Décisions de la Cour d'appel fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20070205

Dossier : A-248-05

Référence : 2007 CAF 32

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

SUZANNE BOUDREAU

demanderesse

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

 

 

Audience tenue à Ottawa (Ontario), le 17 janvier 2007

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 5 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                             LE JUGE PELLETIER

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                                LE JUGE NOËL

LE JUGE SEXTON

 

 

 


 

 

Date : 20070205

Dossier : A-248-05

Référence : 2007 CAF 32

 

CORAM :      LE JUGE NOËL

                        LE JUGE SEXTON

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

SUZANNE BOUDREAU

demanderesse

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeurs

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE PELLETIER

INTRODUCTION

[1]               La présente affaire est une suite à Boudreau c. Ministre du Revenu national et Procureur général du Canada, 2005 CAF 304, [2005] A.C.F. no 1551, dans laquelle la Cour a statué que Mme  Boudreau avait qualité pour agir en vertu du paragraphe 147.1(13) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) (la Loi) pour contester le choix par le ministre du Revenu national de la date du retrait de l’agrément du régime de pension de Cryptic Web Technology Security Inc. (Cryptic Web) en vertu de la Loi. Au même moment, la Cour a suspendu la demande de Mme Boudreau jusqu’à ce qu’un avis de retrait soit réellement publié parce que, au moment de la demande, le ministre avait simplement donné avis de son intention de retirer l’agrément. L’avis de retrait a maintenant non seulement été publié et l’agrément du régime de pension de Cryptic Web retiré, mais l’appel à l’encontre de ce retrait a été rejeté. Mme Boudreau demande maintenant à la Cour d’ordonner que la date d’entrée en vigueur du retrait ne soit pas la date précisée dans l’avis de retrait du ministre. Pour les motifs qui suivent, je rejetterais la demande.

 

CONTEXTE

[2]               Les faits qui donnent lieu à ce litige peuvent être énoncés brièvement. La présente demande découle d’un projet exploité par certaines personnes en vertu duquel des fonctionnaires recevaient une importante prime dans leur compte de pension s’ils quittaient la fonction publique et transféraient leur pension à un régime de pension contrôlé par ces personnes. Un de ces régimes était le régime de pension de Cryptic Web (le régime). Pour les fins des présents motifs, il n’est pas nécessaire de comprendre le mécanisme en vertu duquel cette prime était accordée. Qu’il suffise de dire qu’elle était une caractéristique de l’accord réciproque de transfert (ART) établi entre chacun de ces régimes et le Conseil du Trésor. Ces accords, qui sont négociés entre des employeurs privés et l’administration fédérale, prévoient la transférabilité des régimes de pension entre l’employeur et la fonction publique.

 

[3]               Pour que ce projet puisse fonctionner, il devait y avoir trois facteurs. Le premier était l’ART, qui produisait la prime qui incitait les fonctionnaires à participer au projet et à même laquelle les promoteurs du projet se payaient d’importants honoraires. En vertu du deuxième facteur, le régime devait être un régime de pension agréé, afin que le transfert de la Caisse de retraite de la fonction publique (la Caisse) vers le régime puisse avoir lieu sans incidence fiscale pour le fonctionnaire. Le troisième facteur découlait du deuxième. Les fonctionnaires qui quittaient leur emploi et transféraient leur pension dans le régime (les anciens fonctionnaires) devaient devenir des employés de Cryptic Web, puisque, selon une condition de l’agrément du régime en vertu de la Loi, le régime devait verser des prestations de retraite aux employés.

