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Date : 20070122

Dossier : A-117-06

Référence : 2007 CAF 56

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

DARSHAN NURSERIES INC., NIRMALJIT KAUR RANDHAWA ET

PARMINDER KAUR RANDHAWA

appelantes

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

Audience tenue à Vancouver (Colombie-Britannique), le 18 janvier 2007

Jugement rendu à Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                   LE JUGE EVANS

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                 LE JUGE LÉTOURNEAU

LE JUGE MALONE

 


 

Date : 20070122

Dossier : A-117-06

Référence : 2007 CAF 56

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

DARSHAN NURSERIES INC., NIRMALJIT KAUR RANDHAWA ET

PARMINDER KAUR RANDHAWA

appelantes

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

LE JUGE EVANS

[1]               Il s’agit de l’appel interjeté par deux employées, Nirmaljit Kaur Randhawa (Nirmaljit) et Parminder Kaur Randhawa (Parminder), et leur employeur, Darshan Nurseries Inc. (Nurseries), contre une décision du juge Little de la Cour canadienne de l’impôt. Par la décision contestée, le juge a rejeté les appels des appelantes contre une décision du ministre du Revenu national selon laquelle Nirmaljit et Parminder n’occupaient pas chez Nurseries un « emploi assurable » aux fins de la Loi sur l’assurance-emploi, L.C. 1996, ch. 23.

 

[2]               Les dispositions pertinentes de la Loi sont les suivantes :

(2) N’est pas un emploi assurable :

i) l’emploi dans le cadre duquel l’employeur et l’employé ont entre eux un lien de dépendance.

 

 

(3) Pour l’application de l’alinéa (2)i) :

a) la question de savoir si des personnes ont entre elles un lien de dépendance est déterminée conformément à la Loi de l’impôt sur le revenu;

b) l’employeur et l’employé, lorsqu’ils sont des personnes liées au sens de cette loi, sont réputés ne pas avoir de lien de dépendance si le ministre du Revenu national est convaincu qu’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances, notamment la rétribution versée, les modalités d’emploi ainsi que la durée, la nature et l’importance du travail accompli, qu’ils auraient conclu entre eux un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance.

2) Insurable employment does not include

 (i) employment if the employer and employee are not dealing with each other at arm’s length.

 

3) For the purposes of paragraph (2)(i),

(a) the question of whether persons are not dealing with each other at arm’s length shall be determined in accordance with the Income Tax Act; and

(b) if the employer is, within the meaning of that Act, related to the employee, they are deemed to deal with each other at arm’s length if the Minister of National Revenue is satisfied that, having regard to all the circumstances of the employment, including the remuneration paid, the terms and conditions, the duration and the nature and importance of the work performed, it is reasonable to conclude that they would have entered into a substantially similar contract of employment if they had been dealing with each other at arm’s length.

 

 

[3]               Les périodes d’emploi en cause dans le présent appel sont celles du 8 mars au 3 juillet 1999, du 7 février au 27 juillet 2000 et du 5 avril au 1er septembre 2001 en ce qui touche Nirmaljit, et du 20 mars au 7 octobre 2000 ainsi que du 7 mai au 20 octobre 2001 pour ce qui est de Parminder.

 

[4]               Durant ces périodes, Nurseries était la propriété exclusive de Darshan Randhawa (Darshan). Nirmaljit est l’épouse de Darshan. Parminder est mariée au frère de Darshan, Inderpal. Le juge Little a conclu qu’à l’époque visée par le présent appel, Nirmaljit, Inderpal et Parminder étaient employés par Nurseries en vertu de contrats de services. Cette conclusion n’est pas contestée par le ministre dans le présent appel.

 

[5]               Après avoir conclu que ces employés étaient liés à leur employeur aux fins de la Loi, le juge a estimé qu’étant donné la preuve, le ministre pouvait à bon droit n’être pas convaincu que, « compte tenu de toutes les circonstances », il était « raisonnable de conclure » que Nirmaljit et Parminder « auraient conclu […] un contrat de travail à peu près semblable s’ils n’avaient pas eu de lien de dépendance ». Comme Nirmaljit et Parminder avaient un lien de dépendance avec leur employeur, elles n’occupaient pas un emploi assurable. Cependant, le juge a accueilli l’appel d’Inderpal au motif que ce dernier avait été rétribué au moyen de billets à ordre et du transfert subséquent à son nom de 50 % des actions de Darshan dans Nurseries. 

