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Date : 20070215

 

Dossier : A-1-06

 

Référence : 2007 CAF 68

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LA JUGE SHARLOW                     

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

DONALD E. COMEAU

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

 

Audience tenue à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 13 février 2007

Jugement rendu à Halifax (Nouvelle-Écosse), le 15 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                            LA JUGE SHARLOW

Y ONT SOUSCRIT :

MOTIFS CONCOURANTS :

MOTIFS DISSIDENTS :

 


 

Date : 20070215

 

Dossier : A-1-06

 

Référence : 2007 CAF 68

 

CORAM :      LE JUGE EN CHEF RICHARD

                        LA JUGE SHARLOW                     

                        LE JUGE RYER

 

ENTRE :

DONALD E. COMEAU

appelant

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimé

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LA JUGE SHARLOW

[1]               L’appelant M. Comeau demande une pension en vertu du paragraphe 21(2) de la Loi sur les pensions, L.R.C. 1985, ch. P‑6, au motif qu’il est atteint d’une invalidité découlant de son état, une myocardiopathie dilatée non ischémique, ou d’une aggravation de celui-ci, consécutif ou rattaché directement à son service militaire. Son service militaire a pris fin le 2 juillet 1974.

[2]               En 1995, la Commission canadienne des pensions a rejeté sa demande au motif qu’il n’y avait pas de preuve rattachant l’état de M. Comeau à son service militaire. Cette décision a été confirmée par un comité de révision en 2001 et un comité d’appel en 2002.

[3]               M. Comeau a présenté une demande de contrôle judiciaire de la décision du comité d’appel à la Cour fédérale. Dans cette demande, un rapport médical en particulier a joué un rôle important. Ce rapport avait été rédigé par le Dr David Douglas le 2 juillet 2000. Les passages clés de ce rapport se lisent comme suit :

 

[traduction] Je connais bien M. Comeau, puisque je l'ai traité pour une myocardiopathie dilatée au cours des dernières années. Il m'a demandé d'examiner son dossier médical concernant sa période de service afin de déterminer s'il y avait des éléments pouvant indiquer l'apparition de la cardiopathie à cette époque.

 

 

La myocardiopathie de M. Comeau n'est pas attribuable au stress, bien que le stress ait pu aggraver son insuffisance cardiaque congestive et la rendre plus difficile à maîtriser.

 

 

Le seul élément évocateur que j'ai trouvé dans le dossier médical de M. Comeau remonte au 12/10/71, date à laquelle il a subi des examens parce qu'il souffrait d'hypertension, d'anomalies de la fonction hépatique et de fatigue généralisée. L'examen avait alors révélé que le foie était augmenté de volume de 1 ou 2 cm et compromettait la palpation de la pointe de la rate, et un test de dépistage de la mononucléose s'est avéré positif. Une radiographie thoracique effectuée à ce moment-là a révélé que la taille du coeur était normale; toutefois, un électrocardiogramme pratiqué le 31/8/71 était très anormal et a révélé un bloc de branche droit complet et un bloc fasciculaire antérieur gauche.

 

 

De toute évidence, son électrocardiogramme était déjà très anormal en 1971 et était accompagné d'une certaine hépatopathie, à une époque où il n'y avait pas de consommation importante d'alcool. Un test de dépistage de la mononucléose s'est avéré positif. Bien que ces faits ne prouvent pas l'installation de la myocardiopathie à ce moment-là, ils évoquent cette possibilité, dans la mesure où le sujet présentait des anomalies marquées à l'électrocardiogramme malgré une radiographie thoracique normale et, au cours des dernières années, a souffert d'une cardiomégalie progressive accompagnée d'observations à l'ECG semblables aux observations antérieures. Bien qu'une mononucléose ne soit pas en cause, une sarcoïdose serait une étiologie possible, parmi d'autres.

 

 

En résumé, des éléments évoquent la possibilité que les anomalies cardiaques soient apparues pendant la période de service du sujet.

 

 

 

[4]               Une note datée du 21 septembre 2000 s’ajoutait au rapport et se lisait comme suit :

 

[traduction] Si les problèmes de M. Comeau ont commencé durant son service, il est vraisemblable que l'aggravation de son état était causée par ses fonctions, vu son état de santé actuel.

 

Mon examen fait ressortir des éléments de preuve qui suggèrent la possibilité que ses problèmes pourraient dater de l'époque où il était dans les forces.

 

 

[5]               Le juge O’Keefe a entendu la demande de contrôle judiciaire. Il a annulé la décision du comité d’appel pour le motif suivant (2004 CF 1091, aux paragraphes 60 à 63) :

[60] Dans sa décision, le comité d'appel a conclu que l'état du demandeur a son origine alors qu'il était dans les forces.

[61] Le comité d'appel semble avoir simplement déclaré qu'il ne considérait pas que les rapports médicaux au dossier étaient assez convaincants ou crédibles pour justifier l'octroi d'une pension en l'espèce. Il n'y a pas de doute que le comité d'appel peut présenter ses commentaires au sujet de la crédibilité, mais, selon moi, il doit expliquer pourquoi un rapport médical manque de crédibilité. En l'espèce, nous avons la preuve non contredite du Dr Douglas, qui est un expert du domaine, portant que « si les problèmes de M. Comeau ont commencé au cours de son service, il est vraisemblable que l'aggravation de son état était causée par ses fonctions, vu son état de santé actuel ». Le « si » du Dr Douglas, qui vient qualifier le point de vue exprimé dans son rapport, n'est pas repris par le comité d'appel dans sa conclusion voulant que l'état du demandeur a son origine alors qu'il était dans les forces. Le comité d'appel n'indique aucunement pourquoi la preuve du Dr Douglas a été jugée ne pas être crédible, à part de dire froidement qu'elle ne l'était pas.