 

[4]               À la suite de la plainte d’un fonctionnaire, la Gendarmerie royale du Canada a entrepris une enquête sur ces régimes, y compris Cryptic Web et ses dirigeants. Voir le dossier du défendeur, volume 1, à la page 224. Les résultats de l’enquête ont été communiqués à l’Agence du revenu du Canada (ARC). L’ARC a été informée que des anciens fonctionnaires étaient inscrits au régime de pension de Cryptic Web sans devenir des employés de Cryptic Web. Cryptic Web disait aux anciens fonctionnaires qu’ils avaient la responsabilité de se trouver un genre de contrat rémunérateur dont la facturation devait être effectuée par l’intermédiaire de Cryptic Web. Sauf une ou deux exceptions possibles, notamment Mme Boudreau, Cryptic Web ne fournissait pas de travail à ses « employés », ne les payait pas avec son propre argent et n’exerçait aucun contrôle quel qu’il soit en ce qui a trait au travail qu’ils effectuaient. Par ailleurs, Cryptic Web versait des retenues à la source à l’égard des montants qui lui passaient entre les mains à titre de « salaire » payé aux anciens fonctionnaires et, dans la plupart des cas, remettait un relevé d’emploi lorsqu’ils mettaient fin à leur relation avec la société. De l’avis de l’ARC, ces mesures avaient simplement pour objectif de fournir une apparence d’emploi. Elles ne constituaient pas une indication d’une relation d’emploi légitime.

 

[5]               S’appuyant sur ces renseignements, l’ARC a conclu que le régime ne répondait pas aux critères du principal objet énoncé à l’alinéa 8502a) du Règlement de l’impôt sur le revenu :

8502. Pour l’application de l’article 8501, les conditions suivantes s’appliquent aux régimes de pension :

 

8502. For the purposes of section 8501, the following conditions are applicable in respect of a pension plan:

 

a) le principal objet du régime consiste à prévoir le versement périodique de montants à des particuliers, après leur retraite et jusqu’à leur décès, pour les services qu’ils ont accomplis à titre d’employés;

 

(a) the primary purpose of the plan is to provide periodic payments to individuals after retirement and until death in respect of their service as employees;

 

[…]

[…]

 

 

[6]               Selon l’avis de l’ARC, le régime était mis sur pied dans le cadre d’un projet visant à obtenir le paiement de montants qui n’auraient pas été payables autrement à même la Caisse. Voir le dossier de la demanderesse, volume 1, à la page 12.

 

[7]               Le 16 octobre 2003, un fonctionnaire de l’ARC, agissant comme représentant du ministre, a écrit à M. MacGillivary, président de Cryptic Web, pour l’informer de l’intention du ministre de retirer l’agrément du régime de pension de Cryptic Web en vertu du paragraphe 147.1(11) de la Loi. La lettre énonçait les motifs de retrait comme suit :

[traduction]

Comme nous l’avons indiqué dans les lettres du 28 mars 2002, du 16 juillet 2003 et du 14 août 2003, nous sommes d’avis que le régime de pension mis sur pied par Cryptic Web Information Technology Security Inc. a été établi pour servir de véhicule pour obtenir des fonds du CPRFP [Compte de pension de retraite de la fonction publique] et qu’il devait y avoir apparence d’une relation employeur-employé pour légitimer l’agrément du régime, facilitant ainsi le transfert de montants du CPRFP plus élevés que ce que les participants au CPRFP auraient autrement dû recevoir au moment de leur départ.

 

Le ministre a l’intention de retirer l’agrément du régime à compter du 1er janvier 1996 pour les raisons suivantes :

 

Le régime ne semble pas se conformer aux conditions d’agrément réglementaires énoncées au paragraphe 8501(1) du Règlement de l’impôt sur le revenu (le Règlement). Plus précisément, une condition de l’agrément exige que le régime se conforme à l’alinéa 8502a) du Règlement. Le libellé de l’alinéa 8502a) du Règlement est très clair : le principal objet du régime doit consister à prévoir le versement de prestations de retraite pour les services accomplis à titre d’employés. Par conséquent, un régime de pension ne sera admissible à l’agrément que s’il prévoit, comme objet principal clair, le versement de prestations de retraite pour les services accomplis à titre d’employés.

