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Date : 20070209

Dossiers : A-434-05

A-435-05

 

Référence : 2007 CAF 38

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

Dossier : A-434-05

ENTRE :

TRI PACIFIC GAS CORPORATION

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

Dossier : A-435-05

ENTRE :

RAY ROTH

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

Audience tenue à Calgary (Alberta), le 24 janvier 2007.

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 9 février 2007.

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                       LE JUGE RYER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                 LE JUGE NOËL

LA JUGE SHARLOW

 


Date : 20070209

Dossiers : A-434-05

A-435-05

 

Référence : 2007 CAF 38

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LA JUGE SHARLOW

                        LE JUGE RYER

Dossier : A-434-05

ENTRE :

TRI PACIFIC GAS CORPORATION

appelante

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

Dossier : A-435-05

ENTRE :

RAY ROTH

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE RYER

INTRODUCTION

[1]               Il s’agit d’appels interjetés contre deux décisions du juge Bell de la Cour canadienne de l’impôt (2005 CCI 484) rejetant une déduction de 363 552 $ réclamée par l’appelante, Tri Pacific Gas Corporation (Tri Pacific), pour l’année d’imposition se terminant le 31 mars 1998, et confirmant qu’un montant de 371 726 $ s’ajoute au revenu de l’appelant, Ray Roth (Roth), à titre d’avantage conféré à un actionnaire pour l’année d’imposition 1998.

 

[2]               Les appels ont été réunis par une ordonnance de la Cour, en date du 27 janvier 2006, et l’appel de Tri Pacific (A-434-05) a été désigné l’appel principal. Les présents motifs seront déposés dans le dossier A-434-05, et une copie de ceux-ci sera déposée dans le dossier A-435-05.

 

LES FAITS

[3]               M. Roth est une personne qui possède une très vaste expérience dans l’industrie pétrolière. Il travaillait pour une société non résidente qui participait à la construction d’un système de gaz naturel liquéfié (GNL), propriété de la société pétrolière et gazière publique indonésienne (Pertamina). À la fin de cet emploi, en 1978, M. Roth a conclu une entente avec Pertamina pour faire la promotion d’un autre projet de GNL en Indonésie (le projet de GNL de Pertamina), projet dans lequel il prétend avoir engagé divers frais. Il dit aussi qu’il a engagé certains frais d’ingénierie et de conception, lesquels étaient liés à un autre projet qui comportait des opérations de forage sur la côte est du Kalimantan de l’Est en Indonésie (le projet de forage au Kalimantan de l’Est). M. Roth soutient que, en liaison avec ces deux projets, il a engagé des frais pour un montant total de 371 726 $ entre avril 1978 et la fin de 1981. Il dit qu’il aurait été remboursé par les autres parties à de telles ententes si ces projets s’étaient concrétisés, mais tel n’a pas été le cas. À la fin de 1981, M. Roth est revenu s’établir au Canada et a accepté un emploi auprès d’une société établie à Edmonton.

[4]               À la fin de 1991, Tri Pacific a été constituée en personne morale, au départ sous un autre nom, par M. Roth et M. Ron Cripps, actionnaires à parts égales. Tri Pacific a été créée pour tirer parti d’un intérêt potentiel d’un groupe asiatique dans un nouveau projet de GNL, lequel devait produire du GNL sur la côte ouest du Canada en vue de son expédition par bateau dans le Sud-Est asiatique.

 

[5]               Les états financiers de Tri Pacific, en date du 31 mars 1993, montrent un actif appelé [traduction] « frais d’élaboration préalable » au montant de 455 353,60 $ et un élément de passif appelé [traduction] « prêts payables » au montant de 540 000 $. Ces deux montants comprennent les frais de 371,726 $ que M. Roth a dit avoir engagés dans le cadre du projet de GNL de Pertamina et du projet de forage au Kalimantan de l’Est. Les deux montants ont été consignés par écriture de journal dans les états financiers de Tri Pacific en juin 1992.

 

[6]               En ce qui concerne l’élément de passif de l’écriture de journal de 1992, M. Roth a témoigné qu’un billet à ordre a été préparé et paraphé, mais qu’il ne l’a pas signé. Ce document n’a pas été produit en preuve. Aucun autre document n’a été produit pour étayer l’écriture de journal. M. Roth a témoigné que, à un certain moment, il avait des reçus pour justifier tous ses frais, mais qu’ils ont été transmis aux comptables de Tri Pacific, et qu’il n’a pu les retracer malgré ses recherches.