[62] Selon moi, le comité d'appel a agi de façon manifestement déraisonnable en concluant que les rapports du Dr Douglas n'étaient pas crédibles, sans étayer cette conclusion par ses motifs. Je veux faire remarquer que je comprends bien que le comité d'appel a déclaré que la preuve médicale du Dr Douglas était spéculative, mais ceci portait sur sa preuve au sujet de la mauvaise gestion médicale. De plus, le comité d'appel n'a pas dit pourquoi il considérait cette preuve spéculative.

[63] Étant donné ma conclusion à ce sujet, il n'est pas nécessaire que je traite des autres questions soulevées par le demandeur.

 

[6]               Le juge O’Keefe a ordonné que l’appel de M. Comeau soit renvoyé à un comité d’appel différemment constitué pour un nouvel examen.

[7]               Le nouvel examen a eu lieu devant le Tribunal des anciens combattants (révision et appel) (le Tribunal) qui a également rejeté l’appel après un nouvel examen fondé sur toute la preuve. Le Tribunal a livré des motifs détaillés, en concluant comme suit :

[traduction] Malheureusement, à la lumière des faits de l’affaire et en l’absence d’une preuve de nature médicale fiable et crédible, le Tribunal n’est pas en mesure de conclure que l’état de l’appelant peut être raisonnablement déclaré comme ayant été causé ou aggravé par son service, pour être admissible à une pension.

 

[8]               M. Comeau a présenté une demande de contrôle judiciaire de cette décision à la Cour fédérale. La juge Dawson a entendu sa demande et l’a rejetée au motif que le Tribunal n’avait pas commis d’erreur de droit ni tiré de conclusions de fait de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait (2005 CF 1648). M. Comeau en appelle maintenant de l’ordonnance de la juge Dawson.

[9]               Je conviens avec la juge Dawson que la norme de contrôle est la norme de la décision correcte pour les questions de droit, et la norme de la décision manifestement déraisonnable pour la décision du Tribunal concernant l’admissibilité, qui est une question mixte de fait et de droit. Une décision est manifestement déraisonnable si elle est clairement irrationnelle ou de toute évidence non conforme à la raison, ou à ce point viciée qu’aucun degré de déférence judiciaire ne peut justifier de la maintenir : Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 52.

[10]           L’argument principal de M. Comeau vise les conclusions de fait du Tribunal. Il a soutenu que le Dr Douglas a fourni la preuve, en s’appuyant sur un examen approfondi des dossiers médicaux militaires de M. Comeau, que son état s’était aggravé en raison de son service militaire et que le Tribunal aurait dû retenir son opinion plutôt que celle de B. Gulati, dont le rapport indique qu’il est un conseiller médical (même si le Tribunal l’appelait docteur).

[11]           La juge Dawson a examiné en détail tous les éléments de preuve présentés au Tribunal, ainsi que l’analyse de ces éléments de preuve par le Tribunal. Elle a jugé que le Tribunal pouvait raisonnablement conclure à l’inadmissibilité de M. Comeau à la pension en s’appuyant sur cette preuve et que cette conclusion n’était pas manifestement déraisonnable. Je ne peux déceler aucune raison de modifier sa conclusion.

[12]           M. Comeau a également soutenu, en droit, qu’il n’était pas loisible au Tribunal de conclure que son état n’était pas apparu durant son service militaire, parce ce point avait été décidé en sa faveur lors de l’examen antérieur par le comité d’appel. M. Comeau soutient que la seule question devant le Tribunal au moment du nouvel examen était celle de savoir si le service militaire avait aggravé son état. À l’égard de ce point, M. Comeau déclare que le rapport du Dr Douglas est concluant. Selon la juge Dawson, et je suis d’accord avec elle, le Tribunal était tenu d’examiner la demande de M. Comeau à nouveau, en s’appuyant sur sa propre évaluation indépendante de toute la preuve présentée devant lui. Il n’était aucunement lié par les conclusions de fait du Tribunal antérieur.

[13]           Enfin, M. Comeau a soutenu que le Tribunal n’avait pas le droit de se reporter à l’opinion du conseiller médical parce qu’aucun avis n’avait été donné à ce sujet, comme l’exige le paragraphe 38(2) de la Loi sur le Tribunal des anciens combattants (révision et appel), L.C. 1995, ch. 18. À mon avis, cet argument ne devrait pas être retenu parce que M. Comeau ne l’a pas invoqué devant la juge Dawson ni dans son exposé des faits et du droit.

[14]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel avec dépens.

 

« K. Sharlow »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Alphonse Morissette, LL.L.

 

 

 

 

 

 

    


 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        A-1-06

 

INTITULÉ :                                       DONALD E. COMEAU

                                                                       

                                                            et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

EN APPEL DE LA COUR FÉDÉRALE (LA JUGE DAWSON), DATE : LE 6 DÉCEMBRE 2005

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 HALIFAX (NOUVELLE-ÉCOSSE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 13 FÉVRIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 15 FÉVRIER 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Donald E. Comeau

 

POUR L’APPELANT

Melissa R. Cameron

 

POUR L’INTIMÉ

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

POUR L’INTIMÉ

 

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