 

[8]               Cryptic Web a interjeté appel de l’avis d’intention de retirer l’agrément donné le 16 octobre 2003, mais son appel a été ultimement rejeté pour omission de poursuivre. Voir le dossier du défendeur, volume 3, onglet 9.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES

[9]               Le pouvoir du ministre de retirer l’agrément d’un régime de pension se trouve au paragraphe 147.1(11) de la Loi :

147.1(11) Lorsque l’une des situations suivantes se produit après que le ministre a agréé un régime de pension :

 

147.1(11) Where, at any time after a pension plan has been registered by the Minister,

 

a) le régime n’est pas conforme aux conditions d’agrément réglementaires;

 

a) the plan does not comply with the prescribed conditions for registration, 

 

b) le régime n’est pas géré tel qu’il est agréé;

 

b) the plan is not administered in accordance with the terms of the plan as registered, 

 

c) l’agrément du régime peut être retiré;

 

c) the plan becomes a revocable plan, 

 

d) une condition (y compris une condition applicable de façon générale aux régimes de pension agréés en général ou à une catégorie de régimes et une condition imposée pour la première fois avant 1989) que le ministre a imposée au régime par écrit n’est pas respectée;

 

d) a condition imposed by the Minister in writing and applicable with respect to the plan (including a condition applicable generally to registered pension plans or a class of such plans and a condition first imposed before 1989) is not complied with, 

 

e) une des exigences énoncées aux paragraphes (6) ou (7) n’est pas respectée;

 

e) a requirement under subsection (6) or (7) is not complied with, 

 

f) des prestations sont payées par le régime ou des cotisations y sont versées contrairement au paragraphe (10);

 

f) a benefit is paid by the plan, or a contribution is made to the plan, contrary to subsection (10), 

 

g) l’administrateur ne présente pas de déclaration de renseignements ou de rapport actuariel concernant le régime ou un participant à celui‑ci selon les modalités réglementaires de temps ou autres;

 

g) the administrator of the plan fails to file an information return or actuarial report relating to the plan or to a member of the plan as and when required by regulation,

 

h) un employeur participant ne présente pas de déclaration de renseignements concernant le régime ou un participant à celui-ci selon les modalités réglementaires de temps ou autres;

 

h) a participating employer fails to file an  information return relating to the plan or to a member of  the plan as and when required by regulation, or 

 

i) l’agrément du régime aux termes de la Loi de 1985 sur les normes de prestation de pension ou d’une loi provinciale semblable est refusé ou retiré,

 

i) registration of the plan under the Pension Benefits Standards Act, 1985 or a similar law of a province is refused or revoked,

 

le ministre peut informer l’administrateur du régime par avis -- appelé « avis d’intention » au présent paragraphe et au paragraphe (12) --, envoyé en recommandé, qu’il entend retirer l’agrément du régime à la date précisée dans l’avis d’intention, qui ne peut être antérieure aux dates suivantes :

 

the Minister may give notice (in this subsection and subsection 147.1(12) referred to as a "notice of intent") by registered mail to the plan administrator that the Minister proposes to revoke the registration of  the plan as of a date specified in the notice of intent, which date shall not be earlier than the date as of which, 

 

j) si l’alinéa a) s’applique, la date où le régime cesse d’être conforme;

 

j) where paragraph 147.1.(11)(a) applies, the plan failed to so comply, 

 

k) si l’alinéa b) s’applique, la date où le régime n’est plus géré tel qu’il est agréé;

 

k) where paragraph 147.1.(11)(b) applies, the plan was not administered in accordance with its terms as registered,

 

l) si l’alinéa c) s’applique, la date où l’agrément du régime peut être retiré;

 

l) where paragraph 147.1.(11)(c) applies, the plan became a revocable plan, 

 

m) si l’alinéa d) ou e) s’applique, la date où la condition ou l’exigence n’est plus respectée;