 

[7]               En novembre 1994, BAS Ventures Inc. (BAS Ventures), délégué et mandataire d’un certain nombre de personnes (dont Tri Pacific), et Capital Projects Group Inc. ont conclu une entente de coentreprise (la coentreprise Pac-Rim) pour évaluer la faisabilité de la construction des installations de GNL à Kitimat (Colombie-Britannique) (le projet de GNL de Kitimat) en vue de l’exportation de GNL dans le Sud-Est asiatique. À peu près au même moment, la coentreprise Pac-Rim a conclu une entente de gestion avec Tri Pacific pour obtenir des services de gestion et, tout particulièrement, les services à plein temps de M. Roth pour évaluer la faisabilité du projet de GNL de Kitimat. L’entente de gestion reconnaissait que Tri Pacific avait engagé certains [traduction] « frais non incorporables antérieurs se chiffrant à 371 146 $ », et que ceux-ci devraient être versés à Tri Pacific dans la mesure où le projet de GNL de Kitimat atteignait certains sous-objectifs.

 

[8]               En 1997, la participation de BAS Ventures dans la coentreprise Pac-Rim a été vendue à Pac-Rim LNG Inc., Bechtel Enterprises International, Ltd., Phillips Petroleum Canada Ltd. et Daewoo Corporation. L’entente spécifiait que [traduction] « la participation financière achetée » était un titre participatif indivis de 5 % dans la coentreprise Pac-Rim, laquelle était liée au projet de GNL de Kitimat. Le prix d’achat de « la participation financière achetée » était de 4,5 millions de dollars, dont 1 million de dollars américains a été versé et dont le solde – y compris un montant auquel on se rapporte comme étant un remboursement de certains frais d’élaboration engagés par le vendeur – n’a jamais été payé parce qu’il était subordonné à la réalisation d’un sous-objectif financier qui n’a jamais été atteint. En conséquence de cette vente, Tri Pacific a reçu un paiement de 586 601,20 $ comme part du prix d’achat.

 

[9]               En calculant son revenu pour l’année d’imposition 1988, Tri Pacific a inclus, à titre de revenu ordinaire, la somme de 586 601,20 $, et a réclamé une déduction, sur la base de « frais d’élaboration préalable » au montant de 474 326 $. S’agissant de cette déduction, le ministre, en établissant une nouvelle cotisation, a permis une déduction de 110 774 $ et a refusé le solde de 363 552 $ au motif que cette portion des « frais d’élaboration préalable » n’avait pas été engagée par Tri Pacific.

 

[10]           En 1998, Tri-Pacific a fait un paiement comportant un excédent de 500 000 $ à M. Roth. Il n’a cependant ajouté aucun montant de cette somme dans le calcul de son revenu pour cette année d’imposition au motif que le montant reçu n’était que le remboursement de ce que Tri Pacific lui devait. Lors de l’établissement de la nouvelle cotisation, le ministre a inclus 371 726 $ de ce paiement dans le calcul de son revenu pour l’année d’imposition 1998 à titre d’avantage conféré à un actionnaire par application du paragraphe 15(1) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch. I (5e suppl.) (la LIR).

 

[11]           Tri Pacific et M. Roth ont tous deux interjeté appel de leurs nouvelles cotisations respectives, et leurs affaires ont été portées devant le juge Bell de la Cour de l’impôt pour décision.

 

DÉCISION DE LA COUR DE L’IMPÔT

[12]           Le juge Bell a rejeté les deux appels. Il a conclu que Tri Pacific n’avait pas le droit de déduire les 363 552 $ à titre de « frais d’élaboration antérieure », puisque ce montant correspondait à des frais qui ont été engagés par M. Roth avant 1982, et non par Tri Pacific. Le juge Bell a ajouté que le montant de 363 552 $ ne correspondait pas au coût d’un quelconque bien transféré à Tri Pacific par M. Roth au moment de l’écriture de journal de 1992. Il a conclu qu’aucun document n’avait été présenté en preuve pour étayer un tel transfert, et que ce que savait M. Roth n’avait pas été consigné par écrit ou sous forme électronique. Cela l’a amené à conclure que ce que possédait M. Roth était essentiellement des renseignements, des idées, des connaissances ou un savoir-faire qui ne lui étaient en rien exclusifs.

 

[13]           En se fondant sur l’arrêt de la Cour dans Manrell c. R. 2003, CAF 126, le juge Bell a conclu que, en droit, peu importe ce qu’a pu posséder M. Roth, cela ne constituait pas un bien au sens de ce terme dans la LIR. En arrivant à cette conclusion, le juge Bell a mis l’accent sur le fait que le savoir-faire que possédait M. Roth ne lui était pas exclusif, et que ce même savoir-faire n’avait pas été officialisé sous une forme marchande par opposition à celui qui a fait l’objet de la vente à Pac-Rim LNG Inc., Bechtel Enterprises International, Ltd., Phillips Petroleum Canada Ltd. et Daewoo Corporation, laquelle vente a eu lieu en 1997. À cet égard, l’avocat de Tri Pacific a avisé la Cour que ce qui avait été vendu en 1997 était en fait [traduction] « des études économiques, des modèles, des études d’ingénierie, de l’expertise et du savoir-faire ».

