992 à 2000 à titre d’impôts prélevés mais non remis.

 

[9]               Le 17 mai 2004, l’intimée a fait une demande de paiement final relative aux avis de cotisation émis en août 2001. Suite à cette demande, les appelants ont signifié un avis d’opposition à la direction des oppositions de Revenu Québec en date du 26 mai 2004.  Revenu Québec refusa de traiter ces oppositions au motif qu’ils furent signifiés en dehors du délai prévu par l’article 81.15 de la LTA.

 

[10]           Le 4 juin 2004, les appelants ont présenté auprès de la direction des oppositions de Revenu Québec une demande de prorogation de délai pour déposer leur avis d’opposition.  La demande fut rejetée au motif qu’elle fut présentée en dehors du délai prévu par l’alinéa 303(7)a) de la LTA.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES

[11]           Les dispositions pertinentes de la LTA sont les suivantes :

81.15 (1) Toute personne qui a fait l’objet d’une cotisation, sauf en application des paragraphes (4) ou 81.38(1), et qui s’oppose à la cotisation peut, dans un délai de quatre-vingt-dix jours suivant la date d’envoi de l’avis de cotisation, signifier au ministre un avis d’opposition en la forme prescrite énonçant les raisons de son opposition et tous les faits pertinents sur lesquels elle se fonde.

81.15 (1) Any person who has been assessed, otherwise than pursuant to subsection (4) or 81.38(1), and who objects to the assessment may, within ninety days after the day on which the notice of assessment is sent to him, serve on the Minister a notice of objection in the prescribed form setting out the reasons for the objection and all relevant facts on which that person relies.

 

 

 

81.32 (1) Sous réserve du paragraphe (6), toute personne ayant droit de signifier un avis d’opposition en vertu de l’article 81.15 ou 81.17, autre qu’un avis à l’égard de la partie I, ou d’interjeter appel au Tribunal en vertu de l’article 81.19, peut, avant ou après la fin du délai prévu par cet article pour ainsi s’opposer ou interjeter appel, demander au Tribunal une ordonnance prolongeant ce délai.

(6) Les demandes prévues aux paragraphes (1) ou (3) ne peuvent être présentées plus d’un an après la fin du délai.

81.32 (1) Subject to subsection (6), any person entitled to serve a notice of objection under section 81.15 or 81.17, other than a notice in respect of Part I, or to appeal to the Tribunal under section 81.19 may, at any time before or after the expiration of the time limited by that section for so objecting or appealing, apply to the Tribunal for an order extending that time.

[…]

(6) No application may be made pursuant to subsection (1) or (3) more than one year after the expiration of the time limited.

 

 

304 (4) La Cour canadienne de l’impôt peut rejeter la demande ou y faire droit. Dans ce dernier cas, elle peut imposer les conditions qu’elle estime justes ou ordonner que l’avis d’opposition soit réputé valide à compter de la date de l’ordonnance.

(5) Il n’est fait droit à la demande que si les conditions suivantes sont réunies :

a) la demande a été présentée en application du paragraphe 303(1) dans l’année suivant l’expiration du délai par ailleurs imparti pour faire opposition ou présenter la requête en application du paragraphe 274(6);

b) la personne démontre ce qui suit :

(i) dans le délai d’opposition par ailleurs imparti, elle n’a pu ni agir ni mandater quelqu’un pour agir en son nom, ou avait véritablement l’intention de faire opposition à la cotisation ou de présenter la requête,

(ii) compte tenu des raisons indiquées dans la demande et des circonstances de l’espèce, il est juste et équitable de faire droit à la demande,

(iii) la demande a été présentée dès que les circonstances le permettaient,

(iv) l’opposition est raisonnablement fondée.

 

 

304 (4) The Tax Court may dispose of an application made under subsection (1) by

(a) dismissing it, or

(b) granting it,

and in granting an application, it may impose such terms as it deems just or order that the notice of objection or the request be deemed to be a valid objection or request as of the date of the order.