 

m) where paragraph 147.1.(11)(d) or 147.1.(11)(e) applies, the condition or requirement was not complied with,

 

n) si l’alinéa f) s’applique, la date où les paiements ou versements ont été effectués;

 

n) where paragraph 147.1.(11)(f) applies, the benefit was paid or the contribution was made,

 

o) si l’alinéa g) ou h) s’applique, la date fixée pour la présentation;

 

o) where paragraph 147.1.(11)(g) or 147.1.(11)(h) applies, the information return or actuarial report was required to be filed, and

 

p) si l’alinéa i) s’applique, la date du refus ou du retrait.

 

p) where paragraph 147.1.(11)(i) applies, the registration referred to in that paragraph was refused or revoked.

 

 

[10]           L’employeur et l’administrateur ont le droit d’interjeter appel à la Cour de l’intention du ministre de retirer l’agrément du régime de pension :

172.(3) Lorsque le ministre :
 
172.(3) Where the Minister 
 
[…]
 
[…]
 

f) refuse d’agréer un régime de pension, pour l’application de la présente loi, ou envoie à l’administrateur d’un régime de pension agréé l’avis d’intention prévu au paragraphe 147.1(11), selon lequel il entend retirer l’agrément du régime;

 

f) refuses to register for the purposes of this Act any pension plan or gives notice under subsection 147.1(11) to the administrator of a registered pension plan that the Minister proposes to revoke its registration, 
 

l’administrateur du régime ou l’employeur qui participe au régime, dans une situation visée aux alinéas f)… peuvent interjeter appel à la Cour d’appel fédérale de cette décision ou de la signification de cet avis.

 
…the administrator of the plan or an employer who participates in the plan, in a case described in paragraph 172(3)(f) … may appeal from the Minister’s decision, or from the giving of the notice by the Minister, to the Federal Court of Appeal.
 
 

Il convient de noter que les participants au régime de pension n’ont pas de droit d’appel.

 

[11]           Mme Boudreau a présenté sa demande en vertu du paragraphe 147.1(13), qui est rédigé comme suit :

147.1(13) L’agrément d’un régime de pension agréé est retiré à compter de la date précisée dans l’avis de retrait, sauf ordonnance contraire de la Cour d’appel fédérale ou de l’un de ses juges sur demande formulée avant qu’il ne soit statué sur tout appel interjeté selon le paragraphe 172(3).

 

147.1(13) Where the Minister gives a notice of revocation to the administrator of a registered pension plan, the registration of the plan is revoked as of the date specified in the notice of revocation, unless the Federal Court of Appeal or a judge thereof, on application made at any time before the determination of an appeal pursuant to subsection 172(3), orders otherwise.

 

 

ANALYSE

[12]           Les questions en litige en l’espèce ont été grandement simplifiées par la décision antérieure de la Cour qui a reconnu que Mme Boudreau avait qualité pour présenter la présente demande en vertu du paragraphe 147.1(13) de la Loi, mais que cette disposition limitait sa contestation à la question de la date du retrait de l’agrément. En conséquence, nous n’avons pas à nous prononcer sur la question de la légalité du retrait de l’agrément du régime.

 

[13]           Mme Boudreau conteste la rétroactivité du retrait décidé par le ministre au motif de la présomption à l’encontre de la rétroactivité. Elle soulève de plus deux arguments de fond pour appuyer l’allégation selon laquelle l’ARC a erré en retirant l’agrément du régime à compter du 1er janvier 1996, qui est également la date d’entrée en vigueur de l’agrément du régime. Selon elle, parce que l’ARC n’a pas accordé aux anciens fonctionnaires l’occasion d’être entendus avant de retirer l’agrément du régime, le ministre a manqué à son obligation d’équité procédurale. Par conséquent, le prétendu retrait à compter du 1er janvier 1996 est nul, de sorte que le retrait prend effet uniquement à compter de la date à laquelle le ministre a donné l’avis de retrait de l’agrément, soit le 24 avril 2006. Toutefois, si l’ARC peut retirer un agrément à compter d’une date antérieure, elle indique alors que la date appropriée est la date à laquelle le régime est tout d’abord devenu non conforme. À son avis, cette date est la date à laquelle le premier ancien fonctionnaire a participé au régime, soit le 9 février 1998.