 

[6]               L’essentiel du litige porte sur la mesure dans laquelle les employés non liés à Nurseries avaient priorité sur les appelantes pour le paiement de leur salaire. Le ministre a plaidé que, du fait que les employés non liés à l’employeur étaient payés plus régulièrement et plus rapidement que les appelantes, il n’était pas raisonnable de conclure que les employés non liés à l’employeur auraient accepté les mêmes conditions d’emploi que les appelantes. Le juge a relevé l’irrégularité et les retards avec lesquels les salaires de Nirmaljit et de Parminder étaient versés et il a conclu que les employés non liés à l’employeur avaient préséance sur les appelantes à cet égard.

 

[7]               Le présent appel est fondé sur la prétention que la conclusion du juge est erronée, compte tenu de la preuve dont il était saisi. Les appelantes expliquent notamment que Nurseries avait un grave problème de liquidités parce qu’elle ne pouvait pas vendre ses arbres et arbustes avant qu’ils aient atteint une certaine maturité, ce qui ne se produit que bien après que les employés ont accompli leur travail. La situation était aggravée par la gestion inefficace de l’entreprise par Darshan, particulièrement à une époque où la santé de ce dernier était chancelante. Il ressort de la preuve, font-elles valoir, que les employés non liés à l’employeur, qui semblent n’avoir pas été dépendants de leur salaire de Nurseries, sont demeurés fidèles à Darshan, confiants qu’ils seraient payés un jour, comme ils l’ont d’ailleurs été lorsque la situation financière de l’entreprise l’a permis.

 

[8]               Étant donné que les appelantes contestent les conclusions du juge sur des questions de fait et des questions mixtes de fait et de droit, elles doivent établir que ses conclusions sont entachées d’une erreur manifeste et dominante. Il est important de signaler à cet égard que l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt a duré six jours, durant lesquels de multiples témoins et une masse de documents, dont bon nombre concernaient les pratiques salariales de Nurseries, ont été présentés.

 

[9]               Dans ces circonstances, il est particulièrement salutaire pour un tribunal d’appel de reconnaître l’avantage dont bénéficiait le juge de la Cour canadienne de l’impôt, qui a vu et entendu les témoins et s’est absorbé dans la preuve. Il suffit que les conclusions du juge trouvent un fondement rationnel dans les faits et la preuve pour que la décision soie maintenue. Nous ne sommes pas convaincus en l’occurrence de l’absence de ce fondement rationnel.

 

[10]           Le témoin des appelantes, Hardeep Wadhawan, un commis de paye au service des comptables de Nurseries, GP Wadhawan Inc., a préparé un sommaire des feuilles de paye qui expose le revenu annuel des employés de Nurseries ainsi que les dates et les montants des chèques émis à leur nom en paiement de leurs salaires. Je suis d’avis que ces données, conjuguées à d’autres preuves documentaires plus détaillées concernant le nombre d’heures et les dates de travail des employés ainsi que les salaires qu’ils ont gagnés, étayent raisonnablement la conclusion du juge selon laquelle les appelantes étaient payées plus tard et moins régulièrement que les employés non liés à l’employeur.

 

[11]           Par exemple, le relevé des feuilles de paye (dossier d’appel, vol. 2.3, aux pages 736-741) indique (à la page 736) qu’un employé non lié à Nurseries, Manjit Mann, a reçu 6 chèques en 1999, 8 chèques en 2000 et 5 en 2001, généralement à intervalles d’environ un mois. Baljit Sidhu (à la page 737) a reçu 8 chèques en 1998, et Sarabjit Rai (à la page 739) a reçu 8 chèques en 1998, 5 chèques en 1999 et 7 en 2000.

 

[12]           En revanche, le juge a constaté que Nirmaljit avait accumulé plus de 22 000 $ de salaire durant les années d’impositions 2000 et 2001, mais n’a été payée par Nurseries qu’en mai 2002. D’après le juge, Parminder a gagné plus de 28 000 $ en 2000 et durant la première moitié de l’année 2001, mais aucun salaire ne lui a été versé avant juillet 2001 et elle n’a été entièrement payée qu’en mai 2002. L’avocat des appelantes ne conteste pas ces conclusions. De fait, il admet que contrairement aux appelantes, aucun employé non lié à l’employeur n’a dû attendre un an, voire plus, avant d’être payé.

