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Date : 20070111

Dossier : A-263-06

Référence : 2007 CAF 16

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

LOUIS MORISSETTE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

 

Audience tenue à Montréal (Québec), le 8 janvier 2007.

Jugement rendu à Montréal (Québec), le 11 janvier 2007.

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                                                      LE JUGE NOËL

Y ONT SOUSCRIT :                                                                                           LE JUGE DÉCARY

                                                                                                                         LE JUGE PELLETIER

 


 

 

 

Date : 20070111

Dossier : A-263-06

Référence : 2007 CAF 16

 

CORAM :      LE JUGE DÉCARY

                        LE JUGE NOËL

                        LE JUGE PELLETIER

 

ENTRE :

LOUIS MORISSETTE

appelant

et

SA MAJESTÉ LA REINE

intimée

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

LE JUGE NOËL

[1]               Il s’agit d’un appel à l’encontre d’une décision rendue par la juge Lamarre Proulx de la Cour canadienne de l’impôt (2006 CCI 284), confirmant la cotisation du ministre du Revenu national (« ministre ») à l’égard de l’année 2002 de l’appelant au motif que la somme de 20 000 $ reçue lors de la cessation de son emploi, constituait une indemnité de départ imposable en tant que revenu d’emploi en vertu du paragraphe 6(3) de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, c. 1 (5e suppl.) (« LIR »).

[2]               Selon l’appelant, le paiement en question constitue plutôt la contrepartie de la vente de sa clientèle et donna lieu entre ses mains à un gain en capital.

 

Mise en contexte

[3]               L’appelant a travaillé auprès de la société Valeurs Mobilières Banque Laurentienne (« VMBL ») en tant que conseiller en placements de janvier 2000 à octobre 2002, moment auquel VMBL mit fin à cette relation pour cause de non performance. La juge Lamarre Proulx a conclu que cette relation en était une d’employeur/employé et cet aspect de sa décision n’est pas remis en question dans le cadre de l’appel.

 

[4]               L’entente qui a mis fin à l’emploi et en vertu de laquelle le paiement fut effectué (ci-après « la convention de retrait ») se lit comme suit :

 

1.      Votre emploi prendra fin le 16 octobre 2002.

 

2.        Nous vous verserons un montant de 20 000 $, moins les déductions applicables, à titre d’indemnité, plus un montant additionnel de 5 000 $ dans six (6) mois, si VMBL a conservé au moins 75% de vos actifs sous gestion.

 

3.        Les sommes qui vous sont dues en date de votre départ vous seront versées.

 

4.        Cette offre est valide jusqu’au 24 octobre 2002.

 

5.        Il est entendu et convenu que vous devrez garder les termes et conditions de cette entente complètement confidentielle et que vous ne dévoilerez pas par la suite d’informations concernant les paiements faits ou les termes et conditions de cette entente à personne, à l’exception de votre famille, conseillers légaux, comptables ou conseillers professionnels, considérant que ces derniers s’engagent à garder cette information confidentiel et à ne pas la divulguer à qui que ce soit.

 

6.        Il est entendu et convenu que vous ne solliciterez pas de façon directe ou indirecte que quelque manière que ce soit, votre clientèle et convenez qu’une telle sollicitation causerait un préjudice grave à VMBL si cet engagement n’était pas respecté. Par conséquent, nous pourrions, le cas échéant, non seulement vous réclamer des dommages-intérêts, mais également recourir à tout autre mesure judiciaire ou non, y compris le recours en injonction, pour faire respecter le présent engagement.

 

7.        Votre acceptation de la présente confirmée par votre signature, constitue une transaction totale, complète et finale de toutes réclamations ou plaintes de quelque nature que ce soit que vous avez ou pourriez avoir contre Valeurs mobilières Banque Laurentienne, ses mandataires, fiduciaires ou autres représentants incluant toute réclamations en dommage, salaire, paie de vacances, rémunération incitative, avantages sociaux, préavis, indemnité de départ, ou tout autre bénéfice relié à votre emploi avec Valeurs mobilières Banque Laurentienne et exclura tout recours judiciaire que vous pourriez avoir contre-eux. (sic)

 

8.        La présente entente constitue une transaction au sens des articles 2631 et suivants du Code civil du Québec. [Je souligne]

 

 

[5]               Les montants de 20 000 $ et de 5 000 $ dont mention est faite au paragraphe 2 de la convention de retrait furent payés en 2002 et 2003 respectivement et dans chacun des cas VMBL a émis un feuillet T4A et a prélevé les déductions à la source applicables.