 

[14]           Il ressort du libellé du paragraphe 147.1(11) que la Loi vise le retrait de l’agrément d’un régime à compter d’une date qui précède la date de l’avis d’intention de retirer l’agrément. La date de retrait est liée à l’événement qui a donné lieu au retrait, lequel doit nécessairement avoir eu lieu avant que le ministre fasse part de son intention de retirer l’agrément du régime. Ainsi, rien n’appuie l’argument de Mme Boudreau selon lequel le ministre n’a pas le droit de retirer l’agrément d’un régime de pension de manière rétroactive.

 

[15]           Selon le principal argument de Mme Boudreau en faveur d’une date de retrait plus tardive, la décision n’a pas été prise conformément aux exigences de la justice naturelle, car les participants au régime n’ont pas été consultés. Mme Boudreau s’appuie sur l’arrêt de la Cour suprême du Canada dans Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, pour étayer la proposition selon laquelle les anciens fonctionnaires avaient le droit d’être entendus sur la question de la date du retrait parce que la décision touchait leurs intérêts personnels.

 

[16]           L’argument de Mme Boudreau ne tient pas compte du fait que le législateur a précisé qui doit recevoir l’avis du ministre de son intention de retirer l’agrément d’un régime. En substance, Mme Boudreau prétend que la conformité aux exigences en matière d’avis énoncées dans la Loi ne suffit pas pour garantir l’équité procédurale, de sorte qu’une décision prise en respectant pleinement ces exigences pourrait quand même faire l’objet d’un contrôle au motif d’équité procédurale. S’il existe de la jurisprudence à l’égard de cette proposition, elle ne nous a pas été présentée.

 

[17]           C’est précisément parce que la Loi ne prévoit pas que les participants à un régime ont le droit d’être entendus par le ministre en vertu du paragraphe 147.1(11) que la Cour a conclu qu’ils avaient un droit d’être entendus par la Cour en vertu du paragraphe 147.1(13). L’argument concernant l’équité procédurale ne peut être accueilli.

 

[18]           Selon le deuxième argument de Mme Boudreau, en vertu de l’alinéa 147.1(11)j), le ministre peut uniquement retirer l’agrément du régime à compter de la date à laquelle il est devenu non conforme, laquelle date, à son avis, ne peut être antérieure à l’inscription du premier non-employé. Une modification du régime de pension présentée le 24 juillet 1998 indique que le premier ancien fonctionnaire est inscrit comme ayant commencé à participer au régime le 9 février 1998. Voir le dossier du défendeur, volume 1, à la page 96.

 

[19]           Quelle que soit l’utilité pratique d’un tel argument pour les anciens fonctionnaires, tels que Mme Boudreau, qui se sont inscrits ultérieurement, cet argument ne tient pas compte de la position du ministre selon laquelle le régime ne pouvait pas être agréé dès sa création parce qu’il n’a jamais été destiné à prévoir le versement de prestations de retraite aux employés de Cryptic Web. Le fait que le recrutement du premier ancien fonctionnaire a pris du temps n’a pas d’incidence sur la décision du ministre en ce qui a trait à l’objet de la création du régime.

 

[20]           Afin de déterminer que le régime pouvait être agréé et que, par conséquent, le ministre a choisi la mauvaise date de retrait, Mme Boudreau serait tenue de montrer que le plan respectait dès le départ le critère de l’objet principal, mais que, quelque temps plus tard, ce dernier a changé. Mme Boudreau cherche à contrer cet argument en faisant valoir que les régimes de pension ont un objet légal, qui est énoncé dans les lois sur les prestations de retraite des différentes provinces. Le respect de cet objet est démontré par l’agrément du régime en vertu de la loi provinciale. Mme Boudreau soutient que l’ARC ne peut passer sous silence l’intention légale pour s’en tenir aux motifs des promoteurs d’un régime pour admettre ou contester l’objet légal.

 

[21]           À titre d’exemple, en vertu de la Loi sur les régimes de retraite de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. P.8, l’article 1 définit un régime de retraite comme un « [r]égime organisé et administré pour fournir des pensions à des employés … » sous réserve de certaines exceptions qui ne sont pas importantes en l’espèce. Selon Mme Boudreau, l’agrément d’un régime en vertu d’une loi provinciale est une preuve de conformité avec l’objet légal, un fait que l’ARC ne peut écarter.

 

[22]           Cet argument confond la forme avec le fond. La question de l’objet du régime est une question de fait. Voir Loba Ltd. c. Canada (Ministre du Revenu national), 2004 CAF 342, [2004] A.C.F. no 1678, au paragraphe 2. Quels objectifs les promoteurs du régime avaient-ils à l’esprit lorsqu’ils l’ont établi? Voilà l’objectif pertinent. S’appuyant sur les renseignements dont il disposait, le ministre a conclu que le régime avait été établi dans le but de faciliter les transferts de pension, dans le cadre d’un projet pour inciter le gouvernement à payer des primes importantes dans les comptes de pension des fonctionnaires qui partaient. Mme Boudreau n’a présenté aucun élément de preuve qui réfuterait la position du ministre, pas plus qu’elle n’a ébranlé le fondement factuel sur lequel la preuve repose. Par conséquent, il n’existe aucun fondement en vertu duquel la Cour pourrait conclure que le ministre a erré en désignant la date de création du régime comme la date appropriée de retrait de l’agrément.

 

[23]           Avant de conclure, je crois qu’il est utile d’ajouter la précision suivante. Mme Boudreau n’est qu’une ancienne fonctionnaire parmi d’autres. Elle ne présente pas sa demande en qualité de représentante. Il me semble que si une ordonnance devait être rendue en vertu du paragraphe 147.1(13), ce devrait être au nom de tous les participants au régime touchés par la décision concernant le retrait. La Cour ne peut modifier la décision du ministre au motif de l’inconvénient que subit le premier demandeur à se présenter devant la cour, sans égard aux intérêts des autres touchés par la même décision.

 

[24]           Selon Mme Boudreau, il existe en l’espèce une seule date qui conviendrait bien à tous les anciens fonctionnaires, soit la date à laquelle l’avis de retrait a été réellement donné parce qu’elle leur éviterait le risque d’incidences fiscales défavorables. C’est peut-être le cas en l’espèce, mais cela ne change pas le principe selon lequel la Cour devrait examiner ces demandes.

 

CONCLUSION

[25]           Je rejetterais donc la demande, avec dépens.

 

 

« J.D. Denis Pelletier »

j.c.a.

 

« Je souscris aux présents motifs

     Marc Noël, j.c.a. »

 

« Je souscris aux présents motifs

     J. Edgar Sexton, j.c.a. »

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                      A-248-05

 

 

INTITULÉ :                                                    Suzanne Boudreau

                                                                         c.

                                                                         LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL,

                                                                         LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                              Ottawa (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                            LE 17 JANVIER 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                          LE JUGE PELLETIER

 

Y ONT SOUSCRIT :                                      LE JUGE NOËL

                                                                         LE JUGE SEXTON

 

DATE DES MOTIFS :                                   LE 5 FÉVRIER 2007

 

 

COMPARUTIONS :

Suzanne Gouin-Boudreau

 

POUR LA DEMANDERESSE

(pour son propre compte)

Roger Leclaire

Justine Malone

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Suzanne Gouin-Boudreau

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

(pour son propre compte)

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.