 

[13]           L’avocat des appelantes fait remarquer que Darshan, dans son témoignage, a expliqué qu’il ne disposait pas toujours des liquidités nécessaires pour payer le travail de tous ses employés et qu’il priorisait le paiement des salaires en fonction des impératifs, sans pour autant avoir l’intention de favoriser les employés non liés à l’employeur par rapport aux appelantes. À mon avis, les intentions de l’employeur sont sans pertinence. La question est de savoir s’il est raisonnable de conclure, compte tenu de toutes les circonstances de l’emploi, notamment des retards dans le paiement du salaire aux appelantes et de la régularité du paiement de leur salaire, que les employés non liés à l’employeur auraient accepté des conditions de travail semblables. Le fait que Darshan a finalement payé tous ses employés ne porte pas atteinte à la conclusion du juge.

 

[14]           L’avocat des appelantes soutient aussi que le juge a commis une erreur lorsqu’il a déclaré, aux paragraphes 16 et 19 des motifs, que Paul Wadhawan, le comptable de Nurseries, a dit dans son témoignage que Nurseries payait les employés non liés à l’employeur avant les appelantes. L’avocat de l’intimé reconnaît que le juge a fait erreur en attribuant cette déclaration à Paul Wadawhan. Il aurait dû dire que le sommaire des feuilles de paye soumis en preuve par Hardeep Wadawhan indiquait que les employés non liés à l’employeur étaient payés plus régulièrement et avec moins de retard que les appelantes.

 

[15]           Il est malheureux que le juge ait erronément attribué au témoignage de Paul Wadawhan sa conclusion concernant le traitement des employés liés à l’employeur par rapport à celui des autres employés pour ce qui est du paiement des salaires. Il aurait certes été utile que le juge présente une analyse des sommaires de feuilles de paye, lesquels, étonnamment, n’ont pas fait l’objet de commentaires à l’instruction.

 

[16]           Néanmoins, je ne suis pas convaincu que ces failles dans les motifs justifient l’intervention de la Cour et une nouvelle instruction. La conclusion du juge sur les différences entre le traitement salarial des appelantes et celui des employés non liés à l’employeur est étayée par la preuve et justifie sa décision finale, selon laquelle il y avait suffisamment d’éléments de preuve pour permettre au ministre de n’être pas convaincu qu’il était raisonnable de conclure que les employés non liés à l’employeur auraient accepté des conditions de travail à peu près semblables à celles des appelantes.

 

[17]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel; cependant, compte tenu de l’erreur dans les motifs du juge, je n’attribuerais aucuns dépens.

 

« John M. Evans »

Juge

 

« Je souscris aux présents motifs.

            Gilles Létourneau, juge »

 

« Je souscris aux présents motifs.

            B. Malone, juge »

 

 

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

 


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    A-117-06

 

INTITULÉ :                                                   DARSHAN NURSERIES INC. ET AL.

                                                                        c. LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             VANCOUVER (COLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 18 JANVIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        LE JUGE EVANS

 

Y ONT SOUSCRIT :                                     LE JUGE LÉTOURNEAU

                                                                        LE JUGE MALONE

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 22 JANVIER 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Gregory P. Bruce                                                                     POUR LES APPELANTES

 

Stacey Michael Repas                                                              POUR L’INTIMÉ

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Gregory P. Bruce                                                                     POUR LES APPELANTES

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR L’INTIMÉ

Sous-procureur général du Canada


 

 

Date : 20070122

Dossier : A-117-06

 

Ottawa (Ontario), le 22 janvier 2007

 

CORAM :      LE JUGE LÉTOURNEAU

                        LE JUGE EVANS

                        LE JUGE MALONE

 

ENTRE :

DARSHAN NURSERIES INC., NIRMALJIT KAUR RANDHAWA ET

PARMINDER KAUR RANDHAWA

appelantes

et

LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL

intimé

 

 

 

JUGEMENT

 

            L’appel est rejeté sans frais.

 

 

« Gilles Létourneau »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.

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