 

[6]               Dans les déclarations d’impôts produites pour les deux années en question, l’appelant a déclaré les paiements comme ayant été reçus en contrepartie de la disposition de la clientèle qui était sous sa gestion dans le cadre de son emploi auprès de VMBL.

 

[7]               Le ministre a cependant considéré que les deux paiements constituaient une rémunération reçue « à titre de contrepartie totale ou partielle d’un engagement »de non-sollicitation au sens du paragraphe 6(3)e) de la LIR :

(3) La somme qu'une personne a reçue d'une autre personne:

a) soit pendant une période où le bénéficiaire était un cadre du payeur ou un employé de ce dernier;

b) soit au titre ou en paiement intégral ou partiel d'une obligation découlant d'une convention intervenue entre le payeur et le bénéficiaire immédiatement avant, pendant ou immédiatement après une période où ce bénéficiaire était un cadre du payeur ou un employé de ce dernier,

est réputée être, pour l'application de l'article 5, une rémunération des services que le bénéficiaire a rendus à titre de cadre ou pendant sa période d'emploi, sauf s'il est établi que, indépendamment de la date où a été conclue l'éventuelle convention en vertu de laquelle cette somme a été reçue ou de la forme ou des effets juridiques de cette convention, il n'est pas raisonnable de considérer cette somme comme ayant été reçue, selon le cas:

c) à titre de contrepartie totale ou partielle de l'acceptation de la charge ou de la conclusion du contrat d'emploi;

d) à titre de rémunération totale ou partielle des services rendus comme cadre ou conformément au contrat d'emploi;

e) à titre de contrepartie totale ou partielle d'un engagement prévoyant ce que le cadre ou l'employé doit faire, ou ne peut faire, avant ou après la cessation de l'emploi.

 

(3) An amount received by one person from another

(a) during a period while the payee was an officer of, or in the employment of, the payer, or

(b) on account, in lieu of payment or in satisfaction of an obligation arising out of an agreement made by the payer with the payee immediately prior to, during or immediately after a period that the payee was an officer of, or in the employment of, the payer,

shall be deemed, for the purposes of section 5, to be remuneration for the payee's services rendered as an officer or during the period of employment, unless it is established that, irrespective of when the agreement, if any, under which the amount was received was made or the form or legal effect thereof, it cannot reasonably be regarded as having been received

(c) as consideration or partial consideration for accepting the office or entering into the contract of employment,

(d) as remuneration or partial remuneration for services as an officer or under the contract of employment, or

(e) in consideration or partial consideration for a covenant with reference to what the officer or employee is, or is not, to do before or after the termination of the employment.

 

[Je souligne]

[8]               Suite à l’appel institué par l’appelant devant la Cour canadienne de l’impôt, la juge Lamarre Proulx a conclu que la somme de 20 000 $ constituait une indemnité de départ imposable à ce titre. Par contre, elle a jugé que le montant de 5 000 $ fut payé « relativement à un certain droit de l’appelant dans sa clientèle » et a accordé l’appel pour l’année 2003.

 

[9]               L’appelant en appelle de cette partie du jugement qui confirme l’imposition du montant de 20 000 $ reçu pendant son année d’imposition 2002. La couronne, malgré qu’elle se dise en désaccord avec la décision rendue à l’égard de l’année 2003 n’en a pas appelé.

[10]           Au soutien de son appel, l’appelant maintient que la juge Lamarre Proulx a manifestement erré dans l’évaluation de la preuve, laquelle, selon lui, démontre sans équivoque qu’il n’avait pas droit à une indemnité de 20 000 $ au moment où il a perdu son emploi, et que la seule justification pour le montant payé est la valeur pour VMBL de la clientèle qu’il a accepté de délaisser en vertu de la convention de retrait.

 

[11]           À cet égard, l’appelant s’en remet au témoignage du représentant de l’employeur ainsi qu’à son propre témoignage qui démontrent que les montants totalisant 25 000 $ furent calculés en fonction de la valeur des actifs qui étaient sous sa gestion (8 103 829 $) et des commissions générées par ces actifs. C’est ainsi qu’une valeur de 3 000 $ fut attribuée à chaque million d’actif qui était sous sa gestion pour en arriver au total approximatif de 25 000 $, montant qui lui fut effectivement payé en deux versements.