 

[14]           Le juge Bell a conclu que l’écriture de journal de 1992 n’octroyait pas à M. Roth le droit exécutoire de recevoir 371 726 $ de Tri Pacific parce que le censé transfert de propriété, qui aurait donné lieu à l’obligation de Tri Pacific de payer ce montant, était nul en droit. Il a aussi conclu que le billet à ordre, qui a été paraphé sans avoir été signé, n’était pas exécutoire. Vu l’absence de droit exécutoire au remboursement d’une obligation due à M. Roth par Tri Pacific, le juge Bell a conclu que le paiement de 371 726 $ par celle-ci constituait un avantage conféré à un actionnaire rendant valide la nouvelle cotisation de M. Roth, par application du paragraphe 15(1) de la LIR.

 

ANALYSE ET DÉCISION

[15]           Les appelants ont soutenu que le juge Bell a commis plusieurs erreurs de droit dans sa décision, mais la principale question sous-jacente à leurs affirmations était de savoir si un bien quelconque avait été transféré par M. Roth à Tri Pacific. Cette question a été plus amplement affinée lorsque l’avocat des appelants a reconnu, à l’audience, que le billet à ordre paraphé mais non signé était nul en droit, et que seul le savoir-faire avait fait l’objet du transfert allégué. Selon l’appelant, le juge Bell a commis une erreur en ne concluant pas que l’écriture de journal de 1992 a eu l’effet de reconnaître le transfert de savoir-faire à Tri Pacific par M. Roth et l’obligation juridique de celle-ci de payer la somme de 371 726 $ en conséquence d’un tel transfert.

 

[16]           À mon avis, le juge Bell a eu raison de conclure que, à des fins d’imposition, le « savoir-faire » de M. Roth n’était pas un bien pouvant être transféré par celui-ci ou acquis par Tri Pacific et que, en conséquence, l’obligation comprise dans l’écriture de journal de 1992 ne pouvait être considérée comme créant ou octroyant un droit exécutoire à M. Roth d’être payé 371 726 $ pour défrayer le coût d’un bien acquis par Tri Pacific.

 

[17]           Les conséquences inévitables de ces conclusions sont :

a)      que Tri Pacific ne pouvait réclamer une déduction du coût de tout bien acquis de M. Roth ou une déduction en liaison avec un tel bien, et donc que la décision du juge Bell de refuser la déduction de 363 522 $, qui a été réclamée par Tri Pacific en calculant son revenu aux fins de son année d’imposition 1998, était fondée;

b)      que M. Roth ne pouvait prétendre que la réception de la somme de 371 726 $ de Tri Pacific en 1998 constituait le remboursement du montant qui lui était dû par celle-ci, et donc que la décision du juge Bell de confirmer l’inclusion de la somme de 371 726 $ dans le revenu de 1998 de M. Roth, par application du paragraphe 15(1) de la LIR, était fondée.

 

[18]           Les appelants ont aussi avancé d’autres arguments, mais il n’y a pas lieu de les examiner. Compte tenu de la conclusion portant que Tri Pacific n’a pas acquis de biens de M. Roth, et n’a pas contracté de dette envers celui-ci, ces arguments additionnels ne sont pas recevables.

 

[19]           Pour ces motifs, je rejetterais les deux appels avec dépens.

 

 

 

« C. Michael Ryer »

Juge

 

 

« Je souscris aux présents motifs

Marc Noël, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs

K. Sharlow, juge »

 

 

Traduction certifiée conforme

Évelyne Côté, LL.B., dipl.trad.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :                                                  A-434-05 / A435-05

 

INTITULÉ :                                                   TRI PACIFIC GAS CORPORATION c. HMTQ /

                                                                        RAY ROTH c. SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 24 JANVIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE RYER

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE NOËL

                                                                                    LA JUGE SHARLOW

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 9 FÉVRIER 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

James Dunphy

Jonathan D. Warren

POUR L’APPELANTE

 

 

George F. Body

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Warren Tettensor Amantea, s.r.l.

Calgary (Alberta)

 

POUR L’APPELANTE

 

John H. Sims, c.r.

Ministère de la Justice

 

POUR L’INTIMÉE

 

 

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