(5) No application shall be granted under this section unless

(a) the application was made under subsection 303(1) within one year after the expiration of the time otherwise limited by this Part for objecting or making a request under subsection 274(6), as the case may be; and

(b) the person demonstrates that

(i) within the time otherwise limited by this Act for objecting,

(A) the person was unable to act or to give a mandate to act in the person’s name, or

(B) the person had a bona fide intention to object to the assessment or make the request,

(ii) given the reasons set out in the application and the circumstances of the case, it would be just and equitable to grant the application, and

(iii) the application was made under subsection 303(1) as soon as circumstances permitted it to be made.

 

323. (1) Les administrateurs d’une personne morale au moment où elle était tenue de verser, comme l’exigent les paragraphes 228(2) ou (2.3), un montant de taxe nette ou, comme l’exige l’article 230.1, un montant au titre d’un remboursement de taxe nette qui lui a été payé ou qui a été déduit d’une somme dont elle est redevable, sont, en cas de défaut par la personne morale, solidairement tenus, avec cette dernière, de payer le montant ainsi que les intérêts et pénalités afférents.

(2) L’administrateur n’encourt de responsabilité selon le paragraphe (1) que si :

a) un certificat précisant la somme pour laquelle la personne morale est responsable a été enregistré à la Cour fédérale en application de l’article 316 et il y a eu défaut d’exécution totale ou partielle à l’égard de cette somme;

b) la personne morale a entrepris des procédures de liquidation ou de dissolution, ou elle a fait l’objet d’une dissolution, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant le premier en date du début des procédures et de la dissolution;

c) la personne morale a fait une cession, ou une ordonnance de faillite a été rendue contre elle en application de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité, et une réclamation de la somme pour laquelle elle est responsable a été établie dans les six mois suivant la cession ou l’ordonnance.

 

323. (1) If a corporation fails to remit an amount of net tax as required under subsection 228(2) or (2.3) or to pay an amount as required under section 230.1 that was paid to, or was applied to the liability of, the corporation as a net tax refund, the directors of the corporation at the time the corporation was required to remit or pay, as the case may be, the amount are jointly and severally, or solidarily, liable, together with the corporation, to pay the amount and any interest on, or penalties relating to, the amount.

(2) A director of a corporation is not liable under subsection (1) unless

(a) a certificate for the amount of the corporation’s liability referred to in that subsection has been registered in the Federal Court under section 316 and execution for that amount has been returned unsatisfied in whole or in part;

(b) the corporation has commenced liquidation or dissolution proceedings or has been dissolved and a claim for the amount of the corporation’s liability referred to in subsection (1) has been proved within six months after the earlier of the date of commencement of the proceedings and the date of dissolution; or

(c) the corporation has made an assignment or a bankruptcy order has been made against it under the Bankruptcy and Insolvency Act and a claim for the amount of the corporation’s liability referred to in subsection (1) has been proved within six months after the date of the assignment or bankruptcy order.

 

 

DÉCISION DE LA CCI

[12]           Les appelants ont contesté cette décision devant la Cour canadienne de l’impôt (« CCI »).  Le juge Angers a rejeté les requêtes des appelants au motif qu’elles furent présentées à l’extérieur du délai prévu à l’alinéa 304(5)a) de la LTA.

 

[13]           Il s’agit de la décision dont est appel.

 

POSITION DES APPELANTS

[14]           Les motifs invoqués par les appelants pour écarter leur responsabilité en tant qu’administrateurs sont multiples et ont évolué en cours d’instances.  Après l’audition devant la CCI, l’avocat des appelants a fait valoir pour la première fois dans le cadre d’une plaidoirie écrite que les appelants n’avaient jamais vu ou reçu les avis de cotisation émis à leur encontre.  Cet argument fut rejeté par le juge Angers et aucun moyen d’appel n’est soulevé à l’encontre de cet aspect de sa décision.

 

[15]           Devant nous, les appelants prétendent pour la première fois que les avis de cotisation sont nuls ab initio puisqu’ils furent émis à l’extérieur du délai de 6 mois prévu à l’alinéa 323(2)c), et que dans ces circonstances, la Cour doit faire droit à la requête en prorogation de délai puisqu’il s’agit de la seule procédure qui leur est disponible pour faire valoir leur droit.

 

[16]           Les appelants reprochent aussi au juge Angers de ne pas avoir retenu comme moyen de défense leur incapacité d’agir à compter de février 2001, à la suite de la nomination du Syndic.  À cet égard, les appelants s’en remettent à la décision de la Cour du Québec dans l’affaire Léon Paquin c. Sous-ministre du Revenu du Québec, 16 octobre 2003, Québec, No. : 200-02-029678-028, (C.Q.):

[38]  Des décisions font voir que lorsque l’administrateur n’a plus la liberté de disposer des liquidités de la compagnie parce que la banque décide quels chèques seront payés comme c’est le cas ici, la responsabilité des administrateurs en vertu de 24.01 n’est pas engagée.

 

 

[39]  Dans le présent cas, les dettes fiscales encourues et échues alors que la banque administrait toutes les liquidités et les inventaires de la compagnie ne sont pas la responsabilité du requérant en vertu de 24.02 de la Loi sur le ministère du Revenu.  Selon la preuve ces dettes s’élèvent à 3 615,55 $ soit 1 757,33 $ pour la TVQ et 1 858,22 $ pour la DAS.

 

 

DÉCISION

 

[17]           Quant à ce dernier argument, il ne fait aucun doute qu’un administrateur ne peut être tenu responsable pour les défauts qui sont subséquents à la prise de contrôle du syndic ou de la banque en son nom.  Mais il ne s’agit pas ici de savoir si les appelants sont responsables pour les omissions subséquentes à la prise de contrôle du syndic.  Les cotisations émises à l’encontre des appelants couvrent la période préalable pendant laquelle ils étaient administrateurs.

 

[18]           Les appelants prétendent aussi que les cotisations émises contre eux étaient nulles ab initio puisque la société Construction Emma Inc. est réputée avoir fait une cession au sens de la LFI le 2 février 2001, soit plus de six mois avant l’émission de la cotisation en cause.  Ce disant, les appelants se fondent sur l’alinéa 323(2)c) qui prévoit que la réclamation des sommes pour lesquelles ils sont responsables doit être établie dans les six mois suivant la cession.

 

[19]           Or, cette question ne fut pas débattue devant le juge Angers, et il n’est pas évident que la preuve pertinente à sa disposition figure au dossier (voir Athey c. Leonati, [1996] 3 R.C.S. 458 au paragraphe 51).  À tout événement, l’argument des appelants basé sur l’alinéa 323(2)c) ne fait pas en sorte que la cotisation est nulle ab initio.  Cette disposition prévoit plutôt un moyen de défense que les appelants pouvaient faire valoir sur le fond.  Or, pour faire valoir ce moyen de défense, les appelants devaient loger un avis d’opposition dans les délais impartis, ce qu’ils n’ont pas fait.

 

[20]           En fin d’analyse, le juge Angers ne pouvait passer outre à l’exigence prévue au paragraphe 304(5)a) qui rend l’exercice de son pouvoir d’étendre les délais conditionnel à ce que la demande d’extension soit présentée dans l’année du délai par ailleurs prescrit.  En l’occurrence, cette condition n’est pas remplie.

 

[21]           Je rejetterais les deux appels avec un seul jeu de dépens.

 

 

 

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« J’y souscris »

            Desjardins, j.c.a.

 

«J’y souscris »

            Nadon, j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-289-05 et A-290-05

 

 

INTITULÉ :                                                                           Jacquelin Simard, Pierre-Yves Simard

 

                                                                                                et

 

                                                                                                Sa Majesté la Reine

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Québec

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   28 novembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE NOËL

 

Y ONT SOUSCRIT :                                                             LA JUGE DESJARDINS

                                                                                                LE JUGE NADON

 

 

 

DATE DES MOTIFS :                                                          30 novembre 2006

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

POUR L’APPELANT

 

Me Philippe Morin

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

POUR L’APPELANT

 

Veillette et associés, Sainte-Foy (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

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