 

Analyse et décision

[12]           À l’instar de l’appelant, il m’est difficile de concilier la preuve présentée devant la Cour canadienne de l’impôt avec la conclusion retenue par la juge Lamarre Proulx selon laquelle la somme de 20 000 $ aurait été reçue à titre d’indemnité de départ. En effet, l’appelant ne fut à l’emploi de VMBL que pour un court laps de temps et les faibles revenus qu’il a générés ne sauraient justifier une telle indemnité.

[13]           De plus, la preuve révèle sans équivoque que c’est en fonction de la valeur des actifs que l’appelant avait sous gestion et de leur potentiel de revenu que furent calculés les montants reçus en vertu de la convention de retrait. Je me dois donc de constater que la qualification d’« indemnité de départ » qu’a donnée la juge Lamarre Proulx au montant en litige n’est pas la bonne.

 

[14]           Cependant, l’appel ne saurait pour autant réussir.

 

[15]           En effet, la présomption qui sous-tend les cotisations émises pour les années 2002 et 2003 est que les sommes versées à l’appelant constituent la contrepartie totale ou partielle de son engagement de ne pas solliciter la clientèle qui était sous sa gestion (Réponse à l’avis d’appel, par. 18f)i)). Selon l’alinéa 6(3)e), de tels montants sont réputés être des revenus d’emploi. C’est donc que pour avoir gain de cause, l’appelant devait démontrer que les montants en question ne pouvaient raisonnablement être considérés comme ayant été reçus à titre de contrepartie totale ou partielle de cet engagement.

 

[16]           Or, il s’agit là d’une démonstration qui n’est pas évidente dans le cas qui nous occupe surtout si l’on considère que l’engagement de non-sollicitation est au cœur de la convention de retrait, et qu’aucune mention n’y est faite d’une vente d’actifs. J’ajoute que le mode de calcul des montants versés en fonction de la valeur des actifs et de leur potentiel de revenu est tout à fait conforme à l’analyse qui devait être effectuée pour établir la valeur de l’engagement de non‑sollicitation contracté par l’appelant.

 

[17]           L’appelant soumet que, malgré le libellé de la convention, l’intention commune et manifeste des parties était d’effectuer une vente d’actifs. Ceci est loin d’être clair, surtout dans la perspective de l’employeur qui obtenait en vertu de la clause de non-sollicitation ce qu’il recherchait sans justement avoir à procéder à un achat d’actifs.

[18]           Il ne fait aucun doute qu’en s’engageant comme il le fit, l’appelant renonçait à la clientèle qu’il considérait être « la sienne » mais même en tenant pour acquis que les clients étaient effectivement « les siens » (la preuve ne révèle pas où se situait leur loyauté), la loi prévoit qu’un tel engagement lorsque monnayé dans le cadre d’une cessation d’emploi, donne lieu à un revenu d’emploi.

 

[19]           J’en viens donc à la conclusion que la preuve présentée devant la Cour canadienne de l’impôt ne permet pas d’écarter la présomption du ministre selon laquelle le montant en question fut versé en contrepartie totale ou partielle de l’engagement de non-sollicitation et était à ce titre imposable comme revenu d’emploi.

 

[20]           Pour ces motifs, je rejetterais l’appel mais sans dépens puisque j’en arrive à cette conclusion selon un raisonnement différent et de fait, contraire à celui retenu en première instance.

« Marc Noël »

j.c.a.

 

« Je suis d’accord »

            Robert Décary, j.c.a.

 

« Je suis d’accord »

            Denis Pelletier, j.c.a.


COUR D’APPEL FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            A-263-06

 

APPEL D’UN JUGEMENT DE L’HONORABLE JUGE LOUISE LAMARRE-PROULX DE LA COUR CANADIENNE DE L’IMPÔT

 

INTITULÉ :                                                                           LOUIS MORISSETTE

                                                                                                c.

                                                                                                SA MAJESTÉ LA REINE

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   Le 8 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                                                LE JUGE NOËL

 

Y ONT (A) SOUSCRIT :                                                       LE JUGE DÉCARY

                                                                                                LE JUGE PELLETIER

 

DATE DES MOTIFS :                                                          Le 11 janvier 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Louis Morissette

POUR LUI-MÊME

 

Me Mounes Ayadi

POUR L’INTIMÉE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Louis Morissette

Candiac (Québec)

POUR LUI-MÊME

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur general du Canada

Montréal (Québec)

POUR L’INTIMÉE

 

